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Loi Falloux
relative à l'enseignement,
1850.
par Marc Nadaux
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Sous la Monarchie de Juillet, entre 1830 et
1848, la question de l'enseignement arrive sur le devant de la
scène politique. La liberté
de l’enseignement, promise par la Charte de 1830, n'existe guère
dans la France de Louis-Philippe, l'institution étant cadenassée
par l'Université, étroitement liée au pouvoir en place. Au mois
de juillet 1843, sur l'initiative de Charles de Montalembert,
est alors constitué un Comité de Défense de la Liberté de
l’Enseignement. En faisant circuler de nombreuses pétitions,
celui-ci se montre
soucieux de garantir aux parents la liberté de
choisir les conditions dans lesquelles ceux-ci feront instruire
leurs enfants. Derrière se profile en fait la question
religieuse ...
Dès 1833, la loi Guizot a consacré cette liberté dans
l’enseignement primaire, suivant le principe d'une juxtaposition
des écoles publiques et privées. Mais celui-ci ne s'étend
pas au delà, au secondaire. La révolution de 1848 et la
proclamation de la République changent alors la donne.
Conservateurs, du parti de l'Ordre, et catholiques doivent à
présent s'entendre pour lutter contre l’agitation
révolutionnaire et porter au pouvoir Louis Napoléon Bonaparte,
candidat à la présidence de la République. La condition de ce
ralliement cependant est l'instauration de la liberté de
l'enseignement secondaire. Alfred de Falloux, au ministère de
l’Instruction publique et des Cultes, est ainsi à l'origine de
la loi scolaire qui porte son nom, mais qui
sera votée sous son successeur, Félix Esquirou de Parieu, et
promulguée le 15 mars 1850.
Cette loi abroge le privilège attribué à l'Université par le décret
napoléonien du 17 mars 1808 et affirme définitivement – autrement dit
jusqu’à nos jours - le principe de la liberté dans l'enseignement. En
créant quatre-vingt six recteurs, elle favorise les influences locales
des Académies de province et confère à l'Église catholique un pouvoir
considérable sur l'ensemble du système scolaire. Ainsi, le Conseil
académique, où siège de droit l'évêque, peut, sur simple rapport d'un
curé, déplacer à son aise l'instituteur du lieu. Dans l’enseignement
primaire d’ailleurs, elle affirme le primat de l'éducation religieuse
sur les autres matières et la prépondérance morale du curé sur
l'enseignement dispensé par l'instituteur. Pour l'enseignement
secondaire, l'indépendance la plus totale est laissée sur le plan
pédagogique et administratif aux établissements privés, dits
"libres". Ceux-ci se multiplieront grâce aux congrégations,
autorisées ou non, - les Jésuites par exemple - , qui scolarisent 48.000
élèves en 1876 contre 40.000 seulement pour les collèges publics. |
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Titre premier : des autorités
préposées à l'enseignement |
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Chapitre premier : du Conseil supérieur de l'instruction
publique |
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Chapitre II : des conseils
académiques |
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Chapitre III : des écoles et
de l'inspection |
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Titre II : de l'enseignement
primaire |
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Chapitre premier :
dispositions générales |
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Chapitre II : des
instituteurs |
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Chapitre III : des écoles
communales |
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Chapitre IV : des délégués
cantonaux, et des autres autorités préposées à
l'enseignement primaire |
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Chapitre V : des écoles de
filles |
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Chapitre VI : institutions complémentaires |
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Titre III : de l'instruction
secondaire |
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Chapitre premier : des
établissements particuliers d'instruction secondaire |
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Chapitre II : des
établissements publics d'instruction secondaire |
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Titre IV : dispositions
générales |
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Dispositions transitoires |
L'Assemblée nationale législative
a adopté la loi dont la teneur suit :
Titre premier :
des autorités préposées à l'enseignement
Chapitre premier : du Conseil supérieur
de l'instruction publique
Article premier
Le Conseil supérieur de l'Instruction
Publique est composé comme il suit :
. le ministre, président ;
. quatre archevêques ou évêques,
élus par leurs collègues ;
. un ministre de l'Église
réformée, élu par les consistoires ;
. un ministre de l'Église de la
confession d'Augsbourg, élu par les consistoires ;
. un membre du consistoire
central israélite, élu par ses collègues ;
. trois conseillers d'État, élus
par leurs collègues ;
. trois membres de la Cour de
cassation, élus par leurs collègues ;
. trois membres de l'Institut,
élus en assemblée générale de l'Institut ;
. huit membres nommés par le
Président de la République, en Conseil des ministres, et choisis
parmi les anciens membres du Conseil de l'université, les
inspecteurs généraux ou supérieurs, les recteurs et les
professeurs des facultés. Ces huit membres forment une section
permanente ;
. trois membres de
l'enseignement libre nommés par le Président de la République,
sur la proposition du ministre de l'Instruction publique.
Article 2
Les membres de la section permanente sont
nommés à vie. Ils ne peuvent être révoqués que par le Président de
la République, en Conseil des ministres, sur la proposition du
ministre de l'Instruction publique. Ils reçoivent seuls un
traitement.
Article 3
Les autres membres du Conseil sont nommés pour
six ans. Ils sont indéfiniment rééligibles.
Article 4
Le Conseil supérieur tient au moins quatre
sessions par an. Le ministre peut le convoquer en session
extraordinaire toutes les fois qu'il le juge convenable.
Article 5
Le Conseil supérieur peut être appelé à donner
son avis sur les projets de lois, de règlements et de décrets
relatifs à l'enseignement, et en général sur toutes les questions
qui lui seront soumises par ministre. Il est nécessairement appelé à
donner son avis :
. sur les règlements relatifs
aux examens, aux concours et aux programmes d'études dans les
écoles publiques, à la surveillance des écoles libres, et, en
général, sur tous les arrêtés portant règlement pour les
établissements d'instruction publique ;
. sur la création des facultés,
lycées et collèges ;
. sur les secours et
encouragements à accorder aux établissements libres
d'instruction secondaire ;
. sur les livres qui peuvent
être introduits dans les écoles publiques, et sur ceux qui
doivent être défendus dans les écoles libres, comme contraires à
la morale, à la Constitution et aux lois.
Il prononce en dernier ressort sur
les jugements rendus par les conseils académiques dans les cas
déterminés par l'article 14. Le Conseil présente, chaque année, au
ministre un rapport sur l'état général de l’enseignement, sur les
abus qui pourraient s’introduire dans les établissements
d'instruction, et sur les moyens d'y remédier.
Article 6
La section permanente est chargée de
l'examen préparatoire des questions qui se rapportent à la police, à
la comptabilité et à l'administration des écoles publiques. Elle
donne son avis, toutes les fois qu'il lui est demandé par le
ministre, sur les questions relatives aux droits et à l'avancement
des membres du corps enseignant. Elle présente annuellement au
conseil un rapport sur l'état de l'enseignement dans les écoles
publiques.
Chapitre II : des conseils académiques
Article 7
Il sera établi une académie dans chaque
département.
Article 8
Chaque académie est administrée par un
recteur, assisté, si le ministre le juge nécessaire, d'un ou de
plusieurs inspecteurs, et par un conseil académique.
Article 9
Les recteurs ne sont pas choisis
exclusivement parmi les membres de l'enseignement public. Ils
doivent avoir le grade de licencié, ou dix années d'exercice comme
inspecteurs d'académie, proviseurs, censeurs, chefs ou professeurs
des classes supérieures dans un établissement public ou libre.
Article 10
Le conseil académique est composé ainsi
qu'il suit :
. le recteur, président ;
. un inspecteur d'académie, un
fonctionnaire de l'enseignement ou un inspecteur des écoles
primaires, désigné par le ministre ;
. le préfet ou son délégué ;
. l'évêque ou son délégué ;
. un ecclésiastique désigné par
l'évêque ;
. un ministre de l'une des deux
églises protestantes, désigné par le ministre de l'Instruction
publique, dans les départements où il existe une église
légalement établie ;
. un délégué du consistoire
israélite dans chacun des départements où il existe un
consistoire légalement établi ;
. le procureur général près la
cour d'appel, dans les villes où siège une cour d'appel, et dans
les autres, le procureur de la République près le tribunal de
première instance ;
. un membre de la cour d'appel,
élu par elle, ou, à défaut de cour d'appel, un membre du
tribunal de première instance, élu par le tribunal ;
. quatre membres élus par le
conseil général, dont deux au moins pris dans son sein.
Les doyens des facultés seront, en
outre, appelés dans le conseil académique, avec voix délibérative,
pour les affaires intéressant leurs facultés respectives. La
présence de la moitié plus un des membres est nécessaire pour la
validité des délibérations du conseil académique.
Article 11
Pour le département de la Seine, le
conseil académique est composé comme il suit :
. le recteur, président ;
. le préfet ;
. l'archevêque de Paris ou son
délégué ;
. trois ecclésiastiques,
désignés par l'archevêque ;
. un ministre de l'Église
réformée, élu par le consistoire ;
. un ministre de l'Église de la
confession d'Augsbourg, élu par le consistoire ;
. un membre du consistoire
israélite, élu par le consistoire ;
. trois inspecteurs d'académie,
désignés par le ministre ;
. un inspecteur des écoles
primaires, désigné par le ministre ;
. le procureur général près la
cour d'appel, ou un membre du parquet désigné par lui ;
. un membre de la cour d'appel,
élu par la cour ;
. un membre du tribunal de
première instance, élu par le tribunal ;
. quatre membres du conseil
municipal de Paris, et deux membres du conseil général de la
Seine, pris parmi ceux des arrondissements de Sceaux et de
Saint-Denis, tous élus par le conseil général du département de
la Seine ;
. le secrétaire général de la
préfecture du département de la Seine.
Les doyens des facultés seront, en
outre, appelés dans le conseil académique, avec voix délibérative,
pour les affaires intéressant leurs facultés respectives.
Article 12
Les membres des conseils académiques
dont la nomination est faite par élection sont élus pour trois ans,
et indéfiniment rééligibles.
Article 13
Les départements fourniront un local
pour le service de l'administration académique.
Article 14
Le conseil académique donne son avis :
. sur l'état des différentes
écoles établies dans le département ;
. sur les réformes à introduire
dans l'enseignement, la discipline et l'administration des
écoles publiques ;
. sur les budgets et les comptes
administratifs des lycées, collèges et écoles normales
primaires ;
. sur les secours et
encouragements à accorder aux écoles primaires.
Il instruit les affaires
disciplinaires, relatives aux membres de l'enseignement public
secondaire ou supérieur, qui lui sont renvoyées par le ministre ou
le recteur. Il prononce, sauf recours au Conseil supérieur, sur les
affaires contentieuses relatives à l'obtention des grades, aux
concours devant les facultés, à l'ouverture des écoles libres, aux
droits des maîtres particuliers et à l'exercice du droit
d'enseigner ; sur les poursuites dirigées contre les membres de
l'instruction secondaire publique et tendant à la révocation, avec
interdiction d'exercer la profession d'instituteur libre, de chef ou
professeur d'établissement libre, et, dans les cas déterminés par la
présente loi, sur les affaires disciplinaires relatives aux
instituteurs primaires, publics ou libres.
Article 15
Le conseil académique est
nécessairement consulté sur les règlements relatifs au régime
intérieur des lycées, collèges et écoles normales primaires, et sur
les règlements relatifs aux écoles publiques primaires. II fixe le
taux de la rétribution scolaire, sur l'avis des conseils municipaux
et des délégués cantonaux. Il détermine les cas où les communes
peuvent, à raison des circonstances, et provisoirement, établir ou
conserver des écoles primaires dans lesquelles seront admis des
enfants de l'un et l'autre sexe, ou des enfants appartenant aux
différents cultes reconnus. Il donne son avis au recteur sur les
récompenses à accorder aux instituteurs primaires. Le recteur fait
les propositions au ministre, et distribue les récompenses
accordées.
