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Henri de ROCHEFORT
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Victor-Henri de
ROCHEFORT-LUÇAI
, dit
Henri de ROCHEFORT
(Paris,
31 janvier 1831 - Aix-les-Bains,
30 juin 1913)
Français.
Homme politique.
par Marc Nadaux
Quelques dates :
1859, entre dans l'équipe de rédaction de la feuille
satirique, Le Charivari.
1868, le premier numéro du journal La Lanterne
paraît.
1869, élu député de Paris.
1870, arrêté et placé en détention pour une durée
indéterminée à la prison de Sainte-Pélagie.
nommé président de la
Commission des " barricades " après la proclamation de la
République.
1871, réélu député de Paris, mais renonce à son mandat,
après la ratification des préliminaires de paix de
Versailles.
se refuse d’à participer
au pouvoir communal.
considéré comme le " chef
occulte " de la Commune de Paris, condamné à la déportation
1874, en Nouvelle-Calédonie, s'évade de la presqu’île Ducos.
1876, dans son nouveau journal, Les Droits de l’Homme,
rédige d’un article intitulé, " Les Opportunistes ".
1887-1889, L’Intransigeant soutient le général
Boulanger. 1896, Les Aventures de ma vie.
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Victor-Henri de
Rochefort-Luçay naît à Paris, le 31 janvier 1831. Il est issue d'une
ancienne famille de l'aristocratie berrichonne, ruinée par la Révolution
et la vente des biens des émigrés. Avec le retour des Bourbons et la
Restauration, son père se voit confier le poste de secrétaire de l'île
Bourbon (actuelle île de la Réunion). De retour trois années plus tard
en métropole, il fréquente de nouveau les salons parisiens et se marie.
Affilié aux milieux ultra-royalistes, le marquis de Rochefort collabore
ainsi au Drapeau blanc d’Alphonse Martainville, avant de se
consacrer à l'écriture de quelques vaudevilles. D'abord placé en
nourrice, son fils Henri est confié au bon soin de sa tante à l’âge
de trois ans. Sa mère, née Marie Morel, a en effet la charge de l'éducation de ses trois sœurs
aînées. Auprès de Mme de Saint-Maur, qui demeure au château de Boigny,
près d'Orléans, l'enfant est élevé dans le culte d'Henri V et de la
cause légitimiste. Après avoir appris à lire et à écrire avec
l'instituteur du village, Henri de Rochefort est de retour dans la
capitale parisienne. En 1843, il entre au collège Saint-Louis, situé rue
de La Harpe. Au cours des années qui suivent cependant, la solitude lui
pèse et il ne doit de poursuivre ses études qu'à l'insistance du
proviseur de l'institution.
Bachelier à
l'âge de dix-huit ans, l'adolescent s'emploie ensuite en tant que
précepteur. Aux trois enfants d'une amie de sa mère - la comtesse de
Montbrun -, il apprend ainsi les rudiments de la langue latine, moyennant
une rémunération de cinquante francs par mois. Henri de Rochefort
fréquente également avec assiduité le musée du Louvre, ainsi que l’Hôtel
Drouot. L’amateur d'art assiste ainsi de riches acheteurs dans le choix
de leurs acquisitions, se forgeant par la même occasion quelques
relations mondaines. En 1851, le jeune Rochefort devient employé
auxiliaire à l'Hôtel-de-Ville. " Si jeune et déjà rond-de-cuir !
", comme il le précisera dans ses mémoires. Affecté dans un
premier temps au Bureau des inventions, puis à celui d'architecture, ses
prérogatives de fonctionnaire lui permettent néanmoins d'éviter le
service militaire. Il prétexte à cette occasion de son statut de soutien
de famille. Cette existence routinière l’ennuie, mais le peu de
présence de sa hiérarchie auprès de lui à l'Hôtel-de-Ville lui permet
de s’absenter fréquemment. Au bureau jusqu'au milieu de l'après-midi,
Henri de Rochefort fréquente les spectacles le reste du temps. Il
s'emploie ainsi auprès du journal La Presse théâtrale,
livrant des articles de critique en échange d'un droit d'entrée dans les
salles parisiennes.
A présent muté
aux services des Archives, puis dans celui qui est chargé de la
vérification des comptes des communes, Henri de Rochefort, toujours aussi
peu à sa tache de fonctionnaire, rédige à l'occasion quelques
vaudevilles, des articles pour la presse d’opinion. En 1859, il entre
ainsi dans l'équipe de rédaction de la feuille satirique, Le
Charivari. D'abord cantonné au chapitre des Arts, Rochefort commente
bientôt les affaires politiques en cours, révélant bientôt aux
lecteurs ses talents de polémiste. Malgré le peu de liberté que les
autorités du Second Empire concède à sa plume, ceci lui vaut quelques
inimitiés, quelques affaires qui font bientôt circuler son nom dans le
Tout-Paris et les lieux élégants. Nommé sous-inspecteur des Beaux-Arts
de la Ville de Paris, suivant les vœux d’Eugène Haussmann, le préfet
de la Seine, Henri de Rochefort donne peu après sa démission. La perspective de se voir décerner la croix de la légion d'honneur - "
de prendre place dans le troupeau " - répugne en effet à celui qui
fait à présent profession d'opposant au régime de Napoléon III.
Dès lors,
Rochefort se consacre uniquement à ses activités de plume. Engagé par Le
Nain jaune, il entre ensuite dans l’équipe de Jean de Villemessant,
au sein du déjà très influent Figaro. Dans les années qui
suivent, ses articles lui valent quelques duels fameux, l'un d'entre eux
l'oppose au prince Murat, le propre cousin de l'Empereur ! Collaborant à
l’occasion au Soleil, le journaliste éreinte également le duc
de Morny ou le comte de Persigny, deux autres fidèles de Napoléon III,
tous deux acteurs majeurs du coup d'État du 2 décembre. Dans les colonnes
du Figaro, il crée une rubrique " Sport ",
consacrée à la chronique des champs de course, avant que le gouvernement
devant la violence de ses propos, et malgré le tour libéral pris par le
régime, n'exige sa démission auprès de la direction du journal
conservateur. Contraint par les autorités, Villemessant offre néanmoins
son appui financier à Henri de Rochefort, qui entreprend de poursuivre
dans l’opposition au Second Empire sa carrière de journaliste, en
fondant son propre quotidien.
Le premier
numéro du journal La Lanterne paraît ainsi le 30 mai 1868.
Suivant les propres mots de son créateur, celui-ci se destine
" à éclairer les honnêtes gens " et connaît un
énorme succès. Bien que vendu quarante centimes, le brûlot à la
couverture rouge s'arrache sur les boulevards parisiens, chaque samedi
matin. Le tirage dépasse d’ailleurs les 120.000 exemplaires. Tout ce
tapage inquiète bientôt le pouvoir, d'autant plus qu'au-delà du
commentaire de l’actualité politique du moment, Henri de Rochefort
dévoile également les intrigues de couloir et autre secrets cachés. La
Lanterne dévoile ainsi la naissance adultérine du souverain, les
dessous financiers de l'intervention française au Mexique... Dès sