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Raymond-Adolphe SÉRÉ de RIVIÈRES |
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Raymond-Adolphe SÉRÉ de RIVIÈRES
(Albi, 20 mai 1815 - Paris, 16 février 1895)
Français.
Militaire.
par Eric Labayle et Guy Le
Hallé
Quelques dates :
1870, promu général de brigade.
1872, instruit comme rapporteur le procès du maréchal
Bazaine.
1873, prend le poste de secrétaire du Comité de Défense.
Considérations sur la reconstitution de la frontière de
l’Est.
1874, Exposé sur le système défensif de la France.
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Parmi les innombrables
personnalités qui reposent au cimetière parisien du Père Lachaise, nous
pouvons remarquer, dans la 95ème division, un mausolée assez banal, dont
la stèle est ornée d’un visage de militaire, celui du général Séré
de Rivières, décédé le 16 février 1895 dans sa quatre-vingtième année.
Son nom, à peu près oublié de nos jours, se rattache néanmoins au système
fortifié le plus élaboré dont la France fut dotée après Vauban. Si le
sculpteur a donné à son œuvre un profil sévère, presque inquiet, présumons
que vingt ans avant la plus grande bataille de l’histoire, ce général
pressentait que son organisation défensive allait être sévèrement mise
à l’épreuve. Dans cette expectative on avait prudemment gravé au bas
du monument : " Lapides clamabunt " (les pierres témoigneront)...
Raymond-Adolphe Séré de Rivières est né à Albi le 20 mai 1815 dans
une famille de noblesse récente (du XVIIème siècle). Il entre à l’École
Polytechnique en octobre 1835. C’est alors qu’il entre en relations
avec certains milieux intellectuels et politiques parisiens (dont le jeune
Adolphe Thiers). Il profite de cette expérience
pour développer des conceptions très personnelles, tant sur son futur métier
d’officier du génie que sur la défense globale du pays. Après deux
années de scolarité à Polytechnique, il est nommé sous-lieutenant et
entre comme élève à l’École d’Application de l’Artillerie et du
Génie de Metz. Lieutenant en 1841, il est capitaine de deuxième classe
en janvier 1843, puis nommé à la Chefferie de Toulon en avril. A ce
poste, il développe son idée maîtresse de faire reposer les défenses
de la place sur un ensemble de forts détachés, plutôt que sur une ligne
continue. Cette conception se traduit dans son projet initial de fortifier
particulièrement les hauteurs du Faron. En 1845 il réalise la caserne du
Centre, chef d’œuvre du genre, et entame la construction du fort du Cap
Brun. Ces travaux dans la place de Toulon lui valent une lettre de félicitations
du ministre (ce ne sera pas la dernière) et lui permettent d’asseoir sa
réputation naissante de spécialiste de la fortification. Mais cette période
est également importante pour sa vie privée, puisqu’il se marie avec
la fille du maire de Toulon en septembre 1847.
Il est ensuite transféré à Perpignan en octobre 1848. Nous retrouvons
ensuite Séré de Rivières chef du génie à Castres (dès mars 1849) ;
un an plus tard, il accède au grade de capitaine de première classe. En
juillet 1853, il est nommé chef du génie à Carcassonne puis, après
l’intermède de la campagne d’Italie (à laquelle il participe), il
exerce successivement les mêmes fonctions à Orléans (mars 1860), à
Paris-Nord (octobre 1860), puis à Nice (de janvier 1862 à août 1864) où
il commence un projet de fortification. Ce projet, bien qu’excellent,
n’aura pas de suite avant 1878 et le début des travaux des forts de la
Tête de Chien, de la Drette et de la Revère (ces ouvrages furent inclus,
après 1885, dans un nouveau projet plus conforme à la nouvelle stratégie
et aux nouveaux armements). Chef du génie de Metz, il est chargé
d’octobre 1864 à avril 1868 de la mise en œuvre du camp retranché.
