2e Bureau
Affaires
Indigènes Et Géographie
Notice générale sur le Soudan
publiée
par ordre du Colonel de Trentinian, Lieutenant-Gouverneur.
Généralités
- méthode
La
somme des renseignements que nous possédons sur l’ethnographie de
l’Afrique Occidentale forme déjà un bagage considérable. Les premiers
commerçants sénégalais l’ont entreprise dès l’abord, et nous
devons autant à André Brue qu’aux audacieux voyageurs de toutes
nations qui s’engagèrent l’un après l’autre dans l’intérieur du
continent africain. L’un d’eux, Raffenel a étudié avec tant de
conscience et de méthode les peuples qui sont aujourd’hui sous notre
administration directe, qu’il a été la ressource ordinaire de ceux
qui sont venus après lui, et se sont attachés avec persévérance à
l'ingrate besogne de remettre à jour les trésors oubliés. Depuis, il
est vrai, nous sommes entrés en contact
avec des peuples nouveaux, dans la vallée moyenne du Niger,
l’intérieur de la boucle qu’il décrit, et les hautes régions d’où
il sort ; mais ces conquêtes sont de date trop récente pour avoir
pu nous fournir un faisceau complet de documents. Ici l’ethnographie est
à faire par l’observation directe des populations et l’on peut espérer
échapper aux tâtonnements qui ont caractérisé les études antérieures,
en profitant de l’expérience acquise.
Cet essai d’ethnologie, basé sur un classement méthodique des
documents que nous possédons, à pour but de fournir, par analogie, des
indications sur ceux qu’il importe le plus de rechercher comme
permettant de caractériser un peuple, sa physionomie, ses attaches, ses
tendances, en laissant de côté tout renseignement futile ou incomplet.
Le premier progrès à accomplir serait de ne pas se borner à la
description des mœurs et coutumes. Ces renseignements offrent évidemment
un intérêt de curiosité immédiat et accessible à tous, mais ne
fournissent qu’une base insuffisante à la synthèse ethnologique
,s’ils ne peuvent s’appuyer à tout moment sur des données
anthropologiques rigoureuses.
Or, celles-ci manquent absolument. Les quelques chiffres donnés par les
ouvrages spéciaux, moyenne d’un nombre très restreint de mensurations,
ne peuvent prétendre [1]
caractériser des races aussi complexes, aussi mêlées et aussi
peu définies que le sont celles du continent africain. Produits de
plusieurs métissages, vouées par la loi d’incohérence (Darwin) à
l’infinie variété des caractères, dénaturées le plus souvent par
l’apport du sang étranger des captifs, elles doivent être observées
avec la plus grande circonspection. Des mensurations sur le vivant, très
nombreuses mais toujours guidées
par la connaissance parfaite des noms de famille et de tribu, des
diammons, des généalogies, des castes et corporations fermées, auraient
seules une valeur scientifique.
Enfin la collection des renseignements ethnographiques ne peut être complète
que si elle comporte une étude méthodique des langages, c’est à dire,
1° une série de vocabulaires permettant de faire des comparaisons, et
d’étudier les modes de formation des idées générales ; 2°
l’analyse fouillée de quelques phrases judicieusement choisies, au
moyen desquelles il soit possible de déterminer le mécanisme de la
combinaison des idées générales en raisonnements.
Nous avons déjà fait allusion au peu d’homogénéité des peuples
africains. A part les Foulbés, de race pure, aucun des groupements
ethniques qui paraissent aujourd’hui s’imposer, ne présente un
ensemble de caractères bien définis qui lui soit propre. Il est évident
que chacun d’eux participe inégalement d’éléments communs.
Staniland Wake se guidant sur les observations contenues dans le " Thésaurus
craniorum " de Bernard Davis, déclare que l’examen des crânes
des peuplades africaines dénote un grand mélange de races ; l’étude
des mœurs, des coutumes et des langages confirme ce jugement. Il n’est
pas étonnant que, dans une haute antiquité des migrations soient venues
, ici comme ailleurs, de fort loin, apporter les éléments de races
nouvelles. Ce qui l’est plus, c’est que ces races nouvelles ne se
soient pas formées.
Ailleurs, en Europe, en Asie, après les invasions, sous le couvert des
empires et des féodalités, des nationalités ont surgi, nouvelles unités
ethniques, œuvres de masses que guidait une foi commune dans le progrès
moral et matériel ; chacune ayant son idéal particulier, bientôt
sa physionomie particulière.
Ici, rien de tout cela, les empires, stigmates de la conquête, les féodalités
édifiées pour l’exploitation des vaincus n’ont guère laissé plus
de traces que le passage d’une tribu de nomades. Aucune nation ne
s’est constituée, aucune race nouvelle ne s’est formée. Elle
n’aurait pu être que le produit d’un idéal nouveau, et c’est
justement ce qui manquait.
Nous sommes en présence d’un mélange confus d’individualités indéfinissables,
auxquelles l’idée d’une initiative, d’un travail actif sur un plan
quelconque est étrangère, et pour qui toute cohésion sociale ne peut être
qu’une hiérarchie d’esclaves. Aussi la filiation individuelle
remplace chez ces peuples l’histoire, qui est la généalogie des
nations, l’enregistrement de leurs idées et de leurs efforts.
Les races diverses qui ont contribué à les former semblent toutes s’être
arrêtées après avoir accompli leur part de travail, et s’être figées
dans leur aspect d’alors ; régression et incohérence telles sont
les lois de leur formation ; ils sont toujours des " témoins "
ou des " composites " sans avoir pu un seul jour être eux-mêmes,
et leur impuissance à concevoir désormais le progrès humain est la
seule induction logique que fournisse le spectacle de leur immobilité séculaire.
On conçoit, dès lors qu’il faille remonter fort loin pour pouvoir
baser sur les origines une synthèse de leurs mœurs et de leurs coutumes,
et, qu’en outre, la nécessité de justifier les hypothèses entraîne
à des considérations générales, étrangères au sujet, sur les races
anciennes et leurs déplacements. Ces inconvénients sont inhérents à la
méthode adoptée ; elle est comme eux inévitable car tout autre
serait artificielle et ne permettrait pas de donner à chaque trait caractéristique
l’importance qui lui est propre.
1ère
partie : les origines
L’examen
approfondi des populations africaines, de leurs mœurs, de leurs déplacements,
enfin de leur histoire récente notée par nous ou par les arabes, les a
fait classer assez généralement en " races aborigènes " et
" races envahissantes ", celles-ci comprenant deux grandes
divisions Foulbés et Mandingues.
Cette
classification, fondée surtout sur les apparences, s’est montrée
particulièrement commode. Elle se prête aux définitions faciles, et
simplifie énormément le problème en enfermant le Soudan dans trois noms
propres. Elle a d’ailleurs un grand fonds de vérité générale comme
tout ce qui est basé sur l’expérience ; son défaut est le manque
de précision. Nous disons qu’il y a sept couleurs dans le spectre
solaire sans pouvoir marquer où celle-là finit et celle-ci commence,
parce qu’elles se fondent toutes l’une dans l’autre. Il en est de même
ici ; les trois noms propres ne suffisent plus, on pourrait en
augmenter le nombre, mais il y aura toujours des nuances qui seront
insuffisamment caractérisées, et l’on perdrait peu à peu le bénéfice
de la simplicité sans sortir du cercle vicieux d’une méthode
artificielle.
Primitifs :
Les
populations qu’on a appelé aborigènes, par opposition aux
envahisseurs, parce qu’on les voyait toujours refoulées par eux et
devenues leur proie ordinaire, contiennent certains groupements qui
semblent justifier plus que les autres cette appellation. Disséminés un
peu partout, réfugiés à vrai dire dans les montagnes, les contrées marécageuses
ou les forêts de la côte, ces îlots de population présentent un
certain nombre de traits caractéristiques, que l’on peut considérer,
partout où on les trouve, comme les vestiges d’une race apparentée aux
plus anciennes dont l’histoire ait gardé le souvenir.
L’un
de ces traits communs, et sans doute le plus important, est le fétichisme.
L’ensemble de coutumes que représente ce mot sont restées le plus
souvent incomprises. On a observé et décrit les pratiques extérieures
ou ce qu’on en a vu, sans
rechercher l’idée qui avait pu leur donner naissance, et encore moins
l’effort spirituel et le progrès que cette idée avait pu autrefois
représenter.
La
facilité avec laquelle les noirs se « fabriquent eux-mêmes leurs
dieux » a donné aux voyageurs une pauvre idée de leur développement
métaphysique. Il est peut-être vrai qu’à l’heure présente, quantité
de symboles ne représentent plus rien ; mais le symbole est le
dernier vestige de la coutume, et la coutume est née du raisonnement.
Le
fétichisme est nécessairement né d’un système métaphysique élémentaire
dont les traces peuvent être constatées chez presque tous les peuples,
et qui a reçu ailleurs le nom d’ " animisme ".
C’est
la conception d’un plan spirituel calqué sur le matériel, la croyance
à l’âme des choses, aux " doubles " [2]
la tendance à voir un esprit derrière chaque objet, une intelligence
derrière chaque phénomène, une volonté dans chacun des jeux du hasard.
L’homme, conscient de sa nature double voit ce qui l’entoure semblable
à lui, et, comme il constate en lui-même des correspondances intimes
entre la matière et l’intelligence, il essaye, par l’intermédiaire
des forces extérieures, d’influencer les esprits qui leur
correspondent. Tel est le but de la magie ou si l’on aime mieux du fétichisme,
qui fut, en même temps que la première religion, le premier essai de
science expérimentale.
Toute
religion a ses prêtres, toute science a ses écoles. Le fétichisme qui
est l’une et l’autre a ses sociétés secrètes religieuses. Ce sont
le « simo » des Nalous du Rio Rimez [3],
les Lous des Bambaras [4],
le Porro des Timénés, Mama Thiombo des Mandingues [5].
Ces associations semblent bien avoir pour but principal d’exploiter la
crédulité publique, mais il est impossible que cela seul ait suffi à en
déterminer l’institution.
Du
moment que chaque phénomène cache pour les fétichistes une intervention
occulte, il leur devient impossible d’admettre la mort naturelle, et,
comme le soupçon s’établit qu’elle est imputable à l’un d’entre
eux, ils ont recours pour le dévoiler à l’un de ces hasards qu’ils
croient intelligents.
Cet
usage se retrouve partout en Afrique sous formes d’épreuves diverses :
poison judiciaire, fer rouge, etc ,… et constitue l‘argument
le plus sérieux que l’on puisse invoquer pour prouver l’existence
ancienne d’une race homogène.
Un
autre caractère permet de rattacher cette race à l’histoire.
Sur
toute l’étendue de la côte occidentale on peut observer les restes
d’un culte phallique. On en retrouve les traces manifestes dans toute
l’Afrique. Tel est, par exemple le culte de la montagne de Tapa près de
Koniakary. C’est un bloc de forme caractéristique qui a conservé la réputation
de rendre les femmes fécondes. Raffenel nous apprend que cette montagne a
des prêtres, et reçoit les vœux et les offrandes.
