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                                                                                Dans le Var

 

Dans le Var.



Le coup d'État et les autorités locales.



par Marc Nadaux

 






Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1851, la dépêche annonçant la dissolution de l'Assemblée nationale arrive à la préfecture du Var par le télégraphe optique. Dans la journée du lendemain, les événements parisiens dont alors affichés, conformément à la prescription du nouveau ministre de l'Intérieur, par voies d'affiches. L'émotion est considérable parmi la population. En ville ont lieu des rassemblements. Dans certains villages, les paysans ne vont pas aux champs et passent la journée à commenter l'action du Président de la République. Les autorités se préparent alors à l'affrontement avec des déploiements militaires préventifs.   








Proclamation du préfet, 4 décembre 1851.
Le département est mis en état de siège, 6 décembre 1851.
Rapport du commissaire de police de Draguignan, 6 décembre 1851.
Rapport du sous-préfet de Toulon au préfet, 7 décembre 1851. 
Proclamation du général Hecquet, 10 décembre 1851.



 





Proclamation du préfet, 4 décembre 1851.



Le préfet du Var, Gustave de Romand, vient d'être nommé dans le département de la Saône-et-Loire. Cependant, au vu des événements, une circulaire du ministre de l'Intérieur lui enjoint de demeurer à son poste. Malgré la venue prochaine de son remplaçant, de Romans est le plus à même de faire face à la menace insurrectionnelle. D'ailleurs, le nouveau gouvernement lui accorde à cette fin des pouvoirs exceptionnels. Dans les jours qui suivent, le préfet s'emploie alors  à présenter l'action de Louis-Napoléon Bonaparte sous le jour le plus favorable et à déconsidérer le mouvement républicain.  



A MM. les fonctionnaires et habitants du Var.


Messieurs,

je vous ai donné et continuerai à vous donner connaissance de toutes les communications du Gouvernement, qui me sembleront intéresser l'ordre public.
   Quoique placé à la tête d'un autre département, je demeurerai parmi vous tant que ma présence sera nécessaire à votre sécurité.
   Je suis armé par le Gouvernement de pouvoirs extraordinaires pour maintenir la paix et réprimer toute tentative de désordre dans votre département. Les bons citoyens peuvent compter que j'userai de toute la plénitude de ces pouvoirs pour les protéger, s'il était nécessaire ; mais je me plais à croire que les agitateurs seront effrayés de leur petit nombre, et que le département du Var se signalera entre tous par le patriotisme et l'intelligence avec lesquels il répondra au noble et loyal appel que M. le Président de la République adresse au pays, au nom du principe imprescriptible de la souveraineté nationale.

Draguignan, en l'hôtel de la Préfecture, le 4 Décembre 1851.


Le Préfet

Gustave de Romand







Le département est mis en état de siège,
6 décembre 1851.



Après les rassemblements de la veille, les républicains s'organisent le 4 décembre. Dans les grandes villes, Toulon et Draguignan, les autorités disposent de forces suffisamment nombreuses pour empêcher tout débordement. Seules des délégations parviennent ainsi à la préfecture. Dans les communes de moindres importances cependant, ont lieu les premiers affrontements. 

A Vidauban, au Luc, à la Grade-Freinet, des municipalités révolutionnaires sont installées, les gendarmes sont arrêtés. A Cuers, l'un d'entre-eux est tués, un autre blessé alors que les locaux de l'administration sont saccagés. Le préfet Pastoureau, nouvellement nommé, arrive alors le lendemain à la tête d'une colonne militaire à Cuers et arrête une trentaine d'insurgés. 

Car il s'agit bien d'une insurrection contre le nouveau pouvoir en place que l'on considère comme illégal, contre les notabilités qui s'y rallie. Les paysans des campagnes se joignent alors aux ouvriers des villes. Le 6 décembre, le préfet proclame l'état de siège, profitant du caractère populaire du soulèvement pour qualifier de vol les réquisitions opérées. 












Rapport du commissaire de police de Draguignan,
6 décembre 1851.



