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1852,
le
rétablissement de l'Empire.
Victor
Hugo et les proscrits du coup d'État
s'opposent au plébiscite du 21
novembre 1852
rétablissant l'Empire.
par Marc Nadaux
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Un comité de résistance au
coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte s'était formé au soir du 2 décembre
1851. Regroupant des militants et députés républicains, il compte entre
autres dans ses rangs Victor Schœlcher, Michel de Bourges, Hippolyte
Carnot et Victor Hugo. Ce dernier, activement recherché, doit bientôt
s'exiler dans la nuit du 11 au 12 décembre 1851 à Bruxelles, d'où il
gagne bientôt l'île anglo-normande de Jersey. En France, les
proscriptions se multiplient. Soixante six députés sont officiellement
expulsés. Certains rejoignent l'écrivain. Le plébiscite organisé
le 21 novembre 1852 et destiné au "rétablissement de la dignité
impériale dans la personne de Louis-Napoléon Bonaparte" leur donne
alors l'occasion de faire à nouveau entendre leur voix.
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AU PEUPLE
Citoyens,
L'empire va se faire. Faut-il voter ? Faut-il continuer de s'abstenir ?
Telle est la question qu'on nous adresse.
Dans le département de la Seine, un certain nombre de républicains, de
ceux qui, jusqu'à ce jour, se sont abstenus, comme ils le devaient, de
prendre part, sous quelque forme que ce fût, aux actes du gouvernement de
M. Bonaparte, sembleraient aujourd'hui ne pas être éloignés de penser
qu'à l'occasion de l'empire une manifestation opposante de la ville de
Paris, par la voie du scrutin, pourrait être utile, et que le moment
serait peut-être venu d'intervenir dans le vote. Ils ajoutent que, dans
tous les cas, le vote pourrait être un moyen de recensement pour le parti
républicain ; grâce au vote, on se compterait.
Ils nous demandent conseil.
Notre réponse sera simple ; et ce que nous dirons pour la ville de Paris
peut être dit pour tous les départements.
Nous ne nous arrêterons point à faire remarquer que M. Bonaparte ne
s'est pas décidé à se déclarer empereur sans avoir au préalable arrêté
avec ses complices le nombre de voix dont il lui convient de dépasser les
7.500.000 de son 20 décembre. À l'heure qu'il est, huit millions, neuf
millions, dix millions, son chiffre est fait. Le scrutin n'y changera
rien. Nous ne prendrons pas la peine de vous rappeler ce que c'est que le
" suffrage universel " de M. Bonaparte, ce que c'est que les
scrutins de M. Bonaparte. Manifestation de la ville de Paris ou de la
ville de Lyon, recensement du parti républicain, est-ce que cela est
possible ? Où sont les garanties du scrutin? où est le contrôle ? où
sont les scrutateurs ? où est la liberté ? Songez à toutes ces dérisions.
Qu'est-ce qui sort de l'urne ? la volonté de M. Bonaparte. Pas autre
chose. M. Bonaparte a les clefs des boîtes dans sa main, les Oui et les
Non dans sa main, le vote dans sa main. Après le travail des préfets et
des maires terminé, ce gouvernant de grands chemins s'enferme tête à tête
avec le scrutin, et le dépouille. Pour lui, ajouter ou retrancher des
voix, altérer un procès-verbal, inventer un total, fabriquer un chiffre,
qu'est-ce que c'est ? un mensonge, c'est-à-dire peu de chose ; un faux,
c'est-à-dire rien.
Restons dans les principes, Citoyens. Ce que nous avons à vous dire, le
voici :
M. Bonaparte trouve que l'instant est venu de s'appeler majesté. Il n'a
pas restauré un pape pour le laisser à rien faire ; il entend être sacré
et couronné. Depuis 2 décembre, il a le fait, le despotisme ; maintenant
il veut le mot, l'empire. Soit.
Nous, Républicains, quelle est notre fonction ? quelle doit être notre
attitude ?
Citoyens, Louis Bonaparte est hors la Loi ; Louis Bonaparte est hors
l'Humanité. Depuis dix mois que ce malfaiteur règne, le droit à
l'insurrection est en permanence et domine toute la situation. À l'heure
où nous sommes, un perpétuel appel aux armes est au fond des
consciences. Or, soyons tranquilles, ce qui se révolte dans toutes les
consciences arrive bien vite à armer tous les bras.
Amis et Frères ! en présence de ce gouvernement infâme, négation de
toute morale, obstacle à tout progrès social, en présence de ce
gouvernement meurtrier du peuple, assassin de la République et violateur
des lois, de ce gouvernement né de la force et qui doit périr par la
force, de ce gouvernement élevé par le crime et qui doit être terrassé
par le droit, le Français, digne du nom de citoyen, ne sait pas, ne veut
pas savoir s'il y a quelque part des semblants de scrutin, des comédies
de suffrage universel et des parodies d'appel à la nation ; il ne
s'informe pas s'il y a des hommes qui votent et des hommes qui font voter,
s'il y a un troupeau qu'on appelle le sénat et qui délibère, et un
autre troupeau qu'on appelle le peuple et qui obéit ; il ne s'informe pas
si le pape va sacrer au maître-autel de Notre-Dame l'homme qui, n'en
doutez pas, ceci est l'avenir inévitable, - sera ferré au poteau par le
bourreau ; - en présence de M. Bonaparte et de son gouvernement, le
citoyen, digne de ce nom, ne fait qu'une chose et n'a qu'une chose à
faire :charger son fusil et attendre l'heure.
VIVE LA RÉPUBLIQUE
!
Les Proscrits démocrates-socialistes
de France, résidant à Jersey,
et réunis en assemblée générale, le 31
octobre 1852.
Pour copie conforme :
La commission :
VICTOR HUGO, FOMBERTAUX, PHILIPPE
FAURE.
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