La lettre d'infos


A voir et à lire
sur
19e.org,
et ailleurs.

S'abonner à la lettre d'infos
 

 L'actualité
sur 19e.org

 
 

 A voir sur le Web

     Vous êtes ici :   Accueil   Documents   La colonisation   Notice sur le Soudan                    Contact

 

Notice ethnologique sur le Soudan,
commandant Moreau,
avril 1897.




1ère partie : notice ethnologique.



par
Jean-Louis Triaud,
Professeur d'Histoire de l'Afrique,
université de Provence



 





République Française

Liberté – Egalité- Fraternité

Gouvernement du  Soudan Français

              2e Bureau

Affaires Indigènes Et Géographie



Notice générale sur le Soudan



publiée par ordre du Colonel de Trentinian, Lieutenant-Gouverneur.



Généralités - méthode


La somme des renseignements que nous possédons sur l’ethnographie de l’Afrique Occidentale forme déjà un bagage considérable. Les premiers commerçants sénégalais l’ont entreprise dès l’abord, et nous devons autant à André Brue qu’aux audacieux voyageurs de toutes nations qui s’engagèrent l’un après l’autre dans l’intérieur du continent africain. L’un d’eux, Raffenel a étudié avec tant de conscience et de méthode les peuples qui sont aujourd’hui sous notre administration directe, qu’il a été la ressource ordinaire de ceux qui sont venus après lui, et se sont attachés avec persévérance à l'ingrate besogne de remettre à jour les trésors oubliés. Depuis, il est vrai, nous sommes entrés en contact  avec des peuples nouveaux, dans la vallée moyenne du Niger, l’intérieur de la boucle qu’il décrit, et les hautes régions d’où il sort ; mais ces conquêtes sont de date trop récente pour avoir pu nous fournir un faisceau complet de documents. Ici l’ethnographie est à faire par l’observation directe des populations et l’on peut espérer échapper aux tâtonnements qui ont caractérisé les études antérieures, en profitant de l’expérience acquise.

Cet essai d’ethnologie, basé sur un classement méthodique des documents que nous possédons, à pour but de fournir, par analogie, des indications sur ceux qu’il importe le plus de rechercher comme permettant de caractériser un peuple, sa physionomie, ses attaches, ses tendances, en laissant de côté tout renseignement futile ou incomplet.

Le premier progrès à accomplir serait de ne pas se borner à la description des mœurs et coutumes. Ces renseignements offrent évidemment un intérêt de curiosité immédiat et accessible à tous, mais ne fournissent qu’une base insuffisante à la synthèse ethnologique ,s’ils ne peuvent s’appuyer à tout moment sur des données anthropologiques rigoureuses.

Or, celles-ci manquent absolument. Les quelques chiffres donnés par les ouvrages spéciaux, moyenne d’un nombre très restreint de mensurations, ne peuvent prétendre [1] caractériser des races aussi complexes, aussi mêlées et aussi peu définies que le sont celles du continent africain. Produits de plusieurs métissages, vouées par la loi d’incohérence (Darwin) à l’infinie variété des caractères, dénaturées le plus souvent par l’apport du sang étranger des captifs, elles doivent être observées avec la plus grande circonspection. Des mensurations sur le vivant, très nombreuses  mais toujours guidées par la connaissance parfaite des noms de famille et de tribu, des diammons, des généalogies, des castes et corporations fermées, auraient seules une valeur scientifique.

Enfin la collection des renseignements ethnographiques ne peut être complète que si elle comporte une étude méthodique des langages, c’est à dire, 1° une série de vocabulaires permettant de faire des comparaisons, et d’étudier les modes de formation des idées générales ; 2° l’analyse fouillée de quelques phrases judicieusement choisies, au moyen desquelles il soit possible de déterminer le mécanisme de la combinaison des idées générales en raisonnements.

Nous avons déjà fait allusion au peu d’homogénéité des peuples africains. A part les Foulbés, de race pure, aucun des groupements  ethniques qui paraissent aujourd’hui s’imposer, ne présente un ensemble de caractères bien définis qui lui soit propre. Il est évident que chacun d’eux participe inégalement d’éléments communs. Staniland Wake se guidant sur les observations contenues dans le " Thésaurus craniorum " de Bernard Davis, déclare que l’examen des crânes des peuplades africaines dénote un grand mélange de races ; l’étude des mœurs, des coutumes et des langages confirme ce jugement. Il n’est pas étonnant que, dans une haute antiquité des migrations soient venues , ici comme ailleurs, de fort loin, apporter les éléments de races nouvelles. Ce qui l’est plus, c’est que ces races nouvelles ne se soient pas formées.

Ailleurs, en Europe, en Asie, après les invasions, sous le couvert des empires et des féodalités, des nationalités ont surgi, nouvelles unités ethniques, œuvres de masses que guidait une foi commune dans le progrès moral et matériel ; chacune ayant son idéal particulier, bientôt sa physionomie particulière.

Ici, rien de tout cela, les empires, stigmates de la conquête, les féodalités édifiées pour l’exploitation des vaincus n’ont guère laissé plus de traces que le passage d’une tribu de nomades. Aucune nation ne s’est constituée, aucune race nouvelle ne s’est formée. Elle n’aurait pu être que le produit d’un idéal nouveau, et c’est justement ce qui manquait.

Nous sommes en présence d’un mélange confus d’individualités indéfinissables, auxquelles l’idée d’une initiative, d’un travail actif sur un plan quelconque est étrangère, et pour qui toute cohésion sociale ne peut être qu’une hiérarchie d’esclaves. Aussi la filiation individuelle remplace chez ces peuples l’histoire, qui est la généalogie des nations, l’enregistrement de leurs idées et de leurs efforts.

Les races diverses qui ont contribué à les former semblent toutes s’être arrêtées après avoir accompli leur part de travail, et s’être figées dans leur aspect d’alors ; régression et incohérence telles sont les lois de leur formation ; ils sont toujours des " témoins " ou des " composites " sans avoir pu un seul jour être eux-mêmes, et leur impuissance à concevoir désormais le progrès humain est la seule induction logique que fournisse le spectacle de leur immobilité séculaire.

On conçoit, dès lors qu’il faille remonter fort loin pour pouvoir baser sur les origines une synthèse de leurs mœurs et de leurs coutumes, et, qu’en outre, la nécessité de justifier les hypothèses entraîne à des considérations générales, étrangères au sujet, sur les races anciennes et leurs déplacements. Ces inconvénients sont inhérents à la méthode adoptée ; elle est comme eux inévitable car tout autre serait artificielle et ne permettrait pas de donner à chaque trait caractéristique l’importance qui lui est propre.


1ère  partie : les origines


L’examen approfondi des populations africaines, de leurs mœurs, de leurs déplacements, enfin de leur histoire récente notée par nous ou par les arabes, les a fait classer assez généralement en " races aborigènes " et " races envahissantes ", celles-ci comprenant deux grandes divisions Foulbés et Mandingues.

Cette classification, fondée surtout sur les apparences, s’est montrée particulièrement commode. Elle se prête aux définitions faciles, et simplifie énormément le problème en enfermant le Soudan dans trois noms propres. Elle a d’ailleurs un grand fonds de vérité générale comme tout ce qui est basé sur l’expérience ; son défaut est le manque de précision. Nous disons qu’il y a sept couleurs dans le spectre solaire sans pouvoir marquer où celle-là finit et celle-ci commence, parce qu’elles se fondent toutes l’une dans l’autre. Il en est de même ici ; les trois noms propres ne suffisent plus, on pourrait en augmenter le nombre, mais il y aura toujours des nuances qui seront insuffisamment caractérisées, et l’on perdrait peu à peu le bénéfice de la simplicité sans sortir du cercle vicieux d’une méthode artificielle.


Primitifs :

Les populations qu’on a appelé aborigènes, par opposition aux envahisseurs, parce qu’on les voyait toujours refoulées par eux et devenues leur proie ordinaire, contiennent certains groupements qui semblent justifier plus que les autres cette appellation. Disséminés un peu partout, réfugiés à vrai dire dans les montagnes, les contrées marécageuses ou les forêts de la côte, ces îlots de population présentent un certain nombre de traits caractéristiques, que l’on peut considérer, partout où on les trouve, comme les vestiges d’une race apparentée aux plus anciennes dont l’histoire ait gardé le souvenir.

L’un de ces traits communs, et sans doute le plus important, est le fétichisme. L’ensemble de coutumes que représente ce mot sont restées le plus souvent incomprises. On a observé et décrit les pratiques extérieures ou  ce qu’on en a vu, sans rechercher l’idée qui avait pu leur donner naissance, et encore moins l’effort spirituel et le progrès que cette idée avait pu autrefois représenter.

La facilité avec laquelle les noirs se « fabriquent eux-mêmes leurs dieux » a donné aux voyageurs une pauvre idée de leur développement métaphysique. Il est peut-être vrai qu’à l’heure présente, quantité de symboles ne représentent plus rien ; mais le symbole est le dernier vestige de la coutume, et la coutume est née du raisonnement.

Le fétichisme est nécessairement né d’un système métaphysique élémentaire dont les traces peuvent être constatées chez presque tous les peuples, et qui a reçu ailleurs le nom d’ " animisme ".

C’est la conception d’un plan spirituel calqué sur le matériel, la croyance à l’âme des choses, aux " doubles " [2]  la tendance à voir un esprit derrière chaque objet, une intelligence derrière chaque phénomène, une volonté dans chacun des jeux du hasard. L’homme, conscient de sa nature double voit ce qui l’entoure semblable à lui, et, comme il constate en lui-même des correspondances intimes entre la matière et l’intelligence, il essaye, par l’intermédiaire des forces extérieures, d’influencer les esprits qui leur correspondent. Tel est le but de la magie ou si l’on aime mieux du fétichisme, qui fut, en même temps que la première religion, le premier essai de science expérimentale.

Toute religion a ses prêtres, toute science a ses écoles. Le fétichisme qui est l’une et l’autre a ses sociétés secrètes religieuses. Ce sont le « simo » des Nalous du Rio Rimez [3], les Lous des Bambaras [4], le Porro des Timénés, Mama Thiombo des Mandingues [5]. Ces associations semblent bien avoir pour but principal d’exploiter la crédulité publique, mais il est impossible que cela seul ait suffi à en déterminer l’institution.

Du moment que chaque phénomène cache pour les fétichistes une intervention occulte, il leur devient impossible d’admettre la mort naturelle, et, comme le soupçon s’établit qu’elle est imputable à l’un d’entre eux, ils ont recours pour le dévoiler à l’un de ces hasards qu’ils croient intelligents.

