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Les
Trois Glorieuses
(27, 28, 29 juillet 1830).
La visite de Mme la Dauphine
à Dijon (Côte-d'Or),
31 juillet 1830.
par Marc Nadaux
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A Paris, le peuple s'insurge contre les ordonnances, signées par le
roi Charles X , le 25 juillet 1830, qui rompent avec l'esprit de la Charte
de 1814. Mais à Dijon, où les nouvelles de la capitale
parviennent assez rapidement, le Maire, Comte Philippe de Courtivron, doit
s'occuper des festivités organisées afin d'accueillir Madame la
Dauphine. Il invite ainsi les Dijonnais à pavoiser les fenêtres de leurs
habitations d'un drapeau blanc puis de les illuminer dans la soirée du
jeudi 29 juillet pour honorer la fille de Louis XVI et épouse de son
cousin le duc d'Angoulême, fils aîné du roi Charles X. Cependant la
liesse populaire n'est pas au rendez-vous et le programme en est
quelques-peu bouleversé. Le lendemain d'ailleurs, le premier magistrat
municipal, dans un soucis d'apaisement, doit annoncer une réorganisation
de la Garde nationale... |
Dijon, le 31 juillet
A son arrivée, Madame la Dauphine a vu les troupes de la garnison rangées
en bataille dans les allées du cours du Parc ; elle en a parcouru le
front dans une calèche qui a été substituée à sa voiture de voyage.
Elle a fait ensuite son entrée en ville au milieu de quelques cris de
Vive le Roi ! et des cris nombreux et multipliés de Vive la Charte ! qui
l'ont accompagnée jusqu'au Musée qu'elle a visité. Le même cri s'est
fait entendre dans le trajet de cet établissement à la Préfecture où
son altesse royale est descendue. Elle y a reçu toutes les autorités et
les personnes qui lui ont été présentées ; et après le dîner elle a
honoré le spectacle de sa présence. I1 y avait peu de monde dans les
loges, les stalles, la galerie et la banquette ; le parterre seul était
extrêmement nombreux. A son entrée, quelques cris de Vive le Roi ! sont
partis des loges ; ils ont été couverts par les cris de Vive la Charte !
tellement prolongés qu'à peine on a pu entendre la mauvaise pièce des
Cancans, qui ce soir-là formait le spectacle avec Shakespeare amoureux et
le Bouffe et le Tailleur. Les cris A bas les ordonnances ! A bas les
ministres ! Vivent les 221 comblaient les intervalles des cris de Vive la
Charte ! La princesse s'est levée dès les premières scènes de la dernière
pièce, et s'est rendue à la Préfecture toujours suivie des mêmes
acclamations.
Une foule de jeunes gens de tout état entouraient l'hôtel, poussant
toujours à tue-tête le cri de Vive la Charte ! La force armée a réussi
à les éloigner ; ils se sont répandus par la ville en groupes nombreux,
faisant retentir du même cri les rues et les places qu'ils parcouraient.
Des patrouilles de cavalerie et d'infanterie circulaient dans tous les
sens, et, grâce à la prudence des chefs, il n'est pas arrivé d'accidens
graves ; trois ou quatre individus ont été mis au corps de garde, et le
lendemain matin ils ont été rendus à la liberté. Vers onze heures,
l'effervescence était apaisée ; plus de rassemblement, tout était rentré
dans le calme.
Les édifices publics et plusieurs maisons particulières, qui étaient
pavoisés dès le matin, ont été illuminés à la chute du jour.
Madame est partie à cinq heures du matin pour Semur. Après son départ,
l'absence de toutes nouvelles, le besoin de s'interroger et d'apprendre a
reformé des groupes, des rassemblemens qui bientôt sont devenus assez
nombreux ; on y remarquait de l'inquiétude, mais aucun esprit de trouble.
Cependant, comme ils se grossissaient, l'autorité municipale a cru devoir
prendre, pour le maintien de la tranquillité publique, un arrêté pour
les disperser. Cette mesure a été accueillie par le cri de Vive la
Charte ! M. le maire s'est trouvé sur la place Royale au milieu d'un
groupe auquel il a porté des paroles de paix ; on lui a demandé la réorganisation
de la garde nationale. Sa réponse a été qu'il consulterait son conseil,
et une heure après ce magistrat a annoncé que cette organisation aurait
lieu, qu'on allait s'en occuper. Cette promesse a été accueillie avec
des témoignages de reconnaissance. Toute la soirée a été calme, et
tout fait présager que la tranquillité publique ne sera pas troublée.
D'ailleurs la garde nationale s'organise, et déjà une compagnie fait ce
soir le service. Nos braves pompiers occupent un poste depuis l'après-midi.
C'est aux gens sages, aux gens réfléchis, à employer tout leur
ascendant pour qu'aucun désordre ne marque les circonstances difficiles
dans lesquelles nous nous trouvons. Confiance dans nos autorités, dont la
prudence ne s'est pas démentie ; continuation du respect pour les
personnes et pour les propriétés, de l'obéissance à la loi, du calme,
toujours du calme, et nous traverserons, purs et dignes de nous-mêmes, la
crise politique où l'on nous a jetés.
Voici l'arrêté pris par M. le maire :
"Considérant qu'il est du devoir de l'autorité locale de maintenir
la tranquillité publique, en évitant le retour des désordres qui ont eu
lieu dans la soirée d'hier ;
vu les divers arrêtés de nos prédécesseurs, celui de M. le préfet du
22 août 1823 ; les lois du 24 août 1790, titre 2, article 3 et 4, et du
22 juillet 1791, article 46 ; arrête :
. Art. ler Tout rassemblement inusité, et sans but connu et
approuvé de l'autorité compétente, dans les rues ou sur les places
publiques de la ville de Dijon, est défendu.
. Art. 2. Les cafés, cabarets et autres lieux publics seront jusqu'à
nouvel ordre fermés à dix heures du soir.
. Art. 3. Ceux qui contreviendront à ces mesures d'ordre public seront
poursuivis conformément au no 8 de l'article 479 du Code pénal.
. Art. 4. M. le commissaire de police de la ville de Dijon et M. le
commandant de la gendarmerie royale sont chargés de maintenir l'exécution
du présent arrêté, qui sera imprimé, publié et affiché en placard
dans tous les lieux accoutumés.
. Art. 5. Copie du présent arrêté sera transmise à M. le lieutenant général
commandant la division.
Fait à l'Hôtel de Ville, le 30 juillet 1830.
Le maire de Dijon, Cte Ph. de Courtivron,
Vu et approuvé : Pour le préfet de la Côte d'Or,
Le conseiller de préfecture, signé Pierre".
Journal politique et littéraire de la Côte d'Or, n° 92,
Dimanche 1er août 1830.
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