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Plantation à Amiens d'un
arbre de la liberté, 1848 |
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Plantation
d'un arbre de la
liberté
à Amiens
(Somme),
2 avril 1848.
par Marc Nadaux
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Dans les semaines qui suivent les journées de février et la
proclamation de la République règne en France une atmosphère de liesse
populaire. Aux fêtes spontanées s'ajoutent des cérémonies
organisées par les autorités. Ce sont autant de moments privilégiés où
les représentants du pouvoir en place peuvent définir l'esprit du
nouveau régime.
A Amiens, lors des premières journées de ce printemps 1848, la
plantation d'un arbre de la liberté en l'honneur de Porion, maire de la
commune, permet au Commissaire du Gouvernement d'exalter la fraternité
entre les différentes catégories de Français. Il mêle également à
plusieurs reprises dans son discours les mots de liberté et d'ordre. |
Citoyens,
Dans les circonstances graves
où se trouve la France, la démonstration publique à laquelle vous
prenez part ne saurait être une vaine cérémonie ; elle a nécessairement
but tout politique.
Ce Peuplier était hier encore confondu parmi les arbres de la forêt.
Non loin de lui s’élevait un chêne séculaire; mais en un instant la
main du Peuple qui est aussi la main de Dieu l'a réduit en poussière.
Il n'en est rien resté; rien, et le modeste Peuplier, image touchante du
Peuple dont il portait déjà le nom, est sorti de son obscurité pour
devenir tout-à-coup l’auguste symbole de la puissance nationale de la République.
Ce symbole reçoit en cet instant la consécration la plus solennelle, car
les institutions humaines ne reposent que sur deux bases, la religion et
la loi.
C'est donc à la fois l'état religieux et l'état civil de la République
que nous rédigeons en cet instant ; et quel acte fut jamais plus
authentique !
Le clergé vient de bénit la République dans ce signe visible qui la
représente ; les magistrats municipaux ont inscrit sa naissance sur
leurs tables, et les témoins de ce grand acte sont le peuple tout entier,
!e représentant du gouvernement, les corps judiciaires revêtus des
insignes de leur puissance, la garde nationale gardienne fidèle de
l'ordre et de la liberté, l'armée devenue citoyenne et tous les corps
constitués.
Qui pourrait donc aujourd'hui nier la République ?
Sa naissance est constatée ; son existence est un bienfait.
Ouvriers Citoyens, Enfants du peuple comme nous ; soyez fiers de votre
ouvrage et de votre puissance; mais sachez bien cependant qu'en recouvrant
vos droits imprescriptibles à la liberté, vous ne pouvez les conserver
qu'à la seule condition de ne pas en abuser. L'abus de la liberté,
c’est le désordre, c'est la misère, c’est l'anarchie, c'est bientôt
l’esclavage.
Nos pères aussi ont été libres un instant ; mais l’histoire nous dit
comment, éblouis par la gloire, ils ont péri par la gloire même.
La gloire ne suffit donc pas pour assurer le bonheur des nations ; il
ne peut résulter que d'une liberté sage, que du travail et de fortes
institutions.
Bientôt nous seront appelés à nommer les citoyens qui devront représenter
dans l'Assemblée Nationale, chargée de fonder ces institutions ;
bientôt le Gouvernement provisoire de la République résignera les
pouvoirs qui lui ont été confiés par la nation et dont il a fait un
digne usage, et si vous voulez fermement que la République soit établie
pour toujours dans notre belle patrie, vous devrez porter vos choix sur
des hommes amis de l’ordre et franchement républicains.
Ce n'est pas un jeune Chêne ou un Saule-pleureur que vous avez planté
ici pour représenter la Liberté et la République.
C'est un Peuplier, dont la jeunesse n'a pu besoin de tuteur !
De même, pour fonder à jamais cette République tant désirée, vous ne
pourriez sans inconséquence, sans péril imminent pour la société toute
entière, porter vos choix sur des homme qui regrettent les dynasties, ou
qui pleurent sur un passé qui n’appartient plus à personne.
Vive la République !
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