Cet usage se retrouve partout en Afrique sous formes d’épreuves diverses : poison judiciaire, fer rouge, etc ,… et constitue l‘argument le plus sérieux que l’on puisse invoquer pour prouver l’existence ancienne d’une race homogène.

Un autre caractère permet de rattacher cette race à l’histoire.

Sur toute l’étendue de la côte occidentale on peut observer les restes d’un culte phallique. On en retrouve les traces manifestes dans toute l’Afrique. Tel est, par exemple le culte de la montagne de Tapa près de Koniakary. C’est un bloc de forme caractéristique qui a conservé la réputation de rendre les femmes fécondes. Raffenel nous apprend que cette montagne a des prêtres, et reçoit les vœux et les offrandes.

La coutume de la circoncision, commune à presque tous le noirs, suffirait à prouver que le culte phallique était autrefois pratiqué dans l’Afrique entière.

L’on sait d’ailleurs que les hébreux considéraient primitivement la circoncision comme une offrande, un sacrifice, qu’ils la tenaient ainsi que l’horreur de la viande de porc des chamites égyptiens, et ceux-ci des éthiopiens. Bien loin de devoir être attribués aux invasions sémites, ces coutumes sont donc vraisemblablement autochtones.[6]

Mais la zone d’extension du culte phallique s’étend bien en dehors de l’Afrique. On le retrouve dans le lingam de l’Inde, le tantour de Syrie. C’est l’antique Priape, le Dieu des Madianites et des Ammonites, le Baal Phégor des Moabites, le Dyonisos des Grecs et le Phallus des Latins, c’est le Dieu de la génération, dont le culte perce sous certaines pratiques en Bretagne  et en Auvergne, tandis qu’il se manifeste clairement en Afrique, en Asie, en Océanie .

La science désigne sous le nom de Kouschites les peuples auxquels sont attribuables les plus anciennes civilisations que nous puissions connaître : Babylone, Suziane, Gédrosi, sans doute aussi l’Egypte primitive et qui donnèrent à L’Asie l’impulsion d’où devait sortir le monde moderne. Les auteurs grecs les mentionnent sous la désignation purement ethnique d’Ethiopiens (visages brûlés) et les divisent en occidentaux et orientaux, en nous apprenant qu’ils furent les premiers navigateurs de l’océan indien et de la méditerranée, et les fondateurs des premiers empires connus. Les généalogistes sémites les font descendre de Kousch, fils de Cham. Le ramayana, épopée des migrations aryennes vers l’Inde  raconte qu’elles furent en contact avec des peuples noirs. Ils adoraient un Dieu Kouscha que leur chef faisait porter devant lui sous la forme d’un phallus d’or.

Cette explication semble plus acceptable si l’on considère que  les Ghiliaks sibériens, porteurs d’amulettes phalliques donnent encore à leur Dieu ce nom de Kousch qui apparaît si fréquemment dans le vocabulaire de l’Asie Centrale.

Si l’on tient compte du fait que les Suziens furent dès la plus haute antiquité en rapport avec les côtes de la Méditerranée [7] qu’en outre le mode de peuplement des archipels océaniens [8], l’étude des races qui les habitent, les découvertes qu’on y a faites de véritables villes maritimes aux proportions cyclopéennes [9] prouvent qu’ils furent visités par des peuples noirs et très habiles dans l’art de la navigation, on aura des bases suffisantes pour affirmer que, partout où on le rencontre, le culte phallique marque un point de la zone d’extension des races kouschites quel qu’ait pu être d’ailleurs leur centre de rayonnement.

On doit encore leur attribuer comme caractères secondaires le plus grand nombre des pratiques chamanites, observées en Asie, en Afrique et en Océanie : la simulation du rapt de la fiancée, le mode d’accouchement (position agenouillée ou accroupie) commun à toutes les femmes du Soudan ; le port des amulettes, la signification comme emblèmes religieux des perches, bâtons, branches d’arbres, ornés de rubans, de chiffons ou de longues tresses d’écorce. Puis les cérémonies qui accompagnent la circoncision au Soudan et chez tous les peuples Bantous : les Mandingues, dit Caillé, parcourent le village après la circoncision ayant un roseau dans la main gauche. La même coutume se retrouve partout en Guinée [10]. D’après Diodore de Sicile, les Egyptiens approchaient leurs Dieux avec une touffe d’agrostide à la main. Bérose nous rapporte que des pratiques semblables existaient chez les Mésopotamiens. [11]

La seule conclusion à tirer de tous ces rapprochements est la présomption d’origines communes, et, sur ces origines, ce que nous pouvons savoir des Kouschites va nous donner des indications précieuses.

A la zone d’extension des kouschites correspondent celles des monuments cyclopéens, et des populations foncées, australoïdes et négritos, ces derniers assimilés par la science moderne aux Pygmées des auteurs anciens.

Les monuments mégalithiques se trouvent dans l’Europe Occidentale, l’Afrique du Nord, l’Arabie, la Palestine, l’Asie Centrale, la Côte de Malabar, les monts Nilgherries, le plateau du Dekkan et l’Indonésie. On croit  qu’ils doivent être attribués à la « race atlantique » de Quatrefages et Hanny. [12] Serait-ce le croisement de cette race avec les négritos qui aurait formé les australoïdes ? [13]

On devrait alors lui attribuer les caractères suivants, qui se trouvent chez plusieurs de nos aborigènes de la côte : implantation  régulière des cheveux, tendance à devenir longs, à se mettre en " vadrouille ", musculature puissante donnant à l’homme un aspect " ramassé ", la dolico-céphalie, le culte phallique primitif, et, avec la science de l’agriculture, le sentiment de la propriété.

Les négritos d’Asie [14] et les négrilles d’Afrique [15] qui représentent sans doute le plus ancien élément ethnique particulier aux régions tropicales [16], ont apporté aux peuples de nouvelle formation : l’implantation de cheveux en touffes frisées et laineuses, la brachycéphalie, la petitesse de la taille, caractère inférieur qui a du disparaître devant la sélection ; le prognatisme et la platyrhinée ; comme religion l’animisme ; comme langues les idiomes isolants ; comme moyens d’existence la chasse et la pêche, comme habitations, ces hangars caractéristiques où s’abritent encore par tribus, les Mincopies des Andamans, et les Bagos du Fouta-Djallon.

M. de Quatrefages, dans son étude spéciale sur les Pygmées, conclut pour nous : " L’ère d’extension de ces peuplades était beaucoup plus vaste dans les temps primitifs que de nos jours. Les Akkas, les Aétas, les Sakaies ne sont que les tristes débris de peuples jadis répandus depuis le Japon jusqu’au Sénégal, en passant par la Malaisie et par l’Inde. A défaut de textes anciens, on aurait pu  reconnaître cette expansion première par le seul examen de certains sujets que l’on rencontre parmi les Japonais, les Malais, les Dravidiens et les Nègres... Ces peuplades Pygmées, antérieures à toute histoire, contemporaines des premiers temps, paraissent avoir pour demi-frères les Korred, rejetons d’anciennes familles de nains maintenant clairsemées en Bretagne et en Armorique, et certains allophyles des régions Baltiques, descendants de cette petite race d’hommes quaternaires qui habitaient l’Europe à l’époque où vivaient en France, le rhinocéros et l’éléphant. "

Deux points sont désormais acquis ; des populations anciennes de l’Asie et de l’Afrique ont participé aux mêmes origines ; en Asie, ces populations ont crée les premiers empires, organisant la religion et la société, pour être submergées par les races nouvelles qu’elles avaient instruites.

Devrons-nous être étonnés si l’étude de l’ethnographie en Afrique nous prouve que ce continent a subi le contrecoup de tous les bouleversements asiatiques, et que des migrations y parvinrent lancées vers une voie d’extension qui leur était naturelle ? C’est au contraire une hypothèse vraisemblable à priori.

On a été fort surpris d’avoir à constater parmi les nègres, l’existence d’un peuple d’une nuance plus claire, d’une physionomie toute différente, et d’un esprit très supérieur. Les faits et gestes de ce peuple ont provoqué non moins d’étonnement. On a cru le voir, pasteur paisible se transformer du jour au lendemain en un guerrier redoutable et fanatique, s’agit-il bien des mêmes hommes ? Les procédés d’extension des peuples qui se donnent le nom de Foulbés sont en effet de deux sortes : de petites tribus sans relations suivies entre elles, composées d’hommes au visage clair, à l’attitude humble et timide, aptes à l’agriculture, mais surtout bergers s’infiltrent peu à peu dans une région.

Lorsqu’ils sont parvenus à être en majorité, à constituer par leur travail un fond de richesse pouvant être la base solide d’un pouvoir politique, celui-ci est généralement établi de force par leurs métis qui se nomment comme eux Foulbés, parlent leur langue , manifestent un instinct guerrier et une intelligence remarquable, et se font partout les instruments fanatiques de la propagande mahométane. La différence d’aspects, de mœurs et de tempérament que présentent ces deux catégories de Foulbés ont d’ailleurs frappé la plupart des voyageurs. [17] Elles veulent être étudiées séparément ,et dans une nomenclature de peuples primitifs, les Foulbés purs, pasteurs et agriculteurs, peuvent seuls trouver leur place.

Les Foulbés purs, sont, au Soudan, les seuls que l’on puisse nommer une " race " en considération de leur homogénéité de langage, de mœurs et de physionomie. Ils sont aussi seuls à ne pas occuper un rang parmi les peuples soudanais, bien que leur sang ait contribué a la formation de la plupart.

C’est parce que le Poul est inapte à comprendre de lui-même l’utilité d’un groupement social [18], en homme véritablement libre, qui suffit lui-même à tous ses besoins, et estime que se servir des autres est déjà une sujétion.

C’est ainsi qu’il n’est pas conquérant et n’a pas d’esclaves, mais il croit que la terre est à tout le monde, et qu’où va son troupeau il est chez lui ; il sait plier devant la force, presque certain de la fatiguer à la longue, par l’inerte obstination qu’il met à réaliser son plan de vie. [19]

Le type du visage des Foulbés, si différent de celui des nègres, n’est ni aryen ni sémite. La ressemblance paraît frappante avec ce que les anciens monuments nous permettent de connaître :

- de type égyptien (primer-ber)

- de type lybien (monuments Egypte)

- de type  sumérien (Chaldée)

On peut constater de nos jours la similitude d’aspect des Foulbés, des Lascars et en général des Dravidiens et Kolariens de l’Inde (Mathews), des beurs dolichocéphales de l’Asie centrale, des Brahanis du Béloutchistan.

