La
République qui vient de naître a besoin de s'incarner, de poser dans un
présent qui plonge ses racines dans un passé lointain. Car la
République, c'est désormais la France, une France qui s'est construite
au cours de longs siècles d'histoire. Alors que l'école devient
obligatoire, Ernest Lavisse, " l'instituteur national ", le
démontre d'ailleurs aux petits écoliers, à grand renfort d'une imagerie
vantant les grands héros, défenseurs de la patrie. Parmi ceux-ci et à
côté de Vercingétorix, Jeanne d'Arc tient une place de choix.
Et il est bien fini le temps de la Pucelle empanachée. Depuis quelques
décennies déjà, se sont fixés les canons de sa représentation : une
jeune fille, belle et robuste à la fois, en armure, sa coiffure partagée
par une sage raie médiane. Une Jeanne martiale et chrétienne figure à
présent sur tous les types de supports : sculptures, cartes postales,
livres, vignettes, affiches... tandis que son procès
en canonisation, initié en 1869 par Monseigneur Dupanloup, l’évêque
d’Orléans, aboutit. En 1909, Jeanne d'Arc est béatifiée.
Cette affiche de la Belle Époque nous restitue bien cette héroïne,
féminine et protectrice, chère aux Français. Dans la France meurtrie
par la défaite de 1871 face aux armées prussiennes, ceux-ci trouvent en
elle l'incarnation de leur désir de retrouver la grandeur passée. Au recueillement
a succédé le désir de reconquête et à côté de ce petit garçon,
l'écolier modèle de la Troisième République, figure une jeune fille
qui n'est autre qu'une Alsacienne en costume
traditionnelle. D'ailleurs l'imagerie nationaliste utilisera
bientôt la sainte.