Justice de
paix du canton
de Selongey
Selongey,
21 décembre 1851
Monsieur le Préfet,
Hier et aujourd'hui j'ai vérifié dans chaque commune de mon canton si
toutes les formalités prescrites pour le vote du 20 et 21 avaient été
exactement suivies. Tout s'est passé très régulièrement, les électeurs
se sont empressés de répondre à l'appel et MM. les maires m'ont assuré
qu'une énorme majorité se prononcerait dans le canton en faveur du président.
Je ne connais encore qu'un résultat, celui du chef-lieu du canton mais il
est significatif et nous a tous surpris : sur 433 votants, 38 seulement
ont répondu négativement, et il y a à peine deux ans, le parti de
l'ordre avait la minorité dans cette commune.
Et cependant, les rouges étaient allé endoctriner depuis quelques jours
la classe des vignerons tellement que d'accord avec l'autorité locale
j'avais cru devoir faire publier une proclamation aux habitants de
Selongey dans laquelle je les engageais à ne pas se laisser égarer :
"Un chef énergique, leur disais-je en terminant, vient de sauver la
France, que les honnêtes gens, les vrais patriotes se rallient à lui et
l'aident à consolider la société si fortement ébranlée, que les
brouillons, les hommes du désordre, les pillards, tous ceux qui sont
perdus d'honneur s'en séparent, et qu'à leur confusion, une acclamation
immense vienne de nouveau saluer le nom de Louis Napoléon
Bonaparte".
Un vieillard de 83 ans, impotent et distant de plus d'un kilomètre de l'hôtel
de ville, est venu par un temps rigoureux, soutenu par un seul bras, déposer
son vote affirmatif ; la nature était à bout, on a dû remporter ce bon
citoyen épuisé par un pareil effort.
Les chefs du parti rouge sont atterrés, l'un
d'entre eux, qui croyait dominer la classe des vignerons ne sait plus que
dire.
Daignez agréer, Monsieur le Préfet l'expression de mon respect et de mon
dévouement.
Le
Juge de paix à Selongey
P. Massard.
Il
ne s'est trouvé aucun bulletin injurieux.