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La Charte constitutionnelle, 14 août 1830 |
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La Charte constitutionnelle,
14 août 1830.
par Marc Nadaux
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Louis XVIII avait appliqué la Charte de 1814 dans un sens libéral.
Charles X son successeur, entend désormais maintenir au pouvoir le parti
ultra royaliste. Mis en minorité par deux fois, il use de son droit de
dissolution de la Chambre des députés avant de tenter un coup d'État.
Quatre ordonnances contraires à l'esprit de la Charte et publiées le 25
juillet 1830 dans un contexte de crise économique déclenchent une
émeute dans Paris. Les agissements des libéraux amènent alors le duc
d'Orléans, cousin du roi, au pouvoir. Nommé le 30 juillet
"lieutenant général du royaume" par les députés,
Louis-Philippe est bientôt proclamé roi des Français. Il forme le 1er
août un nouveau gouvernement placé sous son autorité tandis que Charles
X et son fils prennent le chemin de l'exil. Le 14 août, la Charte
constitutionnelle est promulguée après avoir été voté quelques jours
auparavant par la Chambre des députés et par la Chambre des pairs.
Cette nouvelle constitution est un compromis entre les aspirations des républicains
et celles des monarchistes constitutionnelles. Ainsi le préambule disparaît
de la Charte de 1830 car les pouvoirs du roi des Français émanent de la
nation. Le nouveau souverain choisit alors de se faire appeler
Louis-Philippe Ier et non Philippe VII. Il adopte également le drapeau
tricolore, acceptant ainsi le legs idéologique de la Révolution de 1789.
Tandis que la censure est abolie, les prérogatives du roi diminue au
profit de celles de la Chambre des députés. Cet aménagement confère à
la Monarchie de Juillet son caractère libéral. |
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Droit public des Français
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Formes du
gouvernement du roi |
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De la
Chambre des pairs
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De la
Chambre des députés |
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Des
ministres |
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De l'ordre
judiciaire
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Droits
particuliers garantis par l'État |
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Dispositions particulières |
LOUIS-PHILIPPE, ROI DES FRANÇAIS, à tous présents et
à venir, SALUT.
NOUS AVONS ORDONNÉ ET ORDONNONS que la Charte constitutionnelle de
1814, telle qu'elle a été amendée par les deux Chambres le 7 août
et acceptée par nous le 9, sera de nouveau publiée dans les termes
suivants :
Droit public des Français
Article 1. - Les Français sont égaux devant la loi, quels que soient
d'ailleurs leurs titres et leurs rangs.
Article 2. - Ils contribuent indistinctement, dans la proportion de
leur fortune, aux charges de l'État.
Article 3. - Ils sont tous également admissibles aux emplois civils et
militaires.
Article 4. - Leur liberté individuelle est également garantie,
personne ne pouvant être poursuivi ni arrêté que dans les cas prévus
par la loi et dans la forme qu'elle prescrit.
Article 5. - Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et
obtient pour son culte la même protection.
Article 6. - Les ministres de la religion catholique, apostolique et
romaine, professée par la majorité des Français, et ceux des autres
cultes chrétiens, reçoivent des traitements du Trésor public.
Article 7. - Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer
leurs opinions en se conformant aux lois. - La censure ne pourra jamais être
rétablie.
Article 8. - Toutes les propriétés sont inviolables, sans aucune
exception de celles qu'on appelle nationales, la loi ne mettant aucune
différence entre elles.
Article 9. - L'État peut exiger le sacrifice d'une propriété pour
cause d'intérêt public légalement constaté, mais avec une indemnité
préalable.
Article 10. - Toutes recherches des opinions et des votes émis jusqu'à
la Restauration sont interdites : le même oubli est commandé aux
tribunaux et aux citoyens.
Article 11. - La conscription est abolie. Le mode de recrutement de
l'armée de terre et de mer est déterminé par une loi.
Formes du gouvernement du
roi
Article 12. - La personne du roi est inviolable et sacrée. Ses
ministres sont responsables. Au roi seul appartient la puissance exécutive.
Article 13. - Le roi est le chef suprême de l'État ; il commande
les forces de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de
paix, d'alliance et de commerce, nomme à tous les emplois
d'administration publique, et fait les règlements et ordonnances nécessaires
pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois
elles-mêmes ni dispenser de leur exécution. - Toutefois aucune troupe étrangère
ne pourra être admise au service de l'État qu'en vertu d'une loi.
