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                                                   Le travail des enfants   La législation

 

La législation.


Le Préfet de la Charente au Maire d'Angoulême,
14 octobre 1843.


par Marc Nadaux







Rappelé à l'ordre par le Ministre de l'Intérieur qui lui reproche une certaine mollesse quant à l'application de la loi de 1841, le Préfet de la Charente s'exerce à quelques remontrances aux dépends du maire d'Angoulême. Ne nous trompons pas à la lecture de ces quelques phrases, celles-ci reprennent pratiquement à l'identique les mots du ministre. Le représentant du Gouvernement décrit bien évidemment de graves entorses à la loi votée, mais que faire ? Rappelons qu'il est tout de même admis qu'un enfant de 8 à 12 ans peut travailler 48 heures par semaine et son aîné, âgé lui de 12 à 16 ans, 72... Où se situé le seuil de tolérance pour un entrepreneur ? Celui-ci d'ailleurs ne risque qu'une amende, un procès-verbal.







Angoulême, le 12 octobre 1843.


Monsieur le Maire,

La dernière visite faite dans les usines et fabriques, par MM. les membres de la commission d'inspection du travail des enfants, a démontré que la situation de ce service est loin d'être satisfaisante.

On .ne se douterait pas, à la manière dont les enfants y sont employés, que la loi du 22 mars est exécutoire depuis deux ans. Dans quelques fabriques, pour les enfants de 8 à 12 ans, la durée du travail y excède d'un tiers les limites fixées ; et ce travail a lieu fréquemment la nuit ; le tems du repos est insuffisant ; la plupart des enfants âgés de plus de 12 ans ne savent ni lire ni écrire, et ils ne fréquentent point l'école, bien qu'il en existe dans la commune. Les enfants plus jeunes ne reçoivent pas davantage l'instruction élémentaire. Dans un plus grand nombre de ces établissements, aucun d'eux n'est pourvu du livret obligatoire. Dans presque tous ni la loi ni les règlements intérieurs ne sont affichés.

Vous comprendrez, Monsieur le Maire, que des violations aussi générales et aussi flagrantes ne peuvent être tolérées plus longtems. En présence d'infractions si graves et si nombreuses, il est impossible que MM. les Inspecteurs laissent dépérir dans leurs mains l'autorité dont ils sont investis.

Après des délais déjà trop longs on ne saurait user d'indulgence. Cette voie là a été essayée et les faits prouvent qu'elle n'a point conduit au but. L'intention formelle du gouvernement est que l'exécution soit générale et complète. Le tems des ajournements et des concessions est passé. La tolérance prolongée de l'administration aurait les résultats les plus funestes ; outre qu'elle serait d'un fâcheux exemple, elle créerait une sorte de prime au profit des fabricants qui s'affranchiraient des dispositions légales et donnerait un juste sujet de plaintes à ceux qui s'y sont conformés ; elle troublerait arbitrairement les conditions ordinaires de la concurrence.

II ne dépend donc que de la volonté des propriétaires de procéder régulièrement. Si au mépris des avertissements qui leur ont été donnés, ils négligeaient de se conformer aux prescriptions légales, MM. les Inspecteurs seraient, sans doute, dans la nécessité d'en rapporter immédiatement procès-verbal.

Je vous prie donc, Monsieur le Maire, de vouloir bien inviter une dernière fois les propriétaires de fabriques et usines, dont le siège est dans votre commune, d'avoir à se conformer aux prescriptions de la loi du 22 mars 1841, insérée au recueil n° 953 des actes de la préfecture.


Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l'assurance de ma considération très distinguée.


Le Préfet,

Galzain