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"
La vérité est en marche ".
Le procès de Rennes,
août-septembre 1899.
par Marc Nadaux
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Souffrant, Georges Clemenceau ne peut se rendre au
procès de Rennes qui s'ouvre le 7 août 1899, afin de réviser le verdict
de 1894. Et le journaliste de conseiller l'attaque à outrance à
l'avocat, défenseur d'Alfred Dreyfus. Car, à la chape de plomb qui pèse
sur les juges du tribunal, il faut répondre par une pression formidable,
celle de l'opinion publique. Pour Clemenceau, seul l'appui des masses
convaincus fera évoluer le verdict. Les preuves étant connues et
discutées, chaque camp campe sur ses positions et l'Affaire est ainsi
avant tout une bataille médiatique.
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Lettre de Georges Clemenceau à Me Labori,
11 août 1899.
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" Dreyfus devant le
Conseil de Guerre ", Le Petit Journal, 20 août 1899.
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Lettre de Georges Clemenceau à Me Labori,
11 août 1899.
Mon cher Labori,
Je suis désespéré de ne pouvoir me rendre à Rennes. Croyez-moi, il faut qu'il y ait une impossibilité absolue. J'ai rapporté de Carlsbad une terrible bronchite qui me déchire la poitrine jour et nuit.
D'ailleurs, je vais tâcher d'écrire ce que je vous dirais.
Je suis à ce point pour l'offensive résolue que j'estime la partie perdue dans le cas contraire.
La défensive de 1899 conduira au résultat de 1894 d'autant plus que la pression de l'esprit de corps et de
l'Église sur les juges est formidable.
Notre objectif est d'être vainqueurs devant l'opinion publique. C'est là tout ce qui importe. Les juges suivront si notre victoire est assez décisive; et si ces juges-là ne suivent pas (ce qui me paraît impossible), d'autres viendront. Dites bien à nos amis qu'on ne désarme pas des militaires par la douceur. On accroît leur audace, voilà
tout ! Il faut qu'ils sentent devant eux, sous les formes les plus courtoises, une résolution invincible qui ne cédera devant rien, quoi qu'il arrive.
Je trouve qu'on a eu tort, dès la première journée, de laisser le président plastronner contre Dreyfus sans faire toucher du doigt au public l'absurdité de ses questions. Il faut que, dès demain, la scène change. Occupez-vous du public et ne pensez qu'au public qui est le juge suprême. Songez que tout ce qui sera dit à Rennes retentit sur toute la terre civilisée et que, si vous mollissez là-bas, cent millions d'articles de journaux, lus seulement des amis, ne rétabliraient pas la balance. Tout le monde vous écoute. Profitez-en. Plaidez toute l'Affaire jusque dans ses plus menus détails. Il est visible que les juges n'en savent rien, n'ayant rien lu.
Apprenez-leur tout, en faisant ressortir un à un toutes les infamies, tous les crimes, dont Dreyfus fut la victime. Marchez sur les criminels; à la barre, interrogez-les, poussez-les. Partout ailleurs la défaite. Et que le président sente bien qu'il a devant lui des hommes qui ont jeté le fourreau. J'ajoute qu'il faut que Dreyfus soit de ceux-là.
Des révoltes de lui soulageront le public que sa passivité oppresse.
L'attitude devant Mercier surtout doit être violente. Je la voudrais même injurieuse, terrible. Tout l'univers entendra les paroles qui tomberont de sa bouche, et lui seul a le droit de dépasser la mesure.
Qu'il la dépasse donc. On l'attend; sinon ce sera une déception, une impression des plus fâcheuses. Qu'il
crie : « Vous en avez menti ! Vous m'avez fait condamner par des mensonges. Pour vous sauver de vos crimes, vous apportez de nouveaux mensonges. Je vous prouverai que vous êtes un menteur. »
Cela détruira pour un jour ou deux l'effet principal du mensonge et vous permettra d'entamer les démonstrations en réponse.
Mon cher ami, il faut la bataille sans merci, sans ménagement pour qui que ce soit. J'ai même peine à comprendre qu'on délibère là-dessus à cette heure. Dreyfus n'est ici qu'un protagoniste symbolique. Il faut sauver tout ce qui représente l'innocence aux abois. Au point où en sont les choses, nous ne serons pas vaincus, si nous ne voulons pas. Je sais qu'à la première offensive, on essayera de vous terroriser par des rodomontades. Ne vous laissez pas faire.
Vous serez surpris vous-même des effets d'une résistance obstinée. D'ailleurs, vous avez la garde haute. Supposez que les avocats se retirent, si l'on porte atteinte aux droits de la défense
! Il suffit de laisser entrevoir discrètement cette hypothèse pour ramener tous ces gens à l'observation de leurs devoirs.
Si vous avez encore besoin de moi, dès que je serai mieux, je suis tout entier à votre disposition.
A vous bien cordialement,
G. CLEMENCEAU
" Dreyfus devant le
Conseil de Guerre ",
Le Petit Journal, 20 août 1899.
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