Article 16
Le conseil académique présente, chaque
année, au ministre et au conseil général, un exposé de la situation
de l'enseignement dans le département. Les rapports du conseil
académique sont envoyés par le recteur au ministre, qui les
communique au Conseil supérieur.
Chapitre III : des écoles et de
l'inspection
Section première : des écoles
Article 17
La loi reconnaît deux espèces d'écoles
primaires ou secondaires :
. les écoles fondées ou
entretenues par les communes, les départements ou l'État, et
prennent le nom d'écoles publiques ;
. les écoles fondées et
entretenues par des particuliers ou des associations, et qui
prennent le nom d'écoles libres.
Section 2 : de l'inspection
Article 18
L'inspection des établissements
d'instruction publique ou libre est exercée :
. par les inspecteurs généraux
et supérieurs ;
. par les recteurs et les
inspecteurs d'académie ;
. par les inspecteurs
primaires ;
par les délégués cantonaux, le
maire et le curé, le pasteur ou le délégué du consistoire
israélite en ce qui concerne l’enseignement primaire.
Les ministres des différents
cultes n’inspecteront que les écoles spéciales à leur culte, ou les
écoles mixtes pour leurs coreligionnaires seulement. Le recteur
pourra, en cas d'empêchement, déléguer temporairement l'inspection à
un membre du conseil académique.
Article 19
Les inspecteurs d'académie sont choisis
par le ministre parmi les anciens inspecteurs, les professeurs des
facultés, les proviseurs et censeurs des lycées, les principaux des
collèges, les chefs d'établissements secondaires libres, les
professeurs des classes supérieures dans ces diverses catégories
d'établissements, les agrégés des facultés et lycées, et les
inspecteurs des écoles primaires, sous la condition commune à tous
du grade de licencié, ou de dix ans d'exercice. Les inspecteurs
généraux et supérieurs sont choisis par le ministre, soit dans les
catégories ci-dessus indiquées, soit parmi les anciens inspecteurs
généraux ou inspecteurs supérieurs de l'instruction primaire, les
recteurs et inspecteurs d'académie, ou parmi les membres de
l'Institut. Le ministre ne fait aucune nomination d'inspecteur
général sans avoir pris l’avis du Conseil supérieur.
Article 20
L'inspection de l'enseignement primaire
est spécialement confiée à deux inspecteurs supérieurs. Il y a, en
outre, dans chaque arrondissement, un inspecteur de l'enseignement
primaire, choisi par le ministre après avis du conseil académique.
Néanmoins, sur l'avis du conseil académique, deux arrondissements
pourront être réunis pour l'inspection. Un règlement déterminera le
classement, les frais de tournée, l'avancement et les attributions
des inspecteurs de l'enseignement primaire.
Article 21
L'inspection des écoles publiques
s'exerce conformément aux règlements délibérés par le Conseil
supérieur. Celle des écoles libres porte sur la moralité, l'hygiène
et la salubrité. Elle ne peut porter sur l'enseignement que pour
vérifier s'il n'est pas contraire à la morale, à la Constitution et
aux lois.
Article 22
Tout chef d'établissement primaire ou
secondaire qui refusera de se soumettre à la surveillance de l'État,
telle qu'elle est prescrite par l' article précédent, sera traduit
devant le tribunal correctionnel de l'arrondissement, et condamné à
une amende de cent francs à mille francs. En cas de récidive,
l'amende sera de cinq cents francs à trois mille francs. Si le refus
de se soumettre à la surveillance de l'État a donné lieu à deux
condamnations dans l'année, la fermeture de l'établissement pourra
être ordonnée par le jugement qui prononcera la seconde
condamnation. Le procès-verbal des inspecteurs constatant le refus
du chef d'établissement fera foi jusqu' à inscription de faux.
Titre II :
de l'enseignement primaire
Chapitre premier : dispositions
générales
Article 23
L'enseignement primaire comprend :
. l'instruction morale et
religieuse ;
. la lecture ;
. l'écriture ;
. les éléments de la langue
française ;
. le calcul et le système légal
des poids et mesures.
II peut comprendre en outre :
. l'arithmétique appliquée aux
opérations pratiques ;
. les éléments de l'histoire et
de la géographie ;
. des notions des sciences
physiques et de l'histoire naturelle, applicables aux usages de
la vie ;
. des instructions élémentaires
sur l'agriculture, l'industrie et l'hygiène ;
. l'arpentage, le nivellement,
le dessin linéaire ;
. le chant et la gymnastique.
Article 24
L'enseignement primaire est donné gratuitement
à tous les enfants dont les familles sont hors d'état de le payer.
Chapitre II : des instituteurs
Section
première : des conditions d'exercice de la profession d'instituteur
primaire public ou libre
Article 25
Tout Français âgé de vingt et un ans accomplis
peut exercer dans toute la France la profession d'instituteur
primaire, public ou libre, s'il est muni d'un brevet de capacité. Le
brevet de capacité peut être suppléé par le certificat de stage dont
il est parlé à l’article 47, par le diplôme de bachelier, un
certificat constatant qu'on a été admis dans l’une des écoles
spéciales de l'État, ou du titre de ministre, non interdit ni
révoqué, de l'un des cultes reconnus par l'État.
Article 26
Sont incapables de tenir une école publique ou
libre, ou d'y être employés, les individus qui ont subi une
condamnation pour crime ou pour un délit contraire à la société ou
aux mœurs, les individus privés par jugement de tout ou partie des
droits mentionnés en l'article 42 du code pénal, et qui ont été
interdits en vertu des articles 30 et 33 de la présente loi.
Section 2 : des conditions spéciales aux instituteurs libres
Article 27
Tout instituteur qui veut ouvrir une école
libre doit préalablement déclarer son intention au maire de la
commune où il veut l’établir, lui désigner le local et lui donner
déclaration des lieux où il a résidé et des professions qu'il a
exercées pendant les dix années précédentes. Cette déclaration doit
être, en outre, faite par le postulant au recteur de l'académie, au
procureur de la République et au préfet. Elle demeurera affichée,
par les soins du maire, à la porte de la mairie, pendant un mois.