La
coutume de la circoncision, commune à presque tous le noirs, suffirait à
prouver que le culte phallique était autrefois pratiqué dans l’Afrique
entière.
L’on
sait d’ailleurs que les hébreux considéraient primitivement la
circoncision comme une offrande, un sacrifice, qu’ils la tenaient ainsi
que l’horreur
de la viande de porc des chamites égyptiens, et ceux-ci des éthiopiens.
Bien loin de devoir être attribués aux invasions sémites, ces coutumes
sont donc vraisemblablement autochtones.[6]
Mais
la zone d’extension du culte phallique s’étend bien en dehors de
l’Afrique. On le retrouve dans le lingam de l’Inde, le tantour de
Syrie. C’est l’antique Priape, le Dieu des Madianites et des
Ammonites, le Baal Phégor des Moabites, le Dyonisos des Grecs et le
Phallus des Latins, c’est le Dieu de la génération, dont le culte
perce sous certaines pratiques en Bretagne
et en Auvergne, tandis qu’il se manifeste clairement en Afrique,
en Asie, en Océanie .
La
science désigne sous le nom de Kouschites les peuples auxquels sont
attribuables les plus anciennes civilisations que nous puissions connaître :
Babylone, Suziane, Gédrosi, sans doute aussi l’Egypte primitive et qui
donnèrent à L’Asie l’impulsion d’où devait sortir le monde
moderne. Les auteurs grecs les mentionnent sous la désignation purement
ethnique d’Ethiopiens (visages brûlés) et les divisent en occidentaux
et orientaux, en nous apprenant qu’ils furent les premiers navigateurs
de l’océan indien et de la méditerranée, et les fondateurs des
premiers empires connus. Les généalogistes sémites les font descendre
de Kousch, fils de Cham. Le ramayana, épopée des migrations aryennes
vers l’Inde raconte qu’elles furent en contact avec des peuples noirs.
Ils adoraient un Dieu Kouscha que leur chef faisait porter devant lui sous
la forme d’un phallus d’or.
Cette
explication semble plus acceptable si l’on considère que
les Ghiliaks sibériens, porteurs d’amulettes phalliques donnent
encore à leur Dieu ce nom de Kousch qui apparaît si fréquemment dans le
vocabulaire de l’Asie Centrale.
Si
l’on tient compte du fait que les Suziens furent dès la plus haute
antiquité en rapport avec les côtes de la Méditerranée [7]
qu’en outre le mode de peuplement des archipels océaniens [8],
l’étude des races qui les habitent, les découvertes qu’on y a faites
de véritables villes maritimes aux proportions cyclopéennes [9]
prouvent qu’ils furent visités par des peuples noirs et très habiles
dans l’art de la navigation, on aura des bases suffisantes pour affirmer
que, partout où on le rencontre, le culte phallique marque un point de la
zone d’extension des races kouschites quel qu’ait pu être
d’ailleurs leur centre de rayonnement.
On
doit encore leur attribuer comme caractères secondaires le plus grand
nombre des pratiques chamanites, observées en Asie, en Afrique et en Océanie :
la simulation du rapt de la fiancée, le mode d’accouchement (position
agenouillée ou accroupie) commun à toutes les femmes du Soudan ; le
port des amulettes, la signification comme emblèmes religieux des
perches, bâtons, branches d’arbres, ornés de rubans, de chiffons ou de
longues tresses d’écorce. Puis les cérémonies qui accompagnent la
circoncision au Soudan et chez tous les peuples Bantous : les
Mandingues, dit Caillé, parcourent le village après la circoncision
ayant un roseau dans la main gauche. La même coutume se retrouve partout
en Guinée [10].
D’après Diodore de Sicile, les Egyptiens approchaient leurs Dieux avec
une touffe d’agrostide à la main. Bérose nous rapporte que des
pratiques semblables existaient chez les Mésopotamiens. [11]
La
seule conclusion à tirer de tous ces rapprochements est la présomption
d’origines communes, et, sur ces origines, ce que nous pouvons savoir
des Kouschites va nous donner des indications précieuses.
A
la zone d’extension des kouschites correspondent celles des monuments
cyclopéens, et des populations foncées, australoïdes et négritos, ces
derniers assimilés par la science moderne aux Pygmées des auteurs
anciens.
Les
monuments mégalithiques se trouvent dans l’Europe Occidentale,
l’Afrique du Nord, l’Arabie, la Palestine, l’Asie Centrale, la Côte
de Malabar, les monts Nilgherries, le plateau du Dekkan et l’Indonésie.
On croit qu’ils doivent être
attribués à la « race atlantique » de Quatrefages et Hanny. [12]
Serait-ce le croisement de cette race avec les négritos qui aurait formé
les australoïdes ? [13]
On
devrait alors lui attribuer les caractères suivants, qui se trouvent chez
plusieurs de nos aborigènes de la côte : implantation
régulière des cheveux, tendance à devenir longs, à se mettre en
" vadrouille ", musculature puissante donnant à l’homme un
aspect " ramassé ", la dolico-céphalie, le culte phallique
primitif, et, avec la science de l’agriculture, le sentiment de la
propriété.
Les
négritos d’Asie [14]
et les négrilles d’Afrique [15]
qui représentent sans doute le plus ancien élément ethnique particulier
aux régions tropicales [16],
ont apporté aux peuples de nouvelle formation : l’implantation de
cheveux en touffes frisées et laineuses, la brachycéphalie, la petitesse
de la taille, caractère inférieur qui a du disparaître devant la sélection ;
le prognatisme et la platyrhinée ; comme religion l’animisme ;
comme langues les idiomes isolants ; comme moyens d’existence la
chasse et la pêche, comme habitations, ces hangars caractéristiques où
s’abritent encore par tribus, les Mincopies des Andamans, et les Bagos
du Fouta-Djallon.
M.
de Quatrefages, dans son étude spéciale sur les Pygmées, conclut pour
nous : " L’ère d’extension de ces peuplades était
beaucoup plus vaste dans les temps primitifs que de nos jours. Les Akkas,
les Aétas, les Sakaies ne sont que les tristes débris de peuples jadis répandus
depuis le Japon jusqu’au Sénégal, en passant par la Malaisie et par
l’Inde. A défaut de textes anciens, on aurait pu reconnaître
cette expansion première par le seul examen de certains sujets que l’on rencontre parmi les Japonais, les Malais, les Dravidiens et les Nègres...
Ces peuplades Pygmées, antérieures à toute histoire, contemporaines des
premiers temps, paraissent avoir pour demi-frères les Korred, rejetons
d’anciennes familles de nains maintenant clairsemées en Bretagne et en
Armorique, et certains allophyles des régions Baltiques, descendants de
cette petite race d’hommes quaternaires qui habitaient l’Europe à
l’époque où vivaient en France, le rhinocéros et l’éléphant. "
Deux
points sont désormais acquis ; des populations anciennes de l’Asie
et de l’Afrique ont participé aux mêmes origines ; en Asie, ces
populations ont crée les premiers empires, organisant la religion et la
société, pour être submergées par les races nouvelles qu’elles
avaient instruites.
Devrons-nous
être étonnés si l’étude de l’ethnographie en Afrique nous prouve
que ce continent a subi le contrecoup de tous les bouleversements
asiatiques, et que des migrations y parvinrent lancées vers une voie
d’extension qui leur était naturelle ? C’est au contraire une
hypothèse vraisemblable à priori.
On
a été fort surpris d’avoir à constater parmi les nègres,
l’existence d’un peuple d’une nuance plus claire, d’une
physionomie toute différente, et d’un esprit très supérieur. Les
faits et gestes de ce peuple ont provoqué non moins d’étonnement. On a
cru le voir, pasteur paisible se transformer du jour au lendemain en un
guerrier redoutable et fanatique, s’agit-il bien des mêmes hommes ?
Les procédés d’extension des peuples qui se donnent le nom de Foulbés
sont en effet de deux sortes : de petites tribus sans relations
suivies entre elles, composées d’hommes au visage clair, à
l’attitude humble et timide, aptes à l’agriculture, mais surtout
bergers s’infiltrent peu à peu dans une région.
Lorsqu’ils
sont parvenus à être en majorité, à constituer par leur travail un
fond de richesse pouvant être la base solide d’un pouvoir politique,
celui-ci est généralement établi de force par leurs métis qui se
nomment comme eux Foulbés, parlent leur langue , manifestent un
instinct guerrier et une intelligence remarquable, et se font partout les
instruments fanatiques de la propagande mahométane. La différence
d’aspects, de mœurs et de tempérament que présentent ces deux catégories
de Foulbés ont d’ailleurs frappé la plupart des voyageurs. [17] Elles veulent être étudiées séparément ,et
dans une nomenclature de peuples primitifs, les Foulbés purs,
pasteurs et agriculteurs, peuvent seuls trouver leur place.
Les
Foulbés purs, sont, au Soudan, les seuls que l’on puisse nommer une
" race " en considération de leur homogénéité de langage,
de mœurs et de physionomie. Ils sont aussi seuls à ne pas occuper un
rang parmi les peuples soudanais, bien que leur sang ait contribué a la
formation de la plupart.
C’est
parce que le Poul est inapte à comprendre de lui-même l’utilité
d’un groupement social [18],
en homme véritablement libre, qui suffit lui-même à tous ses besoins,
et estime que se servir des autres est déjà une sujétion.
C’est
ainsi qu’il n’est pas conquérant et n’a pas d’esclaves, mais il
croit que la terre est à tout le monde, et qu’où va son troupeau il
est chez lui ; il sait plier devant la force, presque certain de la
fatiguer à la longue, par l’inerte obstination qu’il met à réaliser
son plan de vie. [19]
Le
type du visage des Foulbés, si différent de celui des nègres, n’est
ni aryen ni sémite. La ressemblance paraît frappante avec ce que les
anciens monuments nous permettent de connaître :
-
de type égyptien
(primer-ber)
- de type lybien (monuments Egypte)
- de type sumérien (Chaldée)
On
peut constater de nos jours la similitude d’aspect des Foulbés, des
Lascars et en général des Dravidiens et Kolariens de l’Inde (Mathews),
des beurs dolichocéphales de l’Asie centrale, des Brahanis du Béloutchistan.
Leur
langue qui ne présente qu’accidentellement des racines aryennes et sémitiques,
est des plus curieuses. Elle est encore quelque peu agglutinante, mais
elle manifeste une tendance extraordinaire à la flexion accidentelle,
provenant toujours du besoin d’euphonie et de consonance. En outre une règle
domine toutes les autres, fondée sur une opposition absolue de l’homme
et de ce qui lui est extérieur (genre hominin, genre brute).
Sa
parenté avec les idiomes cérère, ouolof et plus généralement bantous
(cafres etc.) semble démontrée. De remarquables rapprochements entre
les vocabulaires poular et polynésiens ont été mis en lumière par
M.d’ Eichtal.
Enfin
un Poul se trouvant à la Mecque aurait pu converser dans sa langue avec
un pèlerin wahabite venu des bords du Golfe Persique.[20]
Il
serait intéressant de rechercher si leur langue comme leur physionomie
permettrait de rapprocher les Foulbés des Dravidiens.
M.
Kranse, après examen de l’une et de l’autre affirme « que les
Foulbés sont des anciens ou proto-chamites c’est à dire qu’ils
doivent être classés dans la grande famille syro-lybienne. La genèse
fait descendre les lybiens de Phout fils de Cham. [21].
Une
particularité des plus intéressante se rencontre chez les Foulbés,
l’importance du rôle joué par la femme. La femme Poul ne se souffre
pas de rivales ; elle dirige le ménage et quelques fois plus
particulièrement son mari. Cette influence de la femme [22]
ne dévoile toute son importance que si l’on remarque qu’elle a pour
corrélatif le " Lévirat " ou transmission du pouvoir par les
femmes qui procède du népotisme
ou héritage du neveu, fils de la sœur. Ces coutumes, comme aussi la règle
imposée à chacun des époux,
d’éviter ses beaux-parents sont communes aux maures, touaregs, tibbous,
elles l’étaient primitivement à un grand nombre de peuples noirs
soudanais : ouolofs, cérères, toucouleurs, soninkés, kassoukés,
assiniens, baïnounks, tinnénés.
Elles
servent dans toute l’Afrique à caractériser la race Bantou, mais
disparaissent peu à peu au Soudan devant les lois différentes de
l’islamisme, aidée d’une autre influence antérieure à celui-ci et
qui sera caractérisée ultérieurement (Mongoloïdes).
Elles
se retrouvent encore bien ailleurs, contemporaines ou historiques, et,
guidés par les analogies, nous allons parcourir
à nouveau la zone ancienne d’extension des peuples kouschites.
Le " Lévirat " est une coutume polynésienne, le " népotisme "
est encore la règle chez les populations actuelles de Malabar qui, protégées
par les Ghates occidentales ont conservé les vieilles coutumes de
l’Inde [23].
Dans
l’Inde, la gynécocratie, poussée à l’extrême avait crée la
polyandrie, dont les traces en Afrique se voient encore dans les libertés
extraordinaires accordées aux femmes de certains peuples du Haut-Nil qui
peuvent disposer d’elles à leur gré à des intervalles de temps déterminés
(Nachtigal) aux femmes de l’Aïr (Barth) de Tombouctou (Ibn Khaldoun)
des ouled Naïl [24]
et aussi dans le sens très large attribué par les noirs aux
termes qui désignent les liens de parenté.
Doit-on
voir dans ces mœurs étranges la marque d’un véritable culte du
principe féminin ; le Baalat opposé au Baal des Kouschites et dont
les restes seraient la pratique de l’excision des femmes, calquée sur
la circoncision, et les deux seins qui décorent souvent l’intérieur de
nos cases soudanaises ? Les Phéniciens chamito-sémites avaient les
deux cultes, et aussi le sabéisme dont il sera parlé plus loin.
La
gynécocratie constatée par Stabon dans les Cantabres était sans doute,
dans le monde occidental, particulière aux Ibères [25].
L’histoire
ou la légende ont enregistré ses triomphes. C’est la reine de Saba, célébrée
dans la bible à côté de Salomon, le comal qu’elle a conquis garde
encore son souvenir. C’est la Kahina, l’héroïne berbère qui tenta
de résister à l’islamisme envahissant. C’est Mirina, reine d’une
nation inconnue dans le nord de l’Afrique (Diodore de Sicile). C’est
encore Aminah, fille du prince de Zeg-Zeg qui conquit les sept provinces
du Haoussa, atteignit les côtes de l’océan et mourut à Atagara
(atakrou) [26].
C’est Omphale et Cléopâtre, filles des Amazones et des Gorgones.
Les
pratiques religieuses des Foulbés provoquent exactement les mêmes
rapprochements, avec un grand nombre de peuples soudanais ; ils
saluent la lune nouvelle. Pour cela, ils mettent comme les Canaques un
doigt sur leurs lèvres et sifflent. Cet usage était en honneur en Chaldée,
il se retrouvait chez les Perses et dans l’Inde. C’est un reste de sabéïsme
ou culte des astres, qui fut une religion de l’Egypte et celle de
l’Arabie méridionale ; enfin Strabon raconte que les celtibères
adoraient une divinité sans nom ; à laquelle ils ne rendaient pas
d’autre culte que des danses à la lumière de la lune.
Rappelons
que pour les Phéniciens, comme pour tous les peuples chez qui on constate
des pratiques religieuses basées sur des mythes astraux (Chaldée) la
lune était la déesse de la maternité, le principe femelle (Baalat,
Astarté).
Les
coutumes funéraires des Foulbés ne sont pas moins caractéristiques. Ils
se ménagent par un bambou creux, ou tout autre moyen, une communication
avec le mort , par où ils pourront lui verser le lait dont il a
besoin. Ceci est une pratique essentielle des Chamanites. Ils abritaient
leurs morts sous de petites maisons et les approvisionnaient par une
communication aménagée, tout comme le faisaient autrefois les Bambaras,
et le font encore les Kahnoucks, certaines tribus du Thibet oriental, des
indigènes de Madagascar et les Diobas du Niani. Dans le Kissi [27],
c’est par un bambou creux que l’on pourvoit à l’alimentation
du mort ; chez les anciens habitants de Djenné, d’après
les restes de leur cimetière, c’était une sorte de cheminée en terre
qui remplissait le même rôle.
Enfin
le Père Delattre, en fouillant le sol auprès de la Malga (Algérie), a découvert
des restes de la colonisation romaine, entre autres deux cimetières où
reposaient des esclaves et des affranchis. " Ce que leurs tombes ont
de particulier, c’est qu’elles sont surmontées d’un tuyau en
briques qui débouche soit au sommet, soit sur les côtés du cippe. Par
ce tuyau on introduisait des libations qui arrivaient jusqu’aux cendres
du mort. "
On
croirait lire la description du cimetière de Djenné.
De
tout ces rapprochements , on peut déduire :
1°
Que les Foubés sont une portion restée pure d’une grande race.
2°
Que cette grande race est entrée en partie dans la composition des
peuples désignés au Soudan comme aborigènes, et de ceux que dans le
reste de l’Afrique on a classés comme " Bantous " et qui
figurent dans l’histoire du Soudan en particulier sous le nom de Onakorés
(Ghanata).
3°
Que les caractères suivants doivent lui être attribués :
La
dolicocéphalie très marquée avec développement considérable
des bosses pariétales ; : le front haut bombé et projeté
en avant ; un adoucissement du prognatisme (prognatisme alvéolaire)
et de la platyrhinnie ; un corps mince et souple aux formes élégantes ;
des membres fluets ne présentant pour ainsi dire pas de saillie
musculaire (absence du mollet) [28] ;
la coutume de tresser les cheveux (forme en casque) : femmes Foulbés
et Kassoukés ; en cadenettes : hommes Foulbés, Kassoukés,
Bambaras, Onassouloukés, en
boules : femmes Onassouloukés, songhais, Kassoukés, Tibbous.
Cette
race dont sont issus tous les Dravidiens, Syro-Lybiens et
Lenco-Ethiopiens, nous représente soit un prototype d’origine inconnue,
peu éloigné des Sumériens, et qui se serait substitué aux Kouschites
sur leur terrain même, soit plutôt le point de développement auquel ces
derniers étaient parvenus, par métissage ou par adaptation, immédiatement
avant l’arrivée dans le centre asiatique du premier flot des migrations
touraniennes.
Jusqu’ici,
parmi les caractères que nous avons observés, nous n ‘en avons
pas trouvés qui fussent le lot exclusif d’aucun peuple. Les Foulbés
eux-mêmes, qui ont pu nous servir à faire ressortir un élément
ethnique, ont fait preuve d’une étroite parenté avec des peuplades
qu’on aurait crues tout d’abord leur être complètement étrangères.
Nous commençons à constater l’impossibilité
absolue où l’on est de trouver un
" peuple " homogène, de tracer des lignes de démarcation
dans ces masses confuses d’individus, dont chacun procède sans doute
plus ou moins de toutes les origines.
Le
répertoire des désignations géographiques issues de groupements mécaniques
et accidentels est impuissant à fournir le plan d’une classification
ethnique. On ne peut pas dire : tel peuple appartient à telle race,
les peuples ne se sont pas formés et les races multiples se sont fondues
dans un creuset formidable. L’on ne peut classer avec méthode que les
documents qui surnagent, et noter les particularités les plus accentuées .
Tels
qu’ils ont été et tels qu’ils sont, les primitifs formeront toujours
le fonds principal des populations africaines. Les apports ultérieurs
seront plus importants par leur originalité que par leur nombre. Sans
changer l’aspect général des peuples ils marqueront ça et là leur
cachet, mais les parentés resteront vagues, les origines communes indécises
et, bien que les hypothèses soient renfermées dans un cercle assez précis,
elles ne pourront jamais être dégagées de l’obscurité qui règne sur
les âges préhistoriques.
Cependant
, en Asie, des peuples se forment. Des races inconnues jusque là, les
aident à construire la tour de Babel, l’immense édifice social ;
et les puissants empires asiatiques, débordants d’éléments
disparates, vont envoyer ces masses hétérogènes dans tous les sens, aux
extrémités de la terre.
Les
déchets des sociétés asiatiques et égyptiennes.
Le
premier symptôme d’une
organisation sociale est la division du travail. Les hommes ont vu
s’augmenter la somme de leurs besoins ; ils n’arrivent plus à se
suffire individuellement et cherchent ,en groupant leurs efforts, à
augmenter leur bien-être aux dépens de leur liberté.
Nous
n’avons rien noté de semblable chez les peuplades que nous avons étudiées,
nous les avons vues au contraire, se suffire partout, chercher
l’isolement et la liberté individuelle. Si nous rapprochons ces
observations du fait que leur sang forme le fonds des populations
africaines, nous pouvons conclure immédiatement qu’en Afrique, la
" société " n’est pas autochtone.
Elle
y fut donc importée au milieu de populations restées encore maintenant réfractaires.
Les colons, impuissants à revenir aux dures libertés de l’âge
pastoral, apportaient deux éléments nouveaux qui, ne pouvant ni disparaître,
ni absorber l’ancien état de choses, se superposèrent à lui ;
les artisans devinrent des salariés déchus et les maîtres, des chefs de
captifs.
Chez
les populations soudanaises, tout individu qui est autre chose que berger,
agriculteur ou captif,
fait partie d’une caste où il est né et dont il ne peut sortir.
La
situation des gens de caste vis à vis des autres hommes libres présente
une contradiction apparente. Comme hommes, comme individus, tous sont
universellement méprisés ; et cependant, partout ou un petit
groupement social, quelle que soit sa forme, est parvenu à s’organiser,
certains d’entre eux jouent un rôle prépondérant, sont au moins les
auxiliaires immédiats de l’autorité et font redouter leur influence.
Ils
sont donc entrés en contact avec les populations primitives de deux manières
différentes : comme simples travailleurs salariés, voués
d’avance au mépris de pasteurs et agriculteurs vraiment indépendants,
ou comme clients d’un maître qui s’est imposé en s’appuyant sur
eux.
C’est
ainsi que chez les peuplades de langue Poule, les six castes :
Diavandos
…hommes d’affaires, intermédiaires.
Torodos…magistrats
Baïlos…forgerons,
bijoutiers
Tiapatos
, Koliabés…guerriers
Tiouballos …
pêcheurs
Jouissaient
autrefois de privilèges spéciaux et traditionnels sans être pour cela
plus considérés que les Maloubés ou Mabés… tisserands,
Gergassabés…cordonniers,
Laobés…menuisiers,
Waïloubés…
tailleurs, Wanbaibés…musiciens,
Waouloubés…mendiants.
La
légende si curieuse rapportée par Raffenel, et qui a trait à
l’histoire des six premières castes, raconte qu’au Fouta, elles
avaient favorisé le premier établissement d’une autorité politique.
Rien n’est plus suggestif que l’exposé des difficultés auxquelles
elles se heurtèrent et de l’opposition que firent les Foulbés
d’alors à cette tentative d’organisation sociale. Chez
les peuplades de langue mandingue, la situation des castes est la même et
les mêmes distinctions se retrouvent.
Les
Noumons (forgerons) consacraient autrefois les chefs Bambaras (Coulibaly)
en les élevant sur une peau de bœuf. Les Dialis (chanteurs musiciens, poètes,
bouffons) étaient leurs confidents. Les Finankés ou Fourrenkés,
analogues aux selinbons des Ouolofs et aux Diavandos des Foulbés étaient
leurs agents et leurs diplomates, tandis que les Garankés (cordonniers)
et les Guesedala (tisserands) ne jouaient aucun rôle dans l’Etat .
Sur
l’origine possible de ces castes, au moins de celles qui sont attachées
à un métier industriel, l’histoire peut nous donner des indications précises.
Nous
savons que " la métallurgie fut dans l’origine, un art lié à
l’existence de certaines tribus ou associations semi religieuses, semi
militaires, chez lesquelles les danses militaires s’unissaient aux
pratiques du métier. Le siège de ces corporations paraît avoir été la
Chaldée puis les montagnes de la Phrygie… Elles présentaient en outre
un caractère religieux . "
La Grèce avait des métallurges de race chamite et les contemporains
d’Homère connaissaient sous le nom de Sentü, que se donnent encore
aujourd’hui les Bohémiens, ces commis voyageurs venus, disait-on de
l’Inde, qui remontaient le Danube puis descendaient le cours du Rhône.
Les
Européens d’alors ne les considéraient pas autrement que ne l’ont
fait les Africains. On voyait en eux des sorciers ; ils étaient
craints et méprisés. Encore aujourd’hui, chez les Monténégrins, le métier
de forgeron est considéré comme impur et abandonné aux tziganes
errants.
Les
bohémiens de nos jours sont bien encore des chamites, descendants de ceux
qui fondèrent les premières civilisations asiatiques, en instituant la
division du travail.
Ils
parlent une langue Dravidienne qui est encore parlée dans l’Inde par
des Dravidiens et aussi en Afrique par les Chouâa dont le langage serait
presque du Bohémien pur .
Ces
analogies s’ajoutent à celles que nous avons déjà constatées entre
les primitifs africains et les plus anciens peuples asiatiques mais elles
sont d’un tout autre ordre. Il ne s’agit plus seulement d’une parenté
indéfinie quoique évidente. Le
développement social des Chamites en Asie ayant fait de cette contrée un
centre de rayonnement, la présence des castes au Soudan, et en général
chez tous les peuples " Bantous " marque une réaction évidente
de la civilisation chamite asiatique sur les populations primitives
africaines.
Il
est très vraisemblable, et même nécessaire que l’Egypte ait été en
cette occasion l’intermédiaire entre l’Asie et l’Afrique. Il faut
en effet se souvenir que, dès l’ancien empire, les Egyptiens étaient
en possession de tous les métiers industriels, qu’ils eurent besoin
d’une main d’œuvre considérable, et firent travailler des
populations entières d’esclaves, des chamites asiatiques, des
touraniens, des sémites. D’autres fois des armées entières de
mercenaires étrangers se révoltèrent et s’enfoncèrent d’elles-mêmes dans le sud (Maspéro).
L’histoire
de l’Egypte présente quantité d’évènements de cette sorte. On y
voit constamment des peuples inconnus tenter d’envahir le pays, puis,
vaincus, soumis, servir d’auxiliaires aux Egyptiens.
De
toutes façons, ces énormes agglomérations finissaient par être un
danger. Bien peu réussissaient comme les Hébreux à repasser en Asie. On
les poussait vers l’intérieur du continent où elles se fondaient dans
les races Ethiopiennes.
L’ensemble
des peuples que l’on désigne sous le nom de " Bantous "
peut seul représenter l’action exercée par l’Egypte ancienne sur le
peuplement de l’Afrique. Nous avons déjà constaté la parenté étroite
des bantous avec les peuples primitifs, notamment les Foulbés, nous avons
vu que chez tous les bantous, on constatait la présence des castes.
Il
nous reste à étudier certains caractères nouveaux qui leurs sont
propres dans toute l’Afrique, et se retrouvent presque partout au
Soudan. Ils nous permettront de déterminer les autres éléments entrés
dans la composition de cette race, à qui appartient la plus grande partie
de la population de notre colonie soudanaise :
1°
la forme du crâne est en général beaucoup moins allongée. Le développement
des bosses pariétales, considérable chez le Poul , est très diminué.
Un élément brachycéphale est nécessairement entré dans la composition
de Bantous.
2°
Le mécanisme des langages est redevenu inférieur à celui du poular. Il
tend vers l’agglutination (Soninké, Songhaï) en gardant cependant
quelque chose des flexions et combinaisons des langues leuco-Ethiopiennes .
En même temps que l’agglutination, les langages Bantous inaugurent en
Afrique, la numération décimale .
3°
Ils ont le culte des morts qu’ils représentent quelquefois par des
troncs d’arbres sculptés ou de petites statuettes funéraires. Beaucoup
d’entre eux ont l’habitude de se tailler les incisives en pointes.
4°
Chaque famille a son animal éponyme qui est sacré pour tous ses membres.
Tous les hommes qui ont le même " diamon " ou nom de famille,
respectent et considèrent comme un frère le même animal . Cette
dernière coutume a une importance considérable, car elle est partout
caractéristique des peuples mongoloïdes ; c’est le totem des
indiens d’Amérique
dont on trouve l’analogue dans toute la Malaisie et chez les Papous. En
fait toutes les particularités que nous venons d’énumérer
appartiennent bien aux races mongoloïdes et des remarques de toutes
sortes contribuent à donner ici la preuve de leur intervention.
M.
Staniland Wake remarque que la nature des langues africaines indique une
influence asiatique qu’il ne peut s’expliquer. Les traditions s’en
chargeraient s’il était permis d’y ajouter foi complètement.
Alboufeda dit en effet d’après Ibn Saïd : " Les
montagnes de comr ou de la lune où le Nil prend sa source ont ainsi été
nommées du nom des populations qui les habitent : les comr. Ce
peuple est frère de celui de la Chine. "
Ibn
Saïd ajoute : " Les Comr, ainsi que les chinois,
descendent d’Amour fils de Japhet. Ils habitaient autrefois dans le nord
de l’Asie, puis ils se répandirent dans les îles (?) et de là
successivement sur le continent africain. "
Si
l’on tient compte de l’énorme extension déjà constatée des peuples
mongoloïdes dans les temps préhistoriques, on conviendra que ce récit
n’a rien d’invraisemblable. Le nom de « Comr » sous
lequel Ibn Saïd confondait Madagascar, Java et Sumatra se retrouve dans
les Comores.
Avant
l’apparition des premiers sémites, les sumériens qui dominaient dans
les empires de l’Asie Occidentale étaient fortement croisés de
Mongols. On
peut donc admettre qu’un élément ethnique mongoloïde ait immigré très
anciennement en Afrique soit par l’océan Indien, soit par l’Arabie méridionale
et le comal et contribué par son alliance avec des peuples primitifs à
former l’élément principal des populations africaines actuelles, la
race Bantou dont le grand rameau soudanien porta le nom de Makoré.
Ce
nom dont sont venus ceux de Gangaran, Gangari, Gangaraoua était celui des
populations de l’empire de
Ghanata ; nous étudierons ailleurs quel fut leur rôle. Bornons-
nous à constater que ce nom a une configuration identique à ceux des
peuples bantous dans les autres parties de l’Afrique : oua
Nyamouezis, oua zimbas, oua Nyoros, ouassoulous de Stanley, que cette
forme caractéristique a pu être assimilée avec certitude aux formes
Baribas ou Yaribas ,Bamanas
ou Yamanas, yaminas, Yaroubas, Yaoris, Yaramans ou Diaramans (Songhoïs).
Tout
ces préfixes sont identiques et doivent être rapprochés de ceux de : Oua,
Oua gadou, Oua Kadougou , Ya tenga, Oua rankoï, Oua habou, Oua lata,
Oua rgla etc. Ces derniers noms avec celui de l’ancienne Garama (Djerma)
qui est le même que Diaramans (Songhaïs) laissent entrevoir quelle a pu
être l’extension de l’influence Egyptienne constatée d’ailleurs
d’une manière plus sûre par Duveyrier.
Nous
avons vu comment cette race Bantou a
dû ses castes , guerrières ou professionnelles, à l’influence
certaine de l’Egypte, et une partie de ses caractères particuliers, à
un rameau des plus anciennes migrations Mongoloïdes. Des caractères
d’un autre ordre prouvent qu’elle n’est restée étrangère à aucun
des éléments ethnique nouveaux qui se manifestaient dans le monde
asiatique et que les sémites ont également contribué à sa formation.
Il
est d’ailleurs évident à priori que les masses de populations, déportées
par l’Egypte dans l’intérieur de l’Afrique comptèrent de bonne
heure, à côté des artisans chamites ou sumériens, une certaine quantité
de sémites, mais un apport bien plus important de ces derniers dut se
faire par l’Arabie méridionale. L’Yémen a en effet des rapports plus
faciles avec l’Abyssinie qu’avec le reste de l’Arabie. Les
Sémites, apparus brusquement au milieu
des peuples Kouschites et sumériens
n’en ont jamais été bien nettement différenciés, et ils
n’auraient sans doute jamais été considérés comme une race
fondamentale si les traditions hébraïques, reconnues aujourd’hui comme
d’origine chaldéenne, n’avaient été appelées à former la base des
religions européennes.
