Un
plébiscite est annoncé,
2 décembre 1851.
Quelques jours après le coup de main contre
la Seconde République, les 21 et 22 décembre, un plébiscite est organisé,
les Français devant se prononcer sur le fait d'accorder à Louis-Napoléon
Bonaparte les pouvoirs nécessaires pour rédiger une nouvelle
constitution. Cette consultation, destinée à fonder en droit une
dictature de fait, se fera au suffrage universel. L'armée, promise à
devenir un des principaux soutiens du régime, y participera.
DÉCRETS
Concernant
la proposition du maintien de l’autorité
de Louis-Napoléon Bonaparte,
et la délégation des pouvoirs
qui lui sont nécessaires
pour faire une Constitution, etc.
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS.
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE,
Considérant
que la souveraineté réside dans l’universalité des citoyens et
qu’aucune fraction du peuple ne peut s’en attribuer l’exercice ;
Vu les lois et arrêtés qui ont réglé jusqu’à ce jour le mode de
l’appel au Peuple, et notamment les décrets des 5 fructidor an III, 24
et 25 frimaire an VIII, l’arrêté du 30 floréal an X, le sénatus-consulte
du 28 floréal an XII,
DÉCRÈTE :
ARTICLE
1er . Le Peuple français est solennellement convoqués dans
ses comices, le 14 décembre présent du mois, pour accepter ou rejeter le
plébiscite suivant :
" Le Peuple français veut le maintien de l’autorité de
Louis-Napoléon Bonaparte, et lui délègue les pouvoirs nécessaires pour
faire une constitution sur les bases proposées dans sa proclamation ".
ARTICLE 2 . Sont appelés à voter tous les Français âgés de vingt et
un ans, jouissant de leurs droits civils et politiques.
Ils devront justifier,
soit de leur inscription sur les listes électorales, en vertu de la loi
du 15 mars 1849, soit de l’accomplissement, depuis la formation des
listes, des conditions exigées par cette loi.
ARTICLE 3 . A la réception du présent décret, les maires de chaque
commune ouvriront deux registres sur papier libre, l’un d’acceptation,
l’autre de non acceptation du plébiscite.
Dans les quarante-huit
heures de la réception du présent décret, les juges de paix se
transporteront dans les communes de leur canton pour surveiller et assurer
l’ouverture et l’établissement de ces registres.
En cas de refus,
d’abstention ou d’absence de la part des maires, les juges de paix délégueront,
soit un membre du conseil municipal, soit un notable du pays pour la réception
des votes.
ARTICLE 4 . Ces registres demeureront ouvert au secrétariat de toutes les
municipalités de France pendant huit jours, depuis huit heures du matin
jusqu’à six heures du soir, et ce, à partir du dimanche 14 décembre
jusqu’au dimanche suivant 21 décembre.
Les citoyens
consigneront, ou feront consigner, dans le cas où ils ne sauraient pas écrire,
leur vote sur l’un de ces registres, avec mention de leur nom et prénom.
ARTICLE 5 . A l’expiration du délai fixé par l’article précédent
et dans les vingt-quatre heures au plus tard, le nombre des suffrages
exprimés sera constaté ; chaque registre sera clos et transmis par
le fonctionnaire dépositaire au sous-préfet qui le fera parvenir immédiatement
au préfet du département.
Le dénombrement des
votes, le clôture et la transmission des registres tenus par les maires
seront surveillés par les juges de paix.
ARTICLE 6 . Une commission composée de trois conseillers généraux déléguée
par le préfet fera aussitôt le recensement de tous les votes exprimés
dans le département.
Le résultat de ce
travail sera transmis par la voie la plus rapide au Ministre de l’Intérieur.
ARTICLE 7 . Le recensement général des votes exprimés par le Peuple
français aura lieu à Paris au sein d’une commission qui sera institué
par un décret ultérieur.
Le résultat sera
promulgué par le pouvoir exécutif.
ARTICLE 8 . Les frais faits et avancés par les administrations centrales
et communales et les frais de déplacement des juges de paix pour l’établissement
des registres seront acquittés, sur la représentation des quittances ou
sur la déclaration des fonctionnaires, par les receveurs de
l’enregistrement ou les perceptions des contributions directes.
