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Dans la Vienne.
Rapport du
Commissaire central de police au Préfet
sur la situation politique de
la ville de Poitiers,
25 octobre-29 novembre 1851.
par Marc Nadaux
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A Poitiers, l'ordre règne. La population est
placée sous l'étroite surveillance de la police, à qui ses indicateurs
fournissent les renseignements nécessaires à la bonne connaissance des
mouvements de l'opinion. La taille de l'agglomération permet ainsi aux
autorités d'avoir prises sur les réunions les plus importantes, celles
des sympathisants du parti de l'Ordre, de simples notables de bon sens
selon le commissaire de police, et celles du monde ouvrier. Il s'agit en
particulier de surveiller l'arrivée d'agitateurs venus de la ville
voisine de Châtellerault. S'y emploient quelques centaines d'ouvriers
dans les manufactures d'armes et de coutellerie, et là résident les
craintes du fonctionnaire au sujet du département et des événements
futurs. Car l'époque est à l'effervescence, à Paris et dans le monde
politique, comme en province. A Poitiers d'ailleurs, Louis-Napoléon
Bonaparte jouit d'un solide popularité. |
Rapport
du Commissaire central de police au Préfet
sur la situation politique de la ville de Poitiers.
Du 25 octobre-29 novembre 1851.
Monsieur le Préfet,
Le mois de novembre qui est prêt de finir n'a rien offert
qui mérite de vous être signalé, si ce n'est les élections municipales
qui ont eu lieu le 23 du mois courant, le triomphe, de la liste rouge, ne
doit être attribué qu'à l'apathie des hommes qui font parti de l'ordre
; à la suite des élections une manifestation, peu importante il est
vrai, mais dont je dois vous parler, a eu lieu au café des Trois Piliers
tenu par M. Duplaisset avocat, un des chefs du démagogique et un des
nouveaux conseillers municipaux, a prononcé, dans cet établissement et
au milieu des 40 à 50 de ses adhérents, un discours qui a, par sa
nature, vivement impressionné son auditoire, à la suite de ce discours
une collecte a été faite en faveur des détenus politiques ; le tribun
Poitevin était monté sur le billard pour mieux dominer son auditoire ;
le discours contenait des avertissements pour 1852, il engageait les démocrates
à ne faire aucune manifestation et à attendre que l'heure ait sonnée,
Toujours à propos des élections il avait été décidée
que les frères et amis de Châtellerault enverraient une adresse aux
nouveaux élus.
Les partisans du désordre, depuis quelques temps, s'agitent
beaucoup et les voyages des frères et amis de Châtellerault à Paris
viendraient au besoin corroborer nos dire si on en doutait.
Le sieur Stourm et ses acolytes visitent aussi, très
souvent, Châtellerault, c'est de là, probablement, que nous viendra l'émeute
si toutefois nous en avons une.
Le cercle des amis de l'ordre ne s'occupe en aucune manière
de politique et ce lieu surtout bonnement une réunion d'hommes sensés.
Le Café Lavergne n'existe plus que de nom, seulement, on m'a
annoncé qu'une réunion secrète devait avoir lieu dans cet établissement
; j'attends !
Les sieurs Taillandier, Dussoubs, Poulot et Villegoureix de
Limoges sont passés à Poitiers le 19 ou courant se dirigeant sur Paris.
Le Sieur Durin de Limoges qui vient d'être condamné par la
Cour d'Assises de la Seine avait écrit aux frères de Potiers pur qu'on
lui ouvrit une souscription les frères et amis ne lui ont pas répondu.
Le sieur Collard ne se montre plus nulle part ; on ne le voit
que la nuit ; et il est surveillé de très près.
Le Café du Jet d'eau situé sur la Place d'armes est
surveillé de très près à cause des individus qui le fréquentent ;
dans mon prochain rapport j'aurai l'honneur de vous donner d'autres détails.
Quant à l'opinion des habitants de Poitiers, elle est en général
assez bonne et on se plait à dire que Monsieur le Président de la République
doit être réélu pour le bonheur de la France ; son dernier discours aux
exposants de Londres a été apprécié par ceux même qui ne partagent
pas ses opinions politiques.
Voilà, Monsieur le Préfet, la vérité toute entière sur
la situation politique de notre ville tout autre rapport peut être regardé
comme mensonger et le temps à venir prouvera que l'ai bien jugé la
situation de Poitiers.
Je suis avec un profond respect de Monsieur le Préfet le très humble et
dévoué serviteur
Le
Commissaire central de police.
Saba
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