La lettre d'infos


A voir et à lire
sur
19e.org,
et ailleurs.

S'abonner à la lettre d'infos
 

 L'actualité
sur 19e.org

 
 

 A voir sur le Web

     Vous êtes ici :   Accueil   Biographies   T    >     Alexis Clérel de TOCQUEVILLE         Contact

 

Alexis Clérel de TOCQUEVILLE

(Paris, 25 juillet 1805 - Cannes, 6 avril 1859)


Français.

Homme politique.



par Jean-Marc Goglin


 

     Quelques dates :

1826, obtient sa licence en droit.
1830, accepte de prêter serment à la Monarchie de Juillet.
1831-1832, voyage aux aux États-Unis.
1835, De la démocratie en Amérique.
1839, élu député de la Manche.
1841, élu à l’Académie française.
1856, L’Ancien Régime et la Révolution.

 






Alexis Clérel de Tocqueville est né à Paris le 25 juillet 1805. Descendant de Malesherbes par sa mère, il appartient à la noblesse normande par son père. Ses souvenirs d’enfance sont marqués par le récit de la captivité de ses parents, lors de la Révolution française, lesquels sont libérés après le 9 Thermidor et la chute de Robespierre. Les descriptions des événements faites par sa mère marquent Tocqueville à jamais. Il prend conscience de la puissance des désordres politiques et l’idée d’une nouvelle révolte populaire le hante désormais.

Tocqueville effectue ses études à Metz, où son père est préfet, de 1817 à 1823, puis à Paris. Il découvre à cette époque les œuvres des philosophes des Lumières, tels Montesquieu ou Rousseau, et se détache bientôt du monde aristocratique qui a, jusque là, marqué son éducation. Tocqueville opte alors pour les idées défendant la liberté de l’individu. Celle-ci devient la première de ses valeurs. Il ne remettra d’ailleurs jamais en cause la Révolution française et ses acquis. Tocqueville se défiera désormais de toute forme de despotisme et défendra toutes les libertés : d’opinion, de presse…

En 1826, Tocqueville obtient sa licence en droit. Nommé juge-auditeur à Versailles, le 6 avril 1827, il commence une carrière dans la magistrature. Cette fonction lui permet de prendre conscience de la permanence et de la virulence de l’opposition entre l’ancienne et la nouvelle société. Après la chute de Charles X et l’avènement de Louis-Philippe d’Orléans, en 1830, il accepte de prêter serment à la Monarchie de Juillet. Il a conscience de renier ses opinions légitimistes et les valeurs familiales mais souhaite avant tout pouvoir œuvrer contre l’anarchie. Avec son ami Gustave Beaumont, également juriste, il décide de se rendre aux États-Unis afin de découvrir ce qu’il juge être un modèle de société. Tocqueville est persuadé que l’évolution démocratique est inéluctable et que le système politique et social de l’Amérique représente le mieux cette évolution. Au cours de ce voyage, du 11 mai 1831 au 20 février 1832, les deux amis visitent les grandes villes du Nord et découvert le système pénitentiaire américain. A leur retour, Beaumont est destitué de son poste. Tocqueville démissionne alors et devient avocat à Paris.



Tocqueville se lance alors dans une carrière politique. Après un échec aux élections législatives de1837, il est élu député de la Manche, à Valognes, en 1839. Le député est alors constamment réélu, jusqu’en 1848, d’abord dans le cadre du suffrage censitaire usité par la Monarchie de Juillet puis dans celui du suffrage universel adopté par la Seconde République. Aussi peut-on s’étonner qu’un aristocrate comme Tocqueville ait joui d’une telle confiance électorale transcendant les régimes politiques à une époque où s’affrontent, souvent violemment, républicains et monarchistes. Ceci tient à la parution, en 1835, des deux premiers volumes de son traité intitulé De la démocratie en Amérique. Celui-ci est salué unanimement comme une œuvre magistrale, pour laquelle il obtient le prix Montyon en 1836. Lors de son voyage aux États-Unis, Tocqueville a découvert à cette occasion l’égalité des conditions, fondement selon lui du système politique et social américain. Dès les premières lignes de son ouvrage, il invoque la démocratie, marche de l’égalité de tous, comme un dessein de Dieu, contre lequel on ne doit pas lutter.

