La loi du 25 février 1875 relative
à l'organisation des pouvoirs publics
Article 1. - Le pouvoir législatif s'exerce par deux assemblées :
la Chambre des députés et le Sénat. - La Chambre des Députés est nommée
par le suffrage universel, dans les conditions déterminées par la loi électorale.
- La composition, le mode de nomination et les attributions du Sénat
seront réglés par une loi spéciale.
Article 2. - Le Président de la République est élu à la majorité
absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis
en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible.
Article 3. - Le président de la République a l'initiative des lois,
concurremment avec les membres des deux chambres. Il promulgue les lois
lorsqu'elles ont été votées par les deux chambres ; il en
surveille et en assure l'exécution. - Il a le droit de faire grâce ;
les amnisties ne peuvent être accordées que par une loi. - Il dispose de
la force armée. - Il nomme à tous les emplois civils et militaires. - Il
préside aux solennités nationales ; les envoyés et les
ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui.
- Chacun des actes du président de la République doit être contresigné
par un ministre.
Article 4. - Au fur et à mesure des vacances qui se produiront à partir
de la promulgation de la présente loi, le président de la République
nomme, en Conseil des ministres, les conseillers d'État en service
ordinaire. - Les conseillers d'État ainsi nommés ne pourront être révoqués
que par décret rendu en Conseil des ministres. - Les conseillers d'État
nommés en vertu de la loi du 24 mai 1872 ne pourront, jusqu'à
l'expiration de leurs pouvoirs, être révoqués que dans la forme déterminée
par cette loi. - Après la séparation de l'Assemblée nationale, la révocation
ne pourra être prononcée que par une résolution du Sénat.
Article 5. - Le Président de la République peut, sur l'avis conforme du
Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de
son mandat. - En ce cas, les collèges électoraux sont convoqués pour de
nouvelles élections dans le délai de trois mois.
Article 6. - Les ministres sont solidairement responsables devant les
chambres de la politique générale du Gouvernement, et individuellement
de leurs actes personnels. - Le Président de la République n'est
responsable que dans le cas de haute trahison.
Article 7. - En cas de vacance par décès ou pour toute autre cause, les
deux chambres procèdent immédiatement à l'élection d'un nouveau Président.
- Dans l'intervalle, le Conseil des ministres est investi du pouvoir exécutif.
Article 8. - Les chambres auront le droit, par délibérations séparées
prises dans chacune à la majorité absolue des voix, soit spontanément,
soit sur la demande du Président de la République, de déclarer qu'il y
a lieu de réviser les lois constitutionnelles. - Après que chacune des
deux chambres aura pris cette résolution, elles se réuniront en Assemblée
nationale pour procéder à la révision. - Les délibérations portant révision
des lois constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être prises à
la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale. -
Toutefois, pendant la durée des pouvoirs conférés par la loi du 20 novembre 1873
à M. le maréchal de Mac-Mahon, cette révision ne
peut avoir lieu que sur proposition du Président de la République.
Article 9. - Le siège du pouvoir exécutif et des deux chambres est à
Versailles.
Loi du 24 février 1875
relative à l'organisation du Sénat
Article 1. - Le Sénat se compose de trois cents membres : deux
cent vingt-cinq élus par les départements et les colonies, et
soixante-quinze élus par l'Assemblée nationale.
Article 2. - Les départements de la Seine et du Nord éliront chacun cinq
sénateurs ; - Les départements de la Seine-inférieure,
Pas-de-Calais, Gironde, Rhône, Finistère, Côtes-du-Nord, chacun quatre
sénateurs ; - La Loire-inférieure, Saône-et-Loire,
Ille-et-Vilaine, Seine-et-Oise, Isère, Puy de dôme, Somme, Bouches-du-Rhône,
Aisne, Loire, Manche, Maine-et-Loire, Morbihan, Dordogne, Haute-Garonne,
Charente-inférieure, Calvados, Sarthe, Hérault, Basses-Pyrénées, Gard,
Aveyron, Vendée, Orne, Oise, Vosges, Allier, chacun trois sénateurs ;
- Tous les autres départements, chacun deux sénateurs. - Le territoire
de Belfort, les trois départements de l'Algérie, les quatre colonies de
la Martinique, de la Guadeloupe, de la Réunion et des Indes françaises
éliront chacun un sénateur.
Article 3. - Nul ne peut être sénateur s'il n'est Français, âgé de
quarante ans au moins et s'il ne jouit de ses droits civils et politiques.
Article 4. - Les sénateurs des départements et des colonies sont élus
à la majorité absolue, et, quand il y a lieu, au scrutin de liste, par
un collège réuni au chef-lieu du département ou de la colonie, et
composé :
1° des députés ;
2° des conseillers généraux ;
3° des conseillers d'arrondissement ;
4° des délégués élus, un par chaque conseil municipal, parmi les électeurs
de la commune. - Dans l'Inde française, les membres du Conseil colonial
ou des conseils locaux sont substitués aux conseillers généraux, aux
conseillers d'arrondissement et aux délégués des conseils municipaux. -
Ils votent au chef-lieu de chaque établissement.