Leur langue qui ne présente qu’accidentellement des racines aryennes et sémitiques, est des plus curieuses. Elle est encore quelque peu agglutinante, mais elle manifeste une tendance extraordinaire à la flexion accidentelle, provenant toujours du besoin d’euphonie et de consonance. En outre une règle domine toutes les autres, fondée sur une opposition absolue de l’homme et de ce qui lui est extérieur (genre hominin, genre brute).

Sa parenté avec les idiomes cérère, ouolof et plus généralement bantous (cafres etc.) semble démontrée. De remarquables rapprochements entre les vocabulaires poular et polynésiens ont été mis en lumière par M.d’ Eichtal.

Enfin un Poul se trouvant à la Mecque aurait pu converser dans sa langue avec un pèlerin wahabite venu des bords du Golfe Persique.[20]

Il serait intéressant de rechercher si leur langue comme leur physionomie permettrait de rapprocher les Foulbés des Dravidiens.

M. Kranse, après examen de l’une et de l’autre affirme « que les Foulbés sont des anciens ou proto-chamites c’est à dire qu’ils doivent être classés dans la grande famille syro-lybienne. La genèse fait descendre les lybiens de Phout fils de Cham. [21].

Une particularité des plus intéressante se rencontre chez les Foulbés, l’importance du rôle joué par la femme. La femme Poul ne se souffre pas de rivales ; elle dirige le ménage et quelques fois plus particulièrement son mari. Cette influence de la femme [22] ne dévoile toute son importance que si l’on remarque qu’elle a pour corrélatif le " Lévirat " ou transmission du pouvoir par les femmes  qui procède du népotisme ou héritage du neveu, fils de la sœur. Ces coutumes, comme aussi la règle imposée  à chacun des époux, d’éviter ses beaux-parents sont communes aux maures, touaregs, tibbous, elles l’étaient primitivement à un grand nombre de peuples noirs soudanais : ouolofs, cérères, toucouleurs, soninkés, kassoukés, assiniens, baïnounks, tinnénés.

Elles servent dans toute l’Afrique à caractériser la race Bantou, mais disparaissent peu à peu au Soudan devant les lois différentes de l’islamisme, aidée d’une autre influence antérieure à celui-ci et qui sera caractérisée ultérieurement (Mongoloïdes).

Elles se retrouvent encore bien ailleurs, contemporaines ou historiques, et, guidés par les analogies, nous allons parcourir  à nouveau la zone ancienne d’extension des peuples kouschites. Le " Lévirat " est une coutume polynésienne, le " népotisme " est encore la règle  chez les populations actuelles de Malabar qui, protégées par les Ghates occidentales ont conservé les vieilles coutumes de l’Inde [23].

Dans l’Inde, la gynécocratie, poussée à l’extrême avait crée la polyandrie, dont les traces en Afrique se voient encore dans les libertés extraordinaires accordées aux femmes de certains peuples du Haut-Nil qui peuvent disposer d’elles à leur gré à des intervalles de temps déterminés (Nachtigal) aux femmes de l’Aïr (Barth) de Tombouctou (Ibn Khaldoun) des ouled Naïl [24]  et aussi dans le sens très large attribué par les noirs aux termes qui désignent les liens de parenté.

Doit-on voir dans ces mœurs étranges la marque d’un véritable culte du principe féminin ; le Baalat opposé au Baal des Kouschites et dont les restes seraient la pratique de l’excision des femmes, calquée sur la circoncision, et les deux seins qui décorent souvent l’intérieur de nos cases soudanaises ? Les Phéniciens chamito-sémites avaient les deux cultes, et aussi le sabéisme dont il sera parlé plus loin.

La gynécocratie constatée par Stabon dans les Cantabres était sans doute, dans le monde occidental, particulière aux Ibères [25]. L’histoire ou la légende ont enregistré ses triomphes. C’est la reine de Saba, célébrée dans la bible à côté de Salomon, le comal qu’elle a conquis garde encore son souvenir. C’est la Kahina, l’héroïne berbère qui tenta de résister à l’islamisme envahissant. C’est Mirina, reine d’une nation inconnue dans le nord de l’Afrique (Diodore de Sicile). C’est encore Aminah, fille du prince de Zeg-Zeg qui conquit les sept provinces du Haoussa, atteignit les côtes de l’océan et mourut à Atagara (atakrou) [26]. C’est Omphale et Cléopâtre, filles des Amazones et des Gorgones.

Les pratiques religieuses des Foulbés provoquent exactement les mêmes rapprochements, avec un grand nombre de peuples soudanais ; ils saluent la lune nouvelle. Pour cela, ils mettent comme les Canaques un doigt sur leurs lèvres et sifflent. Cet usage était en honneur en Chaldée, il se retrouvait chez les Perses et dans l’Inde. C’est un reste de sabéïsme ou culte des astres, qui fut une religion de l’Egypte et celle de l’Arabie méridionale ; enfin Strabon raconte que les celtibères adoraient une divinité sans nom ; à laquelle ils ne rendaient pas d’autre culte que des danses à la lumière de la lune.

Rappelons que pour les Phéniciens, comme pour tous les peuples chez qui on constate des pratiques religieuses basées sur des mythes astraux (Chaldée) la lune était la déesse de la maternité, le principe femelle (Baalat, Astarté).

Les coutumes funéraires des Foulbés ne sont pas moins caractéristiques. Ils se ménagent par un bambou creux, ou tout autre moyen, une communication avec le mort , par où ils pourront lui verser le lait dont il a besoin. Ceci est une pratique essentielle des Chamanites. Ils abritaient leurs morts sous de petites maisons et les approvisionnaient par une communication aménagée, tout comme le faisaient autrefois les Bambaras, et le font encore les Kahnoucks, certaines tribus du Thibet oriental, des indigènes de Madagascar et les Diobas du Niani. Dans le Kissi [27], c’est par un bambou creux que l’on pourvoit à l’alimentation  du mort ; chez les anciens habitants de Djenné, d’après les restes de leur cimetière, c’était une sorte de cheminée en terre qui remplissait le même rôle.

Enfin le Père Delattre, en fouillant le sol auprès de la Malga (Algérie), a découvert des restes de la colonisation romaine, entre autres deux cimetières où reposaient des esclaves et des affranchis. " Ce que leurs tombes ont de particulier, c’est qu’elles sont surmontées d’un tuyau en briques qui débouche soit au sommet, soit sur les côtés du cippe. Par ce tuyau on introduisait des libations qui arrivaient jusqu’aux cendres du mort. "

On croirait lire la description du cimetière de Djenné.

De tout ces rapprochements , on peut déduire :

1° Que les Foubés sont une portion restée pure d’une grande race.

2° Que cette grande race est entrée en partie dans la composition des peuples désignés au Soudan comme aborigènes, et de ceux que dans le reste de l’Afrique on a classés comme " Bantous " et qui figurent dans l’histoire du Soudan en particulier sous le nom de Onakorés (Ghanata).

3° Que les caractères suivants doivent lui être attribués :

La dolicocéphalie très marquée avec développement considérable  des bosses pariétales ; : le front haut bombé et projeté en avant ; un adoucissement du prognatisme (prognatisme alvéolaire) et de la platyrhinnie ; un corps mince et souple aux formes élégantes ; des membres fluets ne présentant pour ainsi dire pas de saillie musculaire (absence du mollet) [28] ; la coutume de tresser les cheveux (forme en casque) : femmes Foulbés et Kassoukés ; en cadenettes : hommes Foulbés, Kassoukés, Bambaras, Onassouloukés,  en boules : femmes Onassouloukés, songhais, Kassoukés, Tibbous.

Cette race dont sont issus tous les Dravidiens, Syro-Lybiens et Lenco-Ethiopiens, nous représente soit un prototype d’origine inconnue, peu éloigné des Sumériens, et qui se serait substitué aux Kouschites sur leur terrain même, soit plutôt le point de développement auquel ces derniers étaient parvenus, par métissage ou par adaptation, immédiatement avant l’arrivée dans le centre asiatique du premier flot des migrations touraniennes.

Jusqu’ici, parmi les caractères que nous avons observés, nous n ‘en avons pas trouvés qui fussent le lot exclusif d’aucun peuple. Les Foulbés eux-mêmes, qui ont pu nous servir à faire ressortir un élément ethnique, ont fait preuve d’une étroite parenté avec des peuplades qu’on aurait crues tout d’abord leur être complètement étrangères. Nous commençons à constater  l’impossibilité absolue où l’on est de trouver  un " peuple " homogène, de tracer des lignes de démarcation dans ces masses confuses d’individus, dont chacun procède sans doute plus ou moins de toutes les origines.

Le répertoire des désignations géographiques issues de groupements mécaniques et accidentels est impuissant à fournir le plan d’une classification ethnique. On ne peut pas dire : tel peuple appartient à telle race, les peuples ne se sont pas formés et les races multiples se sont fondues dans un creuset formidable. L’on ne peut classer avec méthode que les documents qui surnagent, et noter les particularités les plus accentuées .

Tels qu’ils ont été et tels qu’ils sont, les primitifs formeront toujours le fonds principal des populations africaines. Les apports ultérieurs seront plus importants par leur originalité que par leur nombre. Sans changer l’aspect général des peuples ils marqueront ça et là leur cachet, mais les parentés resteront vagues, les origines communes indécises et, bien que les hypothèses soient renfermées dans un cercle assez précis, elles ne pourront jamais être dégagées de l’obscurité qui règne sur les âges préhistoriques.

Cependant , en Asie, des peuples se forment. Des races inconnues jusque là, les aident à construire la tour de Babel, l’immense édifice social ; et les puissants empires asiatiques, débordants d’éléments disparates, vont envoyer ces masses hétérogènes dans tous les sens, aux extrémités de la terre.


Les déchets des sociétés asiatiques et égyptiennes.


Le premier symptôme  d’une organisation sociale est la division du travail. Les hommes ont vu s’augmenter la somme de leurs besoins ; ils n’arrivent plus à se suffire individuellement et cherchent ,en groupant leurs efforts, à augmenter leur bien-être aux dépens de leur liberté.

Nous n’avons rien noté de semblable chez les peuplades que nous avons étudiées, nous les avons vues au contraire, se suffire partout, chercher l’isolement et la liberté individuelle. Si nous rapprochons ces observations du fait que leur sang forme le fonds des populations africaines, nous pouvons conclure immédiatement qu’en Afrique, la " société " n’est pas autochtone.

Elle y fut donc importée au milieu de populations restées encore maintenant réfractaires. Les colons, impuissants à revenir aux dures libertés de l’âge pastoral, apportaient deux éléments nouveaux qui, ne pouvant ni disparaître, ni absorber l’ancien état de choses, se superposèrent à lui ; les artisans devinrent des salariés déchus et les maîtres, des chefs de captifs.

Chez les populations soudanaises, tout individu qui est autre chose que berger, agriculteur ou captif, [29] fait partie d’une caste où il est né et dont il ne peut sortir.

La situation des gens de caste vis à vis des autres hommes libres présente une contradiction apparente. Comme hommes, comme individus, tous sont universellement méprisés ; et cependant, partout ou un petit groupement social, quelle que soit sa forme, est parvenu à s’organiser, certains d’entre eux jouent un rôle prépondérant, sont au moins les auxiliaires immédiats de l’autorité et font redouter leur influence.

Ils sont donc entrés en contact avec les populations primitives de deux manières différentes : comme simples travailleurs salariés, voués d’avance au mépris de pasteurs et agriculteurs vraiment indépendants, ou comme clients d’un maître qui s’est imposé en s’appuyant sur eux.

C’est ainsi que chez les peuplades de langue Poule, les six castes :

Diavandos …hommes d’affaires, intermédiaires.
Torodos…magistrats
Baïlos…forgerons, bijoutiers
Tiapatos , Koliabés…guerriers
Tiouballos [
30]… pêcheurs

Jouissaient autrefois de privilèges spéciaux et traditionnels sans être pour cela plus considérés que les Maloubés ou Mabés… tisserands, Gergassabés…cordonniers, Laobés…menuisiers, Waïloubés… tailleurs, Wanbaibés…musiciens, Waouloubés…mendiants.

La légende si curieuse rapportée par Raffenel, et qui a trait à l’histoire des six premières castes, raconte qu’au Fouta, elles avaient favorisé le premier établissement d’une autorité politique. Rien n’est plus suggestif que l’exposé des difficultés auxquelles elles se heurtèrent et de l’opposition que firent les Foulbés d’alors à cette tentative d’organisation sociale. [31]

Chez les peuplades de langue mandingue, la situation des castes est la même et les mêmes distinctions se retrouvent.

Les Noumons (forgerons) consacraient autrefois les chefs Bambaras (Coulibaly) en les élevant sur une peau de bœuf. Les Dialis (chanteurs musiciens, poètes, bouffons) étaient leurs confidents. Les Finankés ou Fourrenkés, analogues aux selinbons des Ouolofs et aux Diavandos des Foulbés étaient leurs agents et leurs diplomates, tandis que les Garankés (cordonniers) et les Guesedala (tisserands) ne jouaient aucun rôle dans l’Etat . [32]

Sur l’origine possible de ces castes, au moins de celles qui sont attachées à un métier industriel, l’histoire peut nous donner des indications précises.

Nous savons que " la métallurgie fut dans l’origine, un art lié à l’existence de certaines tribus ou associations semi religieuses, semi militaires, chez lesquelles les danses militaires s’unissaient aux pratiques du métier. Le siège de ces corporations paraît avoir été la Chaldée puis les montagnes de la Phrygie… Elles présentaient en outre un caractère religieux [33]. " La Grèce avait des métallurges de race chamite et les contemporains d’Homère connaissaient sous le nom de Sentü, que se donnent encore aujourd’hui les Bohémiens, ces commis voyageurs venus, disait-on de l’Inde, qui remontaient le Danube puis descendaient le cours du Rhône.

Les Européens d’alors ne les considéraient pas autrement que ne l’ont fait les Africains. On voyait en eux des sorciers ; ils étaient craints et méprisés. Encore aujourd’hui, chez les Monténégrins, le métier de forgeron est considéré comme impur et abandonné aux tziganes errants.

Les bohémiens de nos jours sont bien encore des chamites, descendants de ceux qui fondèrent les premières civilisations asiatiques, en instituant la division du travail.

Ils parlent une langue Dravidienne qui est encore parlée dans l’Inde par des Dravidiens et aussi en Afrique par les Chouâa dont le langage serait presque du Bohémien pur [34].

Ces analogies s’ajoutent à celles que nous avons déjà constatées entre les primitifs africains et les plus anciens peuples asiatiques mais elles sont d’un tout autre ordre. Il ne s’agit plus seulement d’une parenté indéfinie quoique évidente.  Le développement social des Chamites en Asie ayant fait de cette contrée un centre de rayonnement, la présence des castes au Soudan, et en général chez tous les peuples " Bantous " marque une réaction évidente de la civilisation chamite asiatique sur les populations primitives africaines.

Il est très vraisemblable, et même nécessaire que l’Egypte ait été en cette occasion l’intermédiaire entre l’Asie et l’Afrique. Il faut en effet se souvenir que, dès l’ancien empire, les Egyptiens étaient en possession de tous les métiers industriels, qu’ils eurent besoin d’une main d’œuvre considérable, et firent travailler des populations entières d’esclaves, des chamites asiatiques, des touraniens, des sémites. D’autres fois des armées entières de mercenaires étrangers se révoltèrent et s’enfoncèrent d’elles-mêmes dans le sud (Maspéro).

L’histoire de l’Egypte présente quantité d’évènements de cette sorte. On y voit constamment des peuples inconnus tenter d’envahir le pays, puis, vaincus, soumis, servir d’auxiliaires aux Egyptiens.

De toutes façons, ces énormes agglomérations finissaient par être un danger. Bien peu réussissaient comme les Hébreux à repasser en Asie. On les poussait vers l’intérieur du continent où elles se fondaient dans les races Ethiopiennes.

L’ensemble des peuples que l’on désigne sous le nom de " Bantous " peut seul représenter l’action exercée par l’Egypte ancienne sur le peuplement de l’Afrique. Nous avons déjà constaté la parenté étroite des bantous avec les peuples primitifs, notamment les Foulbés, nous avons vu que chez tous les bantous, on constatait la présence des castes.

Il nous reste à étudier certains caractères nouveaux qui leurs sont propres dans toute l’Afrique, et se retrouvent presque partout au Soudan. Ils nous permettront de déterminer les autres éléments entrés dans la composition de cette race, à qui appartient la plus grande partie de la population de notre colonie soudanaise :

1° la forme du crâne est en général beaucoup moins allongée. Le développement des bosses pariétales, considérable chez le Poul , est très diminué. Un élément brachycéphale est nécessairement entré dans la composition de Bantous.

2° Le mécanisme des langages est redevenu inférieur à celui du poular. Il tend vers l’agglutination (Soninké, Songhaï) en gardant cependant quelque chose des flexions et combinaisons des langues leuco-Ethiopiennes [35]. En même temps que l’agglutination, les langages Bantous inaugurent en Afrique, la numération décimale [36].

3° Ils ont le culte des morts qu’ils représentent quelquefois par des troncs d’arbres sculptés ou de petites statuettes funéraires. Beaucoup d’entre eux ont l’habitude de se tailler les incisives en pointes.

4° Chaque famille a son animal éponyme qui est sacré pour tous ses membres. Tous les hommes qui ont le même " diamon " ou nom de famille, respectent et considèrent comme un frère le même animal . Cette dernière coutume a une importance considérable, car elle est partout caractéristique des peuples mongoloïdes ; c’est le totem des indiens d’Amérique [37] dont on trouve l’analogue dans toute la Malaisie et chez les Papous. En fait toutes les particularités que nous venons d’énumérer appartiennent bien aux races mongoloïdes et des remarques de toutes sortes contribuent à donner ici la preuve de leur intervention.

M. Staniland Wake remarque que la nature des langues africaines indique une influence asiatique qu’il ne peut s’expliquer. Les traditions s’en chargeraient s’il était permis d’y ajouter foi complètement. Alboufeda dit en effet d’après Ibn Saïd : "  Les montagnes de comr ou de la lune où le Nil prend sa source ont ainsi été nommées du nom des populations qui les habitent : les comr. Ce peuple est frère de celui de la Chine. "

Ibn Saïd ajoute : " Les Comr, ainsi que les chinois, descendent d’Amour fils de Japhet. Ils habitaient autrefois dans le nord de l’Asie, puis ils se répandirent dans les îles (?) et de là successivement sur le continent africain. "

Si l’on tient compte de l’énorme extension déjà constatée des peuples mongoloïdes dans les temps préhistoriques, on conviendra que ce récit n’a rien d’invraisemblable. Le nom de « Comr » sous lequel Ibn Saïd confondait Madagascar, Java et Sumatra se retrouve dans les Comores.

Avant l’apparition des premiers sémites, les sumériens qui dominaient dans les empires de l’Asie Occidentale étaient fortement croisés de Mongols. [38]

On peut donc admettre qu’un élément ethnique mongoloïde ait immigré très anciennement en Afrique soit par l’océan Indien, soit par l’Arabie méridionale et le comal et contribué par son alliance avec des peuples primitifs à former l’élément principal des populations africaines actuelles, la race Bantou dont le grand rameau soudanien porta le nom de Makoré.

Ce nom dont sont venus ceux de Gangaran, Gangari, Gangaraoua était celui des populations de l’empire  de Ghanata ; nous étudierons ailleurs quel fut leur rôle. Bornons- nous à constater que ce nom a une configuration identique à ceux des peuples bantous dans les autres parties de l’Afrique : oua Nyamouezis, oua zimbas, oua Nyoros, ouassoulous de Stanley, que cette forme caractéristique a pu être assimilée avec certitude aux formes Baribas ou Yaribas ,Bamanas ou Yamanas, yaminas, Yaroubas, Yaoris, Yaramans ou Diaramans (Songhoïs).

Tout ces préfixes sont identiques et doivent être rapprochés de ceux de :
Oua, Oua gadou, Oua Kadougou , Ya tenga, Oua rankoï, Oua habou, Oua lata, Oua rgla etc. Ces derniers noms avec celui de l’ancienne Garama (Djerma) qui est le même que Diaramans (Songhaïs) laissent entrevoir quelle a pu être l’extension de l’influence Egyptienne constatée d’ailleurs d’une manière plus sûre par Duveyrier. [39]

Nous avons vu comment cette race Bantou  a dû ses castes , guerrières ou professionnelles, à l’influence certaine de l’Egypte, et une partie de ses caractères particuliers, à un rameau des plus anciennes migrations Mongoloïdes. Des caractères d’un autre ordre prouvent qu’elle n’est restée étrangère à aucun des éléments ethnique nouveaux qui se manifestaient dans le monde asiatique et que les sémites ont également contribué à sa formation.

