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A
Paris.
Le ministre de l'Intérieur aux
Préfets
à propos de la répression des opposants au coup d'État,
11 janvier 1852.
par Marc Nadaux
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La répression des opposants au coup d'État
du 2 décembre s'organise sous l'égide du ministre de l'Intérieur, le
comte de Morny. Celui-ci attribue aux Préfets, des hommes de confiance désormais
placés à la tête des départements, un rôle clé dans sa mise en
place. Faisant appel à leur sens de l'ordre, il demande ainsi à ces
fonctionnaires de dresser la liste des citoyens récalcitrants, de
notifier le degré de leur responsabilité et de leur engagement, celui-ci
entraînant alors une condamnation immédiate définie par A. de Morny.
C'est donc le règne de l'arbitraire, d'autant plus que les lettres de dénonciations
arrivent bientôt dans les bureaux de la Préfecture. Selon les
statistiques officielles, 26.884 individus seront ainsi arrêtés "à
l'occasion de l'insurrection de décembre 1851", sans compter ceux
des Français, tels Victor Hugo ou Victor Schœlcher pour ne citer que les
plus célèbres d'entre-eux, qui s'exilent volontairement. A cette
occasion, sera organisée une déportation massive des proscrits
vers les bagnes d'Algérie et surtout de Cayenne en Guyane.
La chaîne des forçats va bientôt parcourir certains départements
jusqu'au ports du Ponant... |
Paris,
le 11 janvier 1852.
Monsieur le Préfet, le Moniteur du 10 janvier vous a
fait connaître les dispositions prises par le Gouvernement contre un
certain nombre d'anciens représentans qu'il a cru devoir à divers titres
éloigner de notre territoire. Une note insérée dans le même numéro
nous indique les résolutions auxquelles il s'est arrêté envers les
hommes dont la présence pourrait être une cause de trouble ou d'inquiétude.
Vous trouverez dans ces mesures une application énergique des
instructions que je vous ai transmisses dans les circulaires du 20 décembre
1851 et 2 janvier 1852.
Le rétablissement de la tranquillité publique sur tous les
points de la France ; le rappel de cette quiétude générale qui inspire
le confiance sans laquelle le crédit public ne peut se consolider ; le
retour à cette pensée de garantie et de sécurité qu'aucune force,
qu'aucune influence ne pourra dominer ou paralyser l'action protectrice
que le Gouvernement entend exercer sur les personnes comme sur les intérêts
publics ou privé, tel est le but que nous volons atteindre ; il faut y
marcher sans hésitation et sans faiblesse.
Déjà vous avez compris, Monsieur le Préfet, que le nombre
des coupables ne permettaient pas de procéder contre eux par les voies de
la justice ordinaire. Les débats qui s'ouvriraient par l'application des
règles du droit commun constitueraient un nouveau danger public, et le
souvenir, tout récent encore, des agitations excitées par les procès
politiques imposent au Gouvernement l'obligation d'user d'un droit qui dérive
du plus grand des devoirs, celui d'assurer le salut du pays. C'est donc
par voie administrative que les mesures de sûreté générale doivent être
appliquées. C'est à nous d'en user dans de justes limites, sans passion
comme sans crainte, avec sévérité mais avec justice. Nous ne pouvons
pas oublier que nous devons cette justice à la société entière qui
attend de nos décisions l'ordre et la sécurité.
Les événemens qui ont suivi le grand acte du 2 décembre
ont mis presque partout en évidence les hommes qui depuis longtemps ont
préparé le bouleversement de la France. Les uns ont été pris les armes
à la main, les autres, avouant ainsi leu culpabilité, ont échappé par
la fuite à l'action de la loi, les investigations de la justice ou de
l'administration ont mis à découvert les complots et les organisateurs
du désordre ; vous devez désormais être en mesure d'apprécier la part
que chacun a prise à tous ces actes, à tous ces projets qui inspiraient
la terreur aux gens paisibles. Je vous prie de m'envoyer, e plus
promptement possible, un état nominal de tous les hommes que vous croirez
devoir être soumis aux mesures de sûreté publique prises par le
Gouvernement.
Suivant le degré de leur culpabilité ou de l'hostilité
qu'ils ont manifestée envers le Gouvernement, suivant aussi l'évidence
des charges qui pèsent contre eux, vous les comprendre dans l'une des
trois catégories indiquées au Moniteur.
Mais la Première comprendra les individus convaincus d'avoir
pris part aux insurrections récentes et qui, suivant leur degré de
culpabilité, devront être déportés à la Guyane française ou en Algérie
;
La Deuxième comprendra des chefs reconnus du socialisme et
seront expulsés du territoire de la République ;
La Troisième comprendra les homes politiques qui se sont
fait remarquer par leur violente hostilité au Gouvernement et qui devront
être momentanément éloignés de la France.
Vous devez ajouter une quatrième catégorie, dans laquelle
vous classerez les hommes qui n'auraient pas pu être compris dans la
Troisième mais qu'il y aurait intérêt à éloigner momentanément de
leur département.
Les explications qui précédent vous disent assez que les
mots convaincus d'avoir pris part... les chefs reconnus
n'entraient pas la nécessité d'un jugement. C'est l'appréciation
administrative substituée à l'appréciation des tribunaux qui devra vous
guider dans les indications que vous aurez à me transmettre.
Je vous engage, d'ailleurs, à joindre à vos listes les
documens que vous aurez pu recueillir aussi complets que possible, et dans
un très court délai. Vous comprendrez sans peine qu'il faut agir
promptement et de manière à ne plus revenir sur des mesures qui jettent
naturellement l'inquiétude dans les esprits, et il importe au plus haut
point de n'en pas prolonger la durée.
Agréez, Monsieur le Préfet, l'assurance de ma considération
distinguée.
Le
Ministre de l'Intérieur,
A. de Morny.
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