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                                                                                Les canuts de Lyon, 1831-1834  1834

 

La révolte des canuts de Lyon,
1834.




Tract adressé aux Lyonnais,
avril 1834.




par Marc Nadaux







L'émeute couve de nouveau à Lyon en ce début de printemps 1834. Les difficultés que connaissent les canuts, chefs d'atelier et soyeux, perdurent et le souvenir de la répression qu'a connu la révolte, il y a de cela trois années, est encore dans tous les esprits. Des tracts anonymes, il s'agit d'éviter les poursuites judiciaires, circulent de mains en mains apportés par des colporteurs. Leur discours se fait plus radical et prend même une connotation politique. 

Ils dénoncent en effet la misère ambiante qui constate avec l'opulence des hommes du pouvoir. Félix Barthe, tout d'abord, le "renégat", l'ancien avocat des opposants libéraux sous la Restauration, est devenu ministre de la Justice avant d'être nommé Président de la Cour des Comptes, une "fonction lucrative". Jean-Charles Persil, ensuite, qui fut l'un de ceux qui offrit  en d'autres temps la lieutenance du royaume à Louis-Philippe d'Orléans, est maintenant Garde des Sceaux. Tous deux sont à l'origine du vote de la loi sur les associations par la Chambre des députés, le 25 mars précédent.








Tract adressé aux Lyonnais,
avril 1834.



CITOYENS,


 

L'audace de nos gouvernants est loin de se ralentir : ils espèrent par là cacher leur faiblesse, mais ils se trompent : le peuple est trop clairvoyant aujourd'hui. Ne sait-il pas d'ailleurs que toute la France les abandonne, et qu'il n'est pas un homme de conscience, dans quelque position qu'il soit, Manufacturier ou Prolétaire, Citoyen ou Soldat, qui ose se proclamer leur défenseur...

Citoyens, voici ce que le gouvernement de Louis-Philippe vient encore de faire... Par des ordonnances du 7 de ce mois, il a nommé plusieurs courtisans, ennemis du peuple, à des fonctions très lucratives. Ce sont des sangsues de plus qui vont se gorger de l'or que nous avons tant de peine à amasser pour payer d'écrasants impôts. Parmi eux se trouve Barthe le Renégat, qui est aussi nommé pair de France !... Ainsi on récompense les hommes sans honneur, sans conscience, et on laisse souffrir de misère tous ceux qui sont utiles au pays : les ouvriers, par exemple, et les vieux soldats. Pourquoi nous en étonner... Ceux-ci sont purs et braves ; ils ne chérissent l'existence que parce qu'elle leur donne la faculté d'aimer et de servir leur patrie ; c'est pourquoi aussi on les emprisonne, on les assomme dans les rues, ou on les envoie à Alger... Ce n'est pas là ce que ferait un gouvernement national, un gouvernement républicain.

Mais l'acte le plus significatif de la royauté, c'est la nomination de PERSIL au ministère de la Justice... Persil, citoyens, c'est un pourvoyeur d'échafauds !... C'est Persil qui a voulu faire rouler les têtes des hommes les plus Patriotes de la France, et si les jurés les lui ont refusées, ce n'est pas faute d'insistance de sa part !... C'est Persil qui a eu l'infamie de dire le premier qu'il fallait détruire les Associations et abolir le jury !!! En le prenant pour ministre, la royauté a donc adopté toutes les pensées, toutes les haines de cet homme ! Elle va donc leur laisser un libre cours !... Pauvre France, descendras-tu au degré d'esclavage et de honte auquel on te conduit !...

La loi contre les associations est discutée dans ce moment à la chambre des Pairs. Nous savons tous qu'elle y sera immédiatement adoptée. Nous la verrons donc très incessamment placardée dans nos rues !... Vous le voyez, citoyens, ce n'est pas seulement notre honneur national et notre liberté qu'ils veulent détruire, c'est notre vie à tous, notre existence qu'ils viennent attaquer. En abolissant les Sociétés, ils veulent empêcher aux ouvriers de se soutenir dans leurs besoins, dans leurs maladies ; de s'entraider surtout pour obtenir l'amélioration de leur malheureux sort !... Le peuple est juste, le peuple est bon ; ceux qui lui attribuent des pensées de dévastation et de sang sont D'INFÂMES CALOMNIATEURS ; mais ceux qui lui refusent DES DROITS ET DU PAIN sont infiniment coupables.

OUVRIERS, SOLDATS, vous tous enfants de l'héroïque France, souffrirez-vous les maux dont on vous menace, consentirez-vous â courber vos têtes sous le joug honteux qu'on prépare â votre patrie ! Non, c'est du sang français qui coule dans vos veines, ce sont des cœurs français qui battent dans vos poitrines, vous ne pouvez donc être assimilés â de vils esclaves. Vous vous entendrez tous pour sauver la France, et lui rendre son titre de PREMIERS DES NATIONS ?...


8 Avril 1834.