Il est d’ailleurs évident à priori que les masses de populations, déportées par l’Egypte dans l’intérieur de l’Afrique comptèrent de bonne heure, à côté des artisans chamites ou sumériens, une certaine quantité de sémites, mais un apport bien plus important de ces derniers dut se faire par l’Arabie méridionale. L’Yémen a en effet des rapports plus faciles avec l’Abyssinie qu’avec le reste de l’Arabie. [40]

Les Sémites, apparus brusquement au milieu  des peuples Kouschites et sumériens  n’en ont jamais été bien nettement différenciés, et ils n’auraient sans doute jamais été considérés comme une race fondamentale si les traditions hébraïques, reconnues aujourd’hui comme d’origine chaldéenne, n’avaient été appelées à former la base des religions européennes.

La lente substitution des sémites aux sumériens à Babylone et ailleurs, ne marque  peut-être qu’une nouvelle transformation des vieilles races. Pareille évolution n’est pas toujours due à l’apport de nouveaux  éléments ethniques. Comme nous l’avons vu déjà, elle marque souvent un progrès intime sur un plan plus élevé. La véritable justification du nom de race nouvelle appliqué aux sémites, réside dans le nouvel idéal qu’ils apportent à l’humanité ; les hautes facultés d’abstraction, la conception de l’absolu, le monothéisme sémitique.

Ce sont là, les véritables caractères qui, à défaut de mœurs originales, témoignent en Afrique de l’influence sémitique.

Les peuplades africaines étaient aussi peu préparées à se les assimiler, qu’à se modeler sur les formes sociales précédemment étudiées. C’est pourquoi, à côté des castes professionnelles, nous trouvons des castes de prêtres et de magistrats. Celles-ci durent bien plus que celles-là, exercer une influence  immédiate et considérable. Leur prestige fut tel que les populations groupées autour d’elles, finirent par s’attribuer les traditions et les origines du petit noyau des nouveaux arrivés. Elles le font encore aujourd’hui, et ces assertions, suivant lesquelles tout le Soudan viendrait du Yémen, doivent être examinées avec prudence.

C’est ainsi que les Foulbés descendraient d’un fils d’Hymier [41], ou du fameux Okbat venu de l’Yémen.

Le même Okbat devient dans le manuscrit de Bello, un officier des Sehabat qui apporte au Soudan la religion de Mahomet. Ses fils qui sont les foulbés ( ?) parlent une langue nouvelle ( ?) différente de celles de leur père (l’arabe) et de leur mère (Le wakoré) , une touronde (torodo).  A l’époque où ce manuscrit est rédigé, la mode change. Tellement il est vrai que l’Afrique reproduit toutes les révolutions asiatiques ; au Soudan comme en Arabie, l’influence et le prestige sont passés des Kahtamides aux Ismaëlites, et tous les peuples qui venaient autrefois de l’Yémen veulent maintenant descendre de Mahomet.

Toutefois, maintenue dans ses véritables limites, l’influence ancienne des Sémites sur l’Afrique est indiscutable. Les traditions et les renseignements historiques sont là pour en témoigner. Ils attribuent  à des Kahtamides la fondation des empires de Ghanata (Ouakorés- Bantous) Songhaïs , du Bornou, et à des émigrants chassés de l’Yémen, l’origine des Yaminas,Yaribas, Yaoris et Nupé du Bas Niger. [42]


Nous pouvons résumer ainsi les conclusions à tirer de cet ensemble de remarques :

  L’Egypte ancienne a servi presque exclusivement d’intermédiaire entre le monde  asiatique et l’Afrique.

  Des populations nouvelles sont nées de l’alliance de ces esclaves, mercenaires et auxiliaires, chamites et sémites avec les nègres d’alors, produits eux-mêmes du croisement d’Ethiopiens primitifs et de Mongoloïdes.
Ces populations furent les " coptes " ou le type grossier des monuments Egyptiens [43] . Ce sont les Bantous d’aujourd’hui.

3° Ces populations, qui ont aussi reçu des contingents importants de l’Arabie méridionale, se sont peu à peu répandues dans tout l’occident de l’Afrique, (Garamantes, Ouakorés de Ghanata) et partout où l’on constate l’existence de castes.

4° Parmi ces castes, les unes, d’origine plutôt sémites [44], se créent une influence morale qu’elles tendent à exploiter immédiatement par leurs propres forces (prêtres et magistrats), les autres, chamites, où plus exactement, à cette époque, sumériennes, se contentent momentanément d’une situation inférieure, prêtes cependant à se faire les instruments d’un dominateur quelconque et à s’élever avec lui.

A partir du moment où nous sommes parvenus, si les données historiques augmentent, la clarté et la précision n’en tirent pas grand profit ; car il ne s’agit plus de distinguer entre des races très différentes, mais entre des manifestations diverses de races analogues produisant des effets contradictoires suivant les fluctuations des circonstances.

Les masses hétérogènes, déportées par l’Egypte, les Hymiarites de l’Yémen, pouvaient bien apporter en Afrique une conception nouvelle de la vie, empreinte des sociétés qui les rejetaient, mais il ne faut pas oublier que ce n’étaient en somme que des populations d’esclaves, et qu’elles n’avaient ni la force de volonté, ni la cohésion nécessaires pour faire des révolutions. Elles ne pouvaient que s’infiltrer dans le monde africain, inassimilables, mais également impuissantes par fatalité d’origine, inaptes à l’action directe, incapables de fournir " les maîtres ".

Les Egyptiens avaient bien trouvé sous la 12° dynastie la force de coloniser l’Ethiopie, mais le Soudan était, hors de leur atteinte ; pour s‘engager si loin, à cette époque, il ne fallait rien laisser derrière soi, et Mizraïm était pour eux " toute la terre ".[45]

Pour que le Soudan connut la conquête, il fallut qu’un nouveau flot asiatique les renversât, avant qu’ils eussent eu le temps de le désagréger, et d’épuiser ses masses en travaux gigantesques.

Sous la quinzième dynastie c’est à dire 24 ou 25 siècles avant notre ère, les Hyksos envahissent l’Egypte, en restent les maîtres pendant six cent ans sous trois dynasties puis disparaissent soudainement.

Ce que nous savons des influences antérieures de l’Egypte sur l’Afrique ne permet pas de douter que cette formidable révolution [46] suivie d’une occupation aussi longue n’y ait laissé des traces importantes.


Les Hyksos


Après avoir essayé de décrire la physionomie générale des populations soudanaises, il nous reste à parler de leurs maîtres. L’histoire de nos progrès dans le pays suit un plan différent.

Dans la période de conquête, les rois et les chefs noirs furent nécessairement les premiers avec qui nous dûmes entrer en contact et nous avons appris à les connaître, avant les peuples qu’ils semblaient défendre. Ils ont aujourd’hui disparu, ou reculé très loin, et nous sommes étonnés d’avoir à constater combien ils étaient étrangers à leurs peuples.

Ailleurs, dans ce que nous imaginions d’un pays régulièrement et puissamment organisé, la fortune de la Nation, celle de son aristocratie, et celle du souverain sont intimement liées ; tandis qu’ici, les peuples ont très vite oublié leurs anciens maîtres, et les maîtres sont allés porter ailleurs leur fortune d’aventuriers, traînant derrière eux leurs clients et leurs gens de castes qui en étaient seuls la base et le soutien. Ils n’étaient pas chefs de peuples, mais chefs de bandes, et Samory et Ahmadou ont pu reculer de 800 kilomètres sans cesser d’être redoutables.

Nous sommes obligés de constater chez de tels hommes une puissance active, étrangère au sol comme à ceux qui le font produire. Nous allons essayer de décrire son caractère et d’entrevoir son origine.

Les Toucouleurs du Fouta -Toro commandés par leur Siratie ou Silatigni ont longtemps imposé une barrière infranchissable aux commerçants sénégalais [47] du 18ème siècle. A cette époque ils n’étaient pas, autant qu’aujourd’hui, des observateurs fervents de la religion de Mahomet et le pouvoir central n’en était que plus solidement établi, trouvant sa raison d’être dans la nécessité de résister aux Maures.

Mais le titre de Silatigni, vaut à lui seul une description. Il représente l’influence du sud païen contre le nord musulman. Ceux qui le portent sont des descendants des Déniankés mandingues qui furent conduits dans ce pays de Fouta par les fils de Sundiata Keïta [48].

Dans une autre partie de ce travail, nous examinerons en détail quel fut le résultat de la fusion des Pouls premiers occupants avec les mandingues envahisseurs. Il nous suffit de constater pour le moment qu’un élément mandingue a fortement influé sur la formation des populations Toucouleurs et leur a fourni leurs chefs.

L’histoire nous apprend en outre que ces malinkés Keïtas ont été les fondateurs  d’un immense empire (Mali). Puis les annales soudanaises, rédigées par un arabe, ne s’occupent plus que de l’empire Songhaï [49] produit d’influences septentrionales, et nous arrivons à l’histoire contemporaine.

Nos voyageurs (Raffenel) ont pu voir de leurs yeux les anciens Bambaras, comprendre par quelle formidable discipline, basée sur l’organisation d’une véritable aristocratie de chefs secondaires, les malinkés Kouloubalis avaient pu mettre en mouvement et maintenir ces masses de primitifs qui transformèrent en un jargon inarticulé la langue agglutinante de leurs maîtres [50].

 Raffenel nous fait un portrait frappant et complet de ces Kouloubalis : " Sakha est d’une taille élevée, mais d’une extrême maigreur. Son visage est démesurément long. Son oeil est bridé, et taillé obliquement dans un front bombé comme l’œil des chinois.(j’ai retrouvé depuis chez d’autres Kouloubalis ce signe caractéristique). Il a le regard éteint comme celui d’un homme adonné à l’ivresse, sa couleur est celle des Peulhs… Les Couloubalis sont la caste souveraine des Bambaras  du Kaarta… Leur société habituelle se compose des cordonniers, forgerons et griots, c’est à dire de la portion la plus dégradée de la population ". [51]

Raffenel , en observateur attentif et judicieux, est frappé de la ressemblance étonnante de certains mandingues avec le type classique mongol. Il est facile de contrôler la justesse de ses remarques, et certains représentants authentiques d’anciennes familles, entre autres les mandingues kéïta de race rogule, fourniraient sans doute les résultats les plus curieux à la mensuration anthropométrique . Leur brachycéphalie évidente, la hauteur et l’aplatissement de la racine du nez, l’orientation oblique des yeux, accentuée fréquemment par l’existence du pli palpébral, la forme losangique de la figure, déterminée par la dilatation transverse des maxillaires et des jugaux, sont des caractères essentiellement mongoliques.

Ces grandes familles malinké sont bien une race à part qui porte encore sur sa figure la marque de son origine. Le rôle qu'elles ont joué au Soudan suffirait, à défaut d'autre caractère, pour le prouver.

