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                                                                                Mémoire de Pierre Rivière, 1835

 

Mémoire de Pierre Rivière,
" ayant égorgé ma mère,
ma sœur et mon frère ",
1835.




par Marc Nadaux


 





« Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… ». Cette phrase est connue de ceux qui ont parcouru l’ouvrage que Michel Foucault et consorts ont consacré en 1973 à cette affaire de parricide sous la Monarchie de Juillet. Ainsi commence la confession de ce meurtrier, un volumineux mémoire dans lequel il explique son acte ? Mais qui est donc ce Pierre Rivière ?



Pierre Rivière naît en 1815 à Courvaudon, dans le département du Calvados. Il est l’aîné d’une famille de paysans qui comptera quatre enfants. Marié deux années auparavant, Victoire Brion et Pierre-Margrin Rivière ne s’entendent guère. Alors que l’Empire est menacé par un soulèvement général en Europe, ce dernier s’est marié deux années plus tôt à cette jeune fille des environs afin d’échapper à la conscription. Ainsi le ménage Rivière ne possède pas de domicile commun, l’épouse du paysan refusant de vivre sous le même toît que son mari. Sa mère étant malade peu après l’accouchement, Pierre est confié aux bons soins de son père deux années durant. Il est ensuite dans le giron maternel jusqu’en 1821, année où il retourne définitivement chez son père, à Aunay-sur-Odon, dans le village de La Faucterie. Ses frères le suivront en 1828.

Pierre Rivière est un enfant solitaire et taciturne. Les voisins, qui travaillent aux champs, s’effraient parfois de son comportement singulier : ses cris lorsqu’il marche seul dans la campagne, son habitude d’effrayer les enfants. On l’accuse de tuer de petits oiseaux, dans ses mains, pour le plaisir. A tel point qu’on le surnomme « l’imbécile à Rivière ». L’enfant fuit également le foyer familial et la présence de ses parents. Plus tard, le procureur du roi décrira les « mouvements de répulsion » qu’éprouvait parfois Pierre Rivière en s’approchant de sa mère. Celle-ci, selon lui, multiplie les vexations à l’égard de son père, les dettes sur les biens de la communauté. Il se réfugie chez ses grands-parents, parfois également dans la lecture, parcourant la nuit quelques ouvrages empruntés. Le jeune homme s’intéresse d’ailleurs aux choses de la religion, lisant notamment le « catéchisme de Montpellier » que le curé du village lui a prêté.



Le 3 juin 1835, un samedi pourtant, Pierre Rivière s’habille de ses vêtement du Dimanche. Vers midi, il arrive à la ferme familiale, entre dans la pièce principale. Le jeune homme tue alors de sang froid, à coups de serpe, sa mère – enceinte de sept mois -, sa sœur âgée de dix-huit ans et son frère de sept ans. Alerté par le voisinage et accompagné du médecin , M. Théodore Morin, ainsi que de l’officier de santé Thomas-Adrien Cordière, le Maire de la commune arrive peu après sur les lieux et ne peut que contempler les cadavres qui gisent sur le lieu du crime – la mère près de la cheminée où elle préparait une bouillie, Jules et Aimée près de cette dernière - , et donc constater les décès.

Le meurtrier prend ensuite la fuite, s’éloignant calmement dans les campagnes des environs, après avoir raconté son geste à quelques voisins. Ce n’est qu’un mois plus tard que le parricide est arrêté – sans faire de difficulté -, sur la route de Falaise à Caen, par un brigadier de gendarmerie de Langannerie. Le 10 du même mois en effet, le procureur du Roi avait lancé un mandat d’arrêt contre lui. Pendant tout ce temps, Pierre Rivière s’est nourri de pain, acheté grâce à quelques monnaies, avant de manger les baies et autres fruits sauvages, cueillis dans les bois de Cingalis. Circulant la nuit, se reposant le jour, le meurtrier aura erré pendant tout ce temps dans la campagne normande.



Plus tard, interné à la maison d’arrêt de Falaise, avant son procès, le jeune meurtrier s’occupe à la rédaction d’un mémoire d’une cinquantaine de pages, Détail et explication de l’événement arrivé le 3 juin à Aunay, village de la Fauctrie écrite par l’auteur de cette action. Il s’agit pour lui d’expliquer la genèse du meurtre, dès avant les premiers interrogatoires. Décidé un mois avant son accomplissement, le meurtre est perpétré grâce à une serpe aiguisée à cette fin. Ainsi la première partie de l’écrit s’intitule : « Résumé des peines et des afflictions que mon père a souffertes de la part de ma mère depuis 1813 jusqu’à 1835 ». Au juge d’instruction, Rivière explique que la Providence avait ligué les trois victimes contre son père afin de le persécuter. C’est aussi suivant le commandement de Dieu qu’il a agi. Dans un second temps cependant, Rivière dément cette inspiration divine. 

Bientôt les médecins s’emparent de l’affaire. Le docteur Bouchard, qui a régulièrement rendu visite au meurtrier dans sa cellule, affirme que Rivière n’est nullement aliéné, « qu’aucune maladie n’a pu déranger les fonctions du cerveau ». Aussi « on ne peut attribuer le triple assassinat… qu’à un état d’exaltation momentanée, préparée par les malheurs de son père ». Une opinion que ne partage nullement son confrère, le docteur Vastel, médecin des Bons-Sauveurs, la maison des Aliénés de la ville de Caen, ainsi que d’autres praticiens. Au procès qui s’ouvre à l’automne devant les Assises du Calvados, devant le refus de ses confrères, un jeune avocat est commis à l’accusé, Me Berthauld. Ces débats savants, relayés par les journaux locaux, passionnent l’opinion. Ce crime est peu courant à l’époque, à peine une dizaine d’affaires par an dans le royaume. D’autant plus que Pierre a prémédité son geste. Des chansons fleurissent sur le sujet. Le 15 novembre 1835 cependant, le matricide est condamné à mort, la « peine des parricides » selon le Pilote du Calvados.

Alors que doit se dérouler à Paris le procès de Fieshi, auteur avec ses complices d’un attentat sur la personne du roi, accorder les circonstances atténuantes – comme l’autorise une loi de 1832 – aurait été en effet interprété comme une décision politique. A l’époque, il est naturel de faire un parallèle entre parricide et régicide, le roi étant toujours perçu comme une figure paternelle pour son peuple. Pierre Rivière se pourvoit néanmoins en cassation. Celui-ci étant rejeté le 15 janvier 1836, le roi Louis-Philippe d’Orléans use de son droit de grâce – comme à son habitude - et commue la peine infligée au parricide en réclusion à perpétuité, le 10 février 1836. Quelques semaines auparavant, six prestigieux médecins - dont Esquirol, médecin en chef de l’hôpital Charenton, Orfila, doyen de la Faculté de médecine de Paris – avaient affirmé dans un rapport commun que « depuis l’âge de quatre ans, Pierre Rivière n’a pas cessé de donner des signes de son aliénation mentale, que ces homicides sont uniquement dus au délire ». Alors que son mémoire est mis en vente par le libraire Mancel de Caen, Pierre Rivière est transféré à la prison de Beaulieu, le 9 mars 1836.



Il décède le 20 octobre 1840, après s’être pendu. Le meurtrier, qui depuis longtemps avait assumé son acte, clamait sans sa cellule, à qui voulait l’entendre, qu’il était déjà mort. 







Détail et explication de l’événement

arrivé le 3 juin à aunay, village de la fauctrie

écrite par l’auteur de cette action.


 

Moi pierre Riviere, ayant egorgé ma mére, ma sœur et mon frére, et voulant faire connaître quel sont les motifs qui m’ont porté à cette action, j’ai ecrit toute la vie que mon pére et ma mére ont menée ensemble pendant leur mariage. j’ai été témoin de la plus grande partie des faits, et qui sont écrits sur la fin de cette histoire, pour ce qui est du commencement, j’ai l’ait entendu raconter à mon pére lorsques qu’il en parlait avec ses amis, ainsi qu’avec sa mére, avec moi et avec ceux qui en avaient connaissance. aprés cela je dirai comment je me suis résolu a commettre ce crime, ce que pensais alors et quelle était mon intention, je dirai aussi quelle était la vie que je menais parmi le monde, je dirai ce qui se passa dans mon esprit aprés avoir fait cette action, la vie que je ménée et les endroits par ou je été depuis ce crime jusques à mon arrestation et quelles furent les resolutions que je pris. tout cette ouvrage sera stilé trés grossiérement, car je ne sais que lire et écrire ; mais pourvu qu’on entende ce que je veux dire, ce c’est que je demande, et j’ai toute rédigé du mieux que je puis.


 

 Résumé des peines et des afflictions

que mon pere a souffertes de la part de ma mére

depuis 1813 jusqu’à 1835


 

   Mon père etait le second des trois garçons jean Riviére et de marianne Cordel, il fut élevé dans l’honnêteté et dans la religion, il se montra toujours doux et pacifique et affable parmi le monde, aussi il était estimé de tous ceux qui le connaissaient, il fut de la conscription en 1813. dans ce temps comme on le sait tous les garçons partaient, aprés que le contingent avait été rempli une fois, quelque temps aprés on revenait sur les numéros et on prenait le reste, mais ceux qui s’étaient mariés avant ce second appel étaient exemptés par là ; mon oncle frere ainé de mon pére était au service, et on craignait que mon pere malgré son haut numéro ne fut encore obligé de partir, il fut donc résolu qu’il se marierait. un fonctionnaire public avec qui il était ami promis qu’il l’avertirai aussitot que son contingent serai rempli, qu’en attendant il fit toujours une bonne amie. par la connaissance de françois le comte de Courvaudon, mon pére fut demander victoire Brion, les ages et les fortunes s’adonnaient a peu prés, elle lui fut promise et mon père la frequenta pendant six mois, alors on l’averti qu’il était temps qu’il se mariat, les parens de ma mere n’en furent plus alors d’avis, leurs garcons étaient morts au service et ils craignaient d’être encore embarrassés pour leur gendre. mon pére alors leur representa que s’ils avaient a se dedire ils auraient dû le faire auparavant, car maintenant il allaient le laisser embarassé, ma mére applaudissait ce que disait mon pére et elle pleurait voyant que ses parens à elle s’opposaient à leur union, mon pére la voyant pleurer se pensait : elle m’aime puisque qu’elle pleure, enfin ses parens se décidèrent et on alla passer le contrat de mariage par devant monsieur le bailly notaire à aunay. les clauses de ce contrat furent qu’il existerait communauté entre les époux de biens mobiliers d’aquet et conquets immobiliers, qu’en cas de morts de l’un des epoux avant l’autre sans enfans alors existans, le survivant jouirrait pendant sa vie de la totalité de biens propres de son conjoint, et que s’il y avait des enfans, il jouirrait seulement de ces biens et les enfans de l’autre moitié. que le pére et la mere de la future epouse lui constitue et qu’elle se constitue en dot tous les biens immobiliers qu’elle pourra recueillir de la succession de ses pere et mère. ces biens lors de leur recouvrement seront regis et administrés par le mari conformément à la loi titre du regime dotal. l’inalienabilité de ces biens telle qu’elle est expliquée dans le code civil, est aussi mentionnée dans ce contrat. il portait en outre que l’apport présent du mari en communauté etait evalué a 100 frans et celui de la femme se consistant en linges et hardes de plusieurs espèces, une armoire fermant a deux volets, un lit, des draps et plusieurs autres chose mentionnée. le tout estimé à la somme de quatre cents francs. que le jour du mariage lui vaudra d’aquit de cet apport en communauté. que la dite epouse autorisé comme dit est se reserve le droit de renoncer a la communauté dans quelle temps et de qu’elle maniére que la dissolution dicelle arrive alors elle remporterai en exemtion de toutes dettes et charges son apport ci dessus mentionné et en outre tout ce qui lui serai echu de succession dont elle justifirait état. que cette dissolution de la communauté arrivant du vivant des epoux, que le survivant ne serait nullement privé des droits qui sont mentionnés plus haut de jouir sa vie durant des biens personnels de son conjoint. telles furent les clauses du contrat. quelques jours aprés ils se mariérent au civil. ensuite à l’église. lors de ces derniers actes ma mere n’en était d’avis comme auparavant, ils ne tinrent pas de noces, et le jour de leur mariage ils ne couchérent pas ensemble, parce que la réforme n’etant pas encore passée, ma mère disait : il n’à qu’a me faire un enfant et puis partir que déviendraije. comme ceci pouvait être raisonnable, mon pére ne forcât pas a y coucher. quelque jours aprés eut lieu la réforme, mon pére portat son acte de mariage, et par un retard qui survint il resta trois jours a caen de plus qu’il ne croyait. pendant ce temps ma mere ne vint pas voir a aunay ce qui en était. mon pere en revenant de caen passa par courvaudon et ce fut la prémiere fois qu’il coucha avec elle. j’expliquerai ici comment était composée ma famille, celle de mon pére et de ma mére. dans la maison de mon pére a aunay il y avait mon grand-pére et ma grand-mére une tante de mon pére, mon oncle plus jeune que mon pére de dix ans en tout cinq personnes. a courvaudon il y avait mes ayeux maternels et ma mére en tout trois. mon grand-pére paternel possédait a peuprés 6 acres de terre et mon pére et mon oncle entre autres ouvrages et commerces qu’ils faisaient, s’occupaient à faire valoir cette terre. ils avaient un cheval et sosonnaient avec un homme qui en avait un aussi. pour mon grand-pére maternel il possedait a peuprés trois acres de terre qu’il faisait valoir en prenant des laboureurs a journée. le village du bouillon ou il demeurait est eloigné d’une lieue de celui de la fauctrie ou demeurait mon pére. après le mariage ma mere restat avec ses parens à courvaudon, et mon pére allait y allait faire le labourage qu’il y avait à faire. dans les premiers temps de son union avec ma mere il allait souvent lui rendre visite, mais il n’était recu d’elle qu’avec une froideur qui le déconcertait, son beau-pere et sa belle-mere lui faisaient bien meilleure mine. par cette froideur que ma mere lui temoignait il n’allait plus la voir si souvent, sa mére s’etonnait qu’il n’eut pas cette ardeur des nouveaux mariés. mais lui disait-elle ne vas-tu pas aller aller au bouillion ce soir — ah dit-il ou voulez-vous que j’aille ? dans le contrat de mariage il était dit que ma mere avait un bon mobilier. mais ce n’est qu’une coutume qu’on a de mettre cela dans les contrats elle n’en avait pas, et comme elle avait besoin d’un lit et qu’on faisait une vendue à un village peu éloigné elle dit a mon pére desirait avoir le lit, il lui demanda elle n’aimerai pas mieux du neuf, mais elle dit que non et elle le disputait fort qu’il allait arriver trop tard, mon pére alors pensa qu’il allait l’acheter à quelque prix que ce fut, et il l’acheta à peuprés sa valeur, mais pendant la vendue d’autres femmes dirent a ma mere qu’ils ne voudraient pas de la peuvre, et elle dit à mon père qu’elle n’en voulait pas que c’était trop cher ; il lui repondit : mais cela est acheté il faut qu’on s’en serve, elle dit qu’en n’en voulait pas, mon père dit : pas de bruit pour cela et il prit le lit et fut obligé de le revendre. dans le commencement de 1815 ma mère acoucha de moi, elle fut bien malade de cette couche. mon pére prit tous les soins qu’il fallait prendre envers elle, il ne couchat pas pendant six semaines, il dit que lors qu’il se couchat par la suite il ne pouvait dormir, qu’il etait accoutumé a veiller, dans cette maladie de ma mere, les manmelles lui pourrirent et mon père les lui sucait pour en extraire le venin, ensuite il le vomissait a terre. ma mere dans sa maladie montrait du mépris et de la dureté surtout à regard de sa mére, elle ne la trouvait pas capable de lui faire aucune choses ; c’était ma grand-mére paternel qu’elle trouvait alors capable de la soigner. comme elle lui demandait pourquoi elle ne voulait pas que ce fût sa mére, elle repondait : et puisque qu’elle est si bête. le mal que souffrait ma mére alors eut pu l’excuser si sa conduite n’eut pas toujours continué dépuis. dans cette maladie elle avait le dévouément, elle ne voulait pas qu’on mît de son linge sous elle, elle voulait que ce fut celui de sa mére. au bout de six mois elle fut guérie, mon pére comme je l’ai dis faisait le labourage qu’il y avait à faire à courvaudon, et pendant tout son mariage à l’exception du peu de temps qu’elle vint demeurer avec lui dont je vais bientôt parler, il n’a couché avec ma mére que lorsques qu’il allait faire ce labour ou quelque autre ouvrages comme d’apprêter du grain, couper du bois, planter des arbres, faire du cidre, etc. l’année suivante ma mére se trouvant de nouveau enceinte, ses parens résolurent de l’envoyer avec son mari, et elle l’avertit qu’elle avait dessein d’habiter avec lui, mon pére en fut bien aise, et on fit arranger un cabinet pour y mettre son ménage. mon pere acheta une armoire et on apporta tous les meubles que ma mére avait à courvaudon, elle devait resider avec les parents de mon pére, et vivre tous ensemble. cela alla bien pendant deux ou trois mois jusqu’à sa couche et elle accoucha d’une fille nommée victoire, sa maladie fut de nouveau grave et elle dura trois mois, elle fut soignée comme le doit être tout malade, mon pére et ma grand-mere ptl passaient leurs nuits, et on lui donnait ce que le médecin ordonnait, c’était chez la veuve michel-guernier boulanger a aunay qu’on prenait le pain. malgré tous les soins que mon pére et ma grand-mére prenaient pour elle, elle l’est accablait d’injure et de paroles mortifiantes, ma grand-mére paternel n’était plus alors capable de lui rien faire, sa mére venait la voir de courvandon et elle la trouvait seule capable de la soigner, elle se faisait donner des plats de porc cuit au four, et plusieurs autres choses indigestives, et comme mon pére et ma grand-mere paternel [1] si opposaient elle disait qu’ils y avaient regret que c’était l’avarice, qu’ils faisaient périr. ma g-m-m. venait la voir elle disait qu’il fallait lui en donner, elle lui en faisait cuire, et enfin pour la satisfaire on lui donnait ce quelle demandait et aprés qu’elle avait pris toutes ces choses, elle etait prises de nouvelles convulsions on peut dire que ceci retarda beaucoup sa guérison. lorsqu’elle commenca à se retablir, ma g-m-m. en venant la voir disait qu’elle voudrait bien qu’elle retournat chez elle que mon g-p-m. avait bien envie de la voir qu’il fallait la rapporter dans une charette. ma mere dit aussi qu’elle voulait s’en retourner et qu’elle ne demeurerait plus à aunay. mon pére eut beau lui faire des représentations qu’il serait honteux pour lui, qu’elle s’en retournât, elle dit qu’elle le voulait absolument et que s’il ne lui raportait ses meubles, elle les enverrait chercher. elle retourna donc avec ses parents, et mon pére lui reporta ses meubles il en porta une partie la nuit car le monde s’en moquait. or a cette époque ma mére manifesta une grande aversion pour mon pere, elle debita dans courvaudon qu’elle n’était revenue que parce qu’on la faisait périr qu’elle manquait de tout, et que pendant sa maladie on avait fait moudre deux bartés de mouture sans bulleter afin que cela durat plus longtemps. lorsques que mon pere y retournait travaillier elle lui témoignait toute son aversion ; lui tachait de la gagner, il lui disait : puisque que tu n’as pas voulu rester avec moi veux-tu que je vienne ici avec tes parens pour y demeurer ? que feraient-ils de toi, lui répondit-elle, il lui demanda ce qu’elle voulait qu’il fit, elle voulait qu’il se louat pour être domestique et que tous les ans il vint lui apporter l’argent de ses gages pour en disposer comme elle voudrait, mon pére dit qu’ayant de l’occupation chez lui il ne se louerait pas domestique et puis voyant comme elle le traitait, il resolut de ne plus retourner la voir, plusieurs personnes entr’autres ma g-m-p, feu Nicolle de saint agnan avec lequel il sosonnait, lui conseilliérent d’y retourner, et alors il dit a son frére et a Nicolle d’aller sans en parler a personnes labourer le champs qu’il y avait à labourer à courvaudon et puis de s’en revenir, mais ils y furent vus et ma g-m-m. vint leur apporter à manger, quelque-temps aprés mon pére y fut couper du treffe, ma mére vint lui apporter de la soupe, et alors il lui dit : veux-tu m’embrasser ? ce n’est pas bien la peine, lui repondit-elle, et bien, lui dit mon père, mange ta soupe car je n’en veux pas, et il faucha tout le trèffle sans manger et sans revint à aunay. dans ce temps-là je ne sais qu’elle circonstance y avait donné lieu, je demeurais avec mon pére à aunay. j’avais trois ou quatre ans, ma mère accompagnée de sa mére vint me chercher, elle me trouva dans le prai ou l’on fanait, ma g-m-p. me tenait sur le bras alors sans dire une parole à personne elle me prit et m’emporta. comme je criais mon pére courut aprés elle, et dit qu’il ne voulait pas qu’elle m’emportât criant, qu’il me porterai le lendemai sur le cheval à courvaudon, ce que voyant ma mére elle dit a sa mére qui était avec elle : touchez dessus, touchez dessus, ma g-m-m. etait un peu maligne, mais elle ne doit pas etre mise en comparaison avec ma mére, elle avait un bon coeur et recevait toujours mon pére avec amitié, elle se donna bien de garde de faire ce que ma mére lui disait alors, ma mére voyant donc que mon pére ne voulait pas qu’elle m’emmenat ce jour, se mit a crier dans les rues : je reveux mon enfant, je reveux mon enfant, et elle alla de ce pas trouver le juge de paix de villers pour lui demander si mon pére avait le droit de lui retenir son enfant. mon pere suivant sa promesse alla me porter le lendemain a courvaudon et déconcerté de toutes ces choses il n’y retournait plus, on le conseillia d’y retourner, il obeit encore et continuat d’y aller travailler, ma mére lui faisait toutes les vilainetés possibles entr’autres de lui retirer l’oreillier et couete du côté ou il se couchait. dans ce temps là, mon pére et mon oncle acheterent en leurs nom pour mille écus de terre et de maisons, qui sadonnaient dans leur bien. ils empruntérent la moitié de cette argent et mon pére en fait encore la rente, pour l’autre moitié, ils en avaient une partie et ils esperaient gagner le reste, et mon pére malgré la maladie et la mort de oncle en 1825 était presque acquité quand un procés survint pour les biens de ma mere dont je parlerai, quoique ceci paraisse étranger à la cause de cette histoire j’en ai cependant fait mention, car ma mere a debité plusieurs fois que mon pére était un mangeards et qu’ils faisait perir ses enfans. il se passa des intervalles ou ma mére ne témoigna pas tant d’aversion envers mon pére, sans pourtant lui faire beaucoup d’amitié, rien que des paroles mortifiantes à mon pére et à mon oncle lorsqu’ils allaient faire le labourage ou bien leur porter du bois, car les parens de ma mére n’en recoltaient pas assez, et mon pére qui en recoltait plus qu’eux leurs en portait lorsqu’ils en avaient besoin. mon oncle etait plus vif que mon pére, il ne pouvait supporter toutes les paroles que ma mére lui disait ; quand, dit-il, je lui entends dire toutes ces raisons elle me met a bout, si elle continue je finirai par lui foutre ma main par la goule. mon pére craignant qu’il ne fit, lui dit de n’y pas retourner, ainsi ce fut le plus souvent mon pére qui depuis alla faire le labourage. ma mére en 1820 accoucha d’une fille nommée aimée et 1822 d’un garçon nommé prosper. je dirai ici la vie que ma mère menait avec ses parens, tous les jours elle disputait avec sa mére, elle ne lui disait pas une parole que cela ne fut pour la mortifier, s’entrereprochaient continuellement cinquantes milles choses, témoin tous ceux qui les ont entendu parler ensemble, mon pere avait beau faire de remontrances à ma mére qu’il fallait mieux respecter la sienne c’était en vain, elle s’en moquait, je demeurai à courvaudon pendant mes six premières années j’étais témoin de toutes ces disputes je puis que je n’avais pas grand attachement pour ma mére, j’aimais bien plus mon grand-pere et ma g-m, surtout mon g-p ; il me contait plusieurs choses j’allais avec lui, et il est reconnu que c’etait un brave homme, il faisait la profession de charpentier, mais dans le temps dont je parle, il n’allait plus à journée, il était demeuré de jambes, il travaillait encore dans sa boutique, et la il était tranquille, elle était assez éloignée pour ne pas entendre que faiblement le claquet qui regnait dans la maison. ma soeur victoire avait été habiter quelque temps avec mon pére à aunay, elle avait à peu-prés trois ou quatre ans, et ma g-m-p. qui avait eu autrefois une fille qu’elle avait perdue dans son age, semblait voir dans ma soeur la resurection de cette enfant, ma mére alla la rechercher, mon pére lui fit la representation que je viens de dire, mais il aurait mieux fait de dire qu’elle lui était à charge. moi j’allai habiter avec mon pére à l’age de dix ans et depuis j’ai toujours resté avec lui. ma mére en 1824 accoucha d’un garcon nommé jean, il fut convenu que ce serait ma g-m-p. et moi qui le nommeraient, mon pére était absent lors de la couche, ma g-m-p. fut à courvaudon, et après avoir vu ma mére qui était accouchée, elle examina l’enfant, il était enveloppé de quelques mauvais haillons, ma g-m-p dit alors : ah on ne lui mettra je crois bien ses autres habits que demain. ah, dit ma mére, il n’y a pas d’autre chose, bienheureux d’avoir cela. ma g-m-p. compris alors qu’elle avait fait cela sachant que ce serait elle qui le nommerai, pénétrée de douleur elle revint à aunay et dit ces choses à mon oncle qui était alors malade ; ah dit-il, en sera-t-il encore de l’espèce, apportez-le ici ce pauvre pétit, il n’aura pas de mauvais exemples. ma g-m alla au boug et recommanda un bonnet et ce qu’il fallait pour habiller cet enfant, la couturiére passa sa nuit pour le faire, et le lendemain on le baptisat, mon père qui était revenu demanda a ma mére, si on allait enporter quelqu’uns des enfans et qui la genaient, mais elle dit qu’elle voulait qu’on enportat que celui qui venait d’etre fait ; eh bien, dit mon pere, on va l’enporter et du partir de l’eglise, car elle est sur le chemin d’aunay ; lorsques que ma mère vit qu’on allait partir, elle dit a mon pére : oh je vois bien que tu as envie de me faire crever, et ne voulut plus qu’on l’enportât. dans ce temps lá mon g-p-m. fut tout fait infirme, il avait encore quelque argent qu’il voulut donner à mon pére aimant mieux le lui confier qu’a sa femme et sa fille, mon pére lui qu’il était plus convenable qu’il le confiat a sa femme ma g-m-m. ce qui fut fait. cet homme mourut en 1826. dans ce temps, mon pére voulait avoir de ses enfans avec lui ; ma soeur aimée avait montré le désir d’y venir, d’ailleurs ma mére demandait du grain pour les nourrir, et elle envoya le meunier pour en chercher un sac, mon pére dit qu’il avait du pain chez lui pour ses enfans, qu’ils pouvaient en venir manger, et il ne donna pas de grain ce que voyant ma mére, et sachant qu’il était ami avec mrs  les vicaires d’aunay, elle s’habilla comme une mendiante et vint à aunay, elle entra chez mon pére, elle lui reprocha qu’il était un mangeard et un lubrique qu’il entretenait des putains : tu fais le devot, lui dit-elle, mais tu ne dit pas tout à ton conffesseur, je vais aller le trouver et lui apprendre ta vie ; puis s’adressant a ma g-m-p, elle lui dit : que vous avez eu tort de l’élever dans un telle vice, fi que cela est vilain et indigne. entendant de telles paroles, ma g-m repondit : oh que dites-vous là passez dehors, j’y vais passer aussi, dit ma mére, mon pére n’avait montré à toutes ces reproches que son humeur ordinaire, toujours doux, et cherchant a se justifier en exposant la vérité, ma mére fut de ce pas trouver feu mr grellay qui était alors vicaire à aunay. elle lui dit que son mari la faisait périr, qu’elle manquait de tout, qu’il avait d’autres femmes qu’elle, enfin tout ce qu’elle put imaginer pour le diffamer ; cela m’étonne disait mr le vicaire, je prenais Riviére pour un bon garçon. a la fin il lui dit, ecoutez si vous etiez avec lui vous auriez comme lui. dans la journée il vit mon pere, et lui parla de cette affaire, mon pere se justifia du mieux qu’il put et mr le vaire ne mit pas grand foi à ce que mére lui avait dit. a cette epoque il se trouva une maison à vendre à côté de ceux de ma mére à courvaudon, elle en avait envie, mais mon pere qui voyait qu’ils avaient deja plus de maisons qu’ils ne leurs fallait, et qui craignait le resultat d’un procés qu’on venait d’intenter sur les biens de ma mére, s’opposait à l’achat de cette maison, mais ma g-m-m. l’acheta en son nom et ils y employerent l’argent qu’ils avaient. le procés qu’on venait d’intenter, etait pour une piéce de terre que mon g-p-m. avait achetée d’un homme, dont la femme avait par son contrat de mariage, une dot de douze cents francs à remporter dessus, et cette hypothéque n’avait pas été levée, il devint plus serieux qu’on ne l’avait cru du commencement, mon pére et ma mére allerent consulter plusieurs personnes qui connaissaient la loi, et on les avertit qu’ils tomberaient toujours au dessous du procés, il etait pourtant reconnu que c’était une volerie.