Article 14. - La puissance législative s'exerce collectivement par le
roi, la Chambre des pairs et la Chambre des députés.
Article 15. - La proposition des lois appartient au roi, à la Chambre
des pairs et à la Chambre des députés. - Néanmoins toute loi
d'impôt doit être d'abord votée par la Chambre des députés.
Article 16. - Toute loi doit être discutée et votée librement par la
majorité de chacune des deux Chambres.
Article 17. - Si une proposition de loi a été rejetée par l'un des
trois pouvoirs, elle ne pourra être représentée dans la même session.
Article 18. - Le roi seul sanctionne et promulgue les lois.
Article 19. - La liste civile est fixée pour toute la durée du règne
par la première législature assemblée depuis l'avènement du roi.
De la Chambre des pairs
Article 20. - La Chambre des pairs est une portion essentielle de la
puissance législative.
Article 21. - Elle est convoquée par le roi en même temps que la
Chambre des députés. La session de l'une commence et finit en même
temps que celle de l'autre.
Article 22. - Toute assemblée de la Chambre des pairs qui serait tenue
hors du temps de la session de la Chambre des députés, est illicite et
nulle de plein droit, sauf le seul cas où elle est réunie comme cour de
justice, et alors elle ne peut exercer que des fonctions judiciaires.
Article 23. - La nomination des pairs de France appartient au roi. Leur
nombre est illimité : il peut en varier les dignités, les nommer à
vie ou les rendre héréditaires, selon sa volonté.
Article 24. - Les pairs ont entrée dans la Chambre à vingt-cinq ans,
et voix délibérative à trente ans seulement.
Article 25. - La Chambre des pairs est présidée par le chancelier de
France, et, en son absence, par un pair nommé par le roi.
Article 26. - Les princes du sang sont pairs par droit de naissance :
ils siègent immédiatement après le président.
Article 27. - Les séances de la Chambre des pairs sont publiques,
comme celles de la Chambre des députés.
Article 28. - La Chambre des pairs connaît des crimes de haute
trahison et des attentats à la sûreté de l'État, qui seront définis
par la loi.
Article 29. - Aucun pair ne peut être arrêté que de l'autorité de
la Chambre et jugé que par elle en matière criminelle.
De la Chambre des députés
Article 30. - La Chambre des députés sera composée des députés élus
par les collèges électoraux dont l'organisation sera déterminée par
des lois.
Article 31. - Les députés sont élus pour cinq ans.
Article 32. - Aucun député ne peut être admis dans la Chambre, s'il
n'est âgé de trente ans et s'il ne réunit les autres conditions déterminées
par la loi.
Article 33. - Si néanmoins il ne se trouvait pas dans le département
cinquante personnes de l'âge indiqué payant le cens d'éligibilité déterminé
par la loi, leur nombre sera complété par les plus imposés au-dessous
du taux de ce cens, et ceux-ci pourront être élus concurremment avec les
premiers.
Article 34. - Nul n'est électeur, s'il a moins de vingt-cinq ans, et
s'il ne réunit les autres conditions déterminées par la loi.
Article 35. - Les présidents des collèges électoraux sont nommés
par les électeurs.
Article 36. - La moitié au moins des députés sera choisie parmi les
éligibles qui ont leur domicile dans le département.
Article 37. - Le président de la Chambre des députés est élu par
elle à l'ouverture de chaque session.
Article 38. - Les séances de la Chambre sont publiques mais la demande
de cinq membres suffit pour qu'elle se forme en Comité secret.
Article 39. - La Chambre se partage en bureaux pou discuter les projets
qui lui ont été présentés de la part du roi.
Article 40. - Aucun impôt ne peut être établi ni perçu, s'il n'a été
consenti par les deux Chambres et sanctionné par le roi.
Article 41. - L'impôt foncier n'est consenti que pour un an. Les
impositions indirectes peuvent l'être pour plusieurs années.
Article 42. - Le roi convoque chaque année les deux Chambres : il
les proroge et peut dissoudre celle des députés ; mais, dans ce
cas, il doit en convoquer une nouvelle dans le délai de trois mois.
Article 43. - Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre
un membre de la Chambre durant la session et dans les six semaines qui
l'auront précédée ou suivie.
Article 44. - Aucun membre de la Chambre ne peut, pendant la durée de
la session, être poursuivi ni arrêté en matière criminelle, sauf le
cas de flagrant délit, qu'après que la Chambre a permis sa poursuite.
