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                                                                                                          A la Réunion, 1848

 

A la Réunion,
20 décembre 1848.




par
Marc Nadaux


 





La Réunion n’a connaissance des événements de Paris du Printemps des Peuples qu’avec plusieurs semaines de décalages. Le 24 mai, on apprend ainsi que la République est proclamée puis, le 16 juillet, se répand la nouvelle que l’esclavage est aboli. Le lendemain, une Assemblée des propriétaires du Nord de l’île réunie à St Denis, saisis d’inquiétude à l’annonce de cette mesure, déclare accepter l’émancipation moyennant " la défense de tous les intérêts légitimes du pays " et s’engage à " chercher les moyens de maintenir l’ordre et le travail ". Il s’agit en effet dans l'immédiat d'assurer le bon déroulement de la campagne sucrière qui approche.

Le 13 octobre, arrive à la Réunion le Commissaire du gouvernement de la République. Sarda Garriga fait immédiatement preuve de fermeté vis-à-vis des planteurs. Il reçoit les représentants désignés de leur Assemblée mais refuse tout ajournement du décret d’abolition. Sarda Garriga promulgue celui-ci le 19 octobre 1848, mais fixe au 20 décembre la date de l’émancipation des esclaves. Le Commissaire de la République doit à présent s'occuper du maintien de l'activité économique. 

C’est dans ce but qu’il a mis l’accent, dès son arrivée à La Réunion, sur le devoir du travail. Le 24 octobre suivant, Sarda Garriga, recevant cette fois-ci une délégation d’esclaves, rend obligatoire pour tout affranchi la possession d’un contrat de travail pour le 20 décembre. De la mi-novembre à la mi-décembre, le Commissaire général de la République entreprend alors une tournée dans l’île, en vue de rassurer maîtres et esclaves. Sarda Garriga convainc les uns de la nécessité des engagements et promet aux autres une indemnité pour la perte de leurs biens. Enfin il s’emploie à exhorter la population au calme et au travail. 

Le 20 décembre 1848, comme il était annoncé, le Commissaire du Gouvernement provisoire de la République proclame officiellement l’abolition de l’esclavage à la Réunion. 60 318 habitants de La Réunion, sur les 108 829 que compte l’île en 1847, découvrent la liberté. Cette journée cependant est des plus calmes. Quelques messes solennelles, des cortèges et des danses manifestent la joie des affranchis qui fêtent l’événement. Le lendemain, tous les Réunionnais sont au travail. Aussi Sarda Garriga a réussi sa mission : mettre fin à l’esclavage sans déclencher dans l’île la guerre civile. 








 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE 


Liberté, Égalité, Fraternité



20 DÉCEMBRE 1848.



AUX TRAVAILLEURS.



Mes Amis,

Les décrets de la République française sont exécutés : vous êtes libres. Tous égaux devant la loi, vous n’avez autour de vous que des frères.

La liberté, vous le savez, vous impose les obligations. Soyez dignes d’elle, en montrant à la France et au monde qu’elle est inséparable de l’ordre et du travail.

Jusqu’ici, mes amis, vous avez suivi mes conseils ; je vous en remercie. Vous me prouverez que vous m’aimez en remplissant les devoirs que la Société impose aux hommes libres.

Ils seront doux et faciles pour vous. Rendre à Dieu ce qui lui appartient ; travailler en bons ouvriers comme vos frères de France, pour élever vos familles : voilà ce que la République vous demande par ma voix.

Vous avez tous pris des engagements de travail : commencez-en dès aujourd’hui la loyale exécution.

Un homme libre n‘a que sa parole, et les promesses reçues par les magistrats sont sacrées.

Vous avez vous-mêmes librement choisi les propriétaires auxquels vous avez loué votre travail ; vous devez donc vous rendre avec joie sur les habitations que vos bras sont destinés à féconder et où vous recevrez la juste rémunération de vos peines.

Je vous l’ai déjà dit, mes amis, la Colonie est pauvre : beaucoup de propriétaires ne pourront peut-être payer le salaire convenu qu’après la récolte. Vous attendrez ce moment avec patience. Vous prouverez ainsi, que le sentiment de fraternité recommandé par la République à ses enfants, est dans vos cœurs.

Je vous ai trouvés bons et obéissants ; je compte sur vous. J’espère donc que vous me donnerez peu d’occasions d’exercer ma sévérité ; car je la réserve aux méchants, aux paresseux, aux vagabonds et à ceux qui, après avoir entendu mes paroles, se laisseraient encore égarer par les mauvais conseils.

Mes amis, travaillons tous ensemble à la prospérité de notre Colonie. Le travail de la terre n’est plus un signe de servitude depuis que vous êtes appelés à prendre votre part des biens qu’elle prodigue à ceux qui la cultivent.

Propriétaires et travailleurs ne forment plus désormais qu’une seule famille dont tous les membres doivent s’entr’aider. Tous libres, frères, et égaux, leur union peut seule faire leur bonheur.

La République, mes amis, a voulu faire le vôtre en vous donnant la liberté. Qu’elle puisse dire que vous avez compris sa généreuse pensée en vous rendant dignes des bienfaits que la liberté procure.

Vous m’appelez votre père ; et je vous aime comme mes enfants ; vous écouterez mes conseils : reconnaissance éternelle à la République française qui vous a fait libres ! et que votre devise soit toujours
Dieu, la France et le Travail.


VIVE LA RÉPUBLIQUE


Signé
SARDA-GARRIGA.