   Cette femme n’avait jamais rien apporté à son mari, et comme ma mére voulait plaider, des avocats qu’ils consulterent à caen, dirent qu’en prouvant que cette femme n’eut rien apporté qu’elle ne pourrait rien reclamer, ainsi il y eut donc procés, mais il fut bientot perdu, mon pere comme je l’ai deja dit avait des amis, tous lui offrirent de l’argent pour s’arranger et ne pas laisser vendre cette terre, et il s’arranga, il lui en couta en frais et en tout 850 francs. ma mère avait une rente dont l’amortissement fournit à peu prés 200 frs mon pére payat le reste, il fut obligé de tout emprunter : et il l’a du pendant deux ans. ma g-m-p. avait une rente de 90 francs que ses fréres lui faisaient pour son mariage ; ils en amortirent un tiers, ce qui fit à peu prés la somme que mon pere devait, ainsi ça été la rente de ma g-m-p. qui a servi a aqquiter les biens de ma mère, pendant tout ce procés ma mére faisait trés bonne mine à mon pére, et de ce temps jusqu’aux deux derniéres années il n’y eut pas grand chose entreux ; l’année d’apprés ce procés en 1828 ma mére accoucha d’un garcon nommé jule, ma soeur aimée, et mon frère prosper, étaient venus demeurer avec mon pére, l’année suivante mon frere jean y vint aussi demeurer ; ma soeur victoire et mon frère jule ont toujours resté avec ma mére. a cette epoque j’allais avec mon pére faire le labourage, et je voyais que les disputes entre ma g-m. et ma mére continuaient toujours, mais ma mére prit le dessus de ma g-m. qui s’afféblissait, cette pauvre bonne femme fut tout-afait malheureuse, non-seulement elle souffrait les querelles continuelles ; mais plusieurs personnes rapporte avoir vu ma mere la battre et la trainer par les cheveux. mon pére n’a jamais battu ma mére à l’exception de quelques soufflets qu’il lui donna dans les grandes niarges qu’elle lui faisait, et dont je parlerai ; mais il dit que s’il s’était trouvé dans ces rencontres il n’aurait pu s’empêcher de la frapper ; ma mére en outre commanda a ma soeur victoire de ne pas obéir du tout à ma g-m de sorte qu’ils etaient d’accord et la persécutaient toutes deux, elle dit plusieurs fois à mon pére qu’elle souhaitait de faire des lots et se retirer dans une des autres maisons à côté, mais mon pére lui disait : est-ce que je veux faire des lots avec vous, n’est-ce pas tout pour vous, elle avait plusieurs fois reproché à ma mére dans les disputes, qu’elle manquait de fidélité à son mari et lui avait reproché plusieurs chalans, jamais mon pere n’y a ajouté foi, il disait que les maux qu’elle endurait lui faisaient imaginer et dire ces choses, il prenait tous les soins possibles pour tacher d’avoir la paix et la tranquillité avec ma mére, il lui achetait des vaches, et les vendait lorsqu’il le fallait, et ils se rendaient compte liad pour liad, ma mére avait dans son jardin une chouppée d’osier, elle en vendait si mon pére en avait besoin de quelques bottes, il les payait sur les prix qu’elle lui démandait, il lui prit un jour un quarteron de gleuf ; il fallut qu’il prit un détour et qu’il dit qu’une personne lui avait demandé du gleuf, et qu’il l’achetai pour tel prix, et ma mére dit qu’elle le donnai... alors il la payat et prit le gleuf ; car s’il l’eut pris sans cette précaution, elle aurait toujours dit qu’il ne l’aurai pas payé sa valeur, tous les marchés qu’il faisait pour elle, elle n’en trouvai pas un de bien fait ; quand il achetait c’était toujours trop cher, quand il vendait c’était toujours trop bon marché, pour une vertile de rien elle se courroucait, un jour un de ses voisins ayant planté de piquets peut-être un pouce ou deux sur son terrain, elle en parla à mon pére, il eut le malheur de dire que cela n’y portait pas grand préjudice, elle se mit à lui-dire mille injures et entra tellement en furie qu’elle en avait la bros à la bouche. j’arrive aux deux derniéres années du mariage au commencement de 1833 ; ma g-m-m. était alors retenue au lit de la maladie dont elle est morte, ma mére fit faire un habit à ma soeur victoire, et comme elle passait tous les samedis à la fauctrie en venant vendre son beurre à aunay, en passant elle dit qu’il faudrait aussi faire un habit a ma soeur aimée ; vu que ma soeur avait assez d’habits, et que mon pére n’avait d’argent a perdre, il répondit qu’il n’y en avait pas besoin pour le moment. le samedi suivant ma mére parlant à ma g-m-p. dit si on n’était point décidé de faire un habit, on repondit que non. ah c’est cela, dit-elle on ne craint pas tant de depenser pour d’autres ; et s’en alla en disant cela, ma g-m-p. comprit qu’elle accusait de nouveau mon pére de debauches et d’adultére ; ceci fut vérifié le samedi suivant, ma mére en passant vint trouver mon pére à la grange ou il battait avec moi, mon pére venait de faire faire une chartrie dont il avait fait peindre la porte en arrivant, ah, dit-elle, tu prends bien plus de peine pour ta chartrie, que pour ta maison est-tu décidé de me donner de l’argent pour payer bringon [2] mon pére dit, mais ce n’est pas la coutume que je te fournisse d’argent, donne-moi, dit ma mére, ce que tu me dois le reste du prix de notre veau, mon pére dit tu sais que nous avons conté et que cela revenait a quelque chose prés. en effet mon père lui avait achété une vache, et ils s’étaient rendus compte à trente ou quarante sous prés [3], en outre mon pére avait achété pour elle une vache qui s’étant trouvée malade il l’avait gardée chez lui, il l’avait perdue et il ne lui contait pas cela. ma mére lui dit : ah oui tu as envie de me voler, quand tu as l’argent entre les mains tu le garde, vieux fripon, vieux lubrique, vieux macroc tu aimes bien mieux soutenir ta ménagiére, tu fais perir mes enfants pour soutenir les siens [4] tu lui séme tu lui laboure tout son cas ; mais dit mon pére il faut bien que je gagne ma vie. ma mére lui dit, tu fais tout pour le ciel, elle a de l’agrement cella elle a le cul sacré, sulpice me le disait bien, tu devrais mourir la honte, va tu as eu mes enfans, mais tu auras la menagiere aussi car je veux venir les soigner, je n’entends pas que tu les fasse périr ; je veux empêcher tes debauches, et elle s’en alla. mon pére la larme aux yeux me dit alors que je me repends d’avoir donné tant d’argent pour le champ-poulain, c’etait le nom de la piéce de terre qu’il avait rachetée a ma mére. malgré tout ce qu’elle venait de dire, elle ne laissa pas en revenant du boug de venir trouver mon pére pour lui dire d’aller tuer son cochon car mon pére savait tuer et saler les cochons, et il y fut pendant la semaine, arrivé il demanda ou il allait mettre son cheval, ma mére dit qu’il n’y avait pas de place, elle en eu bien trouvé si elle voulut, mais elle disait qu’il etait tout aussi bien dehors, mon père le logea chez un des voisins, et ensuite il apprêta le cochon, c’était la coutume qu’il en apportait un morceau pour en faire gouter, de cette fois il n’en prit pas. ma mére lui demanda pourquoi ; si j’en prenais, dit-il ce serait pour donner a celle qui a le cul sacré en passant, et sur cela mére soutint toujours son opinion, et mon père partit aussitôt. ma mére n’allait pas souvent a confesse, il y avait quelques années qu’elle n’avait fait de pâques, cependant comme mon père etait ami avec mr le curé de courvaudon elle fut a conffesse, et en outre elle lui parla de mon pere, l’accusant de ce que je dis qu’elle lui avait réproché, qu’elle voulait venir soigner ses enfans qu’on faisait périr. quelques jours après mon vit mr le curé qui lui qu’il avait vu sa femme et qu’elle désirait venir avec lui. mon pére lui dit ne vous à-t-elle pas encore dit autres chose ? ah quand à cela, dit le curé, on vous connait bien, mais elle veut être avec ses enfants, mon pere dit, je la veux bien aussi, mais maintenant la position est bien critique. voila sa mére qui est bien malade et qui peut-être en mourra, il faudrait attendre qu’elle fut guérie, ou bien si veut absolument venir, mettre une personne à la soigner, le curé trouva que cela etait juste, et la maladie de ma g-m-m. allant en empirant elle mourut quinze jours après, mon père payat ce qu’il fallut pour l’enterrement, et quelque jours après il dit à ma mére, tu voulais venir avec moi, maintenant il n’y a plus rien qui te retient, tu peux y venir ; cependant comme il la connaissait, il lui fit cette proposition, si tu veux rester ici, lui dit-il, je continuerai à vénir faire le labourage, et je te ferai comme auparavant, non dit-elle je veux empêcher tes aumônes, mon pére lui dit, tu est donc toujours de la même opinion est-ce pour me faire de la peine que tu dis cela ou bien si tu le crois reelment, mais ma mére le soutint toujours et lui dit qu’étant venu il y a quelque temps pour faire du cidre, il avait été cause, qu’elle avait été obligée de payer une journée de pressoir de plus qu’il n’aurait fallut, qu’elle savait que le matin avant de venir, il avait été conduire sa putain [5] elle en parla aussi devant ma soeur aimée, ma soeur eut beau la prier tout en larmes, qu’elle cessât d’avoir de telles persuasions, que par rapport à ce qu’elle disait que mon pére avait été conduire cette femme, que cela n’était pas vrai, que c’était un autre homme du village qui avait été la conduire, Nativel, ma mére repondit, si Nativel a été la conduire il ne le faisait pas pour rien, il le payait, va pauvre petite sotte il t’en passe bien, que tu ne t’en aperçois pas. mon pére dit à ma mére que puisqu’elle voulait venir avec lui, qu’il faudrait qu’on louat la terre, ce n’était pas son intention elle dit qu’on y laisserai les deux filles ; qu’ils s’occuperaient a amenager et a y nourrir des bestiaux ; de sorte que ma mére pensait qu’elle irait et viendrait et qu’elle ramasserai l’argent de tout ; elle ne se contentai pas de jouir de la maîtrise de son bien tout apprêté et travaillé, mais elle voulait encore régir celui de mon pére, et qu’il n’eut l’administration de rien, pas même de boire sans sa permission, une quarte le dimanche avec ses amis, mon pére lui dit que les filles ne seraient pas en leurs honneur de rester ainsi seules dans une maison, qu’elle choisit ou de rester comme auparavant, ou qu’on louerait la terre, il lui demanda si elle aimait mieux qu’on la louât en gros ou en détail, elle dit qu’elle aimait mieux que ce fût a un seul fermier. comme mon pére avait assez de meubles à aunay, il lui dit qu’on pourrait vendre ceux qui étaient a courvaudon, elle dit qu’elle ne voulait pas qu’on vendît ses meubles, eh bien, dit mon pére, on ne les vendra pas. quelques jours aprés j’allai y casser du bois a midi elle le méprisa à moi disant : oh il avait envie de vendre nos meubles, c’était sa mére qui sans doute lui avait conseillé cela, pour faire une poignée d’argent, vraiment on n’en rirait. je lui dit, il les venderait s’il voulait pourtant, ah oui, dit-elle, s’il pouvait, si tu [6] avais affaire a d’aucuns, lui dis-je, ils te meneraient d’une autre maniere que cela, mais il te fait une autre proposition, reste tranquille comme tu étais, ah oui dit-elle, et puis quand il aura vendu quelque chose il en gardera l’argent, je ne resterai pas la. ma soeur victoire avait l’air de bien se moquer des raisons que je disais, mon pére publia qu’il avait envie de louer la terre, et alors pierre le comte son cousin vint le lui demander, cet homme avait de la terre au bouillon mais point de maisons, il voulait s’établir et voyait que cela l’arrangeait, ma mére en fut bien consentante, le prix en fut fait devant elle, et elle réçut le vin, cet homme loua toute la terre labourable ainsi que le prai, avec le corps de batiment dans lequel demeurait ma mére, deux salles, une grange, et une étable, tout de fond en comble, et pour 250 francs par an avec 50 francs de vin qu’il donna, le bail fut fait pour neuf ans, il portait que le fermier engraisserait la terre suivant l’usage du pays, qu’il entretiendrait les maisons, qu’il aurait les arbres fruitiers qui pourraient tomber en ant mettant de bons à la place, qu’il aurait tant de paille en entrant, et qu’il les laisserai de même, qu’il aurait une coupe de bois deux ans avant la fin du bail. il restait encore deux corps de maisons a louer et dont on pouvait faire 60 francs. dés le bout de quinze jours ma mére ne trouva plus cela bien, elle dit que c’était trop bon marché, et à toutes fois que mon pere allait à courvaudon, car ma mére devait y rester jusqu’a la saint-michel, ou le fermier entrait en jouissance, elle lui disait qu’il fallait casser le marché, que sa fille pleurait continuellement et qu’elle ne voudrait pas quitter, mon pere demanda a ma soeur si c’était vrai, elle dit que non. voyant que ma mére persistait toujours à vouloir casser le marché, mon pere parla au fermier, et ils allerent tous les deux trouver ma mére, et lui porterent leurs bails, alors mon pére lui dit, tu peux casser le marché si tu veux, voila les deux écrits, mais fais attention que je ne reviendrait plus ici, tu t’arrangeras comme tu voudras, ma mére ne voulut pas casser les marchés elle ne dit ni oui ni non, et mon pére s’en retourna avec le fermier remportant leurs bails ; mais ma mére persista toujours à dire qu’elle ne sortirai jamais de chez elle, un jour que j’y étais et que je parlais avec ma soeur, entrautres choses je lui dit qu’elle ne serait pas là à un an d’ici, pourquoi n’y serai-je pas dit-elle, nous verrons si pierre le comte nous mettra dehors de chez nous ; mais, lui dis-je il forcera bien papa de t’y mettre dehors. ah, dit-elle si papa nous faisait cela, maman lui reprocherait toujours cela, elle ferait tout pour faire mal ; comme je pensais que le fermier ne forcerait pas mon pére, je repondit à ma soeur, mais si tu reste là comment feras-tu papa n’y viendra plus labourer ? écoutez, dit-elle, et nous prendrons des gens, si n’y fut pas revenu il a quinze ans j’aurions bien eu du hasard maman ne l’en enhâtait pas. mon pére esperait que le fermier ne le forcerait pas, et on était alors au commencement de la recolte, voyant que ma mére persister à vouloir rester, lorsqu’elle vint lui dire s’il ne viendrai point entrer le grain, si tu veux, lui dit-il, qu’on l’apporte ici j’y irai, comme cela ne lui convenait pas, elle dit plusieurs choses et s’en alla et mon pére lui dit, va-t-en pauvre vielle tête perdue ; lorsqu’elle fut partie jamais, dit-il, je ne lui en avais dit autant. dans ce temps mon pére fit un voyage à la delivrande et y portât mon frére prosper qui avait mal à la vue, ma soeur victoire avait montré des intentions d’y aller, mon pere alla encore l’avertir, ah, dit-elle, nous n’avons pas le temps d’aller courir, qu’estce qui mettrai notre cas. ma mére prit des gens pour faire entrer sa récolte. cependant le fermier qui avait loué la terre paraissait disposé a vouloir tenir à son marché, ils se parlaient quelquefois ma mére et lui, et elle le narguait disant qu’il n’était pas capable de la mettre dehors, cela l’irritait et l’entêtait encore davantage a vouloir tenir a son marché, et ma mére ayant encore quelques craintes fit émonder plusieurs arbres dans le mois d’aout craignant qu’il n’en profitât, il en vint avertir mon pére ; mais que pouvait-il y faire, il le priait d’abandonner le marché ; mais ce fermier pensa que mon pére et ma mére étaient d’accord afin de le lui retirer ; ils sont d’accord, disait-il, mais ils ne m’en passeront pas par sous le nez. la saint michel arriva, mon pére fut trouver ce fermier. il lui offrit de l’argent tant qu’il en voudrait, plusieurs personnes accompagnérent mon pére et le priaient egalement pour lui, à la fin il se resolu de ceder le marché, à condition qu’ils feraient un écrit comme mon père ne le louerai pas a d’autres. mais le dimanche suivant il vint dire qu’il se dédisait, mon père lui dit alors : tu me feras ce que tu voudras, je n’en bougerai pas quand tu devrais me ruiner. mais comment veux-tu donc que je fasse, il lui répondit, et parent [7] n’avez-vous pas un chapeau, et il s’en alla disant qu’il verrait la manière de s’y prendre et il fit enregistrer son bail dans la semaine et il le montra à mon pére qui voyant qu’il prénait ces formes resolut d’aller demeubler. auparavant il fut trouver ma mére et mena avec lui françois le comte de courvaudon et qui était de connaissance avec ma mère pour tacher de la mettre a la raison. tout fut inutile, elle dit, qu’on ne la ferait pas sortir, qu’elle se battrai plutôt jusqu’a la mort. quelques jours aprés nous partîmes avec la charette pour aller querir du meuble, nous étions a trois, mon pére, fouchet avec lequel nous sosonnions [8] et moi ; en passant mon pére pria l’adjoint de la commune de venir avec lui pour lui faire des remontrances, et il y vint, il dit qu’il n’allait pas se montrer au cas qu’elle ne dit rien, etant arrivés mon pere commenca par charger du grain qui était dans des pouche, ma mère ne disait rien et l’adjoint s’en retourna. mon père demanda la clef d’un guernier, et sur son refus, il prit un coffre qui etait dans la maison, ma mére s’y opposa alors il la tint pendant que je le chargai avec l’homme qui était avec nous. pendant qu’il la tenait elle se mit a le grimer a la figure et le mordit en quelques endroits, mon pétit frere jules s’étant approché, elle lui dit : mord, mord-le mon petit, mord-le ce coquain là, mon pere dit qu’il lui prenait les doigts dans sa bouche mais qu’il n’osait les serrer ; cependant voyant qu’il l’enbarassait je prit cet enfant et le portait dans une maison voisine, nous achevâmes de charger et nous partîmes. apres midi nous retournons à notre arrivée tout le village sortit aux portes, ma mére se mit a disputer, et mon pére monta par une fenêtre pour aller dans un guernier, alors elle le prît par les jambes et le precipita du haut en bas, lui rompit la chaine de sa montre et lui déchira ses habits, il ne la frappa du tout, mais il dit que pour être tranquille il allait l’enfermer dans une maison, il la prît dans ses bras pour l’emporter, mais ses mains agirent et le grima encore plus que la premiére fois, alors il lui prit les mains pour la conduire dans cette maison et elle se laissa tomber ; il ne l’a traînait pas comme elle disait, mais il tachait de la relever pour la conduire, ma soeur s’y mêla pour empêcher mon pére, et voyant qu’elle le genait, je la retirai et lui donnai plusieurs soufflets pendant que mon pére conduisait ma mére, elle criait ainsi que ma soeur : vengeance, il me tue, il m’assassine, il me tue, vengeance mon dieu vengeance. arrivés dans la maison, une de ses cousine vint qui lui fit plusieurs remontrances, qu’elle ferait bien mieux de nous aider à charger, et de s’en aller avec son mari, que de faire toutes ces choses. ce qui la calma un peu. mon père était si epuisé lorsqu’il arriva dans cette maison qu’il en crachait le sang. il revint charger, ma mère lui rétira encore plusieurs choses qu’il voulait emporter, il en reprit d’autres a la place et nous partîmes. je parlai a ma soeur elle me disait que je l’avais tuée et ecrasée, je lui dit, mais pourquoi t’en mélais tu aussi, ne sais tu pas toutes les imaginations qu’elle a faites contre lui ? elle me répondit : elle n’en a pas fait une seule imagination, mon pére, avec fouchet, lui parla aussi il lui dit de conseiller plutôt sa mère au bien que de la rétenir et elle repondait qu’elle ne cessait de lui conseiller tous les jours d’aller avec lui mais qu’elle n’y pouvait rien gagner. mon pére demanda aussi au batteur qui était là s’il ne lui était pas du quelque chose, il rependit que non. le lendemain ma mere arriva pour reprendre sa vache, mon pére s’y opposa elle lui dit plusieurs injures et en outre : tu as emporté le coffre tu croyais bien emporter l’argent mais tu ne l’auras pas. puis s’adressant à ma g-m : vous lui avez dit de venir me voler, c’est votre bonne vierge qui je crois bien vous avait conseillier de faire cela. et elle s’en alla de suite trouver le juge de paix de villers, qui la crut et envoya à mon père une lettre concue en ces termes : votre épouse se plaint de ce que vous etes venus hier avec des charettes au domicile ou est décédée feu sa mére dont elle est la seule et unique héritiére, que vous avez enlevé les grains, vaches, et meubles de toute especes. il me semble que votre femme avait le droit de faire constater le mobilier de cette succession et que vous n’aviez pas celui de vous en enparer sans aucunes formalités légales, d’autant mieux que vous viviez mal avec elle puisque vous l’avez trainée par les bras et les mains parce qu’elle s’opposait a ce que vous defonciez des portes et croisées. il est certain que si elle portait des plaintes en justice contre vous elle obtiendrait une juste reparation de vos torts. pour eviter des desagrémens toujours fâcheux entre mari et femme je vous invite a venir dimanche prochain sur les neuf heures du matin en mon cabinet à lande pour vous arranger à l’amiable. ou bien allez-vous en par devant mr le juge de paix de votre commune qui comme je le pense pourra vous appeler et vous remettre a la raison.