Article 28
Le recteur, soit d'office, soit sur la requête
du procureur de la République ou du sous-préfet, peut former
opposition à l'ouverture de l'école, dans l'intérêt des mœurs
publiques, dans le mois qui suit la déclaration à lui faite. Cette
opposition est jugée dans un bref délai, contradictoirement et sans
recours, par le conseil académique. Si le maire refuse d'approuver
le local, il est statué à cet égard par ce conseil. À défaut
d'opposition, l'école peut être ouverte à l'expiration du mois, sans
autre formalité.
Article 29
Quiconque aura ouvert ou dirigé une école en
contravention aux articles 25, 26 et 27, ou avant l'expiration du
délai fixé par le dernier paragraphe de l'article 28, sera poursuivi
devant le tribunal correctionnel du lieu du délit, et condamné à une
amende de cinquante francs à cinq cents francs. L'école sera fermée.
En cas de récidive, le délinquant sera condamné à un emprisonnement
de jours à un mois et à une amende de cent francs à mille francs. La
même peine de six jours à un mois d'emprisonnement et de cent francs
à mille francs d'amende sera prononcée contre celui qui, dans le cas
d'opposition formée à l'ouverture de son école, l'aura néanmoins
ouverte avant qu'il ait été statué sur cette opposition, ou bien au
mépris de la décision du conseil académique qui aurait accueilli
l'opposition. Ne seront pas considérées comme tenant école les
personnes qui, dans un but purement charitable, et sans exercer la
profession d'instituteur, enseigneront à lire et à écrire aux
enfants, avec l'autorisation du délégué cantonal. Néanmoins, cette
autorisation pourra être retirée par le conseil académique.
Article 30
Tout instituteur libre, sur la plainte du
recteur ou du procureur de la République, pourra être traduit, pour
cause de faute grave dans l'exercice de ses fonctions, d'inconduite
ou d'immoralité, devant le conseil académique du département, et
être censuré, suspendu pour un temps qui ne pourra excéder six mois,
ou interdit de l'exercice de sa profession dans la commune où il
exerce. Le conseil académique peut même le frapper d'une
interdiction absolue. Il y aura lieu à appel devant le Conseil
supérieur de l'instruction publique. Cet appel devra être interjeté
dans le délai de dix jours, à compter de la notification de la
décision, et ne sera pas suspensif.
Section 3 : des instituteurs communaux
Article 31
Les instituteurs communaux sont nommés par le
conseil municipal de chaque commune, et choisis, soit sur une liste
d'admissibilité et d'avancement dressée par le conseil académique du
département, soit sur la présentation qui est faite par les
supérieurs pour les membres des associations religieuses vouées à
l'enseignement et autorisées par la loi ou reconnues comme
établissements d'utilité publique. Les consistoires jouissent du
droit de présentation pour les instituteurs appartenant aux cultes
non catholiques. Si le conseil municipal avait fait un choix non
conforme à la loi, ou n'en avait fait aucun, il sera pourvu à la
nomination par le conseil académique, un mois après la mise en
demeure adressée au maire par le recteur. L'institution est donnée
par le ministre de l'Instruction publique.
Article 32
II est interdit aux instituteurs communaux
d'exercer aucune fonction administrative sans l'autorisation du
conseil académique. Toute profession commerciale ou industrielle
leur est absolument interdite.
Article 33
Le recteur peut, suivant les cas, réprimander,
suspendre, avec ou sans privation totale ou partielle de traitement,
pour un temps qui n'excédera pas six mois, ou révoquer l'instituteur
communal. L'instituteur révoqué est incapable d'exercer la
profession d'instituteur, soit public, soit libre, dans la même
commune. Le conseil académique peut, après l'avoir entendu ou dûment
appelé, frapper l'instituteur communal d'une interdiction absolue,
sauf appel devant le Conseil supérieur de l'instruction publique
dans le délai de dix jours, à partir de la notification de la
décision. Cet appel n'est pas suspensif. En cas d'urgence, le maire
peut suspendre provisoirement l'instituteur communal, à charge de
rendre compte dans les deux jours, au recteur.
Article 34
Le conseil académique détermine les écoles
publiques auxquelles, d'après le nombre des élèves, il doit être
attaché un instituteur adjoint. Les instituteurs adjoints peuvent
n'être âgés que de dix-huit ans, et ne sont pas assujettis aux
conditions de l'article 25. Ils sont nommés et révocables par
l'instituteur, avec l'agrément du recteur de l'académie. Les
instituteurs adjoints appartenant aux associations religieuses dont
il est parlé dans l'article 31 sont nommés et peuvent être révoqués
par les supérieurs de ces associations. Le conseil municipal fixe le
traitement des instituteurs adjoints. Ce traitement est à la charge
exclusive de la commune.
Article 35
Tout département est tenu de pourvoir au
recrutement des instituteurs communaux, en entretenant des
élèves-maîtres, soit dans les établissements d'instruction primaire
désignés par le conseil académique, soit aussi dans l'école normale
établie à cet effet par le département. Les écoles normales peuvent
être supprimées par le conseil général du département; elles peuvent
l'être également par le ministre, en Conseil supérieur, sur le
rapport du conseil académique, sauf, dans les deux cas, le droit
acquis aux boursiers en jouissance de leur bourse. Le programme de
l'enseignement, les conditions d'entrée et de sortie, celles qui
sont relatives à la nomination du personnel, et tout ce qui concerne
les écoles normales sera déterminé par un règlement délibéré en
Conseil supérieur.
Chapitre III : des écoles communales
Article 36
Toute commune doit entretenir une ou plusieurs
écoles primaires. Le conseil académique du département peut
autoriser une commune à se réunir à une ou plusieurs communes
voisines pour l'entretien d'une école. Toute commune a la faculté
d'entretenir une ou plusieurs écoles entièrement gratuites, à la
condition d'y subvenir sur ses propres ressources. Le conseil
académique peut dispenser une commune d’entretenir une école
publique à condition qu’elle pourvoira à l’enseignement primaire
gratuit, dans une école libre, de tous les enfants dont les familles
sont hors d’état d'y subvenir. Cette dispense peut toujours être
retirée. Dans les communes où les différents cultes reconnus sont
professés publiquement, des écoles séparées seront établies pour les
enfants appartenant à chacun de ces cultes, sauf ce qui est dit à
l'article 15. La commune peut, avec l'autorisation du conseil
académique, exiger que l'instituteur communal donne, en tout ou en
partie, à son enseignement les développements dont il est parlé à
l'article 23.