La
lente substitution des sémites aux sumériens à Babylone et ailleurs, ne
marque peut-être qu’une
nouvelle transformation des vieilles races. Pareille évolution n’est
pas toujours due à l’apport de nouveaux
éléments ethniques. Comme nous l’avons vu déjà, elle marque
souvent un progrès intime sur un plan plus élevé. La véritable
justification du nom de race nouvelle appliqué aux sémites, réside dans
le nouvel idéal qu’ils apportent à l’humanité ; les hautes
facultés d’abstraction, la conception de l’absolu, le monothéisme sémitique.
Ce
sont là, les véritables caractères qui, à défaut de mœurs
originales, témoignent en Afrique de l’influence sémitique.
Les
peuplades africaines étaient aussi peu préparées à se les assimiler,
qu’à se modeler sur les formes sociales précédemment étudiées.
C’est pourquoi, à côté des castes professionnelles, nous trouvons des
castes de prêtres et de magistrats. Celles-ci durent bien plus que
celles-là, exercer une influence immédiate
et considérable. Leur prestige fut tel que les populations groupées
autour d’elles, finirent par s’attribuer les traditions et les
origines du petit noyau des nouveaux arrivés. Elles le font encore
aujourd’hui, et ces assertions, suivant lesquelles tout le Soudan
viendrait du Yémen, doivent être examinées avec prudence.
C’est
ainsi que les Foulbés descendraient d’un fils d’Hymier ,
ou du fameux Okbat venu de l’Yémen.
Le
même Okbat devient dans le manuscrit de Bello, un officier des Sehabat
qui apporte au Soudan la religion de Mahomet. Ses fils qui sont les foulbés
( ?) parlent une langue nouvelle ( ?) différente de celles de
leur père (l’arabe) et de leur mère (Le wakoré) , une touronde
(torodo). A l’époque où
ce manuscrit est rédigé, la mode change. Tellement il est vrai que
l’Afrique reproduit toutes les révolutions asiatiques ; au Soudan
comme en Arabie, l’influence et le prestige sont passés des Kahtamides
aux Ismaëlites, et tous les peuples qui venaient autrefois de l’Yémen
veulent maintenant descendre de Mahomet.
Toutefois,
maintenue dans ses véritables limites, l’influence ancienne des Sémites
sur l’Afrique est indiscutable. Les traditions et les renseignements
historiques sont là pour en témoigner. Ils attribuent
à des Kahtamides la fondation des empires de Ghanata (Ouakorés-
Bantous) Songhaïs , du Bornou, et à des émigrants chassés de l’Yémen,
l’origine des Yaminas,Yaribas, Yaoris et Nupé du Bas Niger.
Nous
pouvons résumer ainsi les conclusions à tirer de cet ensemble de
remarques :
1°
L’Egypte ancienne a servi presque exclusivement d’intermédiaire
entre le monde asiatique et
l’Afrique.
2°
Des populations nouvelles sont nées de l’alliance de ces
esclaves, mercenaires et auxiliaires, chamites et sémites avec les nègres
d’alors, produits eux-mêmes du croisement d’Ethiopiens primitifs et
de Mongoloïdes.
Ces
populations furent les " coptes " ou le type grossier des
monuments Egyptiens
. Ce sont les Bantous d’aujourd’hui.
3°
Ces populations, qui ont aussi reçu des contingents importants de
l’Arabie méridionale, se sont peu à peu répandues dans tout
l’occident de l’Afrique, (Garamantes, Ouakorés de Ghanata) et partout
où l’on constate l’existence de castes.
4°
Parmi ces castes, les unes, d’origine plutôt sémites ,
se créent une influence morale qu’elles tendent à exploiter immédiatement
par leurs propres forces (prêtres et magistrats), les autres, chamites, où
plus exactement, à cette époque, sumériennes, se contentent momentanément
d’une situation inférieure, prêtes cependant à se faire les
instruments d’un dominateur quelconque et à s’élever avec lui.
A
partir du moment où nous sommes parvenus, si les données historiques
augmentent, la clarté et la précision n’en tirent pas grand profit ;
car il ne s’agit plus de distinguer entre des races très différentes,
mais entre des manifestations diverses de races analogues produisant des
effets contradictoires suivant les fluctuations des circonstances.
Les
masses hétérogènes, déportées par l’Egypte, les Hymiarites de l’Yémen,
pouvaient bien apporter en Afrique une conception nouvelle de la vie,
empreinte des sociétés qui les rejetaient, mais il ne faut pas oublier
que ce n’étaient en somme que des populations d’esclaves, et
qu’elles n’avaient ni la force de volonté, ni la cohésion nécessaires
pour faire des révolutions. Elles ne pouvaient que s’infiltrer dans le
monde africain, inassimilables, mais également impuissantes par fatalité
d’origine, inaptes à l’action directe, incapables de fournir " les
maîtres ".
Les
Egyptiens avaient bien trouvé sous la 12° dynastie la force de coloniser
l’Ethiopie, mais le Soudan était, hors de leur atteinte ; pour s‘engager
si loin, à cette époque, il ne fallait rien laisser derrière soi, et
Mizraïm était pour eux " toute la terre ".Pour
que le Soudan connut la conquête, il fallut qu’un nouveau flot
asiatique les renversât, avant qu’ils eussent eu le temps de le désagréger,
et d’épuiser ses masses en travaux gigantesques.
Sous
la quinzième dynastie c’est à dire 24 ou 25 siècles avant notre ère,
les Hyksos envahissent l’Egypte, en restent les maîtres pendant six
cent ans sous trois dynasties puis disparaissent soudainement.
Ce
que nous savons des influences antérieures de l’Egypte sur l’Afrique
ne permet pas de douter que cette formidable révolution
suivie d’une occupation aussi longue n’y ait laissé des traces
importantes.
Les
Hyksos
Après
avoir essayé de décrire la physionomie générale des populations
soudanaises, il nous reste à parler de leurs maîtres. L’histoire de
nos progrès dans le pays suit un plan différent.
Dans
la période de conquête, les rois et les chefs noirs furent nécessairement
les premiers avec qui nous dûmes entrer en contact et nous avons appris
à les connaître, avant les peuples qu’ils semblaient défendre. Ils
ont aujourd’hui disparu, ou reculé très loin, et nous sommes étonnés
d’avoir à constater combien ils étaient étrangers à leurs peuples.
Ailleurs,
dans ce que nous imaginions d’un pays régulièrement et puissamment
organisé, la fortune de la Nation, celle de son aristocratie, et celle du
souverain sont intimement liées ; tandis qu’ici, les peuples ont
très vite oublié leurs anciens maîtres, et les maîtres sont allés
porter ailleurs leur fortune d’aventuriers, traînant derrière eux
leurs clients et leurs gens de castes qui en étaient seuls la base et le
soutien. Ils n’étaient pas chefs de peuples, mais chefs de bandes, et
Samory et Ahmadou ont pu reculer de 800 kilomètres sans cesser d’être
redoutables.
Nous
sommes obligés de constater chez de tels hommes une puissance active, étrangère
au sol comme à ceux qui le font produire. Nous allons essayer de décrire
son caractère et d’entrevoir son origine.
Les
Toucouleurs du Fouta -Toro commandés par leur Siratie ou Silatigni ont
longtemps imposé une barrière infranchissable aux commerçants sénégalais
du 18ème siècle. A cette époque ils n’étaient pas, autant
qu’aujourd’hui, des observateurs fervents de la religion de Mahomet et
le pouvoir central n’en était que plus solidement établi, trouvant sa
raison d’être dans la nécessité de résister aux Maures.
Mais
le titre de Silatigni, vaut à lui seul une description. Il représente
l’influence du sud païen contre le nord musulman. Ceux qui le portent
sont des descendants des Déniankés mandingues qui furent conduits dans
ce pays de Fouta par les fils de Sundiata Keïta .
Dans
une autre partie de ce travail, nous examinerons en détail quel fut le résultat
de la fusion des Pouls premiers occupants avec les mandingues
envahisseurs. Il nous suffit de constater pour le moment qu’un élément
mandingue a fortement influé sur la formation des populations Toucouleurs
et leur a fourni leurs chefs.
L’histoire
nous apprend en outre que ces malinkés Keïtas ont été les fondateurs
d’un immense empire (Mali). Puis les annales soudanaises, rédigées
par un arabe, ne s’occupent plus que de l’empire Songhaï
produit d’influences septentrionales, et nous arrivons à l’histoire
contemporaine.
Nos
voyageurs (Raffenel) ont pu voir de leurs yeux les anciens Bambaras,
comprendre par quelle formidable discipline, basée sur l’organisation
d’une véritable aristocratie de chefs secondaires,
les malinkés Kouloubalis
avaient pu mettre en mouvement et maintenir ces masses de primitifs qui
transformèrent en un jargon inarticulé la langue agglutinante de leurs
maîtres .
Raffenel
nous fait un portrait frappant et complet de ces Kouloubalis : " Sakha
est d’une taille élevée, mais d’une extrême maigreur. Son visage
est démesurément long. Son oeil est bridé, et taillé obliquement dans
un front bombé comme l’œil des chinois.(j’ai retrouvé depuis chez
d’autres Kouloubalis ce signe caractéristique). Il a le regard éteint
comme celui d’un homme adonné à l’ivresse, sa couleur est celle des
Peulhs… Les Couloubalis sont la caste souveraine des Bambaras
du Kaarta… Leur société habituelle se compose des cordonniers,
forgerons et griots, c’est à dire de la portion la plus dégradée de
la population ". Raffenel
, en observateur attentif et judicieux, est frappé de la ressemblance étonnante
de certains mandingues avec le type classique mongol. Il est facile de
contrôler la justesse de ses remarques, et certains représentants
authentiques d’anciennes familles, entre autres les mandingues kéïta
de race rogule, fourniraient sans doute les résultats les plus curieux à
la mensuration anthropométrique . Leur brachycéphalie évidente, la
hauteur et l’aplatissement de la racine du nez, l’orientation oblique
des yeux, accentuée fréquemment par l’existence du pli palpébral, la
forme losangique de la figure, déterminée par la dilatation transverse
des maxillaires et des jugaux, sont des caractères essentiellement
mongoliques.
Ces
grandes familles malinké sont bien une race à part qui porte encore sur
sa figure la marque de son origine. Le rôle qu'elles ont joué au Soudan
suffirait, à défaut d'autre caractère, pour le prouver.
Groupant
autour d’elles tout ce qu’il s’était accumulé de déchets
asiatiques : aventuriers, pillards, prêtres de toutes religions,
gens de castes et de métiers, au milieu des populations primitives, elles
se sont imposées aux peuples les plus divers, créant des empires sans
nationalité, des royautés sans autre base que le pillage, et
l’exploitation jusqu’à épuisement des gens attachés au sol.