   Ma mère en apportant cette lettre la montra à mr le juge de paix d’aunay, et vint de suite la donner a mon pére, qui se disposait a aller querir le veau qui n’etait pas vendu, et il fut le querir avec le banné, mais arrivé, et ma mére faisant de nouvelles resistances, il s’en revint sans rien apporter, ma mére alla le vendre deux jours aprés à villers avec son batteur. mr le juge de paix d’aunay qui avait vu la lettre parlant à mr Rivière directeur de la poste à aunay, ainsi qu’a son frére dit : diable que cela m’étonne je ne prenais pas Riviére pour un homme comme cela, mais il lui dirent ce qui en était. comme il est du devoir qu’un mari habite avec sa femme, mr le curé d’aunay à qui mon pére avait conté que le fermier ne voulait pas lui ceder le marché avait dit qu’il en était bien aise. mon pére fut alors le trouver et lui montra sa figure, ah, dit le curé que je vous plains mon pauvre Riviére. il lui montra aussi la lettre qu’il avait reçue. mr le curé lui en donna une pour aller consulter un avocat de sa connaissance a condé, mr davou. mon pére porta son contrat, et par rapport à un article qu’on peut voir dans ce que j’en ai dit, il lui dit qu’il était utile qu’il fit un inventaire du mobilier. mon pére lui demanda la maniére de s’y prendre, et il dit : que votre femme fasse elle-même cette estimation. mon pére n’avait pu lui expliquer son état on peut juger par ce que j’en ai deja dit, si cet avis pouvait se pratiquer. mon pére lui demanda comment il la ferait venir avec lui, il lui dit ; que toutes les formalités étaient de prendre la garde nationale, au cas que le maire le voulût, ou bien la gendarmerie. mon pére n’eut pas le temps d’aller le dimanche trouver le juge de paix de villers, il était occupé a planter des bornes avec un de ses voisins. les blés étaient à faire et la force de l’ouvrage. mon pére n’avait pas le temps d’aller se battre et se tintamarer ; il fit un état des arbres au fermier, lui accorda qu’il coupât le bois la derniére année du bail, pour les arbres que ma mere avait fait couper, et lui donna le fumier pour la paille qu’il lui avait accordée, ainsi ce fermier entra en jouissance et il fit les blés, mon pére fit aussi les siens, et lorsqu’il n’eut plus tant d’ouvrage il résolut de livrer les maisons. avant il dit au fermier qu’il allât trouver le juge de paix de villers les mander tous deux sa femme et lui, mais le juge repondit, qu’il avait deja ecrit à cet homme et qu’il ne l’avait pas vu, qu’il croyait que sa femme avait raison et qu’elle s’expliquait bien. que puisqu’il lui avait loué son bien, il pouvait le forcer a lui livrer, et lui demander une indemnité pour ce dont il n’avait pas joui. ce fermier repondit qu’il ne voulait pas lui faire des frais. eh bien, lui dit le juge, que demandez-vous donc ? et il s’en revint de cette maniére, quelques jours aprés mon pére alla avec lui pour lui vider une maison, et il dit a ma mére : veux-tu, lui dit mon pére que nous mettions les meubles dans tes autres maisons qui ne sont pas louées, tu t’y retireras et tu recevras tout le revenu de ton bien, mais elle dit que non et qu’il fallait mettre les meubles dehors, comment dehors, dit mon pére, et puis a quoi que cela va aboutir. mais elle voulut qu’on les mit dehors, lorsqu’ils y furent il lui dit, veux-tu qu’on les entrent dans les autres maisons, non, dit-elle, alors mon pére ferma la maison qui venait d’etre vidée, et s’en alla avec le fermier. mais a peine furent-ils partis que ma mére et ma soeur rentrérent tous les meubles, et ma soeur disait en les rentrant : c’est sans doute craignant de nous laisser manquer d’ouvrage qu’ils ont fait cela, mon pere dans la semaine resolut de prendre l’adjoint et quelques personnes notables avec lui et un serrurier, et d’aller abattre les serrures, vider les maisons, les fermer, et emporter tous les meubles. la nuit du jour ou il devait faire cela, il pensa que si le fermier voulait encore s’arranger, et qu’en lui remboursant tout ce qu’il avait fait, puis une indemnité il se trouverai encore plus heureux que de la forcer à venir avec lui. le matin il nous declara son intention et me dit qu’il allait toujours aller devant, et que j’amenât la charette jusqu’au village du fermier, qu’au cas qu’il s’arrangât qu’on n’irait pas plus loin et ce fermier y consentit. on comta tout ce qu’il avait fait. la terre qu’il avait ensemencée, le vin qu’il avait donné, l’enregistrement du bail tout cela montait a la somme de 119 frs et autant pour ceder le marché, ce qui fit 238 francs ensuite le fermier lui remit le bail, et lui donna un écrit que l’adjoint ecrivit, comme il abandonnait le marché. mon pauvre pére croyait bien être tranquille il n’avait pas cet argent, il allât l’emprunter chez un de ses voisins, Hébert, je suis pourtant tranquille, disait-il, que tous mes enfants viennent m’embrasser, qu’elle reste tant qu’elle voudra dans son bien. tout ce que je desirerais ce que le pauvre pétit [9] fut encore là, car pour l’autre elle est à la raison. un mois environ aprés cela, ma mére vint le trouver et lui dit : a present que tu as fait toutes tes farces, je viens voir quand est-ce que tu est décidé de me rendre ce que tu m’as pris et de me donner l’administration de mon bien, mon pére répondit, tu peux maintenant être tranquille, ton blé est fait, tu as encore une vache, et tu ne manque pas [10] laisse moi tranquille, tu n’as plus que faire de craindre que je retourne entour toi, ma mere dit, je reveux mon cas, mon pére dit je te le rendrai, si tu veux rendre aussi ce que je donnai pour toi, mais elle dit et a toujours dit depuis, qu’il n’était pas vrai que mon pére eût donné une indemnité au fermier, qu’ils s’étaient mis d’accord, pour la faire sortir, que mon pére lui faisait faire le blé, qu’il lui avait fait enregistrer son bail, et que l’ecrit qu’ils avaient fait comme il cedait le marché a mon pére pour tant d’argent, n’était qu’un pur micmac. elle fut trouver mr le juge de paix d’aunay qui les manda tous deux en conciliation, il fit quantité de remontrances a ma mére et qui n’aboutirent à rien, elle dit qu’elle en verrait plus long, elle allait consulter françois le comte de courvaudon qui cherchait tant qu’il pouvait a la remettre dans son devoir, il lui disait qu’elle pouvait rester tranquille, que son mari lui laisserai, elle y avait parut décidée, mais elle lui dit un jour que sa fille lui disait qu’il aurait tout aussi bien le droit de venir une autre fois la ravager, et qu’elle voulait se mettre en assurance, le comte lui dit : mais vous depenserez de l’argent. eh bien, dit-elle, si j’en depense il en depensera aussi, et elle fut dans la semaine a vire, elle revint sans rien faire, mais elle dit à ceux qui s’informerent de son voyage qu’il en serait tout aussi bien temps dans six mois d’ici, et qu’elle ferait bien manger tout le bien de mon pere si elle voulait. alors elle prit le parti de lui faire des dettes. elle prenait ordinairement des marchandises pour sa toilette et celle de ma soeur, à aunay chez mme Aod. elle avait toujours bien payé, elle ne payait plus. le batteur à qui mon pére avait demandé s’il ne lui était pas du d’argent, vint le trouver dans ces temps et lui dit que ma mére ne voulait pas lui payer douze frs qu’elle lui devait, c’était le même qui avait émondé les arbres. mon pére lui témoigna un peu son étonnement, puis il lui dit qu’il n’était pas juste qu’il perdit son argent, et qu’il irait avec lui trouver ma mére et que si elle ne voulait pas le payer, qu’il prendrai la vache et la vendrai pour le payer, le jour convenu il y alla et trouva le batteur dans la maison, et ma mére et ma soeur dans l’etable une de chaque coté de la vache, la dessus il dit quelques paroles a ma mére, puis il dit au batteur qu’il se fit payer comme il voulût. cet homme le fit venir en conciliation devant mr le juge de paix, mais ma mére y alla aussi. le juge s’adressa a elle seulement [11], il lui fit de nouvelles remontrances qu’elle ferait bien mieux d’aller avec son mari, et elle dit, qu’elle y viendrait, mon pére paya le batteur. ma mére se plaignit à cette audience que mon père laissait sa terre a labourer [12], pour labourer celle des autres. ces paroles entendues par les auditeurs furent tournées en ridicule. on les entendait de deux maniéres, et mon pére était ainsi le jouet de la risée publique. marie Fortain lui dit : ah je vous prie n’allez plus par devant le juge de paix quand elle vous y citerai de nouveau, les gens s’en moquent trop. mon pére retrourna labourer à courvaudon vu que ma mére disait qu’elle viendrait avec lui. il lui demanda quand est-ce qu’elle viendrait, ah, bientôt, dit-elle ; sur cela ma soeur prenant la parole lui dit : ah je me louerai a la saint-clair moi, et elle n’osait se declarer, enfin elle dit : ah ce que vous croyez que nous nous en irons la sous votre domination, mon pére toujours patient lui dit [13] tu disais que ce n’était pas toi qui reténais ta mére cependant je vois bien que tu est aussi pire qu’elle ; ce n’est pas moi, dit-elle, qui l’ai faites revenir il y a quinze ans, fallait la laisser tranquille vous, et rester ou vous etiez dans ce temps-là. ma mère dit aussi plusieurs paroles qui firent connaître à mon père qu’elle n’avait pas l’intention de quitter. quelques jours aprés en passant elle lui demanda s’il viendrait bientôt faire l’orge. il lui dit si elle pensai qu’il fût toutafait fou pour se deranger tant pour une personne qui ne cherchai qu’a le depiéter ; eh bien, lui dit ma mére, tu fais cela mais ce ne sera douze francs de cette fois que tu verras, tu en verras d’autre que cela, mon pére, lui dit, mais si tu me fais des dettes je retournerai querir des meubles pour les payer. eh bien, dit elle, nous verrons. et elle s’en alla. craignant qu’elle ne realisât ses menaces, mon père fut consulter un avocat à caen mr beaucher, pour lui demander s’il ne pourrait point faire publier que personne ne lui donnassent rien à crédit ou qu’ils le perdraient de sa part. cet avocat lui dit que cela serait infamant, qu’il fallait plutôt la faire venir avec lui. mon lui conta une partie de ce qui en était. c’est bien malheureux, repondit-il, mais allez querir ses meubles une journée que vous savez qu’elle n’est pas là. aprés que mon père fut sorti il alla encore en consulter un autre mr Pouillier ; celui-ci lui dit qu’il fallait prendre les formes legales et presenter une requete au tribunal pour la faire venir avec lui, de sorte que ces avis de la faire venir, il fallait tout autant dire qu’il fallait faire venir le diable, et mon pére en resta là, il avertit seulement le laboureur qui lui demandait si cela ne lui ferait pas de la peine qu’il travaillât pour elle, travaillez-y tant que vous voudrez lui dit mon pere, mais ne contez pas sur moi pour le payement, il avertit aussi mme Aod a qui elle devait déjà 45 francs de ne pas lui en donner d’autre sans se faire payer ; mais ma mere avait plus d’une boutique, en outre elle prenait aux merciers qui passaient par son village, achetait du grain et le revendai, elle dit a un mercier, le roux de courvaudon a qui elle voulait prendre trois ou quatre bonnets de coton, dites à mon mari que je vous dois douze francs et vous me donnerez le reste. cet homme ne voulut pas lui donner ses bonnets elle dit des mêmes choses a une marchande de boutique que j’ai perdue de vue. pendant qu’elle faisait toutes ces choses, mon frère jean tomba malade dans le mois de juillet d’une maladie de cerveau, il ne dura que quinze jours [14]. dans les derniers jours on resolut malgré tout d’avertir sa mére, j’allai la trouver et elle vint le voir, il était alors sans presque aucune connaissance, il ne la reconnut pas ; c’était le lundi, ma mére s’en retourna et elle revint le mardi soir, pendant la nuit mon frére fut pris de quart d’heure en quart d’heure de convulsions qui le faisaient se debattre horriblement. cet enfant avait déjà montré plus de société parmi le monde que moi et que mon frere prosper. il aidait deja a toutes sortes d’ouvrages aussi mon pére l’aimait-il. on peut juger qu’elle était sa tristesse et son abattement au pied de cet enfant. cependant ma mére lui donna deux lettres une de mme Aod et l’autre du percepteur pour payer ses dettes et soutint devant lui ses opinions rapportées ci-dessus. mon pére percé de douleur s’ecria : que je suis donc malheureux, ah seigneur m’en donnerez vous encore de plus dures, va mon pauvre petit tu vas être bien heureux d’être retiré du monde, tu vas aller au ciel [15]. ma g-m. presente lui fit plusieurs reproches et puis le sang lui monta elle etait toute enrouée. le lendemain cet enfant expira, les voisins voulurent retirer mon pére d’auprés de lui en ce moment, non, dit-il je ne l’abandonnerai pas, et puis le voyant mort : oh, s’ecria-t-il, mon pauvre petit jean qui disait, non mammére, restez j’ai plus la force de faire cela que vous, oh je vais m’echapper. ou vas-tu aller mon pauvre fils, lui dit ma g-m, puis il se pencha sur un lit, jeta son bonnet, et s’arrachait les cheveux ; ma soeur aimée se jette entre ses bras : votre fille ne vous abandonnera jamais, lui dirent les voisins. ma mére s’en retourna, elle ne manqua pas de debiter partout que mon pére avait fait périr son enfant, et continua à faire des dettes, elle avertit le laboureur, qu’il se fit payer comme il voulût. lorsques que les marchands lui demandaient de l’argent elle disait : faites vous payer a celui qui a pris mon cas. voulez-vous que je vous fasse un billier. craignant que mon pére n’allât chercher quelque chose elle fit battre sa recolte aussitôt recoltée, elle fit battre premierement le plus gros du blé pour l’avoir plus vite, elle vendait a tous les marchés a aunay et a evreci, elle ne payat que le percepteur, car on l’avertit qu’il pourrait faire saisir sur le mobilier de son domicile, les autres créanciers demanderent de l’argent à mon pere, qui voyant qu’il serait ruiné s’il laissait continuer tout cela resolut d’aller quérir des meubles pour voir quel aboutissement cela pourrait faire. ma g-m. était extremement affligée de toutes ces choses : ah, dit-elle, en pleurant à marie Fortain, je voudrais être dans le cimetiére, ah faut-il que j’aie eu tant de mal ma vie [16] pour en être recompensée de la sorte, pour qui que le bon dieu en fait donc tant souffrir, pour qui qu’il me laisse si longtemps sur la terre ; marie Fortain la consola du mieux qu’elle put et nous partîmes mon pére et moi un jour du marché d’evreci que nous esperions que serait ma mére, et pour emmener la vache et un cochon qu’il y avait. étant arrivés nous trouvons ma soeur, mais ma mere était là aussi pas loin. mon pére dit qu’il allait prendre la vache, sur cela ma soeur se mit a crier : maman, maman, arrive il veut emmener notre vache ; elle arrivat et voulut en empâcher, mon pére la prit et s’enferma avec elle dans la maison, alors elle le grima et mordit encore en quelques endroits, puis elle se mit à lui reprocher la mort de son enfant. oui, dit-elle, si j’avais bien su je l’aurais fait trepaner, au moins on aurait vu ta malice, il lui lacha un soufflet, elle se mit a crier vengeance de nouveau. comme je cherchais a prendre la vache, ma soeur, voulut en enpêcher en la faisant echapper, alors je lui donnai plusieurs coups de manche a fouet, nous prîmes un sac d’orge avec la vache, mon pére dit au batteur de s’en aller, et lui demanda combien il lui était du, il dit qu’on lui devait 28 sous, nous partîmes. ma mére courut derriere nous regoinit ; mon pére la prit alors sous le bras comme pour aller en noces, elle se laissa tomber trois fois, et en tombant la troisieme fois, elle fit glisser son pied le long de sa jambe, mon pére ne lui fit autre chose que de lui dire, ma foi tu te couche et te place assez bien, pour je te jense mais je n’en suis pas dans le train. il y eut plusieurs personnes qui virent cette scene. ma mére s’en servait dans la suite pour demander une separation. ouelques jours aprés elle vint trouver mon pére pour qui lui rendit ce qu’il lui avait pris. paye tes dettes, lui dit-il, mais elle voulait faire un arrangement comme par lequel il payerait ses dettes, lui donnerai ce qu’il lui avait pris, et lui ferait une pension pour qu’elle restât sur son bien. ou veux-tu que je prenne de l’argent, lui dit-il, fais comme les autres dit ma mére prends-en à la banque. elle alla trouver mr Foucaut a vire pour obtenir une separation de corps, mais il manda mon pére par une lettre de venir s’arranger, mon pére fut le trouver et porta des certificats de sa conduite des curés des deux communes, ma mére s’y trouva et ils convinrent qu’elle viendrait demeurer avec lui, mais qu’il la mettrai dans une maison a part avec ses meubles et ce qu’elle avait, que ma g-m. n’entrerai pas dans sa maison, que par sa permission, ou que si elle y entrait, qu’elle retournerai sur ses biens a courvaudon, et que cette maison serait prête dans quinze jours ou trois semaines du plus-tard. mon pére la rapporta de vire dans la charette, et ils convinrent qu’il irait battre le sarazin qui était à courvaudon sur la fin de la semaine ; mon père alla faire afficher la terre a louer, car la saint michel etait proche ; mais ma mére ne fut pas contente de cet arrangement, elle retourna à vire dans la semaine et fit battre le sarazin sur le commencement sans en avertir mon pére, elle fit ses dispositions pour que tout le grain fut vendu lorsqu’il viendrait la chercher. il faisait apprêter la maison du plus vite qu’il pouvait, et il apprît l’intention ou était ma mére de tout vendre en attendit. alors il prit la charette et deux personnes du village, et fut chercher ce qui restait de grain. il trouva encore le sarazin tout l’autre grain était tout surbatu, il prit aussi un cochon, pendant que nous chargions, il se tint avec elle dans la maison pour qu’elle restât tranquille, nous fîmes deux voyages, au second ma mére n’était plus là elle etait a faire racomoder ses souliers, en partant il voulut emporter des draps et comme ma soeur s’y opposait, il dit qu’il faudrait qu’on les aportât tout aussi bien dans quelques jours, non elle n’y ira pas, dit-elle, elle va partir pour mettre les affaires en train. et en effet elle retourna encore à vire mon pére retourna aussi trouver mr Foucaut pour lui demander la manière de s’y prendre, il lui demanda s’il ne l’avait pas revue, et lui dit qu’elle était revenue deux fois. je ne l’ai pas vue, repondit-il, c’est qu’elle a été trouver un autre saint. le soir qu’elle fut revenue d’aller faire racomoder ses souliers ma soeur lui dit : va y si tu veux, mais pour moi je n’irai jamais avec un cocain comme cela qui nous prend tout notre cas. cependant ma mére voyant qu’elle serait obligée de venir fît plusieurs dispositions pour continuer à faire mal. la maison étant prête mon pere alla la chercher, accompagné de Quevillon notre soson et de victor domestique chez mr Grellai, il ne trouva que peu de meubles, il n’y avait pas de marmite, quoique ma mére eut fait toutes les dettes dont j’ai parlé, il ne leur trouva que trés peu de toilettes. ma mére fit de nouvelles résistances, elle dit qu’elle voulait qu’il payat ses dettes avant qu’elle vint avec lui. mon pére dit qu’il en avait deja payé une partie et qu’il paierai les autres. mais il ne se doutai pas d’une lettre que ma mére croyait qu’il avait recue. mon pére pria deux femmes de venir lui montrer le bon sens. et il parti avec une chartée, il emmena de cette fois mon frére jule, tout le long du chemin, et ceux qui etaient avec lui pourraient le rapporter, il prenait de temps en temps cet enfant et l’embrassait. ah, mon pauvre petit jule, disait-il, je suis content, va c’est bien toi qui est le plus cher meuble que j’avais envie d’emmener, a la seconde chartée, comme les femmes conseillaient ma mére d’aller avec lui, elle se mît à pleurer, car elle avait assez l’habitude de pleurer, elle dit : ah fallait me faire aller, pendant que mon pauvre enfant vivait, il ne serait pas mort et ils vinrent ma soeur et elle. le soir quoique qu’on n’eut pas eu le temps de tout arranger elle voulut absolument coucher avec ses deux enfans dans sa maison. mon pére étant revenu trouver ma g-m. elle lui montra une lettre qui etait venue par la poste, et dont la reception avait mis ma g-m dans une grande affliction ; elle s’était roulée par terre et avait battu la terre de son corps. voyant tant de maux je la reciterai ici.

   courvaudon le... memoire de dettes faites en l’année 1833. 40 francs a un mercier de hamars, 30 frs a Goffé, 10 frs a victor Bourse. 10 frs a un cordonnier. 10 frs de messe, 17 frs a sophie Riviére [17] 27 frs a marianne le Comte et un sac 3 frs a rose leminée 40 sous a charles le Bas 8 sous a mr le riche 48 sous a sophie le Coc [18] 70 sous a pierre Bretoure. si ces dettes ne sont pas payées sous huit jours on fera la requête et il faudra payer aussi celles de l’année 1834 et elles sont bien plus consequentes. toutes ces dettes etaient inconnues de mon pére, en outre de celles dont j’ai parlé il avait payé 25 frs au laboureur à qui il avait dit de ne pas comter sur lui. mais cet homme c’était fié a ma mére, et elle l’avait trompé ; il eut de nouvelles peines en voyant ces dettes, cette lettre avait été ecrite par ma soeur victoire ; mon pére s’informa de ces dettes, victor bourse, à qui il était mis 10 frs dit qu’elle lui devait a peu prés 30 sous, il crut que cela serai la même choses des autres, mais a l’exception des 30 frs a goffe, des 17 frs a sophie Riviére, il a été obligé de payer le reste ; je dirai que ce goffe, et le comte frere de cette marianne dont il est parlé, et en outre un maçon de hamars, que tous ces gens là que ma mére allait consulter étaient des celibataires, et peu delicats sur la pureté ; quelques jours aprés son arrivée, ma mére et ma soeur victoire et mes deux fréres mon pére et moi, nous fûmes ramasser des pommes à courvaudon, et au midi la dispute recommenca, mon pére parla de la lettre, il n’en avait pas encore parlé à ma mére, il lui demanda pourquoi elle le persecutait tant, pourquoi elle voulait lui faire payer des choses qui n’etaient pas mêmes de cas, ce qu’il lui avait donc fait, mais elle repondit en le narguant, que pour n’avoir pas voulut la laisser tranquille il n’y gagnerait pas tant comme il croyait. et elle s’en alla chez sa cousine avec ma soeur et mon frere jule, comme mon frére jule pleurait, car quoique cet enfant penchat un peu du côté de ma mére, il aimait aussi mon pére et était content lorsqu’il les voyait d’accord, mon pére voulut le retenir par ses caresses il ne le put. alors il dit a mon frére prosper : vas-tu aussi me laisser et t’en aller avec eux ? non, dit-il, et nous restâmes tous trois. mon pére parla aussi à la femme de jacques le comte qui etait là et lui dit : mais que me demande-t-elle donc de vouloir me ruiner ainsi, aprés que j’ai eu tant de mal pour acquerir ce que j’ai pour mes enfans, je serait obligé de vendre de la terre et après que j’en aurai vendu un morceau, cela ne suffira pas encore, si elle continue il faudrat que j’en vende encore d’autres, il avait la larmes aux yeux en disant cela cette femme lui repondit, qu’elle ne pouvait penser autre chose que de voir qu’elle avait toujours eu l’idée de maîtrîser et de se faire une bourse a part. le soir, ma mére et tous revinrent a la fauctrie. un dimanche mon pére alla à hamars pour parler le mercier, il lui était du les 40 frs mon pere les paya le samedi d’aprés et retira une quitance de cet homme comme il le tenait quite et comme il ne donnerai jamais rien a credit à ma mére ni a ma soeur victoire. le dimanche qu’il fut le trouver etant revenu a vepres a aunay, et accablé de toutes ces choses il se trouva malade, il fut obligé de sortir de l’eglise, et se retira chez la veuve guernier. ma mére voulut que les enfans ma soeur victoire et mon frére jule, couchât dans la même maison ou elle était. mon pére lui representat qu’il se serait pas bien de mettre tant de lits dans la maison et qu’il y avait un cabinet et d’autres endroits pour les coucher, ma mére ne le voulut pas et ces deux enfans couchaient dans le même lit avec elle. quelqu’uns dirent à mon pére : je voudrais coucher avec elle quand cela ne serait que pour la faire enrager. mon pére mît un autre lit dans la maison, ma soeur y coucha, et il coucha avec ma mére, et comme elle ne voulait pas envoyer jules coucher autre part, ils couchaient tous les trois ensemble. mon pére depuis leurs grands differents n’avait pas eu de commerce charnel avec elle. cependant suffit de la faire enrager il voulut essayer la premiere ou seconde nuit. ma sieur victoire entendit. alors elle dit : ah mon dieu mon dieu qu’est-ce que vous lui faites ? vois-tu, lui dit-il, qu’est-ce que cela te regarde, je lui fais ce que les hommes font a leurs femmes, ah, dit-elle, laissez-la puisqu’elle ne veut pas. va, lui dit mon pére, je vais bien la laisser aussi. ll coucha avec elle quelques nuits et puis voyant qu’elle ne laissait pas de couéte de son côté ni de plume dans l’oreillier, et qu’elle faisait tout pour faire mal, il prefera coucher dans l’autre lit, et ma soeur et mon frere ont toujours depuis couché avec ma mére, elle faisait la cuisine, nous allions tous vivre avec elle, a l’exception de ma g-m. a qui il était deffendu d’entrer dans sa maison ; cette femme qui avait donné l’amortissement de sa rente pour racheter les biens de ma mére [19], ainsi elle restait a manger seule ce qui lui était extremement sensible. un jour que ses ressentiments la devoraient, et elle venait de nous donner une chemise a prosper et a moi, nous etions couchés dans un cabinet a côté, et elle dit : ah oui je me suis donnée bien du mal pour les soigner tous, et pour les élever du mieux que j’ai pu, et j’en suis bien recompensée. et puis j’entendit qu’elle se frappa deux ou trois la tête contre la table ou contre terre, oui, dit-elle, je veux battre la terre de mon corps, ah faut-il que le bon dieu me laisse si longtemps souffrir, s’il y avait là un eau je me jetterais dedans. ma soeur aimée qui etait avec elle lui dit : couchez-vous mammére ah je vous prie ; et elle se coucha. ma mére continuait toujours à faire mal, elle disait qu’on l’avait fait venir pour la faire périr, que sa fille mourait de chagrin tous les jours, elle portait des plotons de fil, et des ballots de filase dans les boutiques, disant qu’elle était obligée de vendre cela pour se nourrir, témoin mme le gouix dit leminée, mon pére etait désespéré de toutes ces choses, il prit l’habitude de lui parler a haute voix lorsqu’elle l’accablait de ses raisons ; alors on le voyait le visage plein de tristesse parler a elle, crier haut, parler bas sans pouvoir rien y gagner, ma mére s’en moquait, elle etait bien contente de le voir accablé. comme il disputait avec elle un samedi que les gens passaient, la femme de hehert vint lui dire qu’il se tût. tous ceux qui passent, dit-elle, en parlent j’en ai entendu qui disaient : ah mais elle ne s’accoutume pas je crois, et d’autres mais elle n’a pas encore tant de tort que vous croyez on dit qu’il la bat comme une chair de boeuf. quelque temps aprés elle fit plusieurs préparatifs. elle blanchit du linge et mit des souliers en état, nous étions en train de faire du cidre, et elle voyait mon pére embarassé,

   Un matin donc elle parti sans le dire a personne emportant des habits et plusieurs choses, ma soeur victoire et mon frére jule la suivaient ma soeur emportait son metier à dentelle, on avertit mon pére qui etait au pressoir, et il courut aprés eux j’allai aussi voir ce qui en allait devenir, et je le trouvait qui revenait avec le petit sur son dos, ma mére le suivait, mon pére avait un visage et un air desespéré, il semblait vouloir dire : je renonce a tout j’abandonne tout ce que j’ai, il n’y a que ce pauvre petit qu’on ne m’enlevera pas, je veux le tenir et l’emporter toujours avec moi ; dans le chemin je lui dit : laisse les aller ou ils voudront et fais afficher qu’onne leur donne rien. il ne me repondait pas il etait tout absorbé, lorsque nous fûmes au village ma mére dit a jule ; ne crains pas je vais revenir ce soir et elle s’en alla. en dinant mon pére dit à jule : ne va plus avec elle elle n’est dans le cas que de te faire du mal mon pauvre petit. et il l’embrassait. ma mére revint le soir avec ma soeur, on ne sait pas ce qu’ils avaient été faire, mais mere continua ses niarges envers mon pere, et se moquait de la tristesse dont il etait accablé. le lendemain il fut beaucoup occupé dans le pressoir, et comme il devait aller labourer le lendemain pour ouevillon, je lui demandai s’il ne fallait point aller lui dire que cela ne se pouvait pas, mais il disait que non, et il etait reveur, a la fin il dit : tiens, j’abandonne tout je laisse tout, je vais me jeter dans notre puits, il s’en alla je le suivit, et ma g-m. s’y trouvant aussi, il ne le fit pas, il prît un verre d’eau et retourna au pressoir ; il consentit que j’avertit Quevillon qu’on ne aller le lendemain pour lui ; au matin nous epluchons le marc, nous etions à trois, mon pére ma g-m. et moi. nous parlions de ces démarches que ma mere faisait, et ma g-m. et moi nous conseillions a mon pére de faire afficher craignant qu’elle n’achevât de le ruiner, mon pére disait qu’il ne voulait pas faire cela, tu la laisse faire comme elle veut aussi, lui disions nous, tu la jirote. ah dit-il, je ne la jiroterai pas mais long-temps vous etes bien sure que cela sera bientôt fini. ah, lui dit ma g-m., tu menace de cela donc, c’est bien pour que j’en menace moi ; et elle s’en alla. mon pére prît alors son bonnet et il s’arrachait les cheveux, il etait comme dans un accés de rage et de desespoir. oh, oh, oh, oh, disait-il ; je me jettai à lui, ah mon pauvre papa lui dis-je, dure donc. un moment après ma soeur aimée arriva pleurant, qu’est-ce qu’il y a donc eu de nouveau, dit-elle, mammére est la haut qui pleure et se desole qu’est-ce qu’il y a donc eu, je me penchai a son oreille et lui dit : va t’en chercher mr le curé, il veut se tuer. ma soeur s’en alla. et ils revinrent ma g-m. et elle un peu aprés. ma g-m. dit a mon pére : il a dit a aimée d’aller chercher mr le curé, veux-tu que j’aille le trouver moi. mais il était plus calme. et on n’y alla pas. cependant il fut encore repris de ces idées je ne sais si c’était cette journée là ou quelque jours aprés qu’il dit ces paroles : quoi n’aije pas la force de me soustraire a tant de persecutions, il y en a qui le font pour bien moins de raisons. quelque temps aprés cette marianne le comte a qui ma mére disait qu’elle devait un sac de blé se presenta pour être payée. c’était assurement un arrangement que ma mére et cette femme avaient fait ensemble elle pouvait lui en avoir donné une bartée, car mon pére ayant demandé comment elle le lui avait donné, elle dit qu’elle lui avait donné bartée à bartée que les trois premiéres bartées, elle les avait emportées une a la fois, sur son dos dans une pouche, et que la derniere elle avait le cheval du meunier, et qu’elle lui avait donné cette bartée avec un sac pour la mettre qu’elle avait emporté. mon pére demanda à ma soeur si elle n’avait point aidait a sa mére a aller querir ce grain elle dit que non mais qu’elle avait aidait a le manger. mon pére dit à cette femme qui passe dans le pays pour une friponniére, qu’il ne la pairai pas. ma mére lui dit de le poursuivre et qu’elle leverai le pied et la main s’il le fallait comme elle le lui devait. cette femme le fit venir en conciliation. ma mére alla avec elle. mon pére avait pour raison que quelqu’un auraient du lui voir emporter le grain qu’elle avait emporté sur le dos et que ma soeur aurait du lui aider, le juge de paix demanda a cette femme si elle voulait affirmer sur la foi de son âme que cela lui etait legitimement du. comme cela avait un air de la repugner, ma mére dit : que vous êtes innoncente, si c’etait moi j’afirmerais bien. le juge conclut en disant je vois que cette femme a la delicatesse de ne pas vouloir affirmer ainsi payez la et allez vous en paix, et mon pere la paya. le batteur à qui mon pere avait deffendu d’y travailler davantage et etait arrêté avec lui pour 28 sous y avait travaillier depuis et voulut se faire payer le surplus, le juge dit encore qu’il fallait le payer et mon pere le paya [20]. lorsques que mon pére parlait quelque fois au juge de ma mere il disait : voyez-vous votre femme est faible il faut la menager. ma mére eut aprés ces jugemens encore plus de force de rire de mon pére et de soutenir ses raisons. j’ai oublié une autre circonstance de dispute arrivée avant ses derniéres. un homme qui allait se marier vint a l’epoque que ma mére vint avec mon pere, il lui demanda a louer une des maisons pour s’y loger avec sa femme, cette maison fut une de celles qui n’avaient pas été louée au fermier dont j’ai parlé, il y a un jardin dépendant de cette maison. ma mére ne voulait rien louer. et la terre qu’il avait affichée n’a pas été louée soit parce que les gens ne s’en souciaient pas vu les changemens qui arrivaient à tous moment, soit qu’il fût trop tard parce que la saint michel etait passée, mon pére l’a faite valoir cette année. pour la maison dont je parle qui etait la boutique a charpentier et la cave elle fut louée dix ecus, et il fut dit que le fermier aurait tout ce qu’il y avait de legumes dans le jardin, et que mon pere jouirait de la cave jusqu’au premier jour de l’an. ce marché ne convenait pas a ma mére, non plus que tout autre, elle dit que cet homme ne jouirait pas et qu’elle arracherai tous les legumes du jardin. un jour donc qu’elle y etait retournée que mon pére y était aller travaillier, au soir elle dit a ma soeur de plumer les choux, elle obéit. mon pére lui dit : mais que fais-tu donc je te defends de les plumer puisqu’ils sont loués, ma soeur dit : ah ma foi ils sont bien trop touffus, il l’a fît retirer. mais ma mére voyant cela se mît a les plumer elle même, mon pére le lui défendant elle dit : en parle-tu, je vais tous les etêter, il lui donna un soufflet, alors elle se mît à crier : vengeance mon dieu il me tue, ma soeur victoire y courut, moi aussi et je vis que mon pére, cherchait a la faire sortir du jardin ; elle le frappait a coups de pied, et lui donna aussi des coups de poing, aprés qu’elle fut sortie. faut-il que je sois si malheureuse, dit-elle, d’un cocain qui me tue la nuit, mais je reviendrai les prendre nos choux je les prendrai au beau jour. je revins avec mon pére et Quevillon par un chemin, et ma mére et ma soeur s’en allerent par un autre. lorsques qu’on fît le dernier cidre, ma mére ne voulait pas qu’on apportât un tonneau qui etait restait a courvaudon, et voyant qu’on l’aportait elle fut consulter un maçon a hamars pour voir comment elle pourrait obtenir une séparation, et depuis elle à toujours été souvent en consulter de part et d’autre et debiter que son mari la faisait perir et qu’il la battait journalement ; il y avait quelques temps qu’on avait fait la lesive que ma mére demanda a blanchir des draps ; elle devait encore en avoir. mon pére lui demanda ce qu’elle en avait fait. elle dit peu de chose mais ma soeur dit ; qu’il n’y en avait pas temps comme il disait. il parait que ma mére avait pris tout son meilleur linge et qu’elle l’avait caché chez ses cousins à courvaudon, car elle savait que mon pére était obligé de lui fournir ce qui lui etait necessaire et ses cousines passaient le samedi et s’entretenaient avec elle, une d’entre-elles avait dit à une personne dans le temps que ma mére etait encore a courvaudon et qu’elle faisait des dettes ; qu’on disait que Riviére était un si bon homme par ci et par là, et elle ajoutait : je ne le prends pas pour un si brave homme, pourquoi qu’il ne laissait pas sa femme tranquille sans lui prendre ce qu’elle avait, ils l’avaient fait venir autrefois avec eux, ils ne purent la souffrir, fallait continuer a lui faire son labourage comme il faisait sans la tracaser, n’etait-elle pas attachée a son bien comme il est attaché au sien. cette cousine faisait bonne mine à mon pére quand elle le voyait, et elle disait dans le boug d’aunay que ma mére etait une mauvaises femme et qu’elle faisait souffrir son mari. nous fûmes ecouter mon pére et moi par un endroit du plancher les discours que ma mére et ma soeur disaient ensemblent. j’y allai le plus souvent mais on ne les entendait que lorsqu’ils parlaient un peu haut. un jour que mon pere avait dit a ma soeur victoire, que ma g-m. ne pourrait mais guere plus travailler, qu’il faudrait aider à soigner les vaches, et aller a la mengaille chacun a son tour, mon autre soeur et elle ; lorsque que ma mére fut revenue elle lui dit en repetant les paroles de mon pére d’un ton moqueur : ah il a dit qu’il faudrait aller a la mengaille, que sa mére ne serait plus capable de travailler, ma mére en faisant la cuisine faisait du plus mal qu’elle pouvait elle mettait des herbes à la soupe qu’elle savait que mon pére n’aimait pas et les mettait avec d’autres qu’il aimait. mon pére s’entretenait quelque fois avec ses voisins de tous ses maux, il parlait des linges qu’elle avait soustrait, et il disait : ils ont sans doute envie de s’en retourner, qu’ils s’en retournent ou ils voudront mais ils n’emmeront pas le petit jule avec eux, je ne veux qu’il les suivent, je veux qu’il reste avec moi, d’abord on ne peut pas le hair. ma mere alla consulter mr Blain a beauquay, elle lui debita ses calomnies contre mon pére, elle lui dit aussi qu’elle était grosse. ll y avait d’autres personnes chez mr Blain, cela fut bientôt repandu dans aunay, et un homme parlant a un de nos voisins dit : il paraît que vous avez un voisin qu’il faut qu’il maltraite etrangement sa femme, car elle en dit de belles choses. mon pére sachant qu’elle avait dit qu’elle était grosse, ne put croire qu’elle le fût car, disait-il, comme elle sait ce qui en est avec moi, elle se pense, il tient à l’honneur, mais qu’il voie une pareille affaire, il dira : comment est-il possible, il ne pourra se contretenir, il me battra et je pourrai obtenir une séparation. je suis sur, continuait-il, quelle se met de quoi sur le ventre pour le faire grossir, il faudra que j’y regarde ; il tint ce raisonnement devant quantité de personnes entrautres, Hebert et sa femme, la veuve Quesnel, victor domestique chez mr Grellai, une de cousine de ma mére de courvaudon Guérin garde-champêtre, un remonteur qui est a aunay, mr le curé d’aunay ; mr le curé lui dit de n’y pas regarder. mon pére disait encore : elle dit que j’ai fait perir l’autre, mais je lui dirai qu’il faudra qu’elle me rende compte de celui qu’elle a dans le corps. cependant craignant qu’il ne se trompât je resolut de m’eclaircir de cette affaire en ecoutant ; une fois j’entendis que ma mere et ma soeur calculaient le temps qu’elle serait dans cette couche en examinant le temps qu’elle avait été dans les autres. ma soeur dit en outre : il ne faut pas lui faire aucun habit, au moins mais qu’il soit fait, et qu’il vienne a demander le bonnet, que les gens soient là tu diras : ma foi, il n’y en a pas, m’as-tu donné de l’argent pour en avoir. c’est là, ajoutait ma soeur, qu’il y aura a rire ; ensuite elle supposa et dit d’un ton de moquerie les paroles que mon pére pourrait dire alors : ah, continua-t-elle, il te dira, ah tu as encore fait cela pour me faire honte, tu est toujours de même, si c’eût été pour autre chose tu en aurais bien trouvé ; ma mére se mefiant des ecoutes lui dit : tais-toi donc. ma soeur dit d’un ton plus bas : n’en fais pas toujours. une autre fois ma soeur avait été porter sa dentelle a villers, elle revint sans avoir été payée. ma mére dit alors : que je suis malheureuse d’être dans cette position, que nous ne resterions donc pas là long-temps mon dieu. puis elle ajouta : as-tu pris garde si le marchand payait les autres qui en portaient comme toi. c’est peut-être lui qui lui a deffendu de te payer. je n’eût garde de dire toutes ces choses que j’avaient entendues à mon pére vu les pensées qu’il avait. une autre fois que mon pére était parti a un voyage, j’entendis que ma mére et ma soeur supposaient qu’il etait peut-être a tenter ceux chez qui elle avait rétiré ses linges, et ies contrats d’aquets de ses terres : il est chez julie, disaient-ils, ou bien chez la pinote, il va lui demander des contrats ou d’autres choses, oh mais ils ne vont pas lui en donner, il faudrait qu’ils fussent bien lâches toujours s’il le faisaient ; quoique ma mére fut grosse elle pensa qu’elle pourrait cepandant commencer a intenter un procés pour avoir une séparation, alors elle ne voulut plus faire de cuisine que pour les deux enfans qui etaient avec elle, ni prendre de pain chez ma g-m. ou on le mettait, et aprés avoir été chercher des avis pendant trois ou quatre jours, un matin elle fut chez sa cousine sans doute pour avoir son argent. et l’autre matin elle parti pour vire ; je remarquai qu’en partant, un homme se trouva avec elle, c’etait sans doute un de ses avocats du pays ; pendant son absence ma soeur victoire et mon frére jule resterent dans la maison à manger du pain qu’elle leur avait acheté, sans vouloir venir avec nous autres qui depuis avons été vivre avec ma g-m. le soir mon pére demanda a ma soeur pourquoi qu’elle laissai perdre le pain qui etait chez lui pour en aller chercher d’autre, ah, repondit-elle, puisque nous avons moyen d’en acheter. paye donc tes dettes, lui dit-il, chez Rabâche et ailleurs que tu disais que tu payerais lorsques tu eût de l’argent. pourquoi empêche-tu a ton petit frere de venir manger avec nous ? je ne l’en empêche pas dit-elle ; tu mens, lui dit-il, tu lui en empêche. ma mére revint avec une ordonnance de mr le president pour paraître en conciliation. ce fut mr le valois huissier à saint-georges qui apporta cette ordonnance à mon pére. tout le monde etait touché de voir un homme d’une conduite irreprochable si malheureux et persecuté si cruellement par une femme. le dimanche lorsqu’il entonna l’eau bénite, car mon pére chantait a la messe, prés de cinquante personnes pleurérent. pendant la semaine mon pére obtint des certificats, un du maire d’aunay dans lequel il etait fait mention de sa conduite et de l’estime dont il jouissait ; un de celui de courvaudon qui contenait la même chose et en outre quelques choses sur la conduite de ma mére et un autre écrit par mr le curé et signé de plusieurs habitans de la commune qui exposaient qu’elle conduite mon pére avait tenue avec ma mére, plusieurs des sacrifices qu’il avait faits pour vivre en paix avec elle. mon pére prît aussi son contrat de mariage. l’arrangement fait devant mr Foucaut, qu’il perdit en chemin et qui fut retrouve et lui fût rendu, le bail qu’il avait cassé, la lettre des dettes qu’on lui avait envoyée, et comparu le lendemain de l’ascension. il trouva mr le president disposé en faveur de ma mére, ses certificats ne furent regardés qu’avec indiférence. mr le president dit même en voyant celui de courvaudon : mais c’est contre votre femme que vous en avez fait faire un a courvaudon. mon pére dit que le maire l’avait fait comme il avait voulût. ma mére commença a lui reprocher de nouveau qu’il avait fait périr son enfant. mon pére en pleurant explica a mr le president ce qui en etait. il lui montra aussi l’arrangement fait par devant mr Foucaut. mr le president demanda a mére pourquoi elle ne voulait pas tenir a cet arrangement et lui dit qu’elle avait trois partis a choisir. ou de tenir a cet arrangement, ou de retourner sur ces biens a courvaudon, ou de plaider. ma mére dit qu’en retournant dans son bien elle voulait que son mari lui rendit ce qu’il lui avait pris, ses meubles, son argent, ses vaches, ses tonneaux, et plusieurs choses qu’elle nomma dont il y en avait beaucoup qu’il n’avait pas eues. mon pére lui dit : je te rendrai tout. on demanda a qui seraient confiés les enfans. mr le prt dit qu’ils iraient ou ils voudraient. mon pére dit : mais mr elle se dit grosse [21], a qui sera confié cet enfant ? il repondit ce sera plutôt à votre femme qu’a vous, c’est elle qui l’alaitera. mais ce n’etait pas là ce qui arrangait ma mére qui comme on la vu avait l’intention de faire cet enfant et de ne pas y mettre les doigts en aucune maniére que ce fût. arrange-t-en comme tu voudras. elle ne dit rien a ce que mr le président disait la dessus. ce juge dit aussi que si elle voulait plaider qu’il ne refusait pas de l’autoriser mais que ce serait une affaire a depenser bien de l’argent. c’etait bien là ce qui contentai ma mére qui savait que mon pére serait obligé de lui en fournir pour plaider contre lui. en venant à vire mr auguste grellay lui avait démandé pourquoi elle voulait ruiner son mari. il faut bien, lui avait-elle répondu, que l’on donne de l’argent a tout le monde. cepandant elle ne fit pas d’assignation ce jour-là. en revenant mon pére la raporta derriére lui sur le cheval depuis cadeholle jusqu’à aunay. arrivée elle ne montra pas de meilleures intentions. comme mon pére lui parlait du voyage ; que tu avais bel air là, lui dit-elle, tu avais l’air d’un galerien. et elle continua a aller faire des nouvelles consultations les jours suivans, et a prendre du pain chez les boulangers, comme elle en prenait le boulanger lui demanda si son mari n’en avait point. oui, dit-elle, mais quand on va pour chercher un pain, il y a là une vielle bonne femme qui vous allonge la mine. je n’ai pas mangé avec ma mére ni avec ma soeur victoire depuis le jour que ma mére intenta la separation. mon frére jule ne recherchait pas tant la compagnie de mon pére, de moi, et de mon frére prosper, il n’avait pas tant d’idée d’aller a cheval comme auparavant [22]. cepandant il est pourtant revenu avec moi, il est venu plusieurs fois à la maison de ma g-m. manger avec nous autres cinq personnes, et il nous faisait assez d’amitié, mais il etait plus porté pour ma mére que pour mon pére. le samedi lendemain du retour de vire ma soeur victoire ouvrit l’armoire et donna de nouveaux paquets a emporter a sa cousine qui passait. le dimanche après vepres, mon pére eut de la visite plusieurs personnes d’aunay vinrent et firent la colation dans la maison de ma g-m. ensuite ils s’en alla une partie ; d’autres restérent. il vint un menuisier de courvaudon qui demeure au village du bouillon ou demeurait ma mére, il entra premiérement chez elle et se mît a l’embrasser et a lui faire plusieurs cajoleries [23] ensuite il fut dans l’autre maison et but avec mon pére et les autres qui y etaient, on parla des outils a charpentier que ma mére lui avait donné, mon pére dit qu’elle disait les lui avoir demandés et qu’il n’avait pas voulut les lui donner, et ils allérent tous deux la trouver. mais elle dit comme le menuisier, et mon pére consterné commença a crier un peu haut avec lui. pendant cela les autres gens avec qui jetais resté dirent : ma foi il n’est pas en sureté de sa vie avec tous ces gas la qu’elle va courir de tous côtés. puis hebert s’adressant a moi me dit : n’abandonne jamais ton pére toi, il ne te laissera pas aller a la republique. helas j’avais bien d’autres idées. mon pére revint et le menuisier aussi. les gens avaient sorti dans la cour a la fraîche, le menuisier dit : ah je suis brouillé avec Riviére ; ma mére et ma soeur etaient qui guetaient par sur la porte, ils avaient un air de tant se moquer de l’abattement dans lequel mon pére était plongé. le menuisier s’assit et but, puis il dit qu’il allait dire une chanson, eh bien, dit françois senecal, dites-nous en donc deux mots, le menuisier commença et dit une chanson qui s’adonnait a niarguer mon pére et a rire de sa duplicité. la fin du premier couplet etait : que tout entre et que rien ne sorte ; dans le second couplet il etait dit : que lise a fin de force d’avoir toujours laissé entrer par la même porte au bout de neuf mois il fallait bien que quelqu’uns sorte. mon pére dit alors : rentrons nous sommes plutôt dans une position de pleurer que de chanter. le menuisier rentra avec nous, il se mit encore a parler des outils et dit : j’ai aidé à votre femme a entrer son grain et elle me disait : tenez menuisier vous prendrez les outils et cela ira pour cela. françois senecal lui dit : que voulez-vous donc nous hebeter ; et aprés avoir resté encore quelque temps il s’en alla. quelques femmes qui etaient là parlerent a mon pére et a ma g-m. des peines qu’ils avaient, et ils les voyaient accablés, ces gens là, dirent-ils, en s’en allant, font bien leur purgatoire sur terre. le lendemain au matin mon pére partit pour tessel, ma g-m l’attendait pour l’aprés-midi ; mais il ne revint que le mardi sur les trois heures du matin, ah, dit-elle, que fais-tu depuis tout le temps que je t’attends et que je suis dans la peine, il dit qu’etant parti pour s’en revenir sur les six heures du soir, il s’etait reposé un peu sur le chemin, qu’il s’était endormi, et qu’à son reveil il avait pris le chemin a contresens, qu’il avait fait prés d’une lieue, qu’il s’était reconnu et s’en etait revenu. et cette journée là il fut malade. ma g-m. dit ces choses a une des voisines et cette femme lui dit : ce sont toutes ses peines qui le tourmentent et qui l’accablent ainsi. il n’avait pas grand courage de travailler, il se couchait et se reposait, et il etait toujours accablé, reveur et pensif ; plusieurs personnes disaient : s’il faut qu’il soit pris d’une maladie il ne s’en relevera pas.


