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                                                                                Dumas et Cie, fabrique de romans, 1845

 

Dumas et Cie,
fabrique de romans,
1845.




par Marc Nadaux


 





Auteur à succès de pièces de théâtre, Alexandre Dumas décide de s’essayer au roman. L’écrivain prend alors contact avec Auguste Maquet qu'il avait rencontré au mois de décembre 1838. Un contrat, signé le 4 février 1848, lie les deux hommes qui entament une collaboration fructueuse. Les publications des œuvres signées Dumas se multiplient : Les Trois Mousquetaires en 1844 ; Vingt ans après, Le Comte de Monte-Cristo, Le Chevalier de Maison-Rouge et La Reine Margot en 1845 ; La Dame de Montsoreau et Joseph Balsamo en 1846 ; Le Vicomte de Bragelonne en 1848... 

Comme nous le montre cette correspondance, qui a lieu au moment de la rédaction du Comte de Monte-Cristo, Alexandre Dumas est un véritable chef d'équipe. Il organise ainsi des séances de travail avec ses collaborateurs dans sa villa de Saint-Germain- en-Laye. Sont discutées les intrigues des œuvres en cours avant que l'écrivain ne distribue les taches à accomplir par chacun. Le texte définitif est néanmoins l'œuvre d'Alexandre Dumas, qui retravaille avec attention les premiers jets envoyés notamment par Maquet. 

Cependant l'écrivain doit bientôt faire face aux virulentes attaques de ses détracteurs. En 1845, Eugène de Mirecourt fait ainsi paraître son pamphlet Fabrique de romans, Maison Alexandre Dumas et compagnie. Après s’être répandu en protestations auprès de la Société des gens de lettres le 17 février de la même année, Alexandre Dumas dépose une plainte auprès du tribunal correctionnel de Paris. S’il obtient gain de cause le 16 mai suivant, la condamnation de Mirecourt à une amende et à quinze jours de prison pour diffamation ne lève pas la suspicion qui pèse maintenant sur chacune de ses publications. D'autant plus que dans les années qui suivent, Auguste Maquet réclamera à Dumas sa part du gâteau, intentant de nombreux procès à l'écrivain et obtenant gain de cause.








Saint-Germain-en-Laye, (15 mai 1845).


Avec vos soixante-deux pages, j'en fais 25, mais me voilà comme Bilboquet, manquant de tout.

Songez qu'il nous faut encore faire deux volumes Monte-Cristo et un volume espagnol, ce mois-ci.

Qu'allez-vous faire après la scène de Fernand ?






Saint-Germain-en-Laye, (juin 1845).


Pour n'avoir pas trente-six récits, je mets dans la bouche de Bertuccio le récit de Caderousse. Je crois que nous n'avons pas besoin de presser les événements. Remettons à plus tard l'arrivée du major et celle du jeune homme. Je crois qu'il y a une belle scène à faire le jour du dîner si Benedetto est là, car Benedetto reconnaîtra Villefort qu'il croit mort, et Mme Danglars

Bref, je crois qu'une causerie, à l'heure du dîner, ne ferait pas de mal.

Voulez-vous venir dîner avec moi, nous arrêterons le second. Nous avons l'intérieur de Morel à faire, l'incident qui met Villefort en contact avec Monte-Cristo. Tout cela nous conduira avec la scène du major et de Benedetto à la fin du deuxième volume.






Saint-Germain-en-Laye, (8 octobre 1845).


Cher ami,

On a perdu votre rouleau, c'est infâme, ma parole d'honneur.

Impossible, vous le comprenez, que j'aille demain à Paris.

Refaites, cher ami.

Mon domestique couchera à Paris, s'il le faut, pour m'apporter les deux paquets ensemble.

Passez la nuit, cher ami, et faites prévenir les Débats par un commissionnaire que le feuilleton est perdu et qu'il faut que je le refasse. Puis faites donner un galop solide aux gens du chemin de fer et prenez rendez-vous pour après-demain vendredi - la répétition.

A vous


Alex Dumas.






Saint-Germain-en-Laye, (fin octobre 1845).


Dites-moi donc quand vous pourrez venir passer trois ou quatre jours à Saint-Germain pour Monte-Cristo.

Travaillez, je vous en prie; vous savez qu'à la suite de l'arrestation il y a une scène entre Villefort et Mme Danglars. Villefort implacable, on apprend l'arrestation de Benedetto, l'affaire pourra passer aux prochaines assises.






Saint-Germain-en-Laye, (fin octobre 1845).


Cher ami,

Voilà deux jours que vous me laissez sans copie, et voilà par conséquent deux jours que vous faites de moi l'homme le plus malheureux de la terre.

Si j'eusse eu du Monte-Cristo, j'eusse travaillé.

Je voudrais bien vous voir.

A vous


A. Dumas.






Saint-Germain, (fin octobre 1845).


C'est parfait, je ne ferai qu'un petit changement au plan. La maison Villefort touchera à la maison voisine pour qu'on puisse percer un trou.






Saint-Germain-en-Laye, (novembre 1845).


Je ne puis rien envoyer aux Débats, puisque l'article d'Andrea n'est pas fini.






Saint-Germain-en-Laye, (fin novembre 1845).


Cher ami

Plus de Chicot - Je n'ai plus une ligne. Montjoie et Saint-Denis à la rescousse !

Véron est au courant et n'a rien pour demain. Lâchons le Monte-Cristo qui allait bien cependant.

Vous n'aurez pas le temps de m'envoyer le Chicot et moi de le faire. Envoyez directement au Constitutionnel. Écrivez sur mon grand papier, si vous en avez, dix pages au moins.






Saint-Germain-en-Laye, (début décembre 1845).


Du Chicot, 30 ou 40 pages encore. Puis si vous pouviez demain faire un chapitre de Maison-Rouge, puis si vous pouviez après-demain venir déjeuner avec moi et prendre 500 francs, nous ferions du Monte-Cristo.

Votre chanson était adorable. Faites-en seulement deux ou trois pareilles et Béranger sera bien peu de chose.