A l'annonce du coup d'État, a lieu le 3 décembre un important rassemblement sur la place du marché, au café Alter. Le lendemain, les républicains envoient  un délégué les représentant à Marseille afin de prendre les ordres tandis qu'à la sous-préfecture les fonctionnaires se barricadent dans l'attente de l'affrontement. Le 5 décembre enfin, le clerc d'avoué Brunet, prenant la tête du mouvement, appelle le peuple aux armes. La réaction de la police, rappelé ici par le commissaire, empêche cependant toute manifestation. Le café Alter est bientôt fermé et des mandats d'amener lancés contre les principaux militants de l'opposition dans la ville. Brunet s'en va alors rejoindre la colonne républicaine avant de s'exiler en Italie.   




RAPPORT DU COMMISSAIRE DE POLICE DE DRAGUIGNAN


Ce jourd'hui six Décembre mil huit cent cinquante et un à sept heures du matin, Nous Joseph Vitalis Baptistin Laugier Commissaire de police de Draguignan, rapportons qu'hier à neuf heures du soir, nous trouvant sur l'esplanade de cette ville, à la hauteur de la rue du Rosaire, s'avança vers nous le nommé Brunet Joseph Louis, clerc d'avoué demeurant et domicilié en cette ville, lequel nous dit : par quel ordre faisions-nous évacuer l'esplanade, adressez-vous au commandant et il vous le dira.

Le dit Brunet s'avance devant Monsieur Ridal commandant le 50ème de ligne en cette garnison, à cheval, sur l'esplanade à la tête d'un escadron de gendarmerie, et l'interpelle en ses termes : par quel motif commandant, faites-vous évacuer l'esplanade, le commandant répond, Mr. je n'ai pas de compte à vous rendre, je suis ici pour faire exécuter les lois ainsi retirez-vous, après le lui avoir réitérer Brunet répond au commandant la mesure que vous prenez n'est pas populaire, vous voulez faire usage des armes eh . bien nous aussi ; le commandant ordonne de l'arrêter, Brunet s'élance précipitamment dans la susdite rue, en criant aux armes. Nous nous sommes immédiatement élancé vers lui, mais les chevaux de la gendarmerie nous ont empêché de l'atteindre.

De tout ce qui précède, nous avons rédigé le présent procès-verbal, qui sera transmis à Monsieur le Procureur de la République de cet arrondissement, pour y être donné telle suite qu'il avisera.

Fait à Draguignan les jours mois et an que dessus.

Laugier







Rapport du sous-préfet de Toulon au préfet,
7 décembre 1851.



A Toulon, où est présente une importante garnison, le maintien de l'ordre est aisé pour les autorités. Le sous-préfet s'attache ainsi à décrire la situation dans le reste de son arrondissement. La colonne républicaine est partie de Toulon la veille et recrute maintenant dans les campagnes des environs. Le but des insurgés est de prendre les communes de moindre importance afin d'y installer un Comité de résistance désigné par proclamation populaire. Ils cherchent également à coordonner leurs actions pour qu'elles soient plus efficaces, utilisant alors les réseaux d'affidés. D'où l'importance pour les militaires d'intercepter les émissaires et de les faire parler.    




      DÉPARTEMENT DU VAR
SOUS-PRÉFECTURE DE TOULON


Toulon, le 7 Décembre 1851


Monsieur le Préfet,

J'ai l'honneur de vous annoncer que Toulon continue à être maintenu.
   La proclamation de l'état de siège a été accueillie par tous les gens paisibles comme un moyen d'ordre puissant, et la partie honnête et tranquille de la population vous en a su gré.
   La fermeté de vos mesures à Cuers s'est joint à l'égard des gens de désordre à l'effet qu'a produit sur eux la déclaration d'état de siège
   D'une autre part, les dépêches télégraphiques que vous trouverez ci jointes, et dont j'ai reçu le double ont rassuré les timides et découragé les meneurs de la faction,
   La première que j'ai reçue est celle du 5, annonçant la victoire décisive remportée sur les nouveaux barbares qui menacent l'empire de la civilisation je l'ai fait publier et afficher immédiatement.
   Quant à celles du 4, concernant la mise en liberté des représentants du parti modéré, qui me sont arrivées plus tard, je les ferai imprimer cette nuit et publier demain matin, ainsi que celle de même date, relative aux fausses nouvelles
   On m'annonce à l'instant l'arrivée de M. le Procureur de la République, que je n'ai pu voir encore, mais qui cependant m'a fait donner de bonnes nouvelles de votre marche Il me tarde d'en recevoir de vive voix, d'abord par lui, et ensuite de vous même
   Le général Levaillant prépare les mesures nécessaires pour que la déclaration de l'état de siège ait son efficacité. Je vous en rendrai compte, afin de vous tenir au courant de tout ce qui sera prescrit, ou qui devra l'être,
   Je n'ai aucun indice de nouveaux troubles dans l'arrondissement, sinon à Collobrieres
   On vient d'arrêter un des émissaires de cette commune, porteur d'une note compromettante, je le mettrai à la disposition de M le Procureur de la République des demain matin.
   La police est en ce moment à la piste d'un envoyé de Brignoles S'il est aire té ce soir, je le ferai comparaître devant moi, et tâcherai par tous les moyens d-obtenir des aveux et des renseignements sur leurs projets ultérieurs, afin de pouvoir vous en instruire.

   Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l'assurance de ma très haute considération


Le sous-préfet 

de Lisa








Proclamation du général Hecquet,
10 décembre 1851.



Au moment où est affichée cette proclamation dans le département du Var, le 10 décembre 1851, l'affrontement décisif entre les insurgés et les autorités a lieu. A Aups, la colonne républicaine se disperse en quelques minutes. Ouvriers et paysans, peu préparés à la guerre telle qu'elle se présentait face à des soldats entraînés au maniement des armes, sont au désespoir d'une situation sans issue. Alors que quelques uns de leurs chefs se réfugient en Italie, ouvriers et paysans retournent à leur village ou se fondent dans la foule marseillaise. Les fuyards sont pourchassés par les soldats. Commence en effet le nettoyage, vaste et sanglante chasse à l'hommes. 




 Proclamation du général de division
commandant la 7ème division militaire,
aux habitants des départements de cette division,
soumis à l'état de siège.



Sous le prétexte mensonger de défendre la République, qui n'est point en danger puisque Louis-Napoléon a fait un appel loyal au jugement de la nation rassemblée dans ses comices pacifiques, des bandes de brigands répandent l'effroi, la désolation, l'anarchie dans vos contrées, que l'ordre et la paix rendaient naguère si florissantes.

L'unique but de ces bandes est le pillage, la dévastation.

Usant des pouvoirs dont je suis investi, j'ai déclaré l'état de siège dans les départements de la 7ème division militaire; où l'insurrection s'est manifestée.

De redoutables colonnes composées d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie sillonnent en tous sens le territoire A leur approche ces bandes fuient et se dispersent, ou sont refoulées par mes troupes qui rétablissent sur leur passage l'ordre et les autorités constituées.

De nombreux prisonniers tombent entre nos mains. La loi martiale frappera les coupables de toute sa sévérité.

Tant de malheurs n'auraient point accablé le pays si les hommes d'ordre. les bons citoyens, qui sont en si grande majorité, n'avaient pas cédé à une terreur pusillanime et s'étaient réunis pour s'opposer au torrent de l'insurrection.

Il ne s'agit point ici d'opinions politiques.

Cette guerre impie est celle du génie du mal contre la famille, la propriété, la société, qui périraient sans retour si l'anarchie pouvait jamais triompher.

Habitants des départements en état de siège !

Rappelez votre énergie ; serrez vos rangs pour défendre vos foyers ; osez regarder en face votre sauvage ennemi et votre attitude seule le fera trembler à son tour.

Résistez aux bandes qui vous menacent afin de donner à mes braves et infatigables soldats le temps de les atteindre et de vous en délivrer.

Que votre élan patriotique seconde le dévouement de l'armée et bientôt la paix renaîtra dans vos foyers.

Libres alors de vos suffrages vous pourrez exprimer vos vœux pour assurer le bonheur et la gloire de notre chère Patrie, cette belle et noble France que des dissension de partis ont trop longtemps déchirée.

Union, Énergie, Patriotisme !

Que telle soit votre devise comme celle inscrite sur nos drapeaux militaires est Honneur et Patrie !


Au Quartier général de Marseille, le 10 Décembre 1851.


Le Général de Division, commandant la 7ème division militaire.

HECQUET