 

Fin du résumé des peines de mon pére.


 

Ayant promis d’expliquer mon caractére, les pensées que j’ai eues avant cette action et aprés, je ferai comme un abregé de ma vie particuliére et des pensées qui m’ont occupé jusqu’a ce jour.

   Dans mon jeune age c’est-à-dire vers 7 à 8 ans j’eut une grande devotion. je me retirais a l’ecart pour prier dieu et dans les voyages des rogations je me refusais les rafraichissemens que lon prenait pendant un quart d’heure ; je pensais que je serais prêtre et mon pére disait qu’il m’y ferait parvenir. j’appris des sermons et je prechais devant plusieurs personnes entr’autres nicolas Riviére de notre village, et chez son frére aubergiste à aunay devant plusieurs messieurs qui etaient chez lui. je fit cela pendant deux ou trois ans. c’était ce que j’avais déja lu qui m’inspirait cela. plus tard mes idées se changérent je pensai que je serais comme les autres hommes. cepandant je montrais des singularités. mes compagnons d’ecole s’en apercevaient ils se moquaient de moi, j’atribuais leur mepris a quelques actes de bétise que je pensais avoir fait des les commencemens, et qui suivant moi m’avaient decredité pour toujours. je m’amusais seul j’allais dans notre jardin, et comme j’avais lu quelques choses sur les armées je supposais nos choux verds rangés en bataille, je nommais des chefs, et puis je cassais une partie des choux pour dire qu’ils etaient tués ou blessés, ma g-m disait : c’est etonnant, il aime les choux et il les casse, je me suis amusé longtemps a cela, quoique je n’en cassât pas tant. le fils aîné de riviere, dit cadet, passant me vit, et presque toutes les fois qu’il me voyait depuis te bats tu encore avec tes choux, me disait-il ; j’apprît bien à lire et faire l’aritmetique, pour l’écriture je n’avancait pas tant. lorsques que je n’allai plus à l’ecole je travaillai a la terre avec mon pére ; mais ce n’etait pas là bien mon penchant, j’avais des idées de gloire, je me plaisais beaucoup à lire ; a l’école on lit la bible de royaumont, j’ai lu dans les nombres et le deuteronome, dans l’evangile et le reste du nouveau testament, je lisais dans les almanachs et le géografie, j’ai dans le musée des familles et un calendrier du clergé, dans quelques histoires celle de bonaparte, l’histoire romaine, une histoire des naufrages, la morale en action, et plusieurs autres choses, je n’aurais trouvé qu’un fragment de journal qui eût servi à torcher le derriére, je le lisais, j’ai lu aussi dans le bon sens du curé melier, dans le catéchisme philosophique de Ffeller et dans le catéchisme de Monpellier. ce que j’avais lu sur l’astronomie et sur quelques autres choses que j’avais examinées me rendit irréligieux il y trois ans. a cette epoque et avant j’étais devoré des idées de grandeurs et d’immortalité, je m’estimai bien plus que les autres, et j’ai eu honte de le dire jusque ici, je pensais que je me eleverais au dessus de mon état. dans ce temps la passion charnelle me genait. je pensai qu’il etait indigne de moi de jamais penser à m’y livrer. j’avais surtout un horreur de l’inceste cela faisait que je ne voulais pas approcher des femmes de ma famille, quand je pensais en avoir approché trop prés, je faisais des signes avec ma main comme pour reparer le mal que je croyais avoir fait. mon père et ma g-m. étaient desolés de ces choses qui ont duré l’espace d’un an. mon pére disait c’est peut être des scrupules [24] mais c’est étonnant car il n’a plus de religion. comme on me demandait pourquoi je faisais ces signes, je cherchais a eluder les questions en disant que c’etait le diable que je voulais chasser ; on disait aussi que j’avais horreur des autres femmes, car lorsqu’il se placaient quelque-fois à côté de ma g-m. et de ma soeur, je me retirais d’un autre côté, marianne renaut qui était alors servante chez nous, ouvrant un jour la porte du jardin, je jettai promptement la main à ma culotte, quoique je fût très eloigné ; ah oui, dit-elle, marche tient bien ton pantalon ; mais ce n’était pas elle que j’aprehendais, quand elle ouvrit la porte je craignais que ce ne fût ma g-m ou ma soeur. ces idées se dissipérent. mais j’étais toujours occupé de mon excelence, et en allant seul je faisais des histoires ou je me supposai jouant un rôle, je me mettais toujours en tête des personnages que j’imaginais. je voyais pourtant bien comme le monde me regardait, la plupart se moquaient de moi. je m’apliquai un voir la maniére de m’y prendre pour faire cesser cela et vivre en société, mais je n’en avais pas le tac, je ne pouvez trouver les paroles qu’il fallait dire, et je ne pouvais avoir un air sociable avec les jeunes gens de mon âge, c’etait surtout lorsqu’il se rencontrait des filles dans la compagnie, que je manquais de paroles pour leur adresser, aussi quelqu’unes pour en rire ont courut aprés moi pour m’embrasser, je ne voulais pas aller voir mes parens c’est-a-dire des cousins, ni les amis de mon père car javais peur des complimens qu’il fallait faire. voyant que je ne pouvais reussir à ces choses je m’en consolai. et je meprisai dans moi ceux qui me méprisaient. je voulut me venger de la fille de nicolas margrie qui avait forcé a m’embrasser en faisant une chanson sur son honneur que j’avais resolu de semer dans les chemins, je prétendit ensuite pouvoir me venger de mes autres moqueurs en faisant des chansons sur tous eux, je dit a un de mes amis Fortain, que je pourrais me venger de tous ces gens là en faisant des cents sur tous eux, que je pourrais les diffamer et les faire bannir du pays. plus tard je fut tenté plusieurs fois d’en appeler quelqu’un en duel. je resolut aussi de me distinguer en faisant des instrumens tous nouveaux je voulais qu’ils fussent crées dans mon imagination. je resolut 1erment de faire un outil pour tuer les oiseaux comme on n’en avait pas vu j’y donnai le nom de calibene j’y travaillai pendant long-temps les dimanches et au soir, et voyant qu’il ne reussissait pas comme j’avais cru j’allai l’enterrer dans un prai et par la suite je le deterrai et il est encore sur le plancher d’une des maisons. j’avais aussi resolut de faire un instrument pour barter du beurre, tout seul, et une voiture pour aller toute seule, avec des ressorts que je ne voulais prendre que dans mon imagination. je contai ces choses à Fortain mon camarade, et à jean buot, qui travaillait avec nous. j’avais plus de société avec les enfans de neuf à dix ans qu’avec les gens de mon âge, je leurs faisais des albalêtres, et moi-même je m’occupais a en faire partir ; on m’a arrêté avec un et quoique j’aye dit que c’était pour passer pour fou que je l’avais fait, ce n’était pas encore tout-a-fait pour cela. chez nous j’en faisais partir mais j’avais soin de me cacher du mieux que je pouvais. dans moi je trouvais que ce n’etait pas une nécessité, j’avais lu qu’autrefois on se servait de cela pour aller a la chasse et même pour se battre à la guerre. il y a quelque temps qu’en faisant partir cela, je cassai un carreau de vitre pour Nativel, j’eut honte qu’on dit que ce fût moi ; mes deux frères y etaient. on leurs demanda qui l’avait cassé. ils dirent qu’ils n’en savaient rien, et ils n’ont jamais dit que c’etait moi. comme bientôt on s’en douta, mon pére demanda a jule si ce n’était pas moi. cet enfant soutint toujours que non. je crucifiais des grenouilles et des oiseaux, j’avais aussi imaginé un autre suplice pour les faire perir. c’était de les attacher avec trois pointes de clou dans le ventre contre un arbre. j’appelais cela enuepharer, je menais les enfans avec moi pour faire cela et quelques fois je le faisais seul. il y a deux ans que j’allai a la saint clair a sainte honorine tout seul pour observer les discours que les maîtres et les domestiques diraient ensemblent, et par la m’instruire et en dire autant si l’occasion s’en presentait. j’observai plusieurs personnes entr’autres mr Viel de guiberville, je lui vit parler a plusieurs domestiques et en louer un ; je regardais les gens sans leur parler, sans les connaître et sans qu’ils me connussent. j’ai été plusieurs fois me promener sans aucune compagnie dans les assemblées et les marchés. j’avais toujours les idées de m’instruire et de m’elever. je pensais que si quelque fois je me voyais de l’argent j’acheterais des livres et le cour complet d’instructions de l’abbé gaultier [25] concernant la lecture, l’ecriture, l’arihtmetique, la geométrie, la geografie, l’histoire, la musique, les langues françaises latines et italienne etc. le tout coutant 60 frs. je pensais que m’eleverais. malgré ces desirs de gloire que j’avais ; j’aimais beaucoup mon pére, ses malheurs me touchaient sensiblement. l’abbattement dans lequel je le vis plongé dans les derniers temps, sa duplicité, les peines continuelles qu’il endurait, tout cela me toucha vivement. toutes mes idées se portérent sur ces choses et s’y fixérent. je concut l’affreux projet que j’ai exécuté, je pensai a cela a peu-prés un mois auparavant. j’oubliai tout-a-fait les principes qui devaient me faire respecter ma mére et ma soeur et mon frére, je regardé mon pére comme étant entre les mains de chiens enragés ou de barbares, contre lesquels je devais employer les armes, la religion defendait de telles choses mais j’en oubliai les regles, il me sembla même que dieu m’avait destiné pour cela, et que j’exercerais sa justice, je connaissais les lois humaines les lois de la police, mais je prétendit être plus sages qu’elles, je les regardait comme ignobles et honteuses. j’avais lu dans l’histoire romaine, et j’avais vu que les lois des romains donnaient au mari, droit de la vie et de mort sur sa femme et sur ses enfans. je voulut braver les lois, il me sembla que ce serait une gloire pour moi, que je m’immortaliserais en mourant pour mon pére, je me representai les guerriers qui mouraient pour leur patrie et pour leur roi, la valeur des eleves de l’ecole polithecnique lors de la prise de paris en 1814 je me disais : ces gens la mouraient pour soutenir le parti d’un homme qu’ils ne connaissaient pas et qui ne les connaissait pas non plus, qui n’avait jamais pensé a eux ; et moi je mourrai pour delivrer un homme qui m’aime et qui me cherit. l’exemple de chatillon qui soutint seul jusqu’à la mort, un passage d’une rue par ou les ennemis abondaient pour prendre son roi ; le courage d’eleazar frére machabées qui tua un elephant ou il pensait que le roi ennemi etait ; quoique qu’il sut qu’il allait être étouffé sous le poids de cet animal, l’exemple d’un général romain dont je ne me rappelle pas le nom, qui dans la guerre contre les latins se devoua a la mort pour soutenir son parti. toutes ces choses me passaient par l’esprit et m’invitaient à faire mon action. l’exemple de henri de la roquejacquelain que je lut dans les derniers temps me sembla avoir un grand rapport avec ce qui me regardait. c’etait un des chefs des vendeens, il mourut a la vingt-unieme année de son age pour soutenir le parti du roi. je considerai sa harangue a ses soldats au moment d’un combat : si j’avance, dit-il, suivez-moi, si je recule tuez-moi, si je meurs vengez-moi. le dernier ouvrage que j’ai lu etait une histoire des naufrages, que m’avait prêté lerot. j’y vit que lorsques que les marins manquaient de vivres. ils faisaient un sacrifice de quelqu’un d’entreux, qu’ils le mangeaient pour sauver le reste de l’equipage, je me pensais : je me sacrifierai aussi pour mon père ; tout semblait m’inviter a cette action. même jusqu’au mistere de la redemption, je pensais même que c’etait plus facile a comprendre, je disais : notre seigneur jesus-chrit est mort sur la croix pour sauver les hommes, pour les racheter de l’esclavage du demon, du peché, et de la damnation eternelle, il était dieu, c’etait lui qui devait punir les hommes qui l’avaient offensé ; il pouvait donc leur pardonner sans souffrir ces choses ; mais moi je ne peux délivrer mon pére qu’en mourant pour lui. lorsques j’entendit dire que prés de cinquante personnes avaient pleuré lorsques mon pére avait chanté l’eau bénite, je dit en moi-même : si des etrangers qui n’y sont pour rien pleurent, que ne dois-je pas faire moi qui suis son fils. je pris donc cette affreuse resolution, je me déterminai à les tuer tous trois ; les deux premiéres parce qu’ils s’accordaient pour faire souffrir mon pére, pour le petit j’avais deux raisons, l’une parce qu’il aimait ma mére et ma soeur l’autre parce que je craignais qu’en ne tuant que les deux autres, que mon pére quoique en ayant une grande horreur ne me regrettât encore lorsqu’il saurait que je mourut pour lui, je savais qu’il aimait cet enfant qui avait de l’intelligence, je me pensai il aura une telle horreur de moi qu’il se rejouira [26] de ma mort, et par là exempt de regrets il vivra plus heureux. ayant donc pris ces funestes resolutions je resolut de les mettre en execution. j’eut d’abord l’intention d’ecrire toute la vie de mon pére et de ma mére a peu prés telle quelle est ecrite ici [27] de mettre au commencement un annonce du fait, et à la fin mes raisons de le commettre, et les niarges que j’avais intention de faire à la justice, que je la bravais, que je m’immortalisais, et tout cela ; ensuite de commettre mon action, d’aller porter mon ecrit a la poste, et puis prendre un fusil que j’aurais caché d’avance et de me tuer ; je m’etais lévé quelques nuits pour lire le catechisme de Monpellier ; sous pretexte de faire la même chose je me levai et je commençai a ecrire l’annonce du commencement, mais des le lendemain ma soeur s’en aperçut, je lui dit alors que j’ecrivai la vie de mon pére et de ma mére pour la presenter aux juges ou bien a un avocat que mon pére irait consulter pour faire voir la maniére dont il etait traité avec ma mère ou bien même qu’on se contenterai de lire cela devant ceux de notre connaissance. ma soeur et c’etait aimée voulut voir ce qu’il y en avait deja d’ecrit, je me gardait bien de lui montrer, car c’était l’annonce du commencement. elle revint un peu après avec mon pére et Quevillon, je le cachai, elle dit : il est donc impossible que l’on voie cela ? je dit qu’il fallait attendre qu’il y en eut plus d’ecrit. mais craignant qu’on ne lût cette annonce je la brullait et je pensai que j’ecrirais la vie sans me cacher de personne et que je mettrais secretement les raisons de la fin et du commencement après que cette vie serait ecrite. je me levai donc une nuit ou deux pour ecrire mais je dormit presque toujours et je ne put ecrire que peu de chose. alors je prit une autre résolution, je renoncai a ecrire, et je pensai qu’après le meurtre je viendrais a vire, que je me ferais prendre par le procureur du roi ou par le commissaire de police ; ensuite que je ferais mes declarations que je mourrais pour mon père, qu’on avait beau soutenir les femmes, que cella ne triompherait pas, que mon père serait desormais tranquille et heureux ; je pensais que je dirais aussi : autrefois on vit des jael contre des sisara, des judith contre des holophernes, des charlotte corday contre des marat ; maintenant il faudra que ce soient les hommes qui emploient cette manie, ce sont les femmes qui commandent à present, ce beau siecle qui se dit siecle de lumiére, ce nation qui semble avoir tant de gout pour la liberté et pour la gloire, obéit aux femmes, les romains étaient bien mieux civilisés, les hurons et les hottentots, les alquongins, ces peuples qu’on dit idiots, le sont même beaucoup mieux, jamais ils n’ont avili la force, ce sont toujours été les plus forts de corps qui ont toujours fait la loi chez eux. je pensais que ce serait une grande gloire pour moi d’avoir des pensées opposées à tous mes juges, de disputer contre le monde entier, je me représentais bonaparte en 1815. je me disais aussi : cet homme a fait périr des milliers de personnes pour satisfaire de vains caprices, il n’est donc pas juste que je laisse vivre une femme qui trouble la tranquillité et le bonheur de mon pére. je pensai de l’occasion était venue de m’elever, que mon nom allait faire du bruit dans le monde, que par ma mort je me couvrirais de gloire, et que dans les temps à venir, mes idées seraient adoptées et qu’on ferait l’apologie de moi. ainsi je pris donc cette funeste resolution. cepandant je craignais encore que mon pére, qui suivant moi n’avait pas des idées aussi sublimes que les miennes, ne se suicidât lorsqu’il verrait cela ; mais je pensai que je le ferais en son absence et que j’avertirais des gens de le retenir et qu’une fois qu’il aurait supporté la première vue, il n’y aurait plus de danger par la suite. je pensai aussi que comme je devais venir devant les juges soutenir mes opinions, qu’il fallait que je fît cette action avec mes habits du dimanche pour partir pour vire aussitôt qu’elle serait consommée. j’allai faire rafiler la serpe le dimanche 24 mai chez gabin laforge marechal a aunay, et qui a coutume de nous servir ; ce jour là je ne fit rien, je pensai que je le ferais dans la semaine et que je prendrais mes habits du dimanche avant cela ; le samedi d’aprés voyant mon père et ma g-m. partis au boug d’aunay, et les trois que j’avais resolut de tuer réunis dans la maison, je pris promptement mes habits du dimanche, mais lorsques que je fut prêt, je vis que ma mére et mon frére étaient partis au boug ; voyant cela je pensais qu’ils allaient revenir, et comme ma soeur aimée me demandait pourquoi je m’habillais ainsi, je dit que j’allais au boug, et je m’y en allai en attendant que ma mére fût revenue ; l’ayant rencontrée sur le chemin qui revenait, je ne fît qu’aller au boug et puis revenir, a mon rétour je les trouvai tous trois dans la maison, mais je ne put me decider a les tuer ; je me dit alors : je ne suis qu’un lâche et je ne pourrai jamais rien faire, j’allai dans le jardin ; et je vit revenir mon pére ; alors je fut changer d’habits ; mon pére et ma g-m me demanderent pourquoi je m’étais si bien habillé pour aller au boug, que je n’aurais bien plus prendre que ma blouse par dessus mes autres habits ; je dit, que mes autres habits, particuliérement mon pantalon etaient trop deguenillés ; on ne me fit pas d’autres questions ; je pensais que je ferais cette action le lendemain tout a mon aîse ; mais il ne se presenta pas d’occasion ou s’il s’en presenta je ne les saisit pas ; le soir je fut pour le faire pendant qu’il y avait de la société avec mon pére, car je pensais que tous ces gens là allaient l’empêcher de se faire du mal. lorsqu’il vit cela, je n’étais pas a faire la colation avec eux, j’etais à roder dans les jardins en m’occupant de mes idées ; j’en avais dis-je l’occasion, mais je fut retenu par ce que j’appelais alors ma lacheté. ne pouvant donc m’y décider et voyant qu’il n’y avait plus moyen de le faire cette journée la, je m’en allais avec mon pére et ceux qui etaient encore avec lui, le menuisier, et les autres dont j’ai parlé. je pensai que je ferais cette action dans la semaine et que je me cacherais pour prendre mes habits du dimanche, je savais que le lendemain cela ne se pouvait, on devait aller à la charrue pour Quevillon, c’etait moi qui y allais ; mais il devait venir le lendemain pour nous, et c’etait ordinairement mon pére qui y allait quand c’était pour nous, je pensai que pendant que mon pére serait à la charrue, j’executerais ce projet ; j’allais donc le lundi pour Quevillon, il me dit qu’il n’était pas sur qu’on pût aller le lendemain pour nous, parce qu’il devait avoir un cheval d’enprunt pour aller le mercredi dans un prai ou il en fallait trois, que si l’on pouvait achever de labourer le champs ou nous étions, pour aller l’aprés midi herser le pray afin qu’il fût tout prêt ; qu’il viendrait pour nous le mardi, mais que sans cela qu’il ne pourrai pas. lorsques j’entendit ces choses je fît aller les chevaux du plus vite que je pus, et nous finîmes le champs ou nous étions, et l’après midi nous fûmes herser ce qu’il disait. le lendemain il vint pour nous, mais comme mon pére etait revenu malade ayant passé la nuit dehors, il ne put aller avec lui, et je fut obligé d’y aller. au midi mon pére etant un peu mieux me demanda si je voulais fouir dans le jardin, ou bien retourner a la charrue, je dit que j’allais fouir, après diner comme j’etais dans la cour, je dit à ma soeur aimée : chante-nous donc le cantique : jour heureux, sainte alegresse, pourquoi, me dit-elle ; c’est, lui repondis-je pour en apprendre l’air, et pourquoi me dit-elle que tu veux en apprendre l’air, je dit : je serai bien aise de le savoir, et alors elle se mit à le chanter, et Quevillon dit : ah mais cela va bien faire je crois, et il alla plaisanter ma soeur ; ensuite il s’en fut avec mon père a la charrue. mais je ne fit encore rien cette journée lá, il ne se presenta pas grande occasion, et puis je pris une autre résolution, je devais aller le lendemain pour Quevillon, je pensai qu’au matin je ferai le malade pour que mon pére y allât. le matin donc lorsqu’il fut temps de se lever, je fit semblant de vomir, ma g-m vint. je lui dit que j’avais mal au coeur, et que je n’allais pas pouvoir aller à la charrue et mon pére y alla quoique qu’il fût aussi un peu malade ; un heure environ aprés je me levai et dit que j’etais un peu mieux, je dis que j’allais travailler dans le jardin, ensuite je saisit secretement mes habits du dimanche, je les portait dans une des autres maisons appelée la maison à clinot, ensuite je m’habillai a mon dimanche ils etaient dans le moment tous trois dans la maison, mais lorsques que je fut habillé, je vit que mon frére jule venait de s’en aller à l’ecole ; alors je resolut de remettre a un autre moment ; j’etais dans le jardin et j’allai pour rentrer dans la maison que je dit et reprendre mes vieux habits, ma soeur aimée me vit ; et voyant qu’elle me voyait je m’en allai, j’allai du côté de beauquay et je resolut de ne pas revenir qu’à midi où ils allaient etre tous les trois reunis. mais il avait trop de temps a attendre, je revins à la maison résolu de reprendre mes vieux habits et de faire l’action sans en prendre d’autres. je me pensai : qu’importe que je sois habillé bien ou mal, je m’expliquerai tout aussi bien sans avoir des beaux habits, alors je revins à la maison ; la veuve Quesnel était dans la cour ; ah, dit-elle, a ma g-m voila pierre qui est revenu, j’allai voir dans ta maison ou j’avais laissé mes vieux habits je vis qu’ils en avaient été rétirés. j’entrai dans la maison de ma g-m ou je la trouvai qui pleurait ; ou as-tu envie d’aller, me dit-elle, si tu ne trouve pas que tu gagne assez avec ton pére et que tu veuille aller autre part, dis le, sans t’en aller comme cela sans le dire a personne, et avec cela tu n’as pas d’argent, qu’elle est ton intention, as tu envie d’abandonner ton pére, tu vois pourtant comme il est. ah, dit la veuve Quesnel, tu lui donne la mort a ta pauvre g-m qui t’aime tant, jette-toi a son cou et l’embrasse. ma g-m continua de me dire : pourquoi fais-tu donc cela, ton pére te proposait tous les avantages possibles, quand tu étais petit il disait qu’il sacrifierai une partie de son bien pour te faire prêtre, il te proposait de te faire apprendre un metier si tu voulais, si tu veux t’en aller d’avec lui, il ne te laissera pas encore aller sans argent ; la veuve Quesnel dit : ah il n’est pas de trop pour vous aider a faire votre ouvrage, il peut être heureux avec tous vous autres s’il veut. ma g-m dit : ah il aurait bien mieux fait d’aller ce matin a la place de son pére, qui est malade, il voit sa position, s’il se retire ainsi d’avec lui, ce sera encore une force que sa mére aura pour plaider son pére, elle dira aux juges : il est si mauvais que ses enfans ne veulent pas rester avec lui ; cependant s’il veut s’en aller, son pére ne le retiendra pas ; qu’il le dise et on ne sera pas embarassé ou il est.