Sur les huit forts prévus, il n’aura le que temps de commencer la
construction de quatre ouvrages (Saint-Quentin, Plappeville, Saint-Julien
et Queuleu). Nommé colonel en mars 1868, il devient dès avril directeur
des fortifications de Lyon avec pour mission d’en réorganiser la défense
de la place. Celle-ci avait été déjà été aménagée en 1831 par les
généraux Haxo et Rognat. Séré de Rivières y construit notamment
l’enceinte continue reliant les forts de Caluire et de Montessuy et
constituant la nouvelle enceinte de Croix Rousse en remplacement de
l’ancienne, démolie entre 1848 et 1852, qui a fait place depuis à
l’actuel boulevard de la Croix Rousse. Il adopte alors la conception de
Montalembert et donne à ses ouvrages la physionomie d’une imposante
batterie.
Séré de Rivières est promu général de brigade en octobre 1870, après
s’être fait remarquer par son attitude à Lyon, où il parvient tout à
la fois à contrôler l’insurrection populaire et à mettre la place en
état de défense. En janvier 1871, il commande le génie du 24ème Corps
de l’armée de l’Est (général Bourbaki) et prend une large part dans
la victoire d’Arcey. Cette action d’éclat au feu, la seule de sa
carrière, en fait, lui vaut d’être appelé au commandement du génie
de l’armée de l’Est. Quelques semaines plus tard, à la tête du génie
du 2e corps de l’armée de Versailles, il dirige les sièges des forts
d’Issy, de Vanves et Montrouge, qu’il enlève aux Fédérés en mai,
en limitant les pertes humaines. Ces succès permettent l’entrée dans
Paris des troupes versaillaises. Il attirent également sur le général
de Rivières l’attention de deux hommes forts du moment : le général
de Cissey et Adolphe Thiers.
A la suite de ces épreuves, une fois la paix revenue, Séré de Rivières
est chargé de diriger une reconnaissance sur la frontière italienne, à
l’automne 1871. Il faut réorganiser la défense de la France dans son
ensemble et la barrière des Alpes doit elle aussi faire l’objet d’une
attention particulière. C’est à contrecœur qu’il reçoit ensuite,
le 7 mai 1872, la lourde charge d’instruire comme rapporteur le procès
du maréchal Bazaine. Il entame alors une remarquable enquête sur les
conséquences de la chute de Metz, ce qui lui permet de parfaire ses
connaissances en poliorcétique. Le rapport qu’il remet le 6 mars 1873
est un modèle du genre, tant par son volume que par la rigueur de son
contenu. C’est une pièce accablante pour Bazaine, dont les
responsabilités et les échecs sont mis en valeur.
En juin 1873, il prend le poste de secrétaire du Comité de Défense créé
en juin 1872 par Adolphe Thiers pour jeter les bases d’une nouvelle défense
du territoire. Il s’y oppose vite au général Frossard, dans une
querelle d’écoles (l’ancienne contre la nouvelle) qui lui donne
l’occasion d’exposer en détail sa conception de la réorganisation
des frontières. Celle-ci est à la fois défensive et offensive. Appuyée
sur un système de régions fortifiées linéaires, elle s’inspire du Pré
Carré de Vauban, tendant à canaliser l’ennemi vers une ouverture (une
trouée d’invasion) où une armée restreinte l’attendrait, mais tient
compte de l’évolution des armements et cherche avant tout à éloigner
un ennemi éventuel de Paris. C’est que la fortification française en
était toujours restée, avant la guerre de 1870, aux anciennes théories
de Vauban. Celles-ci avaient brillamment fait leurs preuves en leur temps,
mais après 1858, suite à l’utilisation de l’artillerie rayée tirant
des obus explosifs, il devenait nécessaire de revoir l’ensemble du système
français de fortification. Il avait cependant fallu attendre le choc de
la défaite de 1871 pour envisager un programme complet concernant la
totalité du territoire français. Son plus chaud partisan et réalisateur
devait être le général Séré de Rivières.
