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                                                                                " La vérité est en marche "

 

" La vérité est en marche ".



La grâce d'Alfred Dreyfus.



par Marc Nadaux

 






Avant d'aboutir à la libération du capitaine Dreyfus, dont on connaît l'innocence depuis de nombreux mois, l'Affaire suit son cours et celui-ci trace encore de nombreux méandres. De nouveau condamné à Rennes, le 9 septembre 1899, par un tribunal militaire, il faut l'intervention du Président de la République et le recours à un pouvoir de type régalien - la grâce - pour voir libérer l'officier français, injustement soumis à l'opprobre depuis maintenant cinq années.  








Le président Émile Loubet gracie Alfred Dreyfus, 19 septembre 1899.
La grâce présidentielle selon L'Intransigeant, un journal antidreyfusard.








Le président Émile Loubet gracie Alfred Dreyfus,
19 septembre 1899.



Condamné de nouveau, le 9 septembre 1899, mais cette fois-ci avec des " circonstances atténuantes ", Alfred Dreyfus se pourvoit en révision. Quelques jours plus tard cependant, le 19 septembre, il est gracié par le président de la République Émile Loubet, qui donne ainsi une issue à l’Affaire. Le général de Galliffet, ministre de la Guerre, adresse peu après un ordre du jour à l'Armée : " L'incident est clos ! ". Le nouveau gouvernement " de défense républicaine " que dirige Pierre Waldeck-Rousseau fait ainsi prévaloir l'humanité et le soucis de l'apaisement. Il faudra à Alfred Dreyfus attendre encore l'année 1906 pour être réintégré dans l'armée et réhabilité. 




  MINISTÈRE 
DE LA GUERRE




RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



Paris, le 10 septembre 1899


Monsieur le Président,


   Le 9 septembre courant, le Conseil de guerre de Rennes a condamné Dreyfus, par cinq vois contre deux, à dix années de détention ; à la majorité, il lui a accordé des circonstances atténuantes. Après 'être pourvu devant le Conseil de révision, Dreyfus s'est désisté de son recours.
   Le jugement est devenu définitif et, dès lors, il participe de l'autorité même de la Loi devant laquelle chacun doit s'incliner. La plus haute fonction du gouvernement est de faire respecter, sans distinction et sans arrière pensée, les décisions de la justice. Résolu à remplir ce devoir, il doit aussi se préoccuper de ce que conseille la clémence et l'intérêt public. Le verdict même du Conseil de guerre, qui admis des circonstances atténuantes, le vœu immédiatement exprimé que la sentence fut adoucie, sont autant d'indication qui devrait solliciter l'attention.

   A la duite du jugement rend en 1894, Dreyfus a subi cinq années de déportation. Ce jugement a été annulé, le 3 juin 1899, et une peine inférieure, tant au point de vue de sa nature que de sa durée, lui a été appliquée.
   Si l'on déduit des dix années de détention les cinq années qu'il a accomplies à l'île du Diable - et il ne peut en être autrement - , Dreyfus aura subi cinq années de déportation, et il devra subir cinq années de détention. On s'est demandé s'il n'était pas possible d'assimiler la déportation à la réclusion dans une prison cellulaire et, dans ce cas, il aurait presque complètement purgé sa condamnation. La législation ne semble pas le permettre. Il suit de là que Dreyfus devrait accomplir une peine supérieure à celle à laquelle il a été effectivement condamné.
   Il résulte encore des renseignements recueillis que la santé du condamné a été gravement compromise, et qu'il ne supporterait pas, sans le plus grand péril, une détention prolongée.
   En dehors de ces considérations de nature à éveiller la sollicitude, d'autres encore, d'un ordre plus général, tendent à la même conclusion. Un intérêt politique supérieur, la nécessité de ressaisir toutes leurs forces, ont toujours commandé aux gouvernements, après des crises difficiles, et à l'égard de certains ordre de faits, des mesures de clémence ou d'oubli. Le gouvernement répondrait mal au vœu du pays avide de pacification si, par des actes qu'il lui appartient, soit d'accomplir de sa propre initiative, soit de proposer au Parlement, il ne s'efforçait pas d'effacer toutes les traces d'un douloureux conflit.
   Il vous appartient, monsieur le Président, par un acte de haute humanité, de donner le premier gage de l'œuvre d'apaisement que l'opinion réclame et que le bien de la République commande.
   C'est pourquoi j'ai l'honneur de proposer à votre signature le décret ci-joint.

   Veuillez agréer, monsieur le Président, l'hommage de mon respectueux dévouement.


Le ministre de la guerre

Général de Galliffet

  



   MINISTÈRE 
DE LA GUERRE




RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



Le Président de la République,

Sur le rapport du ministre de la guerre,

Vu la loi du 25 février 1875,
Vu l'avis du garde des sceaux, ministre de la justice,

 

Décrète :

Article premier . Il est accordé à Dreyfus (Alfred) remise du reste de la peine de dix ans de détention prononcée contre lui par arrêt du Conseil de guerre de Rennes, en date du 9 septembre 1899, ainsi que de la dégradation militaire.

Article II . Le ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent décret.


Fait à paris, le 19 septembre 1899.


Signé :

 Émile Loubet


Par le Président de la République,
Le ministre de la Guerre

Signé :

 Gal de Galliffet






La grâce présidentielle selon L'Intransigeant,
un journal antidreyfusard.


L'ancien communard et auparavant directeur de La Lanterne, un journal d'opposition à la fin du Second Empire, Henri Rochefort, qui fait profession de nationalisme, verse à présent dans l'antidreyfusisme. Le quotidien dont il est le directeur, L'Intransigeant, après avoir dénoncé les " opportunistes ", lutter aux côtés du général Boulanger, se lance donc dans l'Affaire.

Cette caricature, due à Belon, représente la mise en liberté d'Alfred Dreyfus par le président Loubet. Ce dernier, ceint du cordon de la Légion d'honneur, mais toujours marqué par le coup de canne du baron Christiani - son haut-de-forme en porte les stigmates - ouvre la porte du " traître ". Dreyfus, à qui son ombre confère ses véritables traits - un âne - , est lui en route pour Berlin, toujours dans la discrétion.

Ce dessin, sans grande originalité, reprend à son compte tous les poncifs de l'antisémitisme dans le domaine de la caricature.