Déplacement
par la force de populations entières, vendues ou entraînées, comme
celles qui devinrent les Bambaras, dans des expéditions sans but, dépeuplement
systématique, par la famine ou le massacre ;
ce furent là les fléaux que le Soudan connut par le fait de cette
race de conquérants, la tradition que Samory Touré, descendant d’une
famille cliente des Kéïta de l’empire de Mali, est heureusement seul
aujourd’hui à représenter.
D’autres
contrées ont aussi connu des invasions furieuses d’hommes au type
mongoloïde, si terribles qu’on les appelait : " fléaux
de Dieu " et que " l’herbe ne repoussait plus là où ils
avaient passé ". A des époques diverses , ils sont apparus, venant
du nord, submergeant par deux fois l’Asie ancienne, ou se ruant plus
tard encore à la curée de l’empire romain.
L’Egypte
les vit un jour s’abattre « sur elle », comme une nuée de
sauterelles, " villes, temples, tout fut ruiné, pillé, brûlé.
Une partie de la population mâle fût massacrée. Le reste, avec femmes
et enfants, réduit en esclavage, Memphis soumise, et le Delta conquis en
son entier. Les Barbares élirent roi un de leurs chefs, Shalati (salatis,
saïtes)… Les Egyptiens appliquèrent à leurs vainqueurs le nom de
Shous, Shason, pillars, voleurs… Leur roi fut dans leur bouche le roi
des Shasou : Shalati-Hyk-Shasou dont les Grecs ont fait Hyksos… Le
souvenir de leur cruauté resta longtemps vivant dans la mémoire des
Egyptiens. " (Maspéro)
M.
Maspéro nous dit que les Hyksos étaient des
Chananéens. Il est certain que la majorité d’entre eux devait
se composer de sémites pasteurs, mais il est aujourd’hui non moins
prouvé que ces derniers étaient encadrés et dirigés par une
aristocratie scythe ou mongol, et que leurs rois appartinrent à
cette race.
Du
reste, des mongols ou touraniens s’étaient établis depuis longtemps
dans les empires Sumériens de la Mésopotamie, et " bien avant
l’invasion des Hyksos en Egypte, des migrateurs de race mongolique étaient
venus s’installer en conquérants dans une grande partie du sud-ouest de
l’Asie… Les rois d’Hyksos dont les bustes furent trouvés dans les
ruines de Tanis étaient mongols " .
Les
Hyksos introduisirent en Egypte le cheval qui y était inconnu auparavant
comme dans tout le reste de l’Afrique. (Maspéro) C’était le cheval
mongol au front bombé, aux cuisses grêles (race barbe primitive)
qu’ils appelaient " Sous " identique au Sousou, Sousi des
Assyriens. (Piètremont). Les Egyptiens
empruntèrent cette racine aux Hyksos. (Maspéro)
Nous
la retrouvons dans le Souo
des Mandingues dont les synonymes sont " si " en Soninké,
" is " et " itchou " en berbère zenagha. Le général
Faidherbe a démontré la parenté de ce dernier terme avec le " p-outchiou "
des Foulbés et le " f-as "» des Ouolofs. L’Afrique berbère
et soudanaise désigne bien encore le cheval sous le nom que lui donnaient
ceux qui l’y ont amené les premiers.
A-t-elle
gardé le souvenir d’une invasion de chananéens sémites mélangés de
Mongols ?
Nous
lisons dans le manuscrit de Bello :
" Les
berbères descendent d’Abraham. Quelques uns prétendent qu’ils sont
issus de Japhet, et d’autres de Gog et Magog, dont une tribu qui se
trouvait à Ghairoum s’était unie avec les Turcs et les Tartares. "
Ces
explications sont bien confuses mais il n’en résulte pas moins que dans
la masse de ceux que les
arabes appelèrent berbères, ils eurent à constater la présence d’un
élément japhétique. La mention qui est faite des turcs et des tartares
semble bien indiquer qu’il s’agit de Scythes ou Mongols et la parenté
avec Gog et Magog ne fait que corroborer cette hypothèse.
La
tradition d’origine sémite, se garde bien de nous représenter les berbères
comme arrivés en vainqueurs par dessus les ruines du moyen empire
Egyptien. Elle nous raconte, au contraire, qu’ils auraient été vaincus
par les rois de l’Yémen, emmenés captifs dans ce pays , puis rejetés
en Afrique par Hémira. [5.
Les Egyptiens ont heureusement montré plus de franchise. Il se peut
d’ailleurs que les Hyksos aient pénétré en Afrique des deux manières.
Quant à l’identité des Hyksos et de ceux que Bello appelle les "
berbères ", elle ne peut faire aucun doute. L’époque où, selon
l’expression de Bello " Afriens régnaient sur l’Yémen et
les berbères en Syrie " est bien celle où les Shasou des Egyptiens
étaient maîtres de ce dernier pays.(V Salomé Hist.)
Si
, maintenant guidés par ce nom de « berbères » qui a pour
nous une signification spéciale, nous voulons continuer à suivre la
tradition qui les concerne, nous voyons qu’elle se scinde en deux
parties, comme leur masse envahissante fit elle-même sans doute. La
tradition méditerranéenne, bien connue, nous les montre, "
occupant les oasis d’Oualiba et Morekaba à l’ouest de l’Egypte,
puis se répandant dans l’intérieur du Garb jusqu’au pays de Sousa "
où ils s‘établissent.
La
tradition Soudanaise
s’attache à suivre ceux qui disparurent du monde alors connu, en
s’enfonçant dans l’intérieur du continent guidés par les directions
générales des lignes d’eau auxquelles ils donnèrent, dans le Haoussa
le nom générique de Komadougou
(Barth) de l’Egyptien Okéanos (le Nil).
" Ils
allèrent d’abord dans un canton voisin de l’Abysinnie… la fortune
les seconde et bientôt leur domination s’étendit jusqu’à l’extrémité
de cette partie de la terre. Le Oudaï ainsi que tous les pays de Haoussa
étaient en leur pouvoir. Ces berbères avaient un naturel sanguinaire et
aimaient la guerre et le pillage. "
Cependant
les deux traditions se rejoignent pour la première fois, les Berbères du
nord détachent des fractions qui rejoignent les Berbères du sud à
travers le désert. « c’est ainsi qu’ils vinrent
d’Aoudjal en cinq tribus et qu’ils conquirent l’Aïr. " L’influence
de leur sang sur les Lenco-Ethyiopiens, nomades primitifs, les anciens
Mazies d’Hérodote laisse des traces qui n’échappent pas à Barth : " Je
fus surpris de rencontrer si fréquemment (chez les iguadaren), les noms
de Shannël, Saül et Daniel, tandis qu’ils ne se trouvent pas chez les
Arabes. Je crois découvrir dans cette circonstance l’existence d’un
rapport étroit entre ces tribus berbères et les chananéens. "
Nous
avons vu que la majorité des Hyksos était, d’après M .Maspéro,
composée de chananéens.
Nous
allons revenir maintenant aux berbères du sud que nous avons laissés maîtres
du Soudan central. La tradition qui les concerne se tait désormais,
impuissante à les suivre en tant que races distinctes, mais, sur
toute la ligne d’invasion, du haut Nil au Niger, la chaîne
ininterrompue des mœurs et des caractères va pouvoir nous guider encore
mieux que n’a fait le fil coupé de la tradition.
Si,
des deux éléments dont se composaient les Hyksos, le sémite pasteur
disparaît sans laisser la trace d’une originalité
bien marquée, le Mongol lègue à ses descendants la physionomie
spéciale, l’impulsion guerrière, dominatrice et destructrice qui lui
sont propres.
On
a vu que la circoncision était chez les primitifs Ethiopiens comme chez
les Egyptiens et les Sémites asiatiques universellement pratiquée et revêtue
d’un caractère religieux. Cependant un grand nombre de peuplades du
Haut-Nil ne la connaissent pas et
ce caractère ne peut provenir d’une
autre origine que de ces barbares du nord, incirconcis, que maudissent les
inscriptions Egyptiennes. D’autres traits particuliers les en
rapprochent encore. Les O’chouoka ou chillouks vénèrent un certain héros
qui les a conduits à l’endroit où ils habitent.
Schweinfurth
remarque le caractère important que présentent chez eux les os du nez :
" les avoir si profondément implantés qu’ils semblent comprimés
par le front, est en discordance avec le type commun des races nègres. "
Il
s’agit de l’aplatissement de la glabelle et de la racine du nez qui a
été déjà présentée ci-dessus comme un caractère mongolique. Il
serait devenu familier à Schweinfurth si celui-ci avait pu demeurer
quelque temps au milieu de nos Malinkés et Sosés du Soudan Méridional.
Le même voyageur remarque en outre que, de tous les noirs qui
habitent les bords du Nil, les chillouks avaient, avant l’arrivée des
arabes, le gouvernement le plus régulier. Ceci ne peut que confirmer nos
suppositions, car les Hyksos comme les Khétas leurs proches parents basèrent
leur puissance sur une hiérarchie féodale fortement organisée.
Les
Nyams-Nyams, brachycéphales, ont pour arme de jet la troumbache, sorte de
couteau à plusieurs lames que l’on retrouve chez les Tédas, et aussi
entre les mains des Marguis et Mousgos du Tchad. Ils déclarèrent la
guerre à Schweinfurth : " Trois objets étaient suspendus
à la branche d’un arbre, un épis de maïs, une plume de coq et une flèche,
souvenir frappant du message lointain envoyé au roi de Perse quand il
voulut pénétrer au cœur de la Scythie. "
Les
Hyksos, qui emmenèrent en Afrique la première race de chevaux qu‘elle
ait connue, durent la voir se perdre dans les régions malsaines du Haut-
Nil comme au Soudan occidental. Cependant aux environs du lac Tchad où le
désert est plus rapproché,
les mousgos déjà mentionnés ci-dessus ont pu conserver des chevaux de
race mongol et nous donnent une idée de ce que devaient être les
cavaliers sauvages qui tombèrent du nord sur l’Egypte vingt cinq siècles
avant notre ère : " une des choses les plus remarquables
chez les Mousgos est leur manière réellement barbare de monter à
cheval, afin d’être bien assis d’aplomb, ils ouvrent une large plaie
sur le dos de leurs robustes petits chevaux…mais ce n’est pas
tout…ils se pratiquent une incision à la partie interne des jambes,
pour que le sang qui en coule les fasse adhérer aux flancs du cheval car
ils n’ont ni selle, ni étriers, ni bride, mais seulement un simple
licou. " Au
Soudan occidental, devait se terminer l’exode des hordes asiatiques, maîtresses
désormais suivant l’expression de Bello, de " cette extrémité
de la terre ". Elles cherchèrent sans doute à s’y installer, et
créèrent les étonnantes organisations dont nous avons pu voir les traditions et les restes au Dahomey et au Mossi. .
