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                                                                                La condition d'un instituteur en 1833.

 

La condition
 d'un instituteur
en 1833.




par Marc Nadaux


 






La loi Guizot du 28 juin 1833 oblige désormais les communes à entretenir une école primaire. C'est un premier pas de fait vers la scolarisation obligatoire des enfants. Les instituteurs, recrutés grâce à l'obtention d'un brevet de capacité, se voient accorder un traitement fixe de 200 francs par an. A cette somme modique s'ajoute une rétribution scolaire due par les municipalités, mais plus ou moins généreuse... Ce qui explique le ressentiment et les récriminations de cet instituteur, dont la situation financière est précaire.







Lettre de Braly, instituteur à Rontalon (Rhône)
au Préfet.


Monsieur le Préfet,


j'ai l'honneur de vous informer que la commune de Rontalon dans laquelle je suis instituteur primaire communal est très peu nombreuse en enfants, que le plus grand nombre pendant l'hiver ne surpasse pas 30 à 35 enfants écoliers et 10 en été ; maintenant le Conseil municipal ne comprenant pas le but du Gouvernement ou autrement ne voulant pas l'apprécier et voulant sortir l'existence médiocre d'un pauvre instituteur qui n'a que ça pour vivre ont fixé le taux de la rétribution mensuelle à 75 centimes, 1 fr., 1 fr. 25 ou bien le Conseil voulait que je rendisse 119 fr. à la commune sur le traitement de 200 fr. dont la commune est imposée ; de ces 119 fr. et on aurait mis les prix à 1 fr., 1 fr. 50 et 2 fr., il ne me restait plus que 81 fr. et on m'ôtait 25 fr. pour les charbons que je brûle tous les hivers pour chauffer les enfants et qu'on me payait ci-devant et le reste était bien petit pour se nourrir et passer toute l'année à instruire les enfants depuis le matin jusqu'au soir, à ne pouvoir faire aucun autre travail.

Jusqu'à présent j'ai été nourri en la maison de mon père et je lui aidai à travailler dans l'été pour le dédommager des dépenses qu'il faisait pour moi, maintenant ce n'est plus le même, mon père n'est pas au bourg et il faut que j'y sois toujours et je ne peux ni lui aider à travailler, ni me nourrir à sa table. Maintenant jugez si je peux vivre avec 30 enfants pendant 3 mois et 10 pendant 9 mois quand l'école avec le traitement me ferait 350 fr., c'est tout au plus et pour 400 fr., l'on ne peut s'entretenir de tout, la nourriture, le bois et les charbons à brûler et les habillements et le reste... La commune de Rontalon est très riche, il y a peu de pauvres et elle a beaucoup de revenus. Les habitants sont très capables de bien payer, mais c'est qu'ils sont trop avares et envieux. Toutes les communes environnantes sont moins riches et cependant elles ont mis les prix plus haut. Ce serait une chose bien fâcheuse pour un instituteur de donner ce qui lui est accordé par la loi pour faire plaisir et le bénéfice de quelques-uns qui n'en ont pas besoin et, peut-être, s'en serviront pour payer les dépenses du Conseil municipal.

Recevez, Monsieur le Préfet, mon sincère attachement et mes affections très distinguées et je suis, en attendant votre réponse, votre très humble et très obéissant serviteur.


BRALY.