L’œuvre du député Tocqueville est marquée par ces idées. Il rédige notamment trois rapports importants, sur l’abolition de l’esclavage dans les colonies en 1839, sur la réforme des prisons en 1843, sur les affaires d’Algérie en 1847 après s’être rendu à deux reprises dans ce pays, en 1841 et 1846. Le parlementaire s'oppose également à la politique de François Guizot, sans hostilité fondamentale à Louis-Philippe. Il sent venir l’agitation révolutionnaire de 1848 et essaie de prévenir le Gouvernement. En vain. Tocqueville voit l’avenir sous le signe du désordre et de la décadence.

L’avènement d’un nouveau régime amené par la révolution de 1848 ne marque pourtant pas la fin de sa carrière politique. Réélu député de la Seconde République naissante, il prononce un discours retentissant sur le droit du travail à l’assemblée constituante. Envoyé par Cavaignac à la conférence de Bruxelles pour le règlement de la question italienne, il se montre hostile à la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte à l’élection présidentielle, lequel est cependant élu le 10 décembre 1848. Signe que sa pensée dépasse les clivages politiques de son époque, il devient ministre des affaires étrangères, fonction qu’il occupe du 3 juin au 30 octobre 1849 dans le cabinet d'Odilon Barrot. Hostile au coup d'État du 2 décembre 1851, Tocqueville signe à la mairie du Xème arrondissement de Paris la demande de mise en accusation du Prince-président et est pour cela emprisonné quelque temps à Vincennes.



A sa libération, Tocqueville entreprend, sans parvenir à l’achever, une analyse de la situation politique et sociale de la France, intitulée L’Ancien Régime et la Révolution. Seule la première partie est publiée le 28 juin 1856. Il y exprime l’idée que les transformations politiques et sociales de 1789 auraient pu être gagnées sans événements violents. En effet, selon Tocqueville, l’égalité des conditions est en marche depuis des siècles en Europe. Plus l’égalité s’établit, plus elle est désirée. Le problème est que ce désir d’égalité conduit pour chacun au sacrifice de la liberté individuelle. Ainsi, selon Tocqueville, le peuple démocratique préfère l’égalité dans l’esclavage plutôt que de supporter la domination aristocratique, c’est à dire l’inégalité. Ce désir d’une législation égalitaire est puissant. Le peuple souhaite être guidé vers le bonheur par l’État, ce qui conduit, en fait, à un nouveau despotisme. L’État devient le seul arbitre de ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Il détient alors l’ensemble des pouvoirs politiques et administratifs. Et l’illusion de la liberté est donnée par la souveraineté populaire, celle-ci laissant croire au peuple que c’est lui qui choisit le système politique qui le dirige.

Aussi pour Tocqueville est-il nécessaire d’imposer des limites au pouvoir de l’État et de réactiver les responsabilités sociales et politiques de chacun si on souhaite préserver la liberté politique de tous. Il prône tout d’abord un développement de la décentralisation afin que l’État ne concentre plus la totalité des pouvoirs politiques et administratifs. Une partie de ces prérogatives doit revenir aux collectivités régionales et locales. Le recrutement des fonctionnaires de ces administrations serait local. Tocqueville préconise également l’exercice actif de la solidarité entre citoyens par la participation directe aux responsabilités. Celle-ci s’exprimerait par l’intermédiaire du suffrage universel, lors des élections, et par la participation à des associations, lesquelles en défendant le bien individuel sauvent le bien commun en établissant un équilibre entre les différentes volontés. De plus la liberté d’expression de chacun est garantie par la liberté de la presse, un des instruments qui permettent de lutter contre la tyrannie. Tocqueville insiste également sur le rôle important de la religion, élément fondamental de la liberté parce qu’elle constitue le principe, intérieur au citoyen lui même, capable de le mobiliser à l’égard de ses semblables et de le réfréner dans sa quête des biens matériels. Selon lui la morale intériorisée de la religion compense le relâchement des relations sociales et politiques. Et une société moins encadrée par l’État ne peut se passer de la religion.

L’ensemble de son œuvre vaut à son auteur d’être élu à l’Académie des sciences morales et politiques en 1838 puis à l’Académie française en 1841. Tocqueville décède à Cannes, le 6 avril 1859. Ses œuvres complètes furent réunies par sa veuve et son ami Gustave Beaumont, de 1866 à 1878. Ses Souvenirs, publiés en 1893, sont un témoignage capital sur la révolution de 1848 et Tocqueville peut ainsi être considéré comme l'un des précurseurs de l'histoire des mentalités. Néanmoins, il sous-estime dans ses études la permanence structurelle du phénomène aristocratique ou oligarchique. Ainsi Tocqueville semble ne pas avoir perçu l’existence d’une aristocratie de la démocratie ne s’opposant pas à l’État mais vivant de l’État, légitimée par le suffrage et les capacités.