Faire un tableau de ce qu’était la royauté Dahoméenne sortirait de
notre cadre, et décrire celle de Mossi serait encore prématuré.
Nous
citerons seulement un passage de Bello relatif aux peuples de la boucle du
Niger : " Ceux des montagnes
sont de la tribu des sakais. Ce sont de grands guerriers. Ils ont
beaucoup de chevaux prompts à la course et de bœufs…Une ville du nom
de Homberi dont le roi s’appelle Nouhou-Ghalou-Fama de la tribu des
Sakai. " Le véritable nom des Scythes étaient les " Sakés "
dont les Grecs ont fait scythe (maspéro). On pourrait voir là
l’explication de ce que les Habés se déclarent parents des mandingues.
Le sont aussi évidemment tous les peuples de la boucle qui ne pratiquent
pas la circoncision " ce rite qui avait délivré l’homme de
l’obligation du sacrifice humain. " (Maspéro) En
effet, " les scythes, ancêtres des tartares, sacrifiaient à
leurs dieux (des victimes humaines). " (Hérodote)
Les
royautés et aristocraties du golfe de Guinée
ont également conservé beaucoup des mœurs des anciens scythes qui
" avaient des devins chargés de prédire l’avenir, et, quand le
roi tombait malade, de désigner à la vindicte les auteurs présumés du
maléfice. Si celui-ci venait à mourir, non seulement les prémices de
toutes choses précieuses qu’il avait possédées étaient enterrées
dans sa sépulture, mais, avec elles,
une de ses femmes, ses principaux serviteurs, ses chevaux, étranglés
au préalable. " (Marco-Polo)
Ces
citations ont trait aux Scythes d’une invasion en Asie, bien postérieure
à celle des Hiksos, mais ils n’avaient pas changé, non plus que les
Huns dix siècles plus tard encore.
" Comme
les Huns, les Sakés (Scythes) n’épargnaient ni l’âge ni le sexe,
ils détruisaient les moissons, abattaient ou enlevaient les troupeaux,
incendiaient les villages pour
le seul plaisir de détruire ou d’effrayer ; les habitants qui
n’avaient pas réussi à se sauver dans les citadelles étaient massacrés
ou traînés en esclavage. Trop ignorants dans l’art de la guerre pour
assiéger les places fortes selon les règles, ils les laissaient
d’ordinaire en repos moyennant un tribut, ou ils les bloquaient jusqu’à
ce que la famine les réduisit à se rendre. " (Maspéro)
Ce
caractère outré de cruauté, d’inaptitude à tirer intelligemment
parti d’un élément de richesse sans le détruire a donc pu déjà
servir à contrôler à travers les âges des parentés indiscutables, que
viennent affirmer à nouveau de nos jours les dévastations de Samory dans
le sud du Soudan, et les massacres de l’Asie Mineure, aux deux pôles
d’une migration de dix mille kilomètres.
C’est
ainsi que vingt-cinq siècles
avant notre ère les Shasous conduits par les Mongols
conquéraient l’Egypte. Trente -cinq siècles plus tard, les
hordes barbares des Sousous, Sosés ou Sousokhos envahissaient au Soudan
l’empire Ouakoré de Ghanata ouvrant la route aux invasions postérieures
des malinkés, conduits par leurs Silatiguis Keïtas.
Les
remarques et rapprochements que nous venons d’énumérer peuvent se résumer
ainsi :
1°
Certains individus, certaines familles, particulièrement chez les
mandingues portent sur leur visage et surtout dans leur langue, les
preuves de leur parenté avec les races mongoliques.
2°
Ils les portent aussi dans
leur esprit, esprit de concentration, de centralisation aux mains d’un
pouvoir politique, esprit de conquête et d’oppression .
3°
L’arrivée de ces éléments mongoliques doit probablement être rattachée
aux invasions des Shasou ou hyksos en Egypte et des peuples de même
famille, chassés de l’Yémen à la même époque ; invasions
auxquelles la tradition sémite attribue trop exclusivement l’origine
des populations qui ont précédé dans l’Afrique du nord, les mahométans,
et ont reçu d’eux le nom de Berbères.
L’exposé
des indications que nous fournissent l’observation directe et les légendes
sur les origines premières des populations soudanaises s'arrête ici.
Avant d’examiner ce que nous savons de l’histoire des groupements
actuels, pour nous faire une idée des réactions qui les ont formés, il
importe de jeter un dernier coup d’œil d’ensemble sur les conclusions
précédentes, ne serait- ce que
pour leur attribuer tout au juste le degré d’exactitude et de précision
qui leur convient.
Nous
ferons ainsi en une fois toutes les réserves qui auraient dû être
faites à chaque ligne, et qui ont été passées sous silence, pour
qu’il fut possible d’être bref, et d’apporter tant soit peu de
clarté dans un raisonnement uniquement basé sur des données obscures et
indistinctes.
Tout
d’abord, en nous reportant à des époques très reculées, antérieures
à toute histoire, nous avons constaté une étroite parenté
entre les africains et les asiatiques, quel qu’ait pu être
d’ailleurs le lieu d’origine des uns et des autres.
Puis
l’Asie s’étant développée, ayant organisé la religion et crée la
société, est devenue un centre de rayonnement ; l’Egypte a servi
d’intermédiaire entre les deux continents et, bien que les asiatiques
en progrès et en transformation s’éloignassent de plus en plus des
Africains, immobilisés dans leur état de liberté primitif, les liens de
parenté furent renoués à des époques diverses par les apports
successifs.
Pas
plus que la parenté ancienne des populations primitives des deux
continents, le mécanisme de ces apports d’éléments asiatiques en
Afrique ne peut être mis en doute. Il nous est imposé à priori par ce
que nous savons des lois qui ont guidé le développement général de
l’humanité.
D’ailleurs
les gens sont encore là, avec leur cachet anthropologique, l’empreinte
de leur développement social, les vestiges de leur intelligence supérieure,
consciente de l’abstraction, ou de leur impulsion guerrière.
Mais
l’incertitude commence et doit subsister dès que l’on veut faire coïncider
ces données avec celles de l’histoire. La présence constatée d’un
élément ethnique particulier est du domaine de l’évidence, tandis
qu’on ne pourra jamais l’attribuer avec certitude à tel événement
historique, qui ne diffère peut-être d’autres événements semblables
qu’en ce qu’il est connu de nous.
Depuis
l’invasion des Hyksos jusqu’à l’islamisme, le mouvement
d’immigration en Afrique n’a pu évidemment s’arrêter. Les réactions
de l’Asie sur l’Afrique sont devenues au contraire de plus en plus
importantes : conquête de l’Abyssinie par les kahtanides , de
l’Egypte par les Perses puis par les Romains. Il semble cependant que le
centre et l’ouest africain se séparent du monde connu. En tout cas si
de nouveaux éléments y pénètrent, quelle que soit leur race, ils
trouvent des milieux qui leur sont analogues, et où ils se fondent sans
laisser trace d’une originalité qui permet de les reconnaître sûrement.
Des
Ariens seuls auraient pu rapporter en Afrique quelque chose de nouveau ;
nous verrons plus tard ce que la tradition affirme à ce sujet, sans que,
jusqu’à présent rien ne soit venu la confirmer.
Nous
devons donc abandonner désormais le mode de discussion que nous avons
suivi jusqu’ici. Il ne nous a pas donné de grandes certitudes,
toutefois, de tels rapprochements permettent souvent de serrer de plus près
la vérité. Ils sont en tout cas justifiés, ne serait- ce que pour
prouver combien des hypothèses qui paraissent au premier abord trop
audacieuses, sont en réalité plausibles et naturelles sans même avoir
besoin de s’appuyer sur des observations scientifiques.
[1 ...
[2]
Cette théorie formait le fonds des croyances égyptiennes, voir Maspéro,
Histoire ancienne des peuples de l’Orient.
[3]
Caillé T. 1 p 227.
[4]
Caillé T. 2 p 118.
[5]
Boilat, Esquisses sénégalaises, p .457.
[6]
Les porcs domestiques que
l’on trouve dans les tribus de la côte occidentale ont été
introduits par les Portugais.
[7]
Houssay.
[8]
Abr.
Fornander, An account of the Polynésian race Londres, 78-80 : "
... une immense influence exercée aux temps préhistoriques par une race
d’hommes auxquels les traditions iraniennes assignent pour demeure
la contrée de Kousch Dripa. Leur influence se serait étendue des
colonnes d’Hercule aux abords de l’extrême orient."
[9] Ile de Ponnipet.
[10]
Mourad , Kuste Von Priméa.
[11]
Keane,
Journal of the anthropological institute, nov. 84.
[12] A cette race appartiendraient les guanches des Canaries, certains
corses, certains Kabyles, les anciens troglodytes de Gibraltar et de
l’Afrique du Nord, certains Basques, le type dolichocéphale de
Cro-Magnon, les cranes étrusques, dolichocéphales et prognates.Atlantes
. ref. Platon (Tinnée) qui d’après les prêtres de Saïs
place l’immigration des atlantes en Europe vers 9600 ans avant JC. Hérodote,
Diodore de Sicile, Timagêne, Pomponius Mela, Denys de Mitylène,
signalent les atlantes, peuple puissant sur la côte occidentale
d’Afrique. Ils ont occupé l’Europe (Théopompe) jusqu’à la
Tyrrhénie et la Toscane (Platon), la Corse et la Sardaigne, dont le
roi Phoreys aurait été vaincu par eux (Varron d’après Servius et
Isidore).La
comparaison de la flore miocène de l’Europe avec celle de l’Amérique
septentrionale a semblé une preuve suffisante de la réunion ancienne
des deux continents.
[13]
Une coutume bizarre, constatée à la fois chez des australoïdes
asiatiques, et chez les anciens noirs soudanais, semble justifier
encore l’hypothèse d’une communauté d’origine : le "
trafic à la muette » mentionné en Afrique par Hérodote
(Melpomène CXCVI) et par ça Da Mosto en 1755 (Walkeaner T 1 p 309)
se retrouve chez les sakais de Péra. Il est décrit presque dans les
mêmes termes par Wirchow (Weber die Weddas Von Ceylan) comme existant
encore chez les Weddas : " Ils ne se montrent jamais. Ils déposent
en un certain endroit leurs marchandises avec le modèle grossièrement
représenté des objets qu’ils veulent se procurer en échange et
qu’ils viendront plus tard enlever secrètement…Ils sont loyaux et
droits. " C’est ainsi que les navigateurs phéniciens commerçaient
avec les peuplades de la côte, et que l’empire du Mali échangeait
le sel du désert contre l’or de l’intérieur sans avoir jamais à
se plaindre de la loyauté de leurs clients. Doit-on voir dans cette
ancienne coutume l’origine de celle qui obligeait certains rois à
ne point voir la mer ou un européen (Dahomey, Mossi) ?