Article 37
Toute commune doit fournir à l'instituteur un
local convenable, tant pour son habitation que pour la tenue de
l'école, le mobilier de classe et un traitement.
Article 38
À dater du 1er janvier 1851, le traitement des
instituteurs communaux se composera :
. d'un traitement fixe qui ne
peut être inférieur à deux cents francs ;
. du produit de la rétribution
scolaire ;
. d'un supplément accordé à tous
ceux dont le traitement, joint au produit de la rétribution
scolaire, n'atteint pas six cents francs.
Ce supplément sera calculé d'après
le total de la rétribution scolaire pendant l'année précédente.
Article 39
Une caisse de retraite sera substituée
par un règlement d'administration publique aux caisses d'épargne des
instituteurs.
Article 40
À défaut de fondations, dons ou legs,
le conseil municipal délibère sur les moyens de pourvoir aux
dépenses de l'enseignement primaire dans la commune. En cas
d'insuffisance des revenus ordinaires, il est pourvu à ces dépenses
au moyen d'une imposition spéciale votée par le conseil municipal,
ou, à défaut du vote de ce conseil, établie par un décret du pouvoir
exécutif. Cette imposition, qui devra être autorisée chaque année
par la loi de finances, ne pourra excéder trois centimes
additionnels au principal des quatre contributions directes. Lorsque
des communes, soit par elles-mêmes, soit en se réunissant à d’autres
communes, n’auront pu subvenir, de la manière qui vient d’être
indiquée, aux dépenses de l’école communale, il y sera pourvu sur
les ressources ordinaires du département, ou, en cas d'insuffisance,
au moyen d'une imposition spéciale votée par le conseil général, ou,
à défaut du vote de ce conseil, établie par un décret. Cette
imposition, autorisée chaque année par la loi de finances, ne devra
pas excéder deux centimes additionnels au principal des quatre
contributions directes. Si les ressources communales et
départementales ne suffisent pas, le ministre de l'Instruction
publique accordera une subvention sur le crédit qui sera porté
annuellement pour l'enseignement primaire au budget de l'État.
Chaque année, un rapport, annexé au projet de budget, fera connaître
l'emploi des fonds alloués pour l'année précédente.
Article 41
La rétribution scolaire est perçue dans
la même forme que les contributions publiques directes ; elle est
exempte des droits de timbre, et donne droit aux mêmes remises que
les autres recouvrements. Néanmoins, sur l'avis conforme du conseil
général, l'instituteur communal pourra être autorisé par le conseil
académique à percevoir lui-même la rétribution scolaire:
Chapitre IV : des délégués cantonaux, et
des autres autorités préposées à l'enseignement primaire
Article 42
Le conseil académique du département
désigne un ou plusieurs délégués résidant dans chaque canton, pour
surveiller les écoles publiques et libres du canton, et détermine
les écoles particulièrement soumises à la surveillance de chacun.
Les délégués sont nommés pour trois ans ; ils sont rééligibles et
révocables. Chaque délégué correspond, tant avec le conseil
académique, auquel il doit adresser ses rapports, qu'avec les
autorités locales pour tout ce qui regarde l'état et les besoins de
l’enseignement primaire de sa circonscription. Il peut, lorsqu’il
n’est pas membre du conseil académique, assister à ses séances avec
voix consultative pour les affaires intéressant les écoles de sa
circonscription. Les délégués se réunissent au moins une fois tous
les trois mois au chef-lieu de canton, sous la présidence de celui
d'entre eux qu'ils désignent, pour convenir des avis à transmettre
au conseil académique.
Article 43
À Paris, les délégués nommés pour
chaque arrondissement par le conseil académique se réunissent au
moins une fois tous les mois, avec le maire, un adjoint, le juge de
paix, un curé de l'arrondissement et un ecclésiastique, ces deux
derniers désignés par l'archevêque, pour s'entendre au sujet de la
surveillance locale et pour convenir des avis à transmettre au
conseil académique. Les ministres des cultes non catholiques
reconnus, s'il y a dans l'arrondissement des écoles suivies par des
enfants appartenant à ces cultes, assistent à ces réunions avec voix
délibérative. La réunion est présidée par le maire.
Article 44
Les autorités locales préposées à la
surveillance et à la direction morale de l'enseignement primaire
sont, pour chaque école, le maire, le curé, le pasteur ou le délégué
du culte israélite, et dans les communes de deux mille âmes et
au-dessus, un ou plusieurs habitants de la commune délégués par le
conseil académique. Les ministres des différents cultes sont
spécialement chargés de surveiller l'enseignement religieux de
l'école. L'entrée de l'école leur est toujours ouverte. Dans les
communes où il existe des écoles mixtes, un ministre de chaque culte
aura toujours l'entrée de l'école pour veiller à l'éducation
religieuse des enfants de son culte. Lorsqu'il y a pour chaque culte
des écoles séparées, les enfants d'un culte ne doivent être admis
dans l'école d'un autre culte que sur la volonté formellement
exprimée par les parents.
Article 45
Le maire dresse chaque année, de
concert avec les ministres des différents cultes, la liste des
enfants qui doivent être admis gratuitement dans les écoles
publiques. Cette liste est approuvée par le conseil municipal et
définitivement approuvée par le préfet.
Article 46
Chaque année, le conseil académique
nomme une commission d'examen chargée de juger publiquement, et à
des époques déterminées par le recteur, l'aptitude des aspirants au
brevet de capacité, quel que soit le lieu de leur domicile. Cette
commission se compose de sept membres, et choisit son président. Un
inspecteur d'arrondissement pour l'instruction primaire, un ministre
du culte professé par le candidat, et deux membres de l'enseignement
public ou libre, en font nécessairement partie. L'examen ne portera
que sur les matières comprises dans la première partie de l'article
23. Les candidats qui voudront être examinés sur tout ou partie des
autres matières spécifiées dans le même article en feront la demande
à la commission. Les brevets délivrés feront mention des matières
spéciales sur lesquelles les candidats auront répondu d'une manière
satisfaisante.
