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                                                   A propos de la destruction des hannetons, 1868

 

Le Préfet de l'Aisne aux Maires du département
à propos de la destruction des hannetons,
1868.




par Marc Nadaux







Le hanneton, voilà l'ennemi ! La guerre est déclarée en effet contre cet insecte, ce coléoptère, aux multiples espèces. D'allure un peu gauche quant il vole, celui-ci est de couleur marron, de petite taille (25 à 30 mm). Sa larve, une chenille de couleur blanche, appelée " ver blanc ", vit quant à elle sous terre. Oui, mais voilà, l'un comme l'autre sont phytophages. S'attaquant aux racines des plantes, notamment des graminées, le hanneton, en surface le printemps venu, se nourrit également de feuilles et de bourgeons, celles des jeunes pousses en particulier, des arbres fruitiers, des betteraves. A noter que les parties dévorées voient souvent se développer des maladies.

Un adversaire de taille donc pour les paysans. Dans le département de l'Aisne, qui a vu se développer la culture de la pomme de terre et de la betterave sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire, cette lutte contre l'insecte maléfique est vitale pour l'économie des campagnes. Aussi le Préfet donne t-il quelques consignes à ses administrés. On remarque cependant le caractère artisanal de celle-ci, qui ne prendra des allure de guerre chimique qu'avec le développement de l'industrialisation, à la fin du siècle. En 1866 cependant, l'opération est déjà baptisée du nom de " hannetonnage ".

Dix ans plus tard cependant, on parle du terrible Doryphore, venu des États-Unis...








Laon, le 16 Mars 1865.


A MM. les Maires du Département.


MESSIEURS,


Le Conseil général de l'Aisne, frappé des dangers pouvant résulter pour l'agriculture, de la multiplicité des hannetons, et afin de faciliter à l'administration les moyens de préserver de ce fléau ceux des cantons du département qui auront à en souffrir cette année, a voté, au Budget de 1868, un crédit de 1,000 francs, à répartir en primes d'encouragement entre les personnes qui auront montré le plus de zèle pour la destruction de ces insectes, et obtenu les meilleurs résultats.

L'importance de ces primes, qui pourront même atteindre le chiffre de cent francs, sera réglée d'après le nombre de décalitres de hannetons dont la destruction aura été opérée et officiellement constatée.

Je crois utile d'entrer ici dans quelques détails sur les procédés auxquels on peut recourir avec le plus de chances de réussite, pour recueillir et anéantir facilement une grande quantité de ces insectes.

Il est essentiel, pour s'opposer utilement à leur reproduction, de rechercher les hannetons au moment même où ils commencent à se disséminer dans les bois et les vergers. C'est surtout le matin, alors qu'ils sont encore engourdis par la fraîcheur de la nuit, que l'opération peut s'effectuer avec succès, car alors il suffit d'agiter les arbres pour faire tomber ces insectes. Placés ensuite dans un vase métallique, par exemple un arrosoir, il devient facile de déterminer leur asphyxie, à l'aide de soufre ou d'eau bouillante.

Deux autres moyens peuvent encore être indiqués : le premier consiste à brûler les hannetons à quelques centaines de mètres des habitations ; le second, à les enfouir dans des trous spéciaux, avec un mélange de chaux, pour en former un engrais.

L'administration départementale ne peut que signaler les procédés usités, encourager les efforts et les récompenser dans la mesure des ressources mises à sa disposition. Les administrations locales doivent faire beaucoup plus, car il s'agit d'intérêts qui les touchent de près, et que le législateur leur a donné mission expresse de protéger.

En effet, aux termes de l'article 3 du titre XI de la loi du 24 août 1790 : " L'autorité municipale est chargée de prévenir par les précautions convenables et de faire cesser les accidents et les fléaux ". M. le Ministre de l'agriculture et. du commerce a reconnu que cet article pouvait servir de base aux mesures qui seraient prises par les autorités locales pour la destruction des hannetons. Mais l'intérêt privé ne devrait pas, en cette circonstance, se reposer entièrement sur l'administration : les propriétaires, les cultivateurs devraient donc prendre l'initiative de cette destruction. En conséquence, je vous engage, Messieurs, à vous concerter avec les intéressés, sur le choix des moyens à employer dans ce but. Je vous prie également de convoquer vos conseils municipaux et de leur demander le vote de sommes destinées à rétribuer ceux de vos administrés qui se livreraient. à la destruction dont il s'agit. Dans certains départements, il est accordé, par les communes, de 20 à 40 centimes pour chaque décalitre de hannetons. Les Conseils municipaux de l'Aisne comprendront qu'une semblable intervention de leur part, ne peut manquer de produire les meilleurs effets, car elle est de nature à déterminer les propriétaires à faire des sacrifices analogues.

Enfin, il est à désirer que le matin avant la classe, et les jours de congé, les élèves des écoles communales puissent être employés à la recherche des hannetons, sous la surveillance de MM. les Instituteurs. Les agents préposés à la conservation. des propriétés devront, bien entendu, s'attacher à prévenir les abus.

En résumé, Messieurs, voici les mesures que je recommande à votre sollicitude :
     . 1 - Publicité à donner immédiatement à la présente circulaire ;
     . 2 - Entente avec les propriétaires, cultivateurs, etc,
     . 3 - Réunion des Conseils municipaux ; 
     . 4 - Constatation officielle des destructions opérées; envoi à la Préfecture d'une liste nominative des personnes qui y auront concouru, avec l'indication du nombre de décalitres de hannetons qu'elles auront détruits, des sommes qu'elles auront reçues des communes ou des particuliers, et des titres qu'elles auraient à l'obtention d'une prime départementale.

Dès que les listes dont il s'agit me seront parvenues, je procéderai à la distribution de l'encouragement voté par le Conseil général, sur les propositions de la commission départementale qui a été instituée à cet effet.


Recevez, Messieurs, l'assurance de ma considération très-distinguée.


Le Préfet,

Jh FERRAND.