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Emiliano ZAPATA
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Emiliano ZAPATA
(Anenecuilco, 8 août 1879 - Cuernavaca, 10 avril
1919)
Mexicain.
Homme politique.
par
Agnès Granjon
Quelques dates :
1909, les habitants d’Anenecuilco
l’élisent président du comité de défense du village.
1911, les Zapatistes prennent la ville de Cuautla, puis
Cuernavaca, la capitale du Morelos.
rupture avec Madero, élu
ensuite président.
1914, rencontre d'Aguascalientes. S'oppose à Carranza.
avec Pancho Villa, s'empare de
Mexico.
1916, l’explosion du train Mexico-Cuernavaca fait 400
victimes.
1930, le gouvernement Cardenas déclare l’anniversaire de sa
mort journée nationale de deuil.
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Métis indien, Emiliano Zapata est né le 8 août 1879 dans le
petit village d’Anenecuilco, dans l’État du Morelos, au sud du
Mexique. Son père, Gabriel, est un métayer petit propriétaire, qui élève
et dresse des chevaux. Emiliano grandit dans une demeure confortable. Ni
lui ni son frère Eufemio ne seront contraints, comme beaucoup d’enfants
du village, de travailler dans les grandes haciendas. Vers l’âge de 18
ans, après la mort de son père, il doit faire vivre sa mère et ses
trois sœurs. Emiliano suit alors les traces de son père, et devient un
dresseur renommé de chevaux. La petite ferme prospère et la
respectabilité locale de Zapata s’accroît. Bien que très peu instruit
(il ne sait ni lire ni écrire) Zapata a très tôt une conscience
politique forte et bien développée. Enfant, il baigne dans les récits
des membres de sa famille qui se sont battus contre l’Espagne lors de la
guerre d’indépendance, puis contre l’intervention française. Il
ressent profondément les injustices dont sont victimes les peones. Durant
les années 1880, le Mexique s’est en effet lancé dans la production
massive de canne à sucre, ce qui s’est traduit par l’agrandissement
des grandes plantations, au détriment des petits paysans qui perdirent
leur gagne-pain et furent forcés de travailler dans les haciendas. En
1910, les trois quarts de la population mexicaine de 20 millions
d’habitants vivent dans une effrayante pauvreté.
En 1897, Emiliano Zapata est arrêté pour avoir participé à une
manifestation paysanne visant à récupérer des terres annexées par un
planteur. Il est enrôlé peu après dans l’armée, où il reste
seulement six mois : il est démobilisé pour entrer au service
d’un riche propriétaire du Morelos qui lui confie ses écuries. En
septembre 1909, les habitants d’Anenecuilco l’élisent président du
comité de défense du village. Cette organisation ancestrale est chargée
de défendre les intérêts de la communauté. Zapata s’oppose alors aux
exactions des grands planteurs. Ceux-ci sont soutenus par le dictateur
Porfirio Diaz, au pouvoir depuis 1876, dont la police gouvernementale, les
"rurales", souvent des repris de justice, sèment la terreur
dans les campagnes. En dépit du danger qu’ils représentent, et de l’échec
des négociations avec les grands propriétaires, Zapata dirige dès
l’automne 1909 plusieurs redistributions des terres, ce qui le rend de
plus en plus populaire dans sa région et établit sa réputation de chef.
En 1910, Francisco Madero, un propriétaire foncier du nord, perd les élections
face au dictateur Diaz. Réfugié aux États-Unis, il se proclame président.
Quoique la plupart de ses motifs soient politiques, son plan révolutionnaire
(plan de San Luis Potosi) prévoit le retour des terres saisies aux
paysans. Cette clause devient un cri de ralliement pour les peones. Le
nord se soulève le 20 novembre 1910, conduit par Pancho Villa. Dans le
sud, Zapata commence à organiser des bandes révolutionnaires locales,
recrutant une armée de paysans dans les villages et haciendas. Un premier
raid est conduit sur l’hacienda de la Bajada, un des plus grands
domaines du Morelos appartenant à Don Luis Seanez. Aidé de 200 hommes
environ, Zapata s’en rend maître : bien qu’homme plutôt prudent
et modéré, il est devenu un révolutionnaire. Au cours des premières
semaines de 1911, il continue à établir son organisation dans le Morelos,
équipant et formant ses hommes et consolidant son autorité. Bientôt,
les Zapatistes sont prêts à prendre l’offensive. Le 14 février,
Madero revient au Mexique. Moins d’un mois plus tard, le 11 mars 1911,
les Zapatistes prennent la ville de Cuautla. Il n’y a aucune résistance
des habitants, la police locale est rapidement désarmée. Zapata ferme la
route de Mexico aux troupes régulières, et trouve des partisans dans le
Guerrero, état voisin du Morelos où le banditisme existe à l’état
endémique. Le 19 mai, après une semaine de combats féroces contre les
troupes gouvernementales, 5.000 Zapatistes entrent dans Cuernavaca, la
capitale du Morelos. Le 20 mai, Madero signe avec le gouvernement mexicain
le traité de Ciudad Juárez, qui met fin à la présidence de Porfirio
Diaz et nomme Francisco León de la Barra, ancien ambassadeur à
Washington, comme président par intérim.