Article 45. - Toute pétition à l'une ou à l'autre des Chambres ne
peut être faite et présentée que par écrit : la loi interdit d'en
apporter en personne et à la barre.
Des ministres
Article 46. - Les ministres peuvent être membres de la Chambre des
pairs ou de la Chambre des députés. - Ils ont en outre leur entrée dans
l'une ou l'autre Chambre et doivent être entendus quand ils le demandent.
Article 47. - La Chambre des députés a le droit d'accuser les
ministres et de les traduire devant la Chambre des pairs qui seule a celui
de les juger.
De l'ordre judiciaire
Article 48. - Toute justice émane du roi ; elle s'administre en
son nom par des juges qu'il nomme et qu'il institue.
Article 49. - Les juges nommés par le roi sont inamovibles.
Article 50. - Les cours et tribunaux ordinaires actuellement existants
sont maintenus. Il n'y sera rien changé qu'en vertu d'une loi.
Article 51. - L'institution actuelle des juges de commerce est conservée.
Article 52. - La justice de paix est également conservée. Les juges
de paix, quoique nommés par le roi, ne sont point inamovibles.
Article 53. - Nul ne pourra être distrait de ses juges naturels.
Article 54. - Il ne pourra en conséquence être créé de commissions
et de tribunaux extraordinaires, à quelque titre et sous quelque dénomination
que ce puisse être.
Article 55. - Les débats seront publics en matière criminelle, à
moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l'ordre et les moteurs ;
et, dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement.
Article 56. - L'institution des jurés est conservée. Les changements
qu'une plus longue expérience ferait juger nécessaires, ne peuvent être
effectués que par une loi.
Article 57. - La peine de la confiscation des biens est abolie et ne
pourra pas être rétablie.
Article 58. - Le roi a le droit de faire grâce et celui de commuer les
peines.
Article 59. - Le Code civil et les lois actuellement existantes qui ne
sont pas contraires à la présente charte restent en vigueur jusqu'à ce
qu'il y soit légalement dérogé.
Droits particuliers
garantis par l'État
Article 60. - Les militaires en activité de service, les officiers et
soldats en retraite, les veuves, les officiers, et soldats pensionnés,
conserveront leurs grades, honneurs et pensions.
Article 61. - La dette publique est garantie. Toute espèce
d'engagement pris par l'État avec ses créanciers est inviolable.
Article 62. - La noblesse ancienne reprend ses titres, la nouvelle
conserve les siens. Le roi fait des nobles à volonté ; mais il ne
leur accorde que des rangs et des honneurs, sans aucune exemption des
charges et des devoirs de la société.
Article 63. - La Légion d'honneur est maintenue. Le roi déterminera
les règlements intérieurs et la décoration.
Article 64. - Les colonies sont régies par des lois particulières.
Article 65. - Le roi et ses successeurs jureront à leur avènement, en
présence des Chambres réunies, d'observer fidèlement la Charte
constitutionnelle.
Article 66. - La présente Charte et tous les droits qu'elle consacre
demeurent confiés au patriotisme et au courage des gardes nationales et
de tous les citoyens français.
Article 67. - La France reprend ses couleurs. A l'avenir, il ne sera
plus porté d'autre cocarde que la cocarde tricolore.
Dispositions particulières
Article 68. - Toutes les nominations et créations nouvelles de pairs
faites sous le règne du roi Charles X sont déclarées nulles et non
avenues. - L'article 23 de la charte sera soumis à un nouvel examen dans
la session de 1831.
Article 69. - Il sera pourvu successivement par des lois séparées et
dans le plus court délai possible aux objets qui suivent :
1. L'application du jury aux délits de la presse et aux délits
politiques ;
2. La responsabilité des ministres et des autres agents du pouvoir ;
3. La réélection des députés promus à des fonctions publiques salariées ;
4. Le vote annuel du contingent de l'armée ;
5. L'organisation de la garde nationale, avec intervention des gardes
nationaux dans le choix de leurs officiers ;
6. Des dispositions qui assurent d'une manière légale l'état des
officiers de tout grade de terre et de mer ;
7. Des institutions départementales et municipales fondées sur un système
électif ;
8. L'instruction publique et la liberté de l'enseignements ;
9. L'abolition du double vote et la fixation des conditions électorales
et d'éligibilité.
Article 70. - Toutes les lois et ordonnances, en ce qu'elles ont de
contraire aux dispositions adoptées pour la réforme de la Charte, sont dès
à présent et demeurent annulées et abrogées.
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