Après
Sainte-Beuve, on considère de nos jours la gloire du chansonnier avec un
certain scepticisme, avec une condescendance, forme atténué du mépris.
La qualité des textes n'est pas en rapport avec l'immense succès qu'a
rencontré Pierre-Jean de Béranger en ce premier XIXème siècle. Voilà
la conclusion à laquelle parvient le critique, trop habitué aux choses
élevées de la littérature. C'est oublier la puissance d'évocation que recèle
la chanson. D'autant plus que les thèmes développés par Béranger -
la critique du pouvoir politique et de la religion, les plaisirs de la
vie, comme la légende napoléonienne - sont alors pleinement en phase
avec les aspirations populaires.
En ces décennies où les journaux sont hors de portée de la majorité
des Français, ces airs, dus au talent de Béranger,
sont sur les bouches des Parisiens. Rédigés sur des feuilles volantes,
ils échappent à la censure royale en circulant sous le manteau. Ainsi en
est-il avec Le Roi d'Yvetot en 1813, Les Demoiselles pendant les
Cent-Jours, Le Dieu des Bonnes Gens sous le règne de
Charles X... Voici présentés quelques-uns de ces textes majeurs, comme
en témoigne l'hommage qui lui est rendu après les Trois Glorieuses. Ce
premier vent de liberté dans la capitale porte en effet l'attention du
peuple vers le chansonnier, fêté comme l'un des inspirateurs du soulèvement
populaire.