En juin 1911, Zapata est l’un des premiers à accueillir Madero lors de
son entrée dans Mexico. Mais la rencontre entre les deux hommes se révèle
stérile, Madero refusant d’appliquer immédiatement l’article 3 de
son plan qui prévoyait la restitution des terres communautaires en
friche, et Zapata refusant la récompense financière que lui offre
Madero. Six jours seulement après cette rencontre infructueuse, Zapata se
marie avec Josefa. Officiellement, les Zapatistes doivent être désarmés
et dispersés. Mais Zapata incendie des haciendas, exproprie et distribue
les terres à ses soldats ; il favorise la répartition des travaux
des champs ainsi que la mise en place de conseils de village avec des
responsables élus. Madero ne peut accepter cela, et en juillet 1911, la
rupture est consommée avec Zapata. Les combats reprennent entre les
troupes gouvernementales du général Victoriano Huerta et les milices
paysannes : la première expédition de l’armée régulière est un
échec.
Le 6 novembre, Madero accède à la présidence avec 90 % des voix. Le 28
novembre, dans le "plan d’Ayala , Zapata radicalise sa
position : il déclare l’incapacité de Madero à accomplir les
buts de la révolution, et promet de nommer un autre président par intérim,
une fois la révolution réussie, jusqu’à ce que des élections
puissent être tenues : "La Junte Révolutionnaire de l'État
du Morelos n'acceptera aucun accord ni aucun compromis tant que les éléments
dictatoriaux de Porfirio Diaz et de Francisco I. Madero ne seront pas
renversés, car la nation est fatiguée des hommes faux et traîtres qui
firent des promesses en tant que libérateurs et qui, une fois arrivés au
pouvoir, les oublient et deviennent des tyrans". Écrit par un maître
d’école, Otilio Montafio, le plan d’Alaya contient beaucoup de
maladresses, des répétitions ainsi que des fautes d’orthographe.
Accueilli comme une plaisanterie par le gouvernement mexicain, il est
diffusé dans la presse par Enrique Bonilla, rédacteur de Diario del
Hogar, avec l’accord de Madero : "Éditez-le, ainsi
tout le monde saura que Zapata est fou".
Mais en dépit de ses défauts de style, Zapata propose dans son plan des
réformes agraires radicales en faveur des petits paysans. Il prévoit la
restitution des terres expropriées illégalement, ainsi que la
confiscation du tiers de la terre détenue par les hacienderos, avec une
indemnisation, et sa redistribution aux paysans (article 7). Les propriétaires
qui refuseraient de céder leur terre se la verraient confisquer sans
compensation. Zapata souhaite également le rétablissement des ejidos,
les terres communales, avec des droits d’usage partagés entre tous. Il
souhaite la destruction du système féodal, qui maintient les métayers
et les petits fermiers dans une pauvreté perpétuelle. Cependant, Zapata
est, comme toujours, prudent, et ne se bat pas pour le démantèlement de
toutes les haciendas, mais plutôt pour une sorte de coexistence entre les
grands planteurs d’une part et une population paysanne dotée de plus de
pouvoirs d’autre part. Zapata veut également lutter contre toute forme
d’emprise économique extérieure : la révolution doit "émanciper
le pays de la domination économique de l’étranger". C’est
à ce moment que Zapata lance le slogan " Tierra y Libertad "
(Terre et Liberté). Son plan prévoit enfin le versement de pensions aux
veuves et aux orphelins de ceux qui sont morts pour la révolution, ainsi
que la peine de mort pour les traîtres.
Après presque trois ans de guérilla, en février 1913, le général
Huerta, qui s’est retourné contre son chef, assassine Madero. Les
Zapatistes, qui ont atteint la périphérie de Mexico, rejettent son offre
d’union. Après un simulacre d’élection, Huerta est désigné président.
Son arrivée au pouvoir ne fait que relancer la guerre civile.
L'opposition s'organise aussitôt autour de Zapata, de Pancho Villa, du général
Obregón et de Venustiano Carranza, gouverneur de l'État de Coahuila et
ancien proche de Madero. Durant tout 1913, l’armée gouvernementale fait
régner la terreur dans le Morelos. En vain, la guérilla zapatiste renaît
toujours. La célébrité de Zapata se répand sur tout le Mexique et même
au-delà. Le 3 janvier 1914, le révolutionnaire signe même un contrat
avec la Mutual Film Corporation, lui accordant le droit de filmer les
exploits des guérilleros mexicains contre la somme de 25.000 dollars. En
mars 1914, les Zapatistes remportent une victoire importante en
s’emparant de Chipancingo, la capitale du Guerrero. En mai 1914,
pourchassés par Huerta, certains intellectuels urbains de la gauche
radicale rejoignent Zapata dans le Morelos : Antonio Diaz Soto y
Gama, Octavio Jahn, le tailleur de Rafaël Perez et Miguel Mendoza
Schwerdtfeger. Ces deux derniers sont vaguement marxistes. Quant à Jahn,
c’est un syndicaliste qui avait combattu lors de la Commune de Paris.