Article 5. - Les sénateurs nommés par l'Assemblée sont élus au scrutin
de liste et à la majorité absolue des suffrages.
Article 6. - Les sénateurs des départements et des colonies sont élus
pour neuf années et renouvelables par tiers, tous les trois ans. - Au début
de la première session, les départements seront divisés en trois séries,
contenant chacune un égal nombre de sénateurs. Il sera procédé, par la
voie du tirage au sort, à la désignation des séries qui devront être
renouvelées à l'expiration de la première et de la deuxième période
triennale.
Article 7. - Les sénateurs élus par l'Assemblée sont inamovibles. - En
cas de vacance par décès, démission ou autre cause, il sera, dans les
deux mois, pourvu au remplacement par le Sénat lui-même.
Article 8. - Le Sénat a, concurremment avec la Chambre des députés,
l'initiative et la confection des lois. - Toutefois, les lois de finances
doivent être, en premier lieu, déposées à la Chambre des députés et
votées par elle.
Article 9. - Le Sénat peut être constitué en Cour de justice pour
juger, soit le Président de la République, soit les ministres, et pour
connaître des attentats commis contre la sûreté de l'État.
Article 10. - Il sera procédé à l'élection du Sénat un mois avant l'époque
fixée par l'Assemblée nationale pour sa séparation. - Le Sénat entrera
en fonctions et se constituera le jour même où l'Assemblée nationale se
séparera.
Article 11. - La présente loi ne pourra être promulguée qu'après le
vote définitif de la loi sur les pouvoirs publics.
Loi constitutionnelle du 16 juillet 1875
sur les rapports des pouvoirs publics
Article 1. - Le Sénat et la Chambre des députés se réunissent
chaque année le second mardi de janvier, à moins d'une convocation antérieure
faite par le Président de la République. - Les deux chambres doivent être
réunies en session cinq mois au moins chaque année. La session de l'une
commence et finit en même temps que celle de l'autre. - Le dimanche qui
suivra la rentrée, des prières publiques seront adressées à Dieu dans
les églises et dans les temples pour appeler son secours sur les travaux
des assemblées.
Article 2. - Le Président de la République prononce la clôture de la
session. Il a le droit de convoquer extraordinairement les chambres. Il
devra les convoquer si la demande en est faite, dans l'intervalle des
sessions, par la majorité absolue des membres composant chaque chambre. -
Le Président peut ajourner les chambres. Toutefois, l'ajournement ne peut
excéder le terme d'un mois ni avoir lieu plus de deux fois dans la même
session.
Article 3. - Un mois avant le terme légal des pouvoirs du Président de
la République, les chambres devront être réunies en Assemblée
nationale pour procéder à l'élection du nouveau Président. - A défaut
de convocation, cette réunion aurait lieu de plein droit le quinzième
jour avant l'expiration de ces pouvoirs. - En cas de décès ou de démission
du Président de la République, les deux chambres se réunissent immédiatement
et de plein droit. - Dans le cas où, par application de l'article 5 de la
loi du 25 février 1875, la Chambre des députés se trouverait
dissoute au moment où la présidence de la République deviendrait
vacante, les collèges électoraux seraient convoqués, et le Sénat se réunirait
de plein droit.
Article 4. - Toute assemblée de l'une des deux chambres qui serait tenue
hors du temps de la session commune est illicite et nulle de plein droit,
sauf le cas prévu par l'article précédent et celui où le Sénat est réuni
comme Cour de justice ; et, dans ce dernier cas, il ne peut exercer
que des fonctions judiciaires.
Article 5. - Les séances du Sénat et celles de la Chambre des députés
sont publiques. - Néanmoins, chaque chambre peut se former en comité
secret, sur la demande d'un certain nombre de ses membres, fixé par le règlement.
- Elle décide ensuite, à la majorité absolue, si la séance doit être
reprise en public sur le même sujet.
Article 6. - Le Président de la République communique avec les chambres
par des messages qui sont lus à la tribune par un ministre. - Les
ministres ont leur entrée dans les deux chambres et doivent être
entendus quand ils le demandent. Ils peuvent se faire assister par des
commissaires désignés, pour la discussion d'un projet de loi déterminé,
par décret du Président de la République.
Article 7. - Le Président de la République promulgue les lois dans le
mois qui suit la transmission au Gouvernement de la loi définitivement
adoptée. Il doit promulguer dans les trois jours les lois dont la
promulgation, par un vote exprès de l'une et l'autre chambres, aura été
déclarée urgente. - Dans le délai fixé par la promulgation, le Président
de la République peut, par un message motivé, demander aux deux chambres
une nouvelle délibération qui ne peut être refusée.