Groupant autour d’elles tout ce qu’il s’était accumulé de déchets asiatiques : aventuriers, pillards, prêtres de toutes religions, gens de castes et de métiers, au milieu des populations primitives, elles se sont imposées aux peuples les plus divers, créant des empires sans nationalité, des royautés sans autre base que le pillage, et l’exploitation jusqu’à épuisement des gens attachés au sol.

Déplacement par la force de populations entières, vendues ou entraînées, comme celles qui devinrent les Bambaras, dans des expéditions sans but, dépeuplement systématique, par la famine ou le massacre [52]
;  ce furent là les fléaux que le Soudan connut par le fait de cette race de conquérants, la tradition que Samory Touré, descendant d’une famille cliente des Kéïta de l’empire de Mali, est heureusement seul aujourd’hui à représenter.

D’autres contrées ont aussi connu des invasions furieuses d’hommes au type mongoloïde, si terribles qu’on les appelait : " fléaux de Dieu " et que " l’herbe ne repoussait plus là où ils avaient passé ". A des époques diverses , ils sont apparus, venant du nord, submergeant par deux fois l’Asie ancienne, ou se ruant plus tard encore à la curée de l’empire romain.

L’Egypte les vit un jour s’abattre « sur elle », comme une nuée de sauterelles, " villes, temples, tout fut ruiné, pillé, brûlé. Une partie de la population mâle fût massacrée. Le reste, avec femmes et enfants, réduit en esclavage, Memphis soumise, et le Delta conquis en son entier. Les Barbares élirent roi un de leurs chefs, Shalati (salatis, saïtes)… Les Egyptiens appliquèrent à leurs vainqueurs le nom de Shous, Shason, pillars, voleurs… Leur roi fut dans leur bouche le roi des Shasou : Shalati-Hyk-Shasou dont les Grecs ont fait Hyksos… Le souvenir de leur cruauté resta longtemps vivant dans la mémoire des Egyptiens. " (Maspéro)

M. Maspéro nous dit que les Hyksos étaient des  Chananéens. Il est certain que la majorité d’entre eux devait se composer de sémites pasteurs, mais il est aujourd’hui non moins prouvé que ces derniers étaient encadrés et dirigés par une  aristocratie scythe ou mongol, et que leurs rois appartinrent à cette race.

Du reste, des mongols ou touraniens s’étaient établis depuis longtemps dans les empires Sumériens de la Mésopotamie, et " bien avant l’invasion des Hyksos en Egypte, des migrateurs de race mongolique étaient venus s’installer en conquérants dans une grande partie du sud-ouest de l’Asie… Les rois d’Hyksos dont les bustes furent trouvés dans les ruines de Tanis étaient mongols " [53].

Les Hyksos introduisirent en Egypte le cheval qui y était inconnu auparavant comme dans tout le reste de l’Afrique. (Maspéro) C’était le cheval mongol au front bombé, aux cuisses grêles (race barbe primitive) qu’ils appelaient " Sous " identique au Sousou, Sousi des Assyriens. (Piètremont). Les Egyptiens  empruntèrent cette racine aux Hyksos. (Maspéro)

Nous la retrouvons  dans le Souo des Mandingues dont les synonymes sont " si " en Soninké, " is " et " itchou " en berbère zenagha. Le général Faidherbe a démontré la parenté de ce dernier terme avec le " p-outchiou " des Foulbés et le " f-as "» des Ouolofs. L’Afrique berbère et soudanaise désigne bien encore le cheval sous le nom que lui donnaient ceux qui l’y ont amené les premiers.

A-t-elle gardé le souvenir d’une invasion de chananéens sémites mélangés de Mongols ?

Nous lisons dans le manuscrit de Bello :

" Les berbères descendent d’Abraham. Quelques uns prétendent qu’ils sont issus de Japhet, et d’autres de Gog et Magog, dont une tribu qui se trouvait à Ghairoum s’était unie avec les Turcs et les Tartares. "

Ces explications sont bien confuses mais il n’en résulte pas moins que dans la masse de ceux  que les arabes appelèrent berbères, ils eurent à constater la présence d’un élément japhétique. La mention qui est faite des turcs et des tartares semble bien indiquer qu’il s’agit de Scythes ou Mongols et la parenté avec Gog et Magog ne fait que corroborer cette hypothèse.

La tradition d’origine sémite, se garde bien de nous représenter les berbères comme arrivés en vainqueurs par dessus les ruines du moyen empire Egyptien. Elle nous raconte, au contraire, qu’ils auraient été vaincus par les rois de l’Yémen, emmenés captifs dans ce pays , puis rejetés en Afrique par Hémira.
[54]. Les Egyptiens ont heureusement montré plus de franchise. Il se peut d’ailleurs que les Hyksos aient pénétré en Afrique des deux manières. Quant à l’identité des Hyksos et de ceux que Bello appelle les " berbères ", elle ne peut faire aucun doute. L’époque où, selon l’expression de Bello " Afriens régnaient sur l’Yémen et les berbères en Syrie " est bien celle où les Shasou des Egyptiens étaient maîtres de ce dernier pays.(V Salomé Hist.)

Si , maintenant guidés par ce nom de « berbères » qui a pour nous une signification spéciale, nous voulons continuer à suivre la tradition qui les concerne, nous voyons qu’elle se scinde en deux parties, comme leur masse envahissante fit elle-même sans doute. La tradition méditerranéenne, bien connue, nous les montre, " occupant les oasis d’Oualiba et Morekaba à l’ouest de l’Egypte, puis se répandant dans l’intérieur du Garb jusqu’au pays de Sousa " où ils s‘établissent.

La tradition  Soudanaise [55] s’attache à suivre ceux qui disparurent du monde alors connu, en s’enfonçant dans l’intérieur du continent guidés par les directions générales des lignes d’eau auxquelles ils donnèrent, dans le Haoussa le nom générique de  Komadougou (Barth) de l’Egyptien Okéanos (le Nil).

" Ils allèrent d’abord dans un canton voisin de l’Abysinnie… la fortune les seconde et bientôt leur domination s’étendit jusqu’à l’extrémité de cette partie de la terre. Le Oudaï ainsi que tous les pays de Haoussa étaient en leur pouvoir. Ces berbères avaient un naturel sanguinaire et aimaient la guerre et le pillage. "

Cependant les deux traditions se rejoignent pour la première fois, les Berbères du nord détachent des fractions qui rejoignent les Berbères du sud à travers le désert.  « c’est ainsi qu’ils vinrent d’Aoudjal en cinq tribus et qu’ils conquirent l’Aïr. " [56]

L’influence de leur sang sur les Lenco-Ethyiopiens, nomades primitifs, les anciens Mazies d’Hérodote laisse des traces qui n’échappent pas à Barth : " Je fus surpris de rencontrer si fréquemment (chez les iguadaren), les noms de Shannël, Saül et Daniel, tandis qu’ils ne se trouvent pas chez les Arabes. Je crois découvrir dans cette circonstance l’existence d’un rapport étroit entre ces tribus berbères et les chananéens. "


Nous avons vu que la majorité des Hyksos était, d’après M .Maspéro, composée de chananéens.

Nous allons revenir maintenant aux berbères du sud que nous avons laissés maîtres du Soudan central. La tradition qui les concerne se tait désormais, impuissante à les suivre en tant que races distinctes, mais, sur  toute la ligne d’invasion, du haut Nil au Niger, la chaîne ininterrompue des mœurs et des caractères va pouvoir nous guider encore mieux que n’a fait le fil coupé de la tradition.

Si, des deux éléments dont se composaient les Hyksos, le sémite pasteur disparaît sans laisser la trace d’une originalité  bien marquée, le Mongol lègue à ses descendants la physionomie spéciale, l’impulsion guerrière, dominatrice et destructrice qui lui sont propres.

On a vu que la circoncision était chez les primitifs Ethiopiens comme chez les Egyptiens et les Sémites asiatiques universellement pratiquée et revêtue d’un caractère religieux. Cependant un grand nombre de peuplades du Haut-Nil ne la connaissent pas  et ce caractère ne peut provenir  d’une autre origine que de ces barbares du nord, incirconcis, que maudissent les inscriptions Egyptiennes. D’autres traits particuliers les en rapprochent encore. Les O’chouoka ou chillouks vénèrent un certain héros qui les a conduits à l’endroit où ils habitent.

Schweinfurth remarque le caractère important que présentent chez eux les os du nez : " les avoir si profondément implantés qu’ils semblent comprimés par le front, est en discordance avec le type commun des races nègres. "

Il s’agit de l’aplatissement de la glabelle et de la racine du nez qui a été déjà présentée ci-dessus comme un caractère mongolique. Il serait devenu familier à Schweinfurth si celui-ci avait pu demeurer quelque temps au milieu de nos Malinkés et Sosés du Soudan Méridional.  Le même voyageur remarque en outre que, de tous les noirs qui habitent les bords du Nil, les chillouks avaient, avant l’arrivée des arabes, le gouvernement le plus régulier. Ceci ne peut que confirmer nos suppositions, car les Hyksos comme les Khétas leurs proches parents basèrent leur puissance sur une hiérarchie féodale fortement organisée.

Les Nyams-Nyams, brachycéphales, ont pour arme de jet la troumbache, sorte de couteau à plusieurs lames que l’on retrouve chez les Tédas, et aussi entre les mains des Marguis et Mousgos du Tchad. Ils déclarèrent la guerre à Schweinfurth : " Trois objets étaient suspendus à la branche d’un arbre, un épis de maïs, une plume de coq et une flèche, souvenir frappant du message lointain envoyé au roi de Perse quand il voulut pénétrer au cœur de la Scythie. "

Les Hyksos, qui emmenèrent en Afrique la première race de chevaux qu‘elle ait connue, durent la voir se perdre dans les régions malsaines du Haut- Nil comme au Soudan occidental. Cependant aux environs du lac Tchad où le désert est  plus rapproché, les mousgos déjà mentionnés ci-dessus ont pu conserver des chevaux de race mongol et nous donnent une idée de ce que devaient être les cavaliers sauvages qui tombèrent du nord sur l’Egypte vingt cinq siècles avant notre ère : " une des choses les plus remarquables chez les Mousgos est leur manière réellement barbare de monter à cheval, afin d’être bien assis d’aplomb, ils ouvrent une large plaie sur le dos de leurs robustes petits chevaux…mais ce n’est pas tout…ils se pratiquent une incision à la partie interne des jambes, pour que le sang qui en coule les fasse adhérer aux flancs du cheval car ils n’ont ni selle, ni étriers, ni bride, mais seulement un simple licou. " [57]

Au Soudan occidental, devait se terminer l’exode des hordes asiatiques, maîtresses désormais suivant l’expression de Bello, de " cette extrémité de la terre ". Elles cherchèrent sans doute à s’y installer, et créèrent les étonnantes organisations dont nous avons pu voir  les traditions et les restes au Dahomey et au Mossi. [58]. Faire un tableau de ce qu’était la royauté Dahoméenne sortirait de notre cadre, et décrire celle de Mossi serait encore prématuré.

