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Étienne Pivert de SENANCOUR 

(Paris, 16 novembre 1770 - Saint-Cloud, 10 janvier 1846)


Français.

Ecrivain.



par Marc Nadaux


 

     Quelques dates :

1804, publie un roman Oberman dans l'indifférence générale.
1832, un article de Sainte-Beuve dans La Revue de Paris met en avant son œuvre.
1833, une seconde édition de son roman, Obermann, (qui s'écrit à présent avec deux n) connaît un grand succès de librairie.
 

 






Étienne Jean-Baptiste Pivert naît à Paris le 16 novembre 1770 dans le quartier Saint-Paul. Il est le fils d’un marchand de la capitale, Claude-Laurent Pivert, qui, se destinant dans un premier temps à la prêtrise, s’est marié, deux années plus tôt, à sa cousine germaine, elle aussi fille de commerçants. Les deux époux ne s’entendent guère. Aussi Étienne Pivert, qui est le fils unique du couple Pivert, passe son enfance au milieu des disputes de ses parents. Sa mère, de spiritualité janséniste, l’élève dévotement, l’entraînant fréquemment prier des heures durant dans l’église de la paroisse. En 1774, son père rachète la charge de " Contrôleur général des rentes de la ville de Paris ". Ceci lui donne le titre de conseiller du roi et lui accorde la particule. Il se fait dorénavant appeler de Senancour.

L’enfant est mis en pension à Fontaine, près de Chaalis, chez un prêtre gagné aux idées des Lumières. Celui-ci lui permet d’ailleurs de visiter sa bibliothèque. En 1785 enfin, il est placé en pension au Collège de la Marche, près de la Montagne Sainte-Geneviève, à Paris. Étienne de Senancour y effectue ses humanités, s’initiant à la pensée de Malebranche ou d’Helvétius, parcourant les œuvres de Buffon ou de Bernardin de Saint-Pierre, et s’éloignant ainsi définitivement de la religion. Alors que son père songe maintenant à l’inscrire au séminaire de Saint-Sulpice, il quitte Paris le 14 août 1789, avec l’accord de sa mère. Le jeune homme effectue un voyage qui le mène dans les Alpes d’où il gagne la Suisse. Senancour s’imprègne alors des beautés de la nature lors des excursions qu’il effectue dans les montagnes.

De retour à Paris l’année suivante, il se marie le 13 septembre 1790 avec Marie-Françoise Daguet, une jeune fille dont il a fait la connaissance en Suisse. Senancour entraîne alors sa jeune épouse vers ces régions proches de Fribourg qui l’ont ravi. Le jeune couple s’installe à Agy, près des Daguet, une famille qui loge des émigrés. Une fille, Eulalie, naît le 8 septembre 1791 puis un fils, prénommé Floran-Julien, le 9 décembre 1793. Résidant maintenant à Thiel, Senancour connaît quelques démêlés avec sa belle-famille, son beau-frère tentant ainsi de l’empoisonner. Ceci le décide à s’en revenir seul à Paris.



A la mort de son père, Étienne de Senancour hérite de quelques biens. Cependant, il est bientôt quasi ruiné avec la dévaluation des assignats. S’essayant à la littérature, il publie en 1795 l’Aldomen ou le bonheur dans l’obscurité. Quelques années plus tôt, en 1793, un premier écrit, Les Premiers Ages. Incertitudes humaines, signé " le Rêveur des Alpes ", lui avait été inspiré par la solitude des montagnes. Sous le Directoire, Senancour tente à plusieurs reprises de regagner la Suisse. Arrêté, il devient suspect aux yeux des autorités qui le soupçonne, notamment à Besançon en 1796, d’être un prêtre réfractaire. Dans les années qui suivent, il mène une existence errante en Ile-de-France, à Villemètrie puis au château de Mont-l’Evêque, se consacrant à croquer les paysages rencontrés.

A l’automne 1798, l’éditeur Laveaux lui propose de devenir le précepteur des deux fils d’une de ses connaissances, l’ancien Fermier général La Live. Disposant à présent d’un revenu régulier, il fréquente les milieux littéraires de la capitale, appréciant la compagnie de Mme d’Houdetot, de Saint-Lambert ou celle du chevalier de Boufflers avec lequel il se lie. En 1799, Étienne de Senancour rédige les Rêveries sur la nature primitive de l’homme. Dans les années qui suivent, tandis qu’avec le Consulat la situation politique connaît une accalmie, il est de nouveau en Suisse, à Fribourg auprès de son épouse. Entre temps cependant, celle-ci a eu un enfant adultérin que son mari sera contraint de reconnaître en 1816. Celui-ci est définitivement de retour en France en 1803 ; son épouse décède quelques années plus tard en 1806.

Senancour réside maintenant à Fontainebleau où sa fille l’a rejoint. Il publie en 1804 un roman Oberman qui n’obtient que peu de succès, pas plus d’ailleurs que De l’Amour en 1806 ou une comédie, Valombré, racontant l’histoire d’un misanthrope, en librairie en 1807. Il décide néanmoins à cette époque de vivre désormais de sa plume et collabore au Mercure de France. Senancour fait bientôt la connaissance de quelques-uns des écrivains en vogue avec lesquels il se lie d’amitié : Sébastien Mercier, Charles Nodier ou Pierre-Simon Ballanche notamment.



Alors que le pouvoir de l’Empereur chancelle, Senancour est maintenant affilié aux milieux libéraux. L’écrivain rédige quelques pamphlets par lesquels il prend parti dans les débats du temps. En 1814, est publié sa Lettre d’un habitant des Vosges sur MM. Buonaparte, de Chateaubriand, Grégoire, Barruel puis en 1816 un pamphlet intitulé Observations critiques sur l’ouvrage intitulé " Génie du christianisme ", suivies de réflexions sur les écrits de Monsieur de Bonald. En ces mois de la Restauration des Bourbons marqués par la contre-révolution, Senancour dit toute son horreur des prêtres. Pendant l’année 1818, il multipliera les articles dans un journal d’inspiration libérale, Le Constitutionnel.

L’écrivain connaît à cette époque une grave crise morale. Senancour effectue un séjour dans le midi pendant lequel il passe plus d’une année dans les Cévennes aux côtés d’une communauté protestante à Anduze. A Paris et sous l’inspiration de son ami Ballanche, il se met alors à réfléchir à une religion universelle. Etienne de Senancour publie en 1824 un Résumé de l’histoire de la Chine puis l’année suivante un Résumé de l’histoire des traditions morales et religieuses. Alors que sous le règne de Charles X sont désormais au pouvoir les ultras, la seconde édition de ce dernier ouvrage en 1827 lui vaut des poursuites pour irréligion. L’écrivain, inquiété à cause de la virulence de sa critique des " convertisseurs ", est cependant acquitté.

A partir de 1823, Étienne de Senancour entame une collaboration avec le Mercure du XIXème siècle. En 1832, un article publié le 22 janvier par Charles-Augustin Sainte-Beuve dans La Revue de Paris qui met en avant son œuvre lui confère une nouvelle notoriété. L’année suivante, une seconde édition de son roman, Obermann, (qui s'écrit à présent avec deux n) connaît un grand succès de librairie. Les représentants de la jeune génération romantique viennent alors lui rendre visite dans son appartement de la rue de la Cerisaie, près de l’Arsenal. Le ministre Adolphe Thiers lui obtient également une pension. Senancour, dont le monde des Lettres fait un précurseur, est saisie de l’incongruité de cette célébration.



Étienne de Senancour décède le 10 janvier 1846 à Saint-Cloud, dans l’indifférence générale.