Ces intellectuels occupent auprès de Zapata la place laissée vide par la
défection de Montafio. Celui-ci sera d’ailleurs fusillé en mai 1917
pour avoir tenté de rejoindre les troupes de Carranza. Soto y Gama
contribue à l’élaboration de la politique agraire de Zapata.
En juillet 1914, Huerta est forcé d’abandonner le pays. Trois armées révolutionnaires
se partagent alors le Mexique : celle de Villa dans le nord, l’armée
"constitutionnelle" d’Obregon et de Carranza, et les
Zapatistes dans le sud. En octobre 1914, pour tenter d’unir ces forces
et de devenir leur chef suprême, Carranza organise une rencontre, qui se
tient à Aguascalientes. Mais les Zapatistes et les partisans de Villa,
majoritaires lors de l’entrevue, font accepter à main levée les
articles les plus radicaux du plan d’Alaya, et se prononcent pour la désignation
d’un nouveau président provisoire, le Général Eulalio Gutierrez,
choix que Carranza rejette. Le désaccord éclate entre les partisans modérés
de Carranza et les troupes plus radicales de Zapata et de Villa. Au plus
fort de leurs victoires, les Zapatistes occupent les régions du Morelos,
de Guerrero, d’Oaxaca et de Puebla. Paysans sans terre, ou petits
exploitants menacés par les grands propriétaires, les Zapatistes
quittent toujours le Morelos à regret, et jamais pour très longtemps.
Ils évitent le plus possible les batailles, leur préférant la tactique
de guérilla. A la fin d’une escarmouche, ils retournent à la culture
de leurs terres. La plupart d’entre eux sont des croyants fervents, vénérant
la vierge de la Guadalupe, dont ils brandissent les étendards lors de la
bataille. Zapata les paie, lorsqu’il le peut, en levant des impôts écrasants
dans les villes provinciales sur les riches propriétaires.
Le 24 novembre 1914, Zapata ordonne à l’armée de libération du sud,
forte de plus de 25.000 hommes de se diriger vers Mexico pour réaliser sa
jonction avec les troupes de Villa. Après de durs combats, en décembre
1914, la ville est investie, Villa et Zapata peuvent pénétrer dans le
palais présidentiel, où ils sont photographiés par de nombreux
journalistes. Le cliché fera le tour du monde. Ils s’accordent pour
placer un civil à la présidence. Mais Zapata n’est pas un politique,
il n'aime guère Mexico et la vie citadine. Après ce succès, il retourne
dans le Morelos, où il s’emploie à réaliser sa réforme agraire. Très
vite, déçu par la politique de Carranza, il doit cependant reprendre la
lutte. L’action zapatiste trouve moins d’écho auprès de la
population, lasse de la guerre civile et des bouleversements politiques
successifs. Pour pacifier le pays, Carranza utilise tous les moyens :
pelotons d’exécution, incendies, mise à sac des champs, etc. Opérant
à partir de Veracruz, ses troupes, conduites par le général Gonzalez, réussissent
à isoler les Zapatistes dans le Morelos. Mais Zapata, entouré de ses fidèles,
reste incontrôlable et toujours dangereux, bien que son mouvement se
marginalise. A la politique de terre brûlée, il répond par des actions
meurtrières, comme l’explosion, le 7 novembre 1916, du train
Mexico-Cuernavaca, qui fait 400 victimes. Cette action d’éclat lui vaut
d’être surnommé "l’Attila du sud" dans la presse mexicaine ;
les Zapatistes sont présentés comme des bandits sanguinaires.
Pour se débarrasser de son ennemi, Carranza organise finalement une
embuscade. Une lettre de Zapata avait été interceptée, dans laquelle il
invitait un colonel de l’armée régulière, qui avait montré des
dispositions envers la cause révolutionnaire, à se joindre à ses
troupes. Ce colonel, Jesús Guajardo, sous la menace d’être exécuté
comme traître, prétendit être d’accord pour le rencontrer. Le jeudi
10 avril 1919, Zapata part à la rencontre de Guajardo dans l’hacienda
de San Juan de Chinameca. Il tombe dans le guet-apens et, à 2 heures 10
de l’après-midi, il meurt, tué par les soldats de l’armée fédérale.
Son assassinat le fait définitivement entrer dans la légende. Idéalisé
dans les romances populaires, Emiliano Zapata entre au cours des années
1930 dans les manuels d’histoire des jeunes mexicains, lorsque le
gouvernement Cardenas déclare l’anniversaire de sa mort journée
nationale de deuil. Sa tombe est aujourd’hui encore un lieu de pèlerinage,
que les Mexicains du sud viennent honorer en y déposant des lis blancs.
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