Nous citerons seulement un passage de Bello relatif aux peuples de la boucle du Niger : " Ceux des montagnes  sont de la tribu des sakais. Ce sont de grands guerriers. Ils ont beaucoup de chevaux prompts à la course et de bœufs…Une ville du nom de Homberi dont le roi s’appelle Nouhou-Ghalou-Fama de la tribu des Sakai. " Le véritable nom des Scythes étaient les " Sakés " dont les Grecs ont fait scythe (maspéro). On pourrait voir là l’explication de ce que les Habés se déclarent parents des mandingues. Le sont aussi évidemment tous les peuples de la boucle qui ne pratiquent pas la circoncision " ce rite qui avait délivré l’homme de l’obligation du sacrifice humain. " (Maspéro) [59]

En effet, " les scythes, ancêtres des tartares, sacrifiaient à leurs dieux (des victimes humaines). " (Hérodote)

Les royautés et aristocraties du golfe de Guinée [60] ont également conservé beaucoup des mœurs des anciens scythes qui " avaient des devins chargés de prédire l’avenir, et, quand le roi tombait malade, de désigner à la vindicte les auteurs présumés du maléfice. Si celui-ci venait à mourir, non seulement les prémices de toutes choses précieuses qu’il avait possédées étaient enterrées dans sa sépulture, mais, avec elles,  une de ses femmes, ses principaux serviteurs, ses chevaux, étranglés au préalable. " (Marco-Polo)

Ces citations ont trait aux Scythes d’une invasion en Asie, bien postérieure à celle des Hiksos, mais ils n’avaient pas changé, non plus que les Huns dix siècles plus tard encore.

" Comme les Huns, les Sakés (Scythes) n’épargnaient ni l’âge ni le sexe, ils détruisaient les moissons, abattaient ou enlevaient les troupeaux, incendiaient les villages  pour le seul plaisir de détruire ou d’effrayer ; les habitants qui n’avaient pas réussi à se sauver dans les citadelles étaient massacrés ou traînés en esclavage. Trop ignorants dans l’art de la guerre pour assiéger les places fortes selon les règles, ils les laissaient d’ordinaire en repos moyennant un tribut, ou ils les bloquaient jusqu’à ce que la famine les réduisit à se rendre. " (Maspéro)

Ce caractère outré de cruauté, d’inaptitude à tirer intelligemment parti d’un élément de richesse sans le détruire a donc pu déjà servir à contrôler à travers les âges des parentés indiscutables, que viennent affirmer à nouveau de nos jours les dévastations de Samory dans le sud du Soudan, et les massacres de l’Asie Mineure, aux deux pôles d’une migration de dix mille kilomètres.

C’est ainsi que  vingt-cinq siècles avant notre ère les Shasous conduits par les Mongols  conquéraient l’Egypte. Trente -cinq siècles plus tard, les hordes barbares des Sousous, Sosés ou Sousokhos envahissaient au Soudan l’empire Ouakoré de Ghanata ouvrant la route aux invasions postérieures des malinkés, conduits par leurs Silatiguis Keïtas.


Les remarques et rapprochements que nous venons d’énumérer peuvent se résumer ainsi :

1° Certains individus, certaines familles, particulièrement chez les mandingues portent sur leur visage et surtout dans leur langue, les preuves de leur parenté avec les races mongoliques.

2° Ils les portent aussi  dans leur esprit, esprit de concentration, de centralisation aux mains d’un pouvoir politique, esprit de conquête et d’oppression [61].

3° L’arrivée de ces éléments mongoliques doit probablement être rattachée aux invasions des Shasou ou hyksos en Egypte et des peuples de même famille, chassés de l’Yémen à la même époque ; invasions auxquelles la tradition sémite attribue trop exclusivement l’origine des populations qui ont précédé dans l’Afrique du nord, les mahométans, et ont reçu d’eux le nom de Berbères.


L’exposé des indications que nous fournissent l’observation directe et les légendes sur les origines premières des populations soudanaises s'arrête ici. Avant d’examiner ce que nous savons de l’histoire des groupements actuels, pour nous faire une idée des réactions qui les ont formés, il importe de jeter un dernier coup d’œil d’ensemble sur les conclusions précédentes, ne serait- ce  que pour leur attribuer tout au juste le degré d’exactitude et de précision qui leur convient.

Nous ferons ainsi en une fois toutes les réserves qui auraient dû être faites à chaque ligne, et qui ont été passées sous silence, pour qu’il fut possible d’être bref, et d’apporter tant soit peu de clarté dans un raisonnement uniquement basé sur des données obscures et indistinctes.

Tout d’abord, en nous reportant à des époques très reculées, antérieures à toute histoire, nous avons constaté une étroite parenté  entre les africains et les asiatiques, quel qu’ait pu être d’ailleurs le lieu d’origine des uns et des autres.

Puis l’Asie s’étant développée, ayant organisé la religion et crée la société, est devenue un centre de rayonnement ; l’Egypte a servi d’intermédiaire entre les deux continents et, bien que les asiatiques en progrès et en transformation s’éloignassent de plus en plus des Africains, immobilisés dans leur état de liberté primitif, les liens de parenté furent renoués à des époques diverses par les apports successifs.

Pas plus que la parenté ancienne des populations primitives des deux continents, le mécanisme de ces apports d’éléments asiatiques en Afrique ne peut être mis en doute. Il nous est imposé à priori par ce que nous savons des lois qui ont guidé le développement général de l’humanité.

D’ailleurs les gens sont encore là, avec leur cachet anthropologique, l’empreinte de leur développement social, les vestiges de leur intelligence supérieure, consciente de l’abstraction, ou de leur impulsion guerrière.

Mais l’incertitude commence et doit subsister dès que l’on veut faire coïncider ces données avec celles de l’histoire. La présence constatée d’un élément ethnique particulier est du domaine de l’évidence, tandis qu’on ne pourra jamais l’attribuer avec certitude à tel événement historique, qui ne diffère peut-être d’autres événements semblables qu’en ce qu’il est connu de nous.

Depuis l’invasion des Hyksos jusqu’à l’islamisme, le mouvement d’immigration en Afrique n’a pu évidemment s’arrêter. Les réactions de l’Asie sur l’Afrique sont devenues au contraire de plus en plus importantes : conquête de l’Abyssinie par les kahtanides , de l’Egypte par les Perses puis par les Romains. Il semble cependant que le centre et l’ouest africain se séparent du monde connu. En tout cas si de nouveaux éléments y pénètrent, quelle que soit leur race, ils trouvent des milieux qui leur sont analogues, et où ils se fondent sans laisser trace d’une originalité qui permet de les reconnaître sûrement.

Des Ariens seuls auraient pu rapporter en Afrique quelque chose de nouveau ; nous verrons plus tard ce que la tradition affirme à ce sujet, sans que, jusqu’à présent rien ne soit venu la confirmer.

Nous devons donc abandonner désormais le mode de discussion que nous avons suivi jusqu’ici. Il ne nous a pas donné de grandes certitudes, toutefois, de tels rapprochements permettent souvent de serrer de plus près la vérité. Ils sont en tout cas justifiés, ne serait- ce que pour prouver combien des hypothèses qui paraissent au premier abord trop audacieuses, sont en réalité plausibles et naturelles sans même avoir besoin de s’appuyer sur des observations scientifiques.