[14]
Sauf les mincopies des îles Andaman dont le type paraît pur, les
pygmées se confondent en Asie avec les Australoïdes : Weddahs
de Ceylan, Amos du Japon, Traos de Cochinchine, Sakaies du Péra, Aëtas
des Phillipines, Djangals de l’Inde Méridionnale.
[15]
Akkas de Schweinfurth, Abongos du Gabon, Boschimans, Quimos de
Madagascar.
[16]
Mariette a lu à côté d’un nain, représenté sur un monument de
l’ancien empire Egyptien, le nom d’Akka que des négrilles portent
encore dans le Montbouttou (Schweinfurth)
[17]
" Les Fellans attaquèrent la ville de Coubhy et la prirent il y
a environ quatre ans…Plus de mille Fellans sont établis avec leurs troupeaux dans les plaines qui
avoisinent la ville, mais leurs moeurs diffèrent totalement de celles
de leurs compatriotes maraudeurs (Richard et John Sander T.1
p.344) Autant le présomptueux poullo des villes est souvent important
et insupportable, autant est aimable au contraire le simple pasteur ou
colon de cette même nation (Barth
T.2 p.196)
[18]
Bulletin soc. de Géographie, juin 1896, et légende des castes
peulhs dans Raffenel.
[19]
Une sorte d’amour de la liberté propre aux Foulbés (Barth
T.2 p . 260).
[20]
Denham et Clapperton, T III p.3
[21]
Nahoum (VIII°siècle av JC) apostrophe adressée à Ninive :
vaux-tu mieux que Pro Amon (Thèbes) Kousch (Ethiopiens) est sa force
ainsi que Mizraïm sans borne (Egyptiens) Phout et les Loubins
(Lybiens) sont là pour son secours (chap.3 verset 8 et 9)
[22]
Bérenger Féraud : légende des amis peulhs. Raffenel :
légende des castes peulhes .
[23]
Rev . S Mateer Népotism in Travencore, Londres 83. Le
népotisme se retrouve chez les tribus de la Nouvelle Grenade, les
Kasias du mont Sylhet ,à Ceylan, à Madagascar, aux îles Fidji.
[24]
Tout en n’attribuant aux similitudes de noms que l’intérêt
de curiosité qu ‘elles comportent, on peut faire remarquer que
les mêmes coutumes sont ici communes aux Naïr du Malabar et aux
Oued-Naïl d’Algérie, aux Peulhs du Soudan ainsi qu’aux Pouliahs
et aux Billhs de l’Inde.
[25]
Ibères fils de Ber, Berbères descendants de Ber fils de Ber.
Probablement deux invasions asiatiques distinctes, séparées par un
intervalle de temps considérable mais composées de peuples se réclamant
d’une même origine.
[26]
Manuscrit arabe de Bello rapporté par Clapperton. Atakhov est un
terme berbère.
[27]
Il est intéressant de remarquer la similitude de noms des Diobas de
Niani : adiamats de Casamance, touras du Kissi, touras de la région
nord (Saraféré), timénés de Sierra Léone ; toutes peuplades
de mœurs semblables.
[28]
Certains Foulbés purs du Fouta-Djalon, agriculteurs et non convertis
au Mahométisme, présentent un type différent, le même que Barth
constata chez les Foulbés compagnons de Galaïdjo, les premiers
colons de cette race dans le Macina, qui chassés par Hamet Lebbo en
1818 durent se réfugier dans le Gando. " Par contraste avec les
sveltes Fellans ils étaient forts, trapus, porteurs de traits avenants et arrondis et de longs cheveux noirs touffus. Leur
physionomie était agréable, son expression presque européenne. " Il
y aurait donc deux types, ce dernier sans doute plus ancien, très
rapproché de celui des peuples méditerranéens et qui aurait
contribué surtout à la formation des aborigènes ; l’autre le
type classique du Poul rappelant les figurations hiératiques
babyloniennes et égyptiennes, qui serait entré dans la composition
de tous les Bantous et les métis Toucouleurs, Fellans, Fellatahs, et
qui par sa ressemblance avec les types sumériens pourrait être
supposé modifié déjà par des influences touraniennes
[29]
Nous mettons à part les situations nouvelles qu’a crées
notre arrivée dans le pays ; encore , les gens que nous
employons, sont-ils considérés par les autres indigènes comme "
nos captifs ", c’est à dire des gens bons à tout faire.
[30]
Nous employons indifféremment le singulier ou le pluriel selon que
l’usage a consacré l’un ou l’autre.
[31]
Raffenel, Vol II Légende de la formation des six castes poules.
[32]
Il importe de mettre complètement à part les Somonos, pêcheurs du
Niger, les Tiouballos des Foulbés les Bozos et probablement aussi les
anciens Days de Tombouctou, débris d’anciennes populations, restés
attachés à leurs moyens primitifs d’existence.
[33]
Alexis Bertrand, Mémoire sur l’introduction des métaux en Occident.
[34]
Denham Clapperton et Oudney (T. I, p.273)
[35]
Le Malinké, franchement agglutinant, a été comme nous le verrons,
importé ultérieurement. Une grande partie des populations qui
parlent cette langue ou des dialectes dérivés sont néanmoins
d’après tous leurs autres caractères des bantous ou même des
primitifs.
[36]
Le cent des Bambaras et des Songhaïs (Mia et Keiné, 80) doit
cependant avoir une origine bantou.
[37]
L’origine asiatique des populations américaines est prouvée, on a
retrouvé en Amérique le diagramme mystique connu en Chine sous le
nom de Taïki.
[38]
Le buste du Roi babylonien Nébo contemporain de l’ancien empire
Egyptien est un véritable portrait de type mongolique (Hanny)
[39]
"... a une époque très ancienne a régné dans tout le
Sahara une civilisation nègre (Garamantes)… Les Rouara sont les
restes de la race sub-ethiopienne ou garamantique qui se retrouve dans
le tafilelt, Touat, Oued Rigir, Nefzaoua Fezzan. Par les traits, ils
se rapprochent des caucasiens " (Duveyrier)
[40]
Lavisse et Rambaud, Histoire
T .1 p.428 , à noter l’étymologie de Abyssinie : Habesch-mélange
[41]
Fondateur des dynasties hymiariques (Yémen)
[42] " … on croit que ces habitants de Yariba descendent des
enfants de Chanaan de la tribu de Nemrod . On suppose qu’ils
s’établirent dans l’Afrique Occidentale après avoir été chassés
de l’Arabie par Ya-Rouba fils de Kahtam. Repoussés d’abord sur
les côtes entre l(Egypte et l’Abyssinie, ils s’avancèrent ainsi
dans l’intérieur de l’Afrique jusqu’à yariba où ils se fixèrent.
Sur la route qu’ils parcoururent ils laissèrent
une tribu de leur nation dans tous les lieux où ils s’arrêtèrent.
On présuma d’après cela que toutes les tribus de soudaniens qui
habitent les montagnes en
sont issus ainsi que les habitants de Yaori. Le peuple de yariba
ressemble en tout à celui de Nupé "
Manuscrit arabe de Bello rapporté par Clapperton.(D’anciennes populations chamites de l’Arabie ont porté le nom
d’aribas)
[43]
" …Les Soudaniens sont comme on l’assure, issus des coptes
d’Egypte… " (Mmanuscrit de Bello).
[44]
" …Les Torodos sont des juifs, d’autres disent des chrétiens… "
(Manuscrit de Bello)
[46]
Epithète fréquemment accolée au nom de mizraïm dans les
inscriptions.
[47]
"... jeter les Hyksos sur l’Egypte… tel fut le résultat de l’invasion
qui renversa le 1er empire Chaldéen… Les historiens qui recueillirent plus
tard le vague écho des traditions asiatiques mettaient l’invasion sur le
compte des scythes ; un roi scythe aurait parcouru en vainqueur l’Asie
entière et pénétré même en Egypte. La conquête de l’Egypte fut en effet
comme le dernier terme d’un mouvement de peuples comparable à celui qui
détermina au IVème et au Vèmz siècle de notre ère la chute de l’empire
romain " Maspéro.
[47]
Lemaire, André Brue
[48]
Pour les Déniankés, comme pour le développement ultérieur de
l’aristocratie Torodo, voir le 2ème chapitre.
[49]
Voir le 2ème chapitre.
[50]
Les idiomes sosé, mandingue et bambara, pour ne citer que les
principaux forment une famille de langues à racines communes. La
langue des sosés que parlent aussi les malinkés méridionaux est
seule purement agglutinante, détaillant bien les articulations et les
assonances et les proférant sur un rythme bien scandé et uniforme.
Le malinké du nord, le bambara et les autres patois, ont acquis plus
ou moins une physionomie toute différente, à force d’élisions et
d’additions euphoniques. Certains dialectes bambaras redeviennent même
en réalité des idiomes isolants avec tendance à la flexion, se
rapprochant ainsi des langages primitifs
éthiopiens, les captifs des Kouloubalis, en s’appropriant leur
langue l’ont adaptée à leur esprit et à leur gosier.
Les
Kassoukés chez qui on trouve beaucoup de Sousokhos (ou sisokhos)
parlent une langue qui se rapproche beaucoup plus de celle des Sosés
du sud. La comparaison des idiomes
mandingues ou plutôt Sosés avec les langues ouralo-altaïques,
mongoliques et Touraniennes sera, pour ceux qui l’entreprendront
d’une façon sérieuse et scientifique, la source de documents aussi
précieux qu’inattendus.
[51]
Raffenel, Nouveaux voyages, p.189.
[52]
Tradition des bambaras de Ségou. Voir 2ème chap.
[53]
Hamy, Communication à la société d’anthropologie de Paris, 21
janvier 1875. Ne doit-on pas voir là, la véritable étymologie du
mot Shason, qui signifierait alors :les cavaliers ?
[54]
Manuscrit de Bello.
[55]
Ibid.
[56]
Ibidem.
[57]
Barth, T 3 p 37.
[58]
Ou Moshi. Doit-on voir une parenté avec les Mousgos du Tchad, ou même
avec les Moschiens (Maspéro) ancien peuple de l’Asie mineure ?
Ces rapprochements doivent être notés mais simplement à titre de
curiosité ; On pourrait d’ailleurs en faire beaucoup
d’autres, comparer par exemple les keïtas aux Khetas, ou Khitis et
les kamara , Kimmériens ou Gimirri (racine identique dans Comr)
nomades des steppes au nord du Caucase. Dans tout le cours de
l’histoire ancienne, on voit ces peuples associés aux invasions des
Scythes ou Mongoloïdes septentrionaux. Les Kimmériens (alias
cimbres, hymris) menacèrent un moment l’Egypte sous Psammetique.
Ils pourraient aussi bien y être antérieurement déjà venus avec
les Hyksos.
[59]
C.f. dans l’Exode IV, l’origine mythique de la circoncision chez les Hébreux.
[60]
A l’exclusion de la masse du peuple qui a des coutumes différentes.
[61]
Bulletin de la société de géographie, 5 juin 1896