Article 8. - Le Président de la République négocie et ratifie les traités.
Il en donne connaissance aux Chambres aussitôt que l'intérêt et la sûreté
de l'État le permettent. - Les traités de paix, de commerce, les traités
qui engagent les finances de l'État, ceux qui sont relatifs à l'état
des personnes et au droit de propriété des Français à l'étranger, ne
sont définitifs qu'après avoir été votés par les deux chambres. Nulle
cession, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu
qu'en vertu d'une loi.
Article 9. - Le Président de la République ne peut déclarer la guerre
sans l'assentiment préalable des deux chambres.
Article 10. - Chacune des chambres est juge de l'éligibilité de ses
membres et de la régularité de l'élection ; elle peut, seule,
recevoir leur démission.
Article 11. - Le bureau de chacune des deux chambres est élu chaque année
pour la durée de la session, et pour toute session extraordinaire qui
aurait lieu avant la session ordinaire de l'année suivante. - Lorsque les
deux chambres se réunissent en Assemblée nationale, leur bureau se
compose du président, des vice-présidents et secrétaires du Sénat.
Article 12. - Le Président de la République ne peut être mis en
accusation que par la Chambre des députés, et ne peut être jugé que
par le Sénat. - Les ministres peuvent être mis en accusation par la
Chambre des députés pour crimes commis dans l'exercice de leurs
fonctions. En ce cas, ils sont jugés par le Sénat. - Le Sénat peut être
constitué en Cour de justice par un décret du Président de la République,
rendu en Conseil des ministres, pour juger toute personne prévenue
d'attentat contre la sûreté de l'État. - Si l'instruction est commencée
par la justice ordinaire, le décret de convocation du Sénat peut être
rendu jusqu'à l'arrêt de renvoi. - Une loi déterminera le mode de procéder
pour l'accusation, l'instruction et le jugement.
Article 13. - Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre ne peut être
poursuivi ou recherché à l'occasion des opinions ou votes émis par lui
dans l'exercice de ses fonctions.
Article 14. - Aucun membre de l'une ou de l'autre chambre ne peut, pendant
la durée de la session, être poursuivi ou arrêté en matière
criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation de la chambre dont il
fait partie, sauf le cas de flagrant délit. - La détention ou la
poursuite d'un membre de l'une ou de l'autre chambre est suspendue pendant
la session, et pour toute sa durée, si la chambre le requiert.
Les révisions constitutionnelles
Loi du 21 juin 1879,
portant abrogation de l'article 9
de la loi constitutionnelle du 25 février 1875
Article unique. - L'article 9 de la loi constitutionnelle du 25 février1875
est abrogé
Loi du 14 août 1884,
portant révision partielle des lois
constitutionnelles
Article 1. - Le paragraphe 2 de l'article 5 de la loi constitutionnelle
du 25 février 1875, relative à l'organisation des pouvoirs
publics, est modifié ainsi qu'il suit : - " En ce cas, les
collèges électoraux sont réunis pour de nouvelles élections dans le délai
de deux mois et la Chambre dans les dix jours qui suivront la clôture des
opérations électorales. "
Article 2. - Le paragraphe 3 de l'article 8 de la même loi est complété
ainsi qu'il suit : - " La forme républicaine du
gouvernement ne peut faire l'objet d'une proposition de révision. -
" Les membres des familles ayant régné sur la France sont inéligibles
à la présidence de la République. "
Article 3. - Les articles 1 à 7 de la loi constitutionnelle du 24 février 1875,
relatifs à l'organisation du Sénat, n'auront plus le caractère
constitutionnel.
Article 4. - Le paragraphe 3 de l'article premier de la loi
constitutionnelle du 16 juillet 1875, sur les rapports des
pouvoirs publics, est abrogé.
Loi constitutionnelle du 10 août 1926,
complétant la loi constitutionnelle du 25 février 1875
Article unique. - La loi constitutionnelle du 25 février 1875,
relative à l'organisation des pouvoirs publics est complétée par un
article ainsi conçu : - " L'autonomie de la caisse de
gestion des bons de la défense nationale et d'amortissement de la dette
publique a le caractère constitutionnel.
Seront affectés à cette caisse, jusqu'à l'amortissement complet des
bons de la défense nationale et des titres créés par la caisse :
1. Les recettes nettes de la vente des tabacs ;
2. Le produit de la taxe complémentaire et exceptionnelle
sur la première mutation des droits de succession et les contributions
volontaires ;
Le produit des ressources ci-dessus énumérées au cours du
premier exercice qui suivra la promulgation de la présente loi, constitue
la dotation annuelle minimum de la caisse d'amortissement.
3. En cas d'insuffisance des ressources ci-dessus pour
assurer le service des bons gérés par la caisse et des titres créés
par elle, une annuité au moins égale, inscrite au budget. "