[1 ...
[2]
Cette théorie formait le fonds des croyances égyptiennes, voir Maspéro, Histoire ancienne des peuples de l’Orient.
[3] Caillé T. 1 p 227.
[4] Caillé T. 2 p 118.
[5] Boilat, Esquisses sénégalaises, p .457.
[6] Les porcs domestiques que l’on trouve dans les tribus de la côte occidentale ont été introduits par les Portugais.
[7]
Houssay.
[8] Abr. Fornander, An account of the Polynésian race Londres, 78-80 : " ... une immense influence exercée aux temps préhistoriques par une race d’hommes auxquels les traditions iraniennes assignent pour demeure la contrée de Kousch Dripa. Leur influence se serait étendue des colonnes d’Hercule aux abords de l’extrême orient."
[9] Ile de Ponnipet.
[10] Mourad , Kuste Von Priméa.
[11]
Keane, Journal of the anthropological institute, nov. 84.
[12] A cette race appartiendraient les guanches des Canaries, certains corses, certains Kabyles, les anciens troglodytes de Gibraltar et de l’Afrique du Nord, certains Basques, le type dolichocéphale de Cro-Magnon, les cranes étrusques, dolichocéphales et prognates.Atlantes . ref. Platon (Tinnée) qui d’après les prêtres de Saïs place l’immigration des atlantes en Europe vers 9600 ans avant JC. Hérodote, Diodore de Sicile, Timagêne, Pomponius Mela, Denys de Mitylène, signalent les atlantes, peuple puissant sur la côte occidentale d’Afrique. Ils ont occupé l’Europe (Théopompe) jusqu’à la Tyrrhénie et la Toscane (Platon), la Corse et la Sardaigne, dont le roi Phoreys aurait été vaincu par eux (Varron d’après Servius et Isidore).La comparaison de la flore miocène de l’Europe avec celle de l’Amérique septentrionale a semblé une preuve suffisante de la réunion ancienne des deux continents.
[13] Une coutume bizarre, constatée à la fois chez des australoïdes asiatiques, et chez les anciens noirs soudanais, semble justifier encore l’hypothèse d’une communauté d’origine : le "  trafic à la muette » mentionné en Afrique par Hérodote (Melpomène CXCVI) et par ça Da Mosto en 1755 (Walkeaner T 1 p 309) se retrouve chez les sakais de Péra. Il est décrit presque dans les mêmes termes par Wirchow (Weber die Weddas Von Ceylan) comme existant encore chez les Weddas : " Ils ne se montrent jamais. Ils déposent en un certain endroit leurs marchandises avec le modèle grossièrement représenté des objets qu’ils veulent se procurer en échange et qu’ils viendront plus tard enlever secrètement…Ils sont loyaux et droits. " C’est ainsi que les navigateurs phéniciens commerçaient avec les peuplades de la côte, et que l’empire du Mali échangeait le sel du désert contre l’or de l’intérieur sans avoir jamais à se plaindre de la loyauté de leurs clients. Doit-on voir dans cette ancienne coutume l’origine de celle qui obligeait certains rois à ne point voir la mer ou un européen (Dahomey, Mossi) ?
[14] Sauf les mincopies des îles Andaman dont le type paraît pur, les pygmées se confondent en Asie avec les Australoïdes : Weddahs de Ceylan, Amos du Japon, Traos de Cochinchine, Sakaies du Péra, Aëtas des Phillipines, Djangals de l’Inde Méridionnale.
[15] Akkas de Schweinfurth, Abongos du Gabon, Boschimans, Quimos de Madagascar.
[16] Mariette a lu à côté d’un nain, représenté sur un monument de l’ancien empire Egyptien, le nom d’Akka que des négrilles portent encore dans le Montbouttou (Schweinfurth)
[17] " Les Fellans attaquèrent la ville de Coubhy et la prirent il y a environ quatre ans…Plus de mille Fellans sont établis avec leurs troupeaux dans les plaines qui avoisinent la ville, mais leurs moeurs diffèrent totalement de celles de leurs compatriotes maraudeurs (Richard et John Sander T.1 p.344) Autant le présomptueux poullo des villes est souvent important et insupportable, autant est aimable au contraire le simple pasteur ou colon de cette même nation (Barth  T.2 p.196)
[18] Bulletin soc. de Géographie, juin 1896, et légende des castes peulhs dans Raffenel.
[19] Une sorte d’amour de la liberté propre aux Foulbés (Barth T.2 p . 260).
[20] Denham et Clapperton, T III p.3
[21] Nahoum (VIII°siècle av JC) apostrophe adressée à Ninive : vaux-tu mieux que Pro Amon (Thèbes) Kousch (Ethiopiens) est sa force ainsi que Mizraïm sans borne (Egyptiens) Phout et les Loubins (Lybiens) sont là pour son secours (chap.3 verset 8 et 9)
[22] Bérenger Féraud : légende des amis peulhs. Raffenel : légende des castes peulhes .
[23]
Rev . S Mateer Népotism in Travencore, Londres 83. Le népotisme se retrouve chez les tribus de la Nouvelle Grenade, les Kasias du mont Sylhet ,à Ceylan, à Madagascar, aux îles Fidji.
[24] Tout en n’attribuant aux similitudes de noms que l’intérêt de curiosité qu ‘elles comportent, on peut faire remarquer que les mêmes coutumes sont ici communes aux Naïr du Malabar et aux Oued-Naïl d’Algérie, aux Peulhs du Soudan ainsi qu’aux Pouliahs et aux Billhs de l’Inde.
[25] Ibères fils de Ber, Berbères descendants de Ber fils de Ber. Probablement deux invasions asiatiques distinctes, séparées par un intervalle de temps considérable mais composées de peuples se réclamant d’une même origine.
[26] Manuscrit arabe de Bello rapporté par Clapperton. Atakhov est un terme berbère.
[27] Il est intéressant de remarquer la similitude de noms des Diobas de Niani : adiamats de Casamance, touras du Kissi, touras de la région nord (Saraféré), timénés de Sierra Léone ; toutes peuplades de mœurs semblables.
[28] Certains Foulbés purs du Fouta-Djalon, agriculteurs et non convertis au Mahométisme, présentent un type différent, le même que Barth constata chez les Foulbés compagnons de Galaïdjo, les premiers colons de cette race dans le Macina, qui chassés par Hamet Lebbo en 1818 durent se réfugier dans le Gando. " Par contraste avec les sveltes Fellans ils étaient forts, trapus, porteurs de traits avenants et arrondis et de longs cheveux noirs touffus. Leur physionomie était agréable, son expression presque européenne. "
Il y aurait donc deux types, ce dernier sans doute plus ancien, très rapproché de celui des peuples méditerranéens et qui aurait contribué surtout à la formation des aborigènes ; l’autre le type classique du Poul rappelant les figurations hiératiques babyloniennes et égyptiennes, qui serait entré dans la composition de tous les Bantous et les métis Toucouleurs, Fellans, Fellatahs, et qui par sa ressemblance avec les types sumériens pourrait être supposé modifié déjà par des influences touraniennes
[29] Nous mettons à part les situations nouvelles qu’a crées  notre arrivée dans le pays ; encore , les gens que nous employons, sont-ils considérés par les autres indigènes comme " nos captifs ", c’est à dire des gens bons à tout faire.
[30] Nous employons indifféremment le singulier ou le pluriel selon que l’usage a consacré l’un ou l’autre.
[31] Raffenel, Vol II Légende de la formation des six castes poules.
[32] Il importe de mettre complètement à part les Somonos, pêcheurs du Niger, les Tiouballos des Foulbés les Bozos et probablement aussi les anciens Days de Tombouctou, débris d’anciennes populations, restés attachés à leurs moyens primitifs d’existence.
[33] Alexis Bertrand, Mémoire sur l’introduction des métaux en Occident.
[34]
Denham Clapperton et Oudney (T. I, p.273)
[35] Le Malinké, franchement agglutinant, a été comme nous le verrons, importé ultérieurement. Une grande partie des populations qui parlent cette langue ou des dialectes dérivés sont néanmoins d’après tous leurs autres caractères des bantous ou même des primitifs.
[36] Le cent des Bambaras et des Songhaïs (Mia et Keiné, 80) doit cependant avoir une origine bantou.
[37] L’origine asiatique des populations américaines est prouvée, on a retrouvé en Amérique le diagramme mystique connu en Chine sous le nom de Taïki.
[38] Le buste du Roi babylonien Nébo contemporain de l’ancien empire Egyptien est un véritable portrait de type mongolique (Hanny)
[39] "... a une époque très ancienne a régné dans tout le Sahara une civilisation nègre (Garamantes)… Les Rouara sont les restes de la race sub-ethiopienne ou garamantique qui se retrouve dans le tafilelt, Touat, Oued Rigir, Nefzaoua Fezzan. Par les traits, ils se rapprochent des caucasiens " (Duveyrier)
[40] Lavisse et Rambaud,  Histoire T .1 p.428 , à noter l’étymologie de Abyssinie : Habesch-mélange
[41] Fondateur des dynasties hymiariques (Yémen)
[42]
" … on croit que ces habitants de Yariba descendent des enfants de Chanaan de la tribu de Nemrod . On suppose qu’ils s’établirent dans l’Afrique Occidentale après avoir été chassés de l’Arabie par Ya-Rouba fils de Kahtam. Repoussés d’abord sur les côtes entre l(Egypte et l’Abyssinie, ils s’avancèrent ainsi dans l’intérieur de l’Afrique jusqu’à yariba où ils se fixèrent. Sur la route qu’ils parcoururent ils laissèrent  une tribu de leur nation dans tous les lieux où ils s’arrêtèrent. On présuma d’après cela que toutes les tribus de soudaniens qui habitent les montagnes  en sont issus ainsi que les habitants de Yaori. Le peuple de yariba ressemble en tout à celui de Nupé "  Manuscrit arabe de Bello rapporté par Clapperton.(D’anciennes  populations chamites de l’Arabie ont porté le nom d’aribas)
[43] " …Les Soudaniens sont comme on l’assure, issus des coptes d’Egypte… " (Mmanuscrit de Bello).
[44] " …Les Torodos sont des juifs, d’autres disent des chrétiens… " (Manuscrit de Bello)
[46] Epithète fréquemment accolée au nom de mizraïm dans les inscriptions.
[47] "... jeter les Hyksos sur l’Egypte… tel fut le résultat de l’invasion qui renversa le 1er empire Chaldéen… Les historiens qui recueillirent plus tard le vague écho des traditions asiatiques mettaient l’invasion sur le compte des scythes ; un roi scythe aurait parcouru en vainqueur l’Asie entière et pénétré même en Egypte. La conquête de l’Egypte fut en effet comme le dernier terme d’un mouvement de peuples comparable à celui qui détermina au IVème et au Vèmz siècle de notre ère la chute de l’empire romain " Maspéro.
[47] Lemaire, André Brue
[48] Pour les Déniankés, comme pour le développement ultérieur de l’aristocratie Torodo, voir le 2ème chapitre.
[49] Voir le 2ème chapitre.
[50] Les idiomes sosé, mandingue et bambara, pour ne citer que les principaux forment une famille de langues à racines communes. La langue des sosés que parlent aussi les malinkés méridionaux est seule purement agglutinante, détaillant bien les articulations et les assonances et les proférant sur un rythme bien scandé et uniforme. Le malinké du nord, le bambara et les autres patois, ont acquis plus ou moins une physionomie toute différente, à force d’élisions et d’additions euphoniques. Certains dialectes bambaras redeviennent même en réalité des idiomes isolants avec tendance à la flexion, se rapprochant ainsi des langages  primitifs éthiopiens, les captifs des Kouloubalis, en s’appropriant leur langue l’ont adaptée à leur esprit et à leur gosier.
Les Kassoukés chez qui on trouve beaucoup de Sousokhos (ou sisokhos) parlent une langue qui se rapproche beaucoup plus de celle des Sosés du sud. La comparaison des idiomes  mandingues ou plutôt Sosés avec les langues ouralo-altaïques, mongoliques et Touraniennes sera, pour ceux qui l’entreprendront d’une façon sérieuse et scientifique, la source de documents aussi précieux qu’inattendus.
[51] Raffenel, Nouveaux voyages, p.189.
[52] Tradition des bambaras de Ségou. Voir 2ème chap.
[53] Hamy, Communication à la société d’anthropologie de Paris, 21 janvier 1875. Ne doit-on pas voir là, la véritable étymologie du mot Shason, qui signifierait alors :les cavaliers ?
[54] Manuscrit de Bello.
[55]
Ibid.
[56]
Ibidem.
[57] Barth, T 3 p 37.
[58] Ou Moshi. Doit-on voir une parenté avec les Mousgos du Tchad, ou même avec les Moschiens (Maspéro) ancien peuple de l’Asie mineure ? Ces rapprochements doivent être notés mais simplement à titre de curiosité ; On pourrait d’ailleurs en faire beaucoup d’autres, comparer par exemple les keïtas aux Khetas, ou Khitis et les kamara , Kimmériens ou Gimirri (racine identique dans Comr) nomades des steppes au nord du Caucase. Dans tout le cours de l’histoire ancienne, on voit ces peuples associés aux invasions des Scythes ou Mongoloïdes septentrionaux. Les Kimmériens (alias cimbres, hymris) menacèrent un moment l’Egypte sous Psammetique. Ils pourraient aussi bien y être antérieurement déjà venus avec les Hyksos.
[59] C.f. dans l’Exode IV, l’origine mythique de la circoncision chez les Hébreux.
[60] A l’exclusion de la masse du peuple qui a des coutumes différentes.
[61] Bulletin de la société de géographie, 5 juin 1896