   j’eludai toutes les questions que ma g-m me faisait en disant que cela n’était rien, que lon faisait des grands etalages pour trés peu de choses, et je m’en allai dans le cabinet ou je répris tous mes vieux habits, ensuite j’allai fouir dans le jardin en attendant le midi. ma g-m y vint aussi faire une érie de pois, elle me fit des nouvelles questions, a quoi je repondit toujours, que cela n’était rien qu’elle ne s’en genât pas. mais si, dit-elle, c’est quelque chose, mais que ton pére soit revenu je vais vouloir que tu t’en explique ; eh bien, répondis-je, je vais m’en expliquer devant lui ce soir. ma g-m cessa de me questionner. le midi vint et elle s’en alla traire les vaches avec ma soeur aimée. mon frére jule était revenu de l’école. profitant de cette occasion je saisit la serpe, j’entrai dans la maison de ma mére et je commis ce crime affreux, en commencant par ma mére, ensuite ma soeur et mon petit frére, après cela je redoublai mes coups, marie, belle-mére de Nativel entra, ah que fais-tu, me dit-elle, otez vous de là, lui dis-je, ou je vous en fais tout autant. ensuite je sortit dans la cour et m’adressant a Nativel je lui dit : miché allez prendre garde que ma g-m. ne se fasse du mal, elle peut être heureuse maintenant, je meurs pour lui rendre la paix et la tranquillité, je m’adressai aussi a aimée lerot, et a pôtel domestique chez lerot, prenez garde, leurs dis-je, que mon pére et ma g-m ne se fasse du mal, je meure pour leur rendre la paix et la tranquillité. ensuite je me mis en route pour venir à vire, comme je voulais avoir la gloire d’y annoncer le premier cette nouvelle je ne voulut pas aller par le boug d’aunay, craignant d’y être arrété. je resolut d’aller par les bois d’aunay, par un chemin ou j’avais été plusieurs fois qui passe prés d’un endroit appélé les vergées, et pour me rendre sur le chemin de vire au dessus du village des pieds du bois d’aunay, je pris donc ce chemin là et je jettai ma serpe dans un blé prés la fauctrie et m’en allait. en m’en allant je sentis s’affaiblir ce courage et cette idée de gloire qui m’animait, et quand je fut plus loin, j’arrivais dans les bois je reprit tout-a-fait ma raison, ah, est-il possible, me dis-je, monstre que je suis ! infortunées victimes ! est-il possible que j’aye fait cela, non ce n’est qu’un rêve ! ah ce n’est que trop vrai ! abîmes entrouverez-vous sous mes pieds, terre engloutisez-moi ; je pleurai, je me roulai par terre, je me couchai, je considerai les lieux les bois, j’y étais venu d’autre fois. helas, me dis-je, pensai-je que je m’y trouverais un jour dans cet etat : pauvre mére, pauvre soeur, coupables, si on le veut en quelque sorte, mais ont-ils jamais eu des idées aussi indignes que les miennes, pauvre malheureux enfant, qui venait avec moi à la charrue, qui menait le cheval, qui hersait déjà bien tout seul, ils sont aneantis pour toujours ces malheureux ! jamais ils ne reparaîtrons ! ah ciel, pourquoi m’avez vous donné l’existence, pourquoi me la conservez-vous encore plus long-temps. j’ai ne restai pas long-temps dans cette endroit, je ne pouvais rester posé à la même place, mes regrets se dissipaient plutôt en marchant. on pense bien que je n’étais plus resolut de venir a vire soutenir les idées que j’ai dit plus haut. dans le mois qui s’est ecoulé depuis ce crime jusqu’a mon arestation mes idées ont changés plus d’une fois, je les raporterai avec les endroits ou j’ai passé. comme je le dis je fus premiérement dans les bois d’aunay, ou brisé de regrets je m’en allai sans savoir ou j’allais, arrivé sur le haut du bois d’aunay, j’allai je crois du côté de danvou ; mais je ne sais pas si j’en ai passé loin : au soir je me trouvai dans un petit bois prés de cadehol, je me couchai et je me livrai a mes pensées desespérées, je me levai, et j’allai gagner la route, je passai dans cadehol et un peu plus loin je quittai la route a droite, j’allai par des chemins de traverses, je me reposai sous une haie, et le jeudi je passai par des endroits que je ne connais pas tous, je n’avais diné le mercredi, le jeudi j’ai mangé plusieurs sortes d’herbes, telles que du pain de coucou, de l’oseille sauvage, je pris aussi du champignon, je n’avais d’autre argent que quatorse sous qui se trouvaient dans ma poche au moment de mon départ, j’arrivai au tourneur ou je pris une livre de pain, je suivit le chemin vicinal. comme je passais dans un boug, qu’on me dit être saint pierre, j’entendis une femme qui dit à une autre : ... as-tu entendu parler du malheur qui s’est arrivé à aunay ? oui, repondit l’autre, mais je ne sais si cela est bien vrai ; ah oui, dit la prémiére, cela n’est bien que trop vrai. le soir me trouvant dans des champs prés de la grande route entre le mesnil au souf et cadehol, je resolut de me tuer, la représentation de mon crime m’était insuportable. craignant que l’on accusât peut-être encore mon pére de complicité, de m’avoir caché, ou retiré d’une maniére ou de l’autre ; je me pensait qu’il fallait qu’on rétrouvât mon corps, et comme je portais ordinairement de la ficelle et que j’en avais sur moi, je resolut de me pendre dans un arbre, j’en examinai quelqu’uns qui pourraient me servir, mais lorsque je fut pour le faire, la crainte des jugements de dieu me retinrent, je passé la journée du vendredi dans ces agitations, enfin je resolut de me conformer a mon état vu que le mal etait irréparable, je resolut de vivre d’herbes et de racines jusqu’au evenemens qu’il en pourrait survenir ; en attendant que les freses, les moreaux, et les mures, fut murs, je resolut d’aller sur les bords de la mer, pour y vivre de crables, de moules et d’huitres, je parti le vendredi soir, le samedi au matin je m’ecartai un peu de la route, et je passai la journée dans des bois prés du mesnil au souf à la gauche en allant de vire a caen, je voyageait les nuits suivantes à l’exception du mardi que je marchait au jour, et j’arrivai a port. ce jour lá, j’avais trouvé le lundi au matin prés du bois de juvigni, un homme qui m’avait demandé ou j’allais et si j’avais des papiers, j’avais repondu que j’allais à fontenay, et il ne m’en avait pas demandé davantage ; j’etais dans l’aprés midi a port le mardi comme je dis ; je mangeai quelques crables, et puis je vis que cela ne faisait pas un bon effet, je resolut de revenir aux racines et aux genottes dans les bois ou j’avais été prés du mesnil au souf, je repassait bayeux le soir du mardi et je couchai dans un creux de fossé prés de cremel, je ne me souciais plus beaucoup que l’on m’arrêtât ou pas, et le mercredi je voyageait au jour, je demandait pour deux liards de raves sur le pont de juvigni, il n’y en avait pas, je m’en allait. marianne beauvais qui a été un an servante chez nous et qui l’est maintenant chez dupont aubergiste à juvigni, m’apercut comme je passais, et sans doute qu’elle le dit a ceux qui etaient avec elle, car j’entendit crier derriére moi : ah, ah, voila aller les gendarmes, comme je ne me retournais pas, elle cria par deux ou trois fois : pierre, ah pierre, j’arrivai a la tournée de la route et je rencontrai le même homme qui m’avait interrogé le lundi, on ne criait plus après moi, il ne me dit rien, je bus et mangé un peu de cresson, a un ruisseau ou il y a un pont prés de juvigni et je continuait ma route. je passai villers de nuit et le jeudi j’étais de retour dans les bois du mesnil au souf ; je pensai que je ne pourrais reussir de cette maniére, et sentant que ce ne pouvait être qu’une extravagance qui m’avait porté à commettre ce crime, je resolut de venir me rendre à la justice et de me faire arrêter a vire, mais je craignit de dire tout-a-fait la vérité ; ma prémiére intention fut pourtant de dire que je me repentais mais j’avais idée de dire que j’avais été porté a cela par des visions, qu’absorbé de toutes les peines de mon pére, j’avais vu des esprits et des anges qui m’avaient dit de faire cela par l’ordre de dieu, que j’y avais été destiné de tous temps, et qu’ils m’enleverais au ciel aprés que j’aurais fait cette action, que je l’avais fait dans ces idées ; mais qu’aussitôt aprés je m’etais reconnu, et m’etais repentu ; comme cela est en effet arrivé pour les autres choses que j’ai dites. ainsi dans la nuit du vendredi au samedi je partis des bois du mesnil au souf, la nuit, car je ne voulais être arrêté qu’a vire, et j’arrivai le samedi au matin, je n’avais pas la force de me denoncer, j’aurais préféré qu’on m’eut demandé mes papiers. en arrivant je me couchai dans un creux de fossé, et voyant que personne ne me disait rien, j’allait dans le haut de la rue du calvados, je me promenait un peu, et voyant qu’on ne m’arrêtait pas, je demandai la route de cherbourg, j’avais lu qu’un soldat pour porter les ordres de thoiras, au cardinal de richelieu, avait passé deux lieues de mer a la nage, et je pensais que je pourrais aussi nager pour me rendre à quelqu’unes des îles appartenant aux anglais telles que les îles de jersai de grenesai d’aurigni et de vig que je vu dans la géografie et sur les cartes êtres peu éloignées du continent de la france, ou que je perirais en nageant, qu’il fallait risquer, je retournai donc à la papillonniére, et j’allai un peu sur la route que l’on m’avait enseignée. mais voyant que ce que je pensais était impossible et que quand même je passerais je ne serais pas sauvé pour cela, je resolut de revenir à vire, c’était dans la matinée que j’y étais venu, j’y revins dans l’après midi. je m’assis au haut de la rue du calvados ou il y avait des gendarmes et plusieurs messieurs, voyant qu’ils ne me disaient rien, j’allai dans une rue et je demandai a une femme la demeure du commissaire de police, elle me dit : c’est chez le grand maître je crois bien, que vous voulez aller ? elle me dit dans qu’elle rue qu’il demeurait, un mr qui se trouva la, me l’enseigna aussi. j’allai du côté qu’ils m’avaient dit ; mais ne connaissant pas la maison, et puis repugnant, je m’assit sur des arbres la prés d’une eglise qui est sur la hauteur ; ensuite je resolut de me déclarer a un gendarme, je revins ou ils étaient ; je m’assit de nouveau devant eux, et les voyant toujours indifférents a mon égard ; je resolut de retourner dans les bois continuer la vie que j’avais ménée jusqu’alors ; j’ai toujours couché dehors, et je n’ai demandé l’aumone qu’a trois maisons prés la papillonière et a une maison en revenant de bayeux, et tous m’en ont refusés. je rétournai de vire ou j’etais le samedi dans un petit bois au déla de la chapelle de l’ave maria, ou je passai la journée du dimanche, j’y mangé des genottes et la nuit suivante je retournai dans les bois du mesnil au soufi la je mangé encore des herbes, des racines, je tachais encore de me distraire de mes malheurs, la recitation de mes prières m’occupait, en outre je considerais la nature, j’examinais les astres, je pensais que je verrais la cométe de hallay, je passai quelques jours dans ces bois, et puis voyant de nouveau que je ne pourrais réussir je resolut de me faire prendre par la justice. mais je resolut de déguiser encore plus la vérité que je n’avais eu intention de la deguiser la prémiére fois et je concut le dessein de jouer le rôle que j’ai joué au commencement de mon emprisonnement. je pensai qu’il y avait des folles, et j’ai vu cela dans le musée des familles, des folles qui se disaient : l’une reine de france, l’autre reine de tous lieux, l’autre papesse et se pretendant inspirée de dieu pour prêcher par toute la terre. je pensai donc qu’il ne fallait pas dire que je me repentais, qu’il fallait dire que j’étais suscité de dieu, que j’étais son instrument et obeissais à ses ordres ; que je l’avais vu ainsi que ses anges. c’était bien a regret que j’embrassais ce moyen de defense, mais je crut qu’il m’était utile. je quittai les bois et je retournai a vire resolut de faire des gestes sur les routes. cepandant comme j’apprehendais le resultat qui pourrait survenir de tout cela, j’attendit encore, je resolut d’employer avant le peu d’argent que j’avais, jusqu’ici a l’exception d’une livre de pain et de deux liards de noix, je l’avais gardé craignant d’en avoir affaire pour quelque choses encore plus nécessaire que la nourriture ; j’avais le ventre si vide que le liais avec mon mouchoir de cou pour que cela fut plus facile a marcher, je passai cette seconde fois a vire un jeudi matin et en passant j’achetai deux livres de pain et un garreau je suivit la route de condé, je ne la connaissais pas, mais il se rencontra que ce fût cella. le vendredi je passai par vassi, je me couchai sur le bord d’un blé proche vassi, pour voir si on allait m’arreter, quelques personnes vinrent me voir et en furent étonnés, mais ils ne m’arretèrent pas, au soir j’arrivai à condé, et je pris deux garreaux chez un boulanger, je couchai dans un creux de fossé et le lendemain je suivit la route de fler, je rencontrai un marchand d’aunay que je reconnu pour l’avoir vu, il me reconnu bien aussi et il me dit : te vla garcon, ou que tu t’en vas par là, ah vous allez vous faire arrêter par là, tu as fait un mauvais coup, mon fils, oh qu’il est mauvais. je n’eut pas l’air de prendre garde a ce qu’il me disait et je m’en allai, je n’avais plus d’argent et je recommencai a manger des genottes, le lendemain dimanche au matin je trovai prés de fler, laurent Grellay, dit ficet, qui emmenait des boeufs et il me dit : ah Riviére tu vas te faire arrêter ; je me pensai en moi-même, ce c’est ce que je demande, et sans lui repondre je continuait mon chemin, j’arrivai a fler, je traversai le marché et arrivé de l’autre côté du boug prés des derniéres maisons je me couchai au soleil sur le bord de la route, j’allai plus loin, et l’aprés-midi je revint au même endroit ou je m’etais couché la matinée. et afin d’exciter l’attention publique, ainsi que pour me nourrir je me mit à fouir des genottes dans un fossé qui est sur les bords de la route, tous ceux qui passaient me regardaient et etaient étonnés, mais personne ne cherchait a m’arreter, a la fin il vint deux hommes dont l’un dit à l’aûtre : voilà un homme qui est la depuis ce matin. l’autre s’approcha ainsi que son compagnon il me demanda ce que je faisais la ; la dessus je lui repondit suivant le sistème que j’avais adopté, que j’etais de partout, enfin je lui dit que j’avais parti d’aunay, mais cet homme ne se doutait pas de ce que je pouvais être, il me dit de venir chez lui et qu’il allait me donner a manger, il fallut qu’il me le dit plus d’une fois, enfin j’y allait et il me donna du pain et du cidre, ensuite je le quittai, je repassai le boug, et je resolut de revenir a vire et de faire des nouvelles gestes sur la route, je repassai condé au soir comme les gens se promenaient, et je couchai prés d’un four à chaux un peu au dessus de condé, le matin je parti et je trouvai un reste de cartouche 50 sous prés d’un pétit boug qui est sur une hauteur, voyant cela je resolut d’attendre encore a me faire prendre exprés, je repassai vassi, et je m’arrêtait dans une auberge un peu plus loin, la même ou les gendarmes ont arrêtés lorsqu’ils m’emmenaient a vire, je m’y fit servir du pain et des oeufs et du cidre, j’y depensait 14 sous et le soir je repassai par vire, je pris pour 3 sous de noix et j’allai chez un boulanger ou j’achetai six garreaux, ce boulanger me dit, ainsi que me l’avait dit la marchande de noix, que si j’en avais affaire d’autres fois que je vins le retrouver, je m’en allait la nuit dans les bois du mesnil au souf, ou je passai trois jours, dans la nuit du jeudi au vendredi je partit et j’allai du mesnil au souf, par des chemins de traverses et a travers les champs et j’arrivai le matin entre le messis et les forges Viret, je passai la journée sur le bord d’une riviere et je me mit a l’abri sous les roches car il pleuvait, la nuit suivante je suivit le chemin vicinal, je passait par les forges viret, j’allai tout droit et j’arrivait dans la route qui a ce que je crois va de condé à halcour, je marchait toute la journée du samedi, je pensais toujours qu’on m’aresterait en attendant comme je n’avais mais guére d’argent, je resolut de faire un albalêtre pour tuer des oiseaux et m’en nourrir, ou pour me distraire en cherchant a en tuer, et qu’au cas qu’on m’arrêtât avec cela, que cela pourrait plutôt servir que de nuire au rôle que j’avais envie de jouer ; mais comme si je pouvais en tuer quelqu’uns qu’il fallait que les fît cuires, en passant par halcour j’achetai une verine de montre qui me coûta 4 sous pour allumer du feu au soleil, croyant qu’elle ferait le même effet des lunettes, mais l’ayant essayée et voyant qu’elle ne faisait rien je la cassais. j’avais pris la route de halcour a caen, j’arrivai dans un boug, j’entrai dans une boutique, je pris pour deux liard d’amadou, un sou de soufre, j’avais des pierre a feu que j’avais ramasées sur la route et avec mon couteau je pouvais faire du feu, j’avais des feuilles d’heures, et un almanach, qui s’étaient trouvés sur moi a mon depart, cela pouvait me servir d’allumettes. je pris aussi pour un sous de noix, j’entrai chez un boulanger et j’achetai deux livre de fouasse, dans l’aprés midi je me reposai dans des prais le long des haies, et je pris un jeune meauvis, je mis cet oiseau dans ma poche et je continuai ma route, je n’avais plus que quatres sous je les depensai le soir dans une auberge en prenant une quarte de cidre, et une petite fouasse au beurre, et je passait la nuit couché dans un blé ; le matin je passai par caen, je pris la route de falaise et je me rendit dans des bois prés de languanri, je cherchait des morceaux de bois sec, j’allumai du feu au pied d’un arbre, qui empêchait le vent de l’eteindre, et je fît rotir le meauvis ; on dira peut-être que je prenais aussi des poules et des boures ou quelque autre chose, ainsi que de prendre des bourées à des piles de bois ; mais on peut encore voir dans ce bois ou j’ai été, l’atissée qui y est ainsi qu’un peu de bois ramassé, ou si il n’y est plus consulter ceux qui l’on prise, on n’y verra dis-je que des morceaux de bois sec ramassés dans le bois, on n’y verra aussi que les plumes du meauvis. j’arrivai donc dans ces bois le dimanche, aprés avoir mangé le meauvis, je fit un albalêtre et plusieurs fleches. j’avais trouvé un long clou sur la route, a force de le limer avec mon plus mauvais couteau je parvint à en couper la tête, et je le mit au bout d’une des fleches (les autres fleches sont encore s’ils n’en ont étés retirées ils sont dans l’arbre prés duquel j’avais fait le feu) ensuite je me servit de cette arme pour tacher de tuer des oiseaux, mais je n’y ait pu reussir ; si j’eut aussi trouvé des grenouilles, je leurs aurais coupé les cuisses pour les faires rôtir, mais je n’en rencontrai point. je passai quatre jours dans ces bois, ce sont trois petits bois peu eloignés l’un de l’autre, dans l’un desquels il vient beaucoup de fréses, j’en mangais, et je me pensais, ou je serait arrété, ou je vivrai de cette maniére, ou je mourrai. comme j’apercevais d’autres bois, plus loin sur la route, je resolut d’aller voir s’il n’y avait point quelque chose à manger en attendant qu’il y eut d’autres fruits de murs dans les bois ou j’étais ; et je pensai qu’en attendant qu’on m’arrêtât, j’irais et je viendrais d’un bois à l’autre pour m’y nourrir. je parti donc le jeudi au matin, et j’arrivai dans le boug de languanri avec mon albalêtre sous mon bra, comme je passais, quelqu’un dit : ah vois-tu, en voila un qui porte un albalêtre. j’avais bientôt passé le boug et j’etais aux dernières maisons, lorsques qu’un gendarme qui n’avait pas ses habits, passant prés de moi, me considera, et me dit : d’ou êtes vous mon ami ? je repondit suivant mon sistême, je suis de partout. — avez vous des papiers — non — qu’allez-vous faire par là — c’est dieu qui me conduit, et je l’adore — tenez je crois que je affaire à vous, d’ou etes vous — j’ai parti d’aunay — comment vous appelez vous — Riviére. — ah oui venez avec moi j’ai quelque chose a vous dire — que me voulez vous donc — venez venez je vais vous le dire. et puis s’adressant à une femme qui etait je crois de sa maison, ah, dit-il, c’est l’homme d’aunay. il m’entra dans un apartement me fouilla et se saisit de tout ce que j’avais. lorsqu’il fut pour me mettre au cachot, c’est vous, dit-il, qui avez tué votre mére ? oui, lui repondis-je, c’est dieu qui m’a suscité, il me l’a commandé, j’ai obéit à ses ordres, et il me protège. ah oui c’est cela, dit-il, en ouvrant la porte du cachot, marchez toujours mon garçon, entrez la dedans. j’ai depuis soutenu ce moyen de defense a falaise et a condé, il m’était bien penible de soutenir de telles choses et de dire que je ne me repentais pas ; en arrivant a vire je pensais que je déclarerais la vérité, cependant lorsques que je comparu devant mr le procureur du roi, je soutint la même chose. lorsques qu’on m’eut laissé seul, je me resolut de nouveau a dire la vérité, et je m’avouait à mr le geolier qui était venu me parler, et je lui dit que j’avais intention de tout declarer devant mes juges ; mais lorsques que j’allai prêter mon premier interrogatoire devant mr le juge d’instruction, je ne put encore m’y décider et je soutint le sistême dont j’ai parlé jusqu’à que mr le geolier parlât de ce que je lui avais dit. je fus trés satisfait de sa declaration, il me dechargea d’un grand poids qui m’accablait. alors sans rien déguiser, je déclarai tout ce qui m’avait porté à ce crime. on me dit de mettre toutes ces choses par écrit, je les y ait mises ; maintenant que j’ai fait connaître toute ma monstruosité, et que toutes les explications de mon crime sont faites, j’attends le sort qui m’est destiné, je connais l’article du code penal a l’egard du parricide, je l’accepte en expiation de mes faûtes ; helas si je pouvais voir encore révivre les infortunées victimes de ma cruauté, s’il ne fallait pour cela qu’endurer tous les supplices possibles ; mais non c’est inutile, je ne puis faire que les suivres ; ainsi j’attends donc la peine que je merite, et le jour qui doit mettre fin a tous mes ressentimens.

 

FIN

 

 Le present manuscrit commencé le 10 juillet 1835 dans la maison d’arrêt de Vire, et fini au même lieu le 21 du même mois.

 

Pre RIVIÉRE.






. 1. je ne repeterai plus ces mots de grand-pére et grand-mere paternel maternel je les designerai par ces marques grand-père paternel g-p-p. grand-mere paternel g-m-p. grand-père maternel g-p-m. grand-mere maternelle g-m-m.

. 2. un mercier.

. 3. il est honteux de dire de pareilles rauisons, cependant les juges et les avocats ont dit dans la suite que ma mère était bien malheureuse, voyez l’ordonnance de monsieur le président, obtenue par ma mère pour avoir une separation, la lettre de m. le juge de paix de villers, plusieurs personnes dans courvaudon disaient aussi que mère était une femme bien malheureuse.

. 4. elle voulait dire une femme du village de mon pére, qui est restée veuve avec trois enfants, c’est une três honnête personne, elle possède quelques vergées de terre et les faisait labourer par mon pére en le payant.

. 5. lorsques que mon pére allait travailler à courvaudon il portait tous les équipages dans une charette le temps d’arranger toutes ces choses et puis faire une lieue de chemin, faisait qu’il n’arrivait pas des le point du jour.

. 6. j’ai toujours eu l’habitude de tutoyer mon pére et ma mére.

. 7. c’était son expression ordinaire.

. 8. ce mot veut dire s’entreprêter des chevaux.

. 9. il voulait dire mon frère jule.

. 10. il est certain que ma mère avait quantité d’argent il ne lui en coutait rien pour faire son ouvrage, et elle avait toujours vendu plusieurs choses.

. 11. ce juge s’entretenant un jour avec mon père lui demanda si sa femme n’était point d’une mauvaise vie. si elle n’aimait point d’autres hommes que lui. mon père dit : non. je ne la soupçonne pas de cela. cela m’étonne, dit le juge que vous me dites qu’elle n’a pas de religion, quelle est comme cela qu’elle ne vous aime pas, et qu’elle ne soit pas d’une mauvaise vie, mon pére dit : je ne le pense pas, elle ne dit pourtant pas la même chose de moi : ah c’est cela, dit le juge, elle est jalouse.

. 12. quelques jours avant cela, comme ma mére menaçait de faire des dettes, mon père, étant allé au bouillon, il avait parlé à ma sœur qui lui avait dit : que puisqu’il les laissait ainsi que ma mére lui ferait une infinité de dettes, qu’elle emprunterait à main, et a demain et tout ce dont elle aurait besoin a crédit. mon père lui dit : mais pourquoi qu’elle ne venait pas quand je le voulais, elle repondit elle ne veut pas être avec une belle-mére, elle veut être dans une maison a-part, pour y mettre tout notre cas.

. 13. voyez le sieur Fouchet.

. 14. j’ai oublié de dire que quelque temps avant cela, ma sœur victoire vint à aunay acheter un habit pour sa seconde communion, craignant que mme Aod ne voulut pas lui en donner, elle le prit chez Rabâche, elle en prit pour 29 francs et lui dit qu’elle n’allait pas le payer. il lui demanda qui elle était, la couturiére qui était avec elle dit : c’est la fille a Riviére de le fauctrie. oh, eh bien, dit-il, marchez toujours. mon pére ayant sut cela parla a ma sœur en passant, et lui demanda qui est-ce qui payerait cet habit : ah, dit-elle, c’est moi mais que j’ai de l’argent. puis elle ajouta : si vous ne nous eussiez pas pris ce que nous avions, nous aurions de quoi avoir des beaux habits.

. 15. témoin les voisins.

. 16. elle a passé une vie continuellement laborieuse, elle a eu son mari pendant 20 ans demeuré d’une maladie sans pouvoir marcher ; de quatre enfants qu’elle avait élevés, et aimés, il ne lui en restait plus qu’un et elle le voyait traité de cette maniére.

. 17. la maîtresse qui avait appris à ma sœur victoire.

. 18. leur couturière à faire la dentelle.

. 19. dans le temps qu’on amortit cette rente, ma mére disait même, que mon pére était un mangeard, qu’il ne laissait rien a ses enfans, et qu’il vendait ses rentes pour soutenir le cul de ses menagiéres.

. 20. il est probable que ce juge pour ne pas être hebété de ma mére, finit par dire comme elle. d’ailleurs il ne compromettait pas son devoir en observant les régles, ainsi le malheureux fut abandonné et l’on ceda au fort.

. 21. mon pére ne soutenait plus les raisonnements que j’ai dit plus haut, il disait devant ceux a qui il en avait parlé, qu’il etait possible qu’elle fût grosse et que ce fut pour lui. mais il n’a jamais pu se persuader qu’elle le fût reelment ; lorsqu’il vit que sa grossesse continuait il disait que comme elle faisait souvent des vovages, qu’elle avait peut-être envie de dire qu’elle était accouchée dans ses voyages, et de lui presenter un autre enfant, que si elle accouchait hors de chez lui qu’il la ferait visiter. il disait aussi qu’elle faisait cela pour emporter des effets, sans qu’on s’en aperçût et les cacher chez ses comméres, lorsqu’elle fut revenue de vire il dit : c’est tout foutu elle n’etait pas si grosse à vire comme elle est tous les jours.

. 22. ce pauvre petit quand j’y repense il hersait deja bien tout seul.

. 23. ce menuisier était venu faire la même chose plusieurs fois depuis que ma mére était venue avec mon pére.

. 24. avant mon incredulité, j’avais eu d’autres scrupules, je craignais d’avoir des distractions dans mes prières, cela faisait que je repetais les paroles un infinités de fois ; et que je faisais des gestes et des contorsions ridicules.

. 25. j’ai vu cela dans sa géografie.

. 26. dans les conversations quand on parlait des voleurs qui etaient en jugement comme de lemaire, par exemple, quelqu’uns avaient dit : il ne sera peut être pas fait mourir, car sa famille et tout cela. mon père avait dit : si j’avais un voleur dans ma famille moi, je serais bien aise qu’on le fît mourir.

. 27. comme j’ai eu l’intention d’ecrire cette histoire avant le crime et que j’avais examiné la plupart des paroles que j’y mettraie il ne sera pas etonnant d’y trouver des expressions dures, et qui sembleraient marquer que j’aurais encore de la haine contre mes malheureuses victimes.