ARTICLE 9 . Le Ministre de l’Intérieur est chargé d’activer et de régulariser
la formation, l’ouverture, la tenue, la clôture et l’envoi des
registres.
Fait
au Palais de l’Élysée, le 21 décembre 1851,
LOUIS-NAPOLÉON
BONAPARTE
Le Ministre de l’Intérieur,
DE MORNY.
AU
NOM DU PEUPLE FRANÇAIS.
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE,
DÉCRÈTE :
ARTICLE
1er . Le projet de plébiscite soumis à l’acceptation du
Peuple français est également soumis à l’acceptation de l’armée de
terre et de mer.
ARTICLE 2 . Chaque régiment, chaque corps de troupe isolé, chaque
brigade de gendarmerie voteront dans les vingt-quatre heures de l’envoi,
fait au colonel ou au chef de corps, du présent décret.
Les équipages des
vaisseaux en mer voteront dans le même délai.
ARTICLE 3 . A cet effet, deux registres sur papier libre, l’un
d’acceptation, l’autre de non acceptation du plébiscite, seront
ouverts par les soins des colonels, chefs de corps ou chefs de brigade de
gendarmerie.
Les votes seront consignés
de huit heures du matin à quatre heures du soir.
Ceux qui ne sauront pas
écrire feront consigner leur vote.
ARTICLE 4 . Après ce délai, le nombre des votes sera constaté, les
registres seront clos, puis transmis directement aux secrétariats des
Ministère de la guerre et de la marine.
ARTICLE 5 . Une commission sera instituée par le Ministre de la guerre
pour opérer le dépouillement des registres et le recensement des votes.
Le résultat de ce
recensement sera proclamé par le Pouvoir exécutif.
ARTICLE 6 .Les Ministères de la guerre et de la marine sont chargés
chacun en ce qui le concerne de l'exécution du présent décret.
Fait au Palais de l’Élysée, le
21 décembre 1851,
LOUIS-NAPOLÉON
BONAPARTE
Le Ministre de la guerre,
DE SAINT-ARNAUD.
Circulaire
du ministère de l'Intérieur aux Maires
concernant l'organisation du
scrutin,
2 décembre 1851.
Le comte de Morny, nouveau ministre de l'Intérieur, confie à la
responsabilité conjointe du Maire et du juge de paix l'organisation du plébiscite.
Suivant le modèle des scrutins du Premier Empire, deux registres
permettront d'enregistrer les votes des Français. Ce système, qui ne
garantie aucunement le secret du vote, permet ainsi aux notables, qui adhèrent
largement dans les campagnes au coup de main parisien et à la personne de
Louis-Napoléon Bonaparte, d'influencer leurs concitoyens et au delà
d'avoir un droit de regard sur leur opinion.
Le
scrutin aura finalement lieu à bulletins secrets,
4 décembre 1851.
Quelques jours plus tard, et devant les bonnes nouvelles qui
parviennent au gouvernement de la province, une nouvelle circulaire annonce
une modification du mode de scrutin. Celui-ci aura lieu à bulletins
secrets, cette procédure devant par ailleurs garantir davantage le secret
du vote. Celui-ci s'effectue à l'aide de bulletin manuscrits ou imprimés,
seuls ces derniers étant fournis par l'administration... A noter également
qu'un grand nombre de bureaux de vote, de mairie donc, sont placés sous la
surveillance de l'armée, notamment dans le sud de la France où se sont déroulés
les plus violents mouvements d'insurrection en opposition au coup d'État du 2 décembre.
Affiche
du ministère de l'Intérieur
précisant le sens du bulletin
"oui",
décembre 1851.
Le décret du 2 décembre avait d'abord
prévu un vote sur registres, d'acceptation ou de non-acceptation du plébiscite
avec mention des noms et prénoms des votants, ces registres étant ouverts
dans toutes les mairies du 14 au 21 décembre. Un second décret, daté du 4
décembre, modifie cette procédure de vote, ramenant la consultation dans
sa durée à deux journées (les 20 et 21 décembre), sous la forme d'un
scrutin secret par "oui" ou "non" au moyen d'un bulletin
manuscrit ou imprimé. Mais l'administration préfectorale n'a fait imprimer
que des bulletins affirmatifs, tandis que le ministère de l'Intérieur
s'empresse d'en rappeler le sens...