RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Liberté, Égalité, Fraternité
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le gouvernement provisoire,
Considérant que la préparation de la jeunesse à la vie morale,
civile et politique, est un des premiers devoirs que la société ait à
remplir vis-à-vis d'elle-même ;
Que plus il y a d'hommes éclairés dans une nation, plus la loi et la
justice sont respectées ;
Que la société doit l'éducation gratuite à tous ses membres ;
Décrète
Article 1 . Aux colonies, où l'esclavage est aboli
par décret de ce jour, il sera fondé, dans chaque commune, une école élémentaire
gratuite pour les filles et une. école élémentaire gratuite pour les
garçons.
Article 2 . Ces écoles placées sur des points choisis de manière à
faciliter la réunion des enfants seront multipliées autant que
l'exigeraient les besoins de la population.
Article 3 . Nul ne peut se soustraire au devoir d'envoyer à l'école son
enfant, fille et garçon, au-dessus de six ans et au-dessous de dix ans,
à moins qu'il ne le fasse instruire sous le toit paternel.
Article 4 . Tout père, mère ou tuteur qui; sans .raison légitime et après
trois avertissements donnés par le maire de la commune aura négligé
d'envoyer ses enfants à l'école, sera passible d'un à quinze jours de
prison.
Article 5 . Les absences de l'enfant à l'école sont constatées par
l'instituteur dans un rapport hebdomadaire qu'il adresse au maire de la
commune, le juge de paix prononce sur le vu des pièces et après avoir
entendu le délinquant:
Article 6 . Les classes ne pourront durer moins de six heures par
jour.
Article 7 . Le gouvernement fera faire, pour les écoles des
colonies, des livres élémentaires où l'on mettra en relief les
avantages et la noblesse des travaux de l'agriculture.
Article 8 . Les salles des écoles pourront être mises à la
disposition des personnes qui seront agréées par l'autorité pour la
tenue de classes du soir et du dimanche à l'usage des adultes des deux
sexes.
Article 9 . L'établissement des écoles publiques n'exclut pas les
écoles particulières qui seraient ouvertes conformément aux lois
existantes.
Article 10 . Une école normale des arts et métiers sera établie
dans chaque colonie.
Un lycée destiné à porter dans les Antilles l'enseignement
secondaire sera fondé à la Guadeloupe sans préjudice des collèges
communaux qui pourront être établis ailleurs.
Article 11 . Une institution de degré supérieur sera établie à
la Martinique pour les jeunes filles.
Article 12 . Le ministre de la marine et des colonies est chargé de
l'exécution du présent décret.
Fait à Paris, en conseil du Gouvernement, le 27 avril 1848.
Les membres du
Gouvernement provisoire,
DUPONT DE L'EURE, LAMARTINE, ARMAND MARRAST, CARNIER-PAGES, ALBERT,
LEDRU, ROLLIN, FLOCON,
CRÉMIEUX, LOUIS-BLANC, ARAGO.
Le secrétaire général du
gouvernement provisoire,
PAGNERRE.