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                                                                                Le monde ouvrier par la chanson

 

Jules Janin,
Il ne faut pas perdre le pain !,
1852.



par Marc Nadaux







Sous la Monarchie de Juillet, un engouement romantique pour le peuple amène les écrivains à développer une littérature " sociale ". Le monde ouvrier se passionne alors à la lecture des Mystères de Paris d'Eugène Sue. L'instruction qui se diffuse permet également à certains d'entre-eux de prendre la plume. A côté des romans autobiographiques, fleurissent alors chansons et poèmes à l'écriture stéréotypée. 

Ici Jules Janin décrit le quotidien de l'ouvrier parisien, encore très marqué par la ruralité. Si l'on perçoit la dureté de la condition ouvrière dans cette chanson, publiée en 1852, l'allusion politique est également prégnante. Marqué par ses convictions républicaines, l'auteur critique l'évolution politique en cours et le discours ambiant, au moment du rétablissement de l'Empire. 






A l'un de ses fils déjà grand,
Qui de son pain jetait les miettes,
En proie à des craintes secrètes,
Une femme disait : Enfant,
Chaque journée au prolétaire
N'offre qu'un douteux lendemain...
Nous sommes de trop sur la terre
II ne faut pas perdre le pain !


A nous, dis-tu, de recueillir
Le froment qui verdit la plaine ?
Non, mon fils ; la moisson prochaine
Pour nous deux ne doit pas mûrir ;
A d'autres d'en faire ripaille...
De ce blé, que sema ta main,
Heureux si nous avons la paille !
II ne faut pas perdre le pain !


Depuis deux siècles, sur un mot
(Fasse Dieu qu'il se réalise !),
Une poule nous est promise
Qui doit rengraisser notre pot ;
Mais cette poule renommée,
Dont nous bernait un roi badin,
De plus fins que nous l'ont plumée.
II ne faut pas perdre le pain !


Parmi nous un César nouveau
Poursuit son œuvre ténébreuse.
La soutane est victorieuse,
Le sceptre succède au niveau.
La France, qu'on dit satisfaite,
Doit en rendre grâce au destin.
De César bientôt c'est la fête
II ne faut pas perdre le pain !


Dans son sermon, notre curé
Nous a parlé d'une bombance
Où chacun aura sa pitance
Et la fera cuire à son gré ;
A l'espérer il nous invite ;
Mais d'ici le jour du festin
Nous aurons vendu la marmite !
II ne faut pas perdre le pain !