Dès 1873, il présente un rapport sur les dispositions à adopter pour la
défense éloignée de la place de Toulon du côté de la terre, qui prévoit
d’occuper les hauteurs ceinturant Toulon : Mont Coudon, Colle
Noire, Mont Caumes, Gros Cerveau, Six Fours. Les deux textes fondateurs du
système défini et mis en œuvre par lui sont : Considérations sur la
reconstitution de la frontière de l’Est (remis au Comité le 21
juin 1873, adopté à l’unanimité et exposé le 15 novembre suivant) et
Exposé sur le système défensif de la France (déposé le 20 mai
1874, le 17 juillet suivant, la loi relative à l’amélioration des défenses
de la frontière de l’Est est promulguée).
En 1874, Séré de Rivières devient directeur du Service du Génie au
ministère de la Guerre, chargé par le général du Barail de la
construction d’une défense allant de Dunkerque à Nice et qui portera
son nom (réalisée de 1874 à 1885). Élevé au grade de général de
division en octobre, il partage la frontière du nord et du nord-est en
quatre groupes :
1 - Le groupe Jura, avec la place de Besançon comme base.
2 - Le groupe Vosges, s’appuyant sur Épinal et Belfort.
3 - Le groupe de la Meuse moyenne, constitué par un rideau d’ouvrages
reliant Verdun à Toul par les Hauts de Meuse.
4 - Le groupe Nord, s’étendant de Mont-médy à Dunkerque, s’appuyant
sur Maubeuge et Lille et se reliant au groupe de la Meuse par les
positions de Montmédy-Longwy, les Ayvelles-Givet.
La défense de la frontière italienne est aussi prévue par un
renforcement des vieilles forteresses de montagne. En profondeur,
l’ancien camp retranché de Lyon, puissamment complété, contrôle cet
ensemble. Le littoral est également renforcé, notamment par les places
fortes de Nice et Toulon, sans oublier quelques points de la frontière
pyrénéenne, ainsi que le long de la côte atlantique. Le centre du système
est la place fortifiée de Paris dont le gigantesque camp retranché est
considérablement protégé par une nouvelle ceinture de forts, placés très
en avant de ceux de 1840. Mais l’originalité de ce système consiste en
une association savante de défenses fixes et statiques (des rideaux défensifs
de forts) et de trouées, défendues par des armées en mouvement, selon
les principes de la guerre en rase campagne. Le 17 juillet 1874, le projet
devient réalité, avec le vote d’une loi (adoptée à l’unanimité !)
qui lance le programme de réalisations.
Séré de Rivières réalise ainsi, jusqu’à la fin de 1885 (en réalité
jusqu’au 10 janvier 1880, jour où il fut relevé de ses fonctions suite
à un bouleversement gouvernemental ; il est alors remplacé par le
directeur des fortifications de Grenoble, Cosseron de Villenoisy, qui
poursuivra néanmoins son programme, sans grands changements, jusqu’en
1885) quelques 196 forts, 58 petits ouvrages et positionnera environ 278
batteries… et cela sur toutes les parties vitales du pays. Jusqu’en
1914, on ajoutera à cet ensemble 16 forts, deux redoutes, 114 ouvrages,
15 blockhaus et sept fortins. Conformément à l’exposé sur le système
défensif de la France de 1874, le montant prévisionnel de ces travaux
s’élevait à 400 millions de francs or. Il semble que la facture finale
ait dépassé ce chiffre d’une cinquantaine de millions, ce qui donne,
sur la base de 250 forts et petits ouvrages réalisés jusqu’en 1885,
une moyenne de 1,8 millions par ouvrage (voir le prix des forts de
Verdun). Bien sûr, le prix de l’armement des places n’est pas compris
dans ces chiffres. Le colonel Rocolle indique qu’il se serait élevé
(jusqu’en 1885) à un total de 229 millions de francs-or.
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