La lettre d'infos


A voir et à lire
sur
19e.org,
et ailleurs.

S'abonner à la lettre d'infos
 

 L'actualité
sur 19e.org

 
 

 A voir sur le Web

     Vous êtes ici :   Accueil   Documents   La Restauration   Les Trois Glorieuses              Contact

 

Les Trois Glorieuses
(27, 28, 29 juillet 1830).



La saisie des presses du journal Le Temps,
27 juillet 1830, (Le Temps, 28 juillet 1830).



par Marc Nadaux







Afin de faire taire l'opposition, Charles X , signe le 25 juillet 1830  quatre ordonnances, l'une d'entre-elles entraînant la suspension de la liberté de la presse. Le roi rompt ainsi avec quinze années de pratiques politiques et avec l'esprit de la Charte de 1814. Tenant cette décision pour illégale, la plupart des journaux libéraux passent outre. Le préfet de police ordonne alors la saisie des presses des récalcitrants.

Ceci s'effectue en présence d'une foule nombreuses massée devant les locaux du journal Le Temps. Ses rédacteurs, donnant ainsi un exemple de résistance, se sont barricadés dans les locaux de l'imprimerie. L'administrateur du journal, Baude, ayant lu les articles du code qui punissent le vol par effraction au serrurier requis par le commissaire de police, celui-ci pris peur et l'ont du avoir recours au serrurier chargé de river les fers des forçats. 






Aujourd'hui 27, à 11 heures et demi, on est venu, au nom d'ordonnances illégales, pour violer l'habitation d'un citoyen protégé par les lois de l'État. Des hommes, que nous ne connaissons point, pâles, défaits, abattus, malheureux déjà du crime qu'ils allaient commettre, ont commis un vol par effraction.

L'un deux, il est vrai, s'est décoré d'une écharpe de magistrat qui ne pouvait être qu'une imposture, car un magistrat ne se présente et n'agit qu'au nom de la loi. D'autres hommes, revêtus d'un habit respectable, celui de soldat français, ont assisté plutôt que participé à une opération, nouvelle pour eux, et dont ils semblaient aussi affligés que nous-mêmes. A jeune, depuis une heure du matin, ils souffraient moins de leurs privations que de leur ministère. Nous leur avons offert des rafraîchissements.

Rendons leur cette justice, qu'ils ont gardé durant une visite qui leur semblait longue, une dignité que leur uniforme leur impose toujours, mais qui, dans cette circonstance, paraissait être pour eux autant un besoin qu'un devoir.

Sept heures ont été employées par les agents de la violence à tenter tous les moyens de pénétrer dans notre demeure. Des ouvriers ont appris à des magistrats le respect de la loi. Un d'eux, M. Pein, maître serrurier, se découvrant à la lecture d'un article du code, a refusé de concourir à l'effraction, qu'un homme revêtu d'une écharpe, lui demandait.

Un second, plus jeune, de l'atelier Godot, mais avec le même courage et la même simplicité, a résisté légalement à des obsessions de tout genre mises en usage pendant deux heures pour le séduire ou l'intimider. Enfin, on n'a pu trouver dans le quartier un ouvrier qui voulut violer un domicile et se rendre complice d'un vol.

On est alors allé demander au magistrat, qui a mission spéciale de protéger la propriété, au préfet de police, les moyens d'y attenter. Il a envoyé pour crocheter nos portes. Qui ? celui-là même qui a pour charge de river les chaînes des forçats. Digne instrument d'une semblable mission ! Digne emblème du traitement que les rebelles du 26 juillet destinent aux citoyens ! Voilà par quelles mains le crime a été consommé.

Les reste s'est passé en formalités, copiées sur les opérations judiciaires. Nous avons dressé l'état des objets volés chez nous, pour le représenter en justice. Nous n'avons fait aucune protestation entre les mains de prétendus commissaires qui se rendaient coupables d'effraction : c'eût été reconnaître un autre caractère que celui de criminels.

Les détails de ce qui s'est passé pendant ces sept longues heures importent peu aux lecteurs : quand le règne de l'ordre sera rétabli, nous les porterons devant la magistrature ; c'est à elle que nous demanderons justice et si aucune loi ne réprimait le fonctionnaire qui tourne contre la loi l'arme qui lui est confiée pour la défendre, nous aurions rempli un devoir en constatant l'urgence des lois de responsabilité qui nous manqueraient.

Une nombreuse réunion de citoyens nous a pendant ce débat soutenu de son approbation calme et de ses exemples de fermeté. Nos ouvriers, dont on venait arracher le pain, ont contenu leur indignation, et ont voulu comme nous, que la force est tout le tort de vaincre la loi. Tous les assistans ont observé en silence les détails de l'effraction ; ils nous ont donné leurs noms avec empressement pour les appeler devant les tribunaux comme témoins d'une violation de domicile, d'un vol, d'une effraction commise pour ceux que, sous le règne de la loi, nous aurions requis pour nous protéger. Nous avons d'autant plus tenu, nous, simples citoyens, nous, victimes, à nous tenir dans la lettre et l'esprit de la loi, que les gants de l'autorité s'en tenaient dehors.

Que toutes ces personnes, dont beaucoup nous sont inconnues, trouvent ici l'expression de notre gratitude. Non, quoi qu'elles en aient dit, il n'y a point de mérite à se montrer ferme, et dévoué quand on a derrière soi la France et qu'on remplit son devoir.