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                                                                                Incidents entre civils et soldats à Rouen, 1817

 

Incidents entre civils et soldats
à Rouen (Seine Inférieure),
1817.




par Marc Nadaux


 





Alors que les Hussards sont cantonnés à Saint-Sever, les troupes de la Garde sont appelées fréquemment afin de maintenir l'ordre en cette année 1817. La crise de subsistance les oblige à escorter ou à garder les convois de céréales pour l'approvisionnement des villes, sur les routes comme sur les marchés, et même sur les bateaux remontant la Seine avec des blés importés. Ainsi sont évitées les scènes de pillage.

Cependant ce service accru conduit à l'énervement des militaires, auxquels s'ajoutent de fréquents heurts avec les populations. Le premier incident se produit à Saint-Adrien, dans une taverne où les militaires s'amusent à la danse. Une bagarre éclate et un civil bousculé vient s'enferré sur le sabre au clair d'un sergent du 3ème régiment de la Garde royale. L'homme décédera quelques jours plus tard. Entre-temps, les scènes de violence se multiplient. 

Le jugement du sergent Pierre Mazec intervient après la moisson, le 5 septembre 1817, alors que le calme est revenu avec la fin de la disette. Le soldat écopera d'une année de prison. 








Rapport du procureur général de la Cour royale de Rouen
au Garde des Sceaux.



Rouen, le 10 juin 1817.


Il parait qu'il se serait élevé quelques rixes entre quelques ouvriers de cette ville et des soldats du 3ème régiment de la Garde royale qui ont occasionné des événements fâcheux qui menacent grièvement la sûreté des citoyens et celle des militaires.

Dimanche dernier, quelques soldats de la Garde royale armés de leurs sabres se trouvaient arrêtés dans un carrefour. Un jeune homme en veste, de la classe ouvrière, leur adressa quelques reproches sur la conduite qu'ils tenaient envers les habitants. Il dut même y avoir des provocations à aller se battre en duel. Un autre ouvrier, nommé Basille, qui passait par là se joint à la dispute. Les deux ouvriers n'étaient armés d'aucune espèce d'arme. Un des militaires s'élance sur Basille, lui envoie plusieurs coups de poing et de plat de sabre. Un coup de pointe lui est porté dans le côté gauche. Il tombe sous le coup. S'il n'est pas encore expiré (ainsi qu'on l'assure) le coup est jugé mortel. Cet événement, comme on doit le juger, a excité beaucoup de rumeur dans cette ville, et les ordres ont été donnés par les chefs militaires pour caserner les soldats, mais un grand nombre d'ouvriers et de turbulents ont dû aller les insulter à travers les barrières de leur caserne et jeter des pierres par-dessus ces barrières. Les chefs militaires sont parvenus dans ce moment à contenir les soldats.

Mais hier soir dans la rue Martainville, une femme fuyait à toutes jambes devant un soldat de la garde qui la poursuivait le sabre à la main. Deux honnêtes citoyens, les sieurs Ballet et Fortin par un mouvement d'humanité veulent arrêter le militaire qui survient et se précipite sur les sieurs Baillet et Fontaine et tue celui-ci en lui plongeant son épée dans la gorge. Voilà les principaux faits tels qu'on les a recueillis dans les premiers instants. Des instructions, militaire et civile, se font ou vont se faire; ce ne sera que par les résultats de ces informations que les détails seront bien connus.

J'ai vu ce matin M. le Maréchal duc de Trévise. Il a marqué la résolution de faire punir sévèrement les militaires qui seraient coupables et on doit espérer qu'il sera fait bonne justice de part et d'autre.

Mais il est plus urgent encore de pourvoir à la sûreté des citoyens et des soldats eux-mêmes. Au milieu de tous les maux que nous éprouvons et qui nous menacent, les dissensions et les rixes sont infiniment plus dangereuses sous tous les rapports.

Nous avons dans cette ville ce que l'on appelle des bâtonistes qui manient le bâton d'une manière extrêmement dangereuse et dont un seul avec cette arme est plus à craindre que plusieurs hommes armés de sabres.

Le moyen de prudence qu'on a de tous temps employé en pareil cas est de renvoyer le régiment dans une autre garnison et de le remplacer par un autre. M. le duc de Trévise ne parait pas goûter cet avis mais il n'est pas d'autre moyen de prévenir et faire cesser les assassinats.

Si on retirait de cette ville le 3e régiment de la garde royale, il faudrait qu'il fût aussitôt remplacé par un autre. Autrement la ville serait exposée à d'autres dangers, punition peut-être plus grande encore à raison de la cherté des subsistances et du grand nombre d'ouvriers qui manquent de travail. Les hussards qui sont dans cette ville paraissent se conduire à merveille et n'entrent pas dans ces querelles mais sans doute ils ne suffiraient pas pour maintenir dans les circonstances actuelles la tranquillité de cette ville et des lieux circonvoisins.

Des mesures également promptes et sages sont indispensables.

Je suis avec un profond respect, Monseigneur, de Votre Excellence le très humble et très obéissant serviteur.

 

Le procureur général près la cour royale, baron Fouquet.