Article 47
Le conseil académique délivre, s'il y a
lieu, des certificats de stage aux personnes qui justifient avoir
enseigné pendant trois ans au moins les matières comprises dans la
première partie de l'article 23, dans les écoles publiques ou libres
autorisées à recevoir des stagiaires. Les élèves-maîtres sont,
pendant la durée de leur stage, spécialement surveillés par les
inspecteurs de l'enseignement primaire.
Chapitre V : des écoles de filles
Article 48
L'enseignement primaire dans les écoles
de filles comprend, outre les matières de l'enseignement primaire
énoncées dans l'article 23, les travaux à l'aiguille.
Article 49
Les lettres d'obédience tiendront lieu
de brevet de capacité aux institutrices appartenant à des
congrégations religieuses vouées à l’enseignement et reconnues par
l’État. L’examen des institutrices n’aura point lieu publiquement.
Article 50
Tout ce qui se rapporte à l'examen des
institutrices, à la surveillance et à l'inspection des écoles de
filles sera l'objet d'un règlement délibéré en Conseil supérieur.
Les autres dispositions de la présente loi relatives aux écoles et
aux instituteurs sont applicables aux écoles de filles et aux
institutrices, à l'exception des articles 38, 39, 40.
Article 51
Toute commune de huit cents âmes
population et au-dessus est tenue, si ses ressources lui en
fournissent les moyens, d'avoir au moins une école de filles, sauf
ce qui est dit à l'article 15. Le conseil académique peut, en
obliger les communes d'une population inférieure à entretenir, si
leurs ressources ordinaires le leur permettent, une école, et, en
cas de réunion de plusieurs communes pour l'enseignement primaire,
il peut, selon les circonstances, décider que l’école de garçons et
l'école de filles seront dans deux communes différentes. Il prend
l’avis du conseil municipal.
Article 52
Aucune école primaire publique ou libre
ne peut, sans l'autorisation du conseil académique, recevoir
d'enfants des deux sexes s'il existe dans la commune une école
publique ou libre de filles.
Chapitre VI : institutions
complémentaires
Section première : des pensionnats primaires
Article 53
Tout Français âgé de vingt-cinq ans,
ayant au moins cinq années d'exercice comme instituteur ou comme
maître dans un pensionnat primaire, et remplissant les conditions
énumérées en l'article 25, peut ouvrir un pensionnat primaire, après
avoir déclaré son intention au recteur de l'académie et au maire de
la commune. Toutefois, les instituteurs communaux ne pourront ouvrir
de pensionnat qu’avec l’autorisation du conseil académique, sur
l’avis du conseil municipal. Le programme de l'enseignement et le
plan du local doivent être adressés au maire et au recteur. Le
conseil académique prescrira, dans l'intérêt de la moralité et de la
santé des élèves, toutes les mesures qui seront indiquées dans un
règlement délibéré par le Conseil supérieur. Les pensionnats
primaires sont soumis aux prescriptions des articles 26, 27, 28, 29
et 30 de la présente loi, et à la surveillance des autorités qu'elle
institue. Ces dispositions sont applicables aux pensionnats de
filles, en tout ce qui n'est pas contraire aux conditions prescrites
par le chapitre V de la présente loi.
Section 2 : des écoles d'adultes et d'apprentis
Article 54
Il peut être créé des écoles primaires
communales pour les adultes au-dessus de dix-huit ans, pour les
apprentis au-dessus de douze ans. Le conseil académique désigne les
instituteurs chargés de diriger les écoles communales d'adultes et
d'apprentis. Il ne peut être reçu dans ces écoles d'élèves des deux
sexes.
Article 55
Les articles 27, 28, 29 et 30 sont
applicables aux instituteurs libres qui veulent ouvrir des écoles
d'adultes ou d'apprentis.
Article 56
Il sera ouvert chaque année, au budget
du ministre de l'Instruction publique, un crédit pour encourager les
auteurs de livres ou de méthodes utiles à l'instruction primaire et
à la fondation d'institutions telles que :
. les écoles du dimanche,
. les écoles dans les ateliers
et les manufactures,
. les classes dans les hôpitaux,
. les cours publics ouverts
conformément à l'article 77,
. les bibliothèques de livres
utiles,
et autres institutions dont les
statuts auront été soumis à l'examen de l'autorité compétente.
Section 3 : des salles d'asile
Article 57
Les salles d'asile sont publiques ou
libres. Un décret du Président de la République, rendu sur l'avis du
Conseil supérieur, déterminera tout ce qui se rapporte à la
surveillance et à l'inspection de ces établissements, ainsi qu'aux
conditions d'âge, d'aptitude, de moralité, des personnes qui seront
chargées de la direction et du service dans les salles d'asile
publiques. Les infractions à ce décret seront punies des peines
établies par les articles 29, 30 et 33 de la présente loi. Ce décret
déterminera également le programme de l'enseignement et des
exercices dans les salles d'asile publiques, et tout ce qui se
rapporte au traitement des personnes qui y seront chargées de la
direction ou du service.
Article 58
Les personnes chargées de la direction
des salles d'asile publiques seront nommées par le conseil
municipal, sauf l'approbation du conseil académique.
Article 59
Les salles d'asile libres peuvent
recevoir des secours sur les budgets des communes, des départements
et de l'État.
Titre III :
de l'instruction secondaire
Chapitre premier : des établissements
particuliers d'instruction secondaire
Article 60
Tout Français âgé de vingt-cinq ans au
moins, et n'ayant encouru aucune des incapacités comprises dans
l'article 26 de la présente loi, peut former un établissement
d'instruction secondaire, sous la condition de faire au recteur de
l'académie où il se propose de s'établir les déclarations prescrites
par l'article 27, et en outre de déposer entre ses mains les pièces
suivantes, dont il lui sera donné récépissé :
. un certificat de stage
constatant qu’il a rempli, pendant cinq ans au moins, les
fonctions de professeur ou de surveillant dans un établissement
d’instruction secondaire publique ou libre ;
. soit le diplôme de bachelier,
soit un brevet de capacité délivré par un jury d'examen dans la
forme déterminée par l'article 62 ;
. le plan du local, et
l'indication de l'objet de l'enseignement.
Le recteur à qui le dépôt des
pièces aura été fait en donnera avis au préfet du département et au
procureur de la République de l'arrondissement dans lequel
l'établissement devra être fondé. Le ministre, sur la proposition
des conseils académiques et l'avis conforme du Conseil supérieur,
peut accorder des dispenses de stage.
Article 61
Les certificats de stage sont délivrés
par le conseil académique sur l'attestation des chefs des
établissements où le stage aura été accompli. Toute attestation
fausse sera punie des peines portées en l'article 160 du code pénal.
Article 62
Tous les ans, le ministre nomme, sur la
présentation du conseil académique, un jury chargé d'examiner les
aspirants au brevet de capacité. Ce jury est composé de sept
membres, y compris le recteur qui le préside. Un ministre du culte
professé par le candidat et pris dans le conseil académique, s'il
n'y en a déjà un dans le jury, sera appelé avec voix délibérative.
Le ministre, sur l'avis du Conseil supérieur, instituera des jurys
spéciaux pour l'enseignement professionnel. Les programmes d'examen
seront arrêtés par le Conseil supérieur. Nul ne pourra être admis à
subir l'examen de capacité avant l'âge de vingt-cinq ans.
Article 63
Aucun certificat d'études ne sera exigé
des aspirants au diplômé de bachelier ou au brevet de capacité. Le
candidat peut choisir la faculté ou le jury académique devant lequel
il subira son examen. Un candidat refusé ne peut se présenter avant
trois mois à un nouvel examen, sous peine de nullité du diplôme ou
du brevet indûment obtenu.
Article 64
Pendant le mois qui suit le dépôt des
pièces requises par l'article 60, le recteur, le préfet et le
procureur de la République peuvent se pourvoir devant le conseil
académique et s'opposer à l'ouverture de l'établissement, dans
l'intérêt des mœurs publiques ou de la santé des élèves. Après ce
délai, s'il n'est intervenu aucune opposition, l'établissement peut
être immédiatement ouvert. En cas d'opposition, le conseil
académique prononce, la partie entendue ou dûment appelée, sauf
appel devant le Conseil supérieur de l'instruction publique.
Article 65
Est incapable de tenir un établissement
public ou libre d'instruction secondaire, ou d'y être employé,
quiconque est atteint de l'une des incapacités déterminées par
l'article 26 de la présente loi, ou qui, ayant appartenu à
l'enseignement public, a été révoqué avec interdiction, conformément
à l'article 14.
Article 66
Quiconque, sans avoir satisfait aux
conditions prescrites par la présente loi, aura ouvert un
établissement d'instruction secondaire sera poursuivi devant le
tribunal correctionnel du lieu du délit, et condamné à une amende de
cent francs à mille francs. L'établissement sera fermé. En cas de
récidive, ou si l'établissement a été ouvert avant qu'il ait été
statué sur l'opposition ou contrairement à la décision du conseil
académique qui l'aurait accueillie, le délinquant sera condamné à un
emprisonnement de quinze jours à un mois, et à une amende de mille
francs à trois mille francs. Les ministres des différents cultes
reconnus peuvent donner l'instruction secondaire à quatre jeunes
gens au plus, destinés aux écoles ecclésiastiques, sans être soumis
aux prescriptions de la présente loi, à la condition d'en faire la
déclaration au recteur. Le conseil académique veille à ce que ce
nombre ne soit pas dépassé.
Article 67
En cas de désordre grave dans le régime intérieur d'un établissement
libre d'instruction secondaire, le chef de cet établissement peut
être appelé devant le conseil académique, et soumis à la réprimande
avec ou sans publicité. La réprimande ne donne lieu à aucun recours.
Article 68
Tout chef d'établissement libre
d'instruction secondaire, toute personne attachée à l'enseignement
ou à la surveillance d'une maison d'éducation, peut, sur la plainte
du ministère public ou du recteur, être traduit, pour cause
d'inconduite ou d'immoralité, devant le conseil académique, et être
interdit de sa profession, à temps ou à toujours, sans préjudice des
peines encourues pour crimes ou délits prévus par le code pénal.
Appel de la décision rendue peut toujours avoir lieu, dans les
quinze jours de la notification, devant le Conseil supérieur.
L'appel ne sera pas suspensif.
Article 69
Les établissements libres peuvent
obtenir des communes, des départements ou de l'État un local et une
subvention, sans que cette subvention puisse excéder le dixième des
dépenses annuelles de l'établissement. Les conseils académiques sont
appelés à donner leur avis préalable sur l'opportunité de ces
subventions. Sur la demande des communes, les bâtiments compris dans
l'attribution générale faite à l'Université par le décret du 10
décembre 1808, pourront être affectés à ces établissements par
décret du pouvoir exécutif.
Article 70
Les écoles secondaires ecclésiastiques
actuellement existantes sont maintenues, sous la seule condition de
rester soumises à la surveillance de l'État. II ne pourra en être
établi de nouvelles sans l'autorisation du Gouvernement.
Chapitre II : des établissements publics
d'instruction secondaire
Article 71
Les établissements publics
d'instruction secondaire sont les lycées et les collèges communaux.
Il peut y être annexé des pensionnats.
Article 72
Les lycées sont fondés et entretenus
par l'État, avec le concours des départements et des villes. Les
collèges communaux sont fondés et entretenus par les communes. Ils
peuvent être subventionnés par l'État.
Article 73
Toute ville dont le collège communal
sera, sur la demande du conseil municipal, érigé en lycée devra
faire les dépenses de construction et d'appropriation requises à cet
effet, fournir le mobilier et les collections nécessaires à
l'enseignement, assurer l'entretien et la réparation des bâtiments.
Les villes qui voudront établir un pensionnat près du lycée devront
fournir le local et le mobilier nécessaires, et fonder pour dix ans,
avec ou sans le concours du département, un nombre de bourses fixé
de gré à gré avec le ministre. À l'expiration des dix ans, les
villes et les départements seront libres de supprimer les bourses,
sauf le droit acquis aux boursiers en jouissance de leur bourse.
Dans le cas où l'État voudrait conserver le pensionnat, le local et
le mobilier resteront à sa disposition, et ne feront retour à la
commune que lors de la suppression de cet établissement.
Article 74
Pour établir un collège communal, toute
ville doit satisfaire aux conditions suivantes : fournir un local
approprié à cet usage et en assurer l'entretien ; placer et
entretenir dans ce local le mobilier nécessaire à la tenue des
cours, et à celle du pensionnat, si l'établissement doit recevoir
des élèves internes ; garantir, pour cinq ans au moins, le
traitement fixe du principal et des professeurs, lequel sera
considéré comme dépense obligatoire pour la commune, en cas
d'insuffisance des revenus propres du collèges, de la rétribution
collégiale payée par les externes et des produits du pensionnat.
Dans le délai de deux ans, les villes qui ont fondé des collèges
communaux en dehors de ces conditions devront y avoir satisfait.
Article 75
L'objet et l'étendue de l'enseignement
dans chaque collège communal seront déterminés, eu égard aux besoins
de la localité, par le ministre de l'Instruction publique, en
Conseil supérieur, sur la proposition du conseil municipal et l'avis
du conseil académique.
Article 76
Le ministre prononce disciplinairement
contre les membres de l'instruction secondaire publique, suivant la
gravité des cas :
. la réprimande devant le
conseil académique ;
. la censure devant le Conseil
supérieur ;
. la mutation pour un emploi
inférieur ;
. la suspension des fonctions,
pour une année au plus, avec ou sans privation totale ou
partielle du traitement ;
. le retrait d'emploi, après
avoir pris l'avis du Conseil supérieur ou de la section
permanente.
Le ministre peut prononcer les
mêmes peines, à l'exception de la mutation pour un emploi inférieur,
contre les professeurs de l'enseignement supérieur. Le retrait
d'emploi ne peut être prononcé contre eux que sur l'avis conforme du
Conseil supérieur. La révocation aura lieu dans les formes prévues
par l'article 14.
Titre IV :
dispositions générales
Article 77
Les
dispositions de la présente loi concernant les écoles primaires ou
secondaires sont applicables aux cours publics sur les matières de
l'enseignement primaire ou secondaire. Les conseils académiques
peuvent, selon les degrés de l'enseignement, dispenser ces cours de
l'application des dispositions qui précèdent, et spécialement de
l’application du dernier paragraphe de l’article 54.
Article 78
Les
étrangers peuvent être autorisés à ouvrir ou diriger des
établissements d'instruction primaire ou secondaire, aux conditions
déterminées par un règlement délibéré en Conseil supérieur.
Article 79
Les
instituteurs adjoints des écoles publiques, les jeunes gens qui se
préparent à l'enseignement primaire public dans les écoles désignées
à cet effet, les membres ou novices des associations religieuses
vouées à l'enseignement et autorisées par la loi, ou reconnues comme
établissements d'utilité publique, les élèves de l'École normale
supérieure, les maîtres d'études, régents et professeurs des
collèges et lycées, sont dispensés du service militaire, s'ils ont,
avant l'époque fixée pour le tirage, contracté devant le recteur
l'engagement de se vouer pendant dix ans à l'enseignement public, et
s'ils réalisent cet engagement.
Article 80
L'article 463 du code pénal pourra être appliqué aux délits prévus
par la présente loi.
Article 81
Un
règlement d'administration publique déterminera les dispositions de
la présente loi qui seront applicables à l'Algérie.
Article 82
Sont
abrogées toutes les dispositions des lois, décrets ou ordonnances
contraires à la présente loi.
Dispositions transitoires
Article 83
Les
chefs ou directeurs d'établissements d'instruction secondaire ou
primaire libres, maintenant en exercice, continueront d’exercer leur
profession, sans être soumis aux prescriptions des articles 53 et
60. Ceux qui en ont interrompu l'exercice pourront le reprendre,
sans être soumis à la condition du stage. Le temps passé par les
professeurs et les surveillants dans ces établissements leur sera
compté pour l'accomplissement du stage prescrit par ledit article.
Article 84
La
présente loi ne sera exécutoire qu'à dater du 1er septembre 1850. Les autorités actuelles continueront d'exercer leurs
fonctions jusqu'à cette époque. Néanmoins, le Conseil supérieur
pourra être constitué, et il pourra être convoqué par le ministre
avant le 1er septembre 1850, et, dans ce cas, les articles 1, 2, 3, 4, l'article
5, à l'exception de l'avant-dernier paragraphe, les articles 6 et 76
de la présente loi deviendront immédiatement applicables. La loi du
11 janvier 1850 est prorogée jusqu'au 1er septembre 1850. Dans le
cas où le Conseil supérieur aurait été constitué avant cette époque,
l'appel des instituteurs révoqués sera jugé par le ministre de
l'Instruction publique, en section permanente du Conseil supérieur.
Article 85
Jusqu'à
la promulgation de la loi sur l'enseignement supérieur, le Conseil
supérieur de l'instruction publique et sa section permanente, selon
leur compétence respective, exerceront, à l'égard de cet
enseignement, les attributions qui appartenaient au Conseil de
l'université, et les nouveaux conseils académiques les attributions
qui appartenaient aux anciens.
Délibéré
en séance publique, à Paris, les 19 janvier, 26 février et 15 mars
1850.
Le Président et les secrétaires,
Général Bedeau, vice-président ; Arnaud (de l'Ariège), Chapot,
Lacaze, Peupin, Bérard.
La présente loi sera promulguée et scellée du
sceau de l'État.
Le Président de la République,
Louis-Napoléon Bonaparte.
Le Garde des Sceaux, ministre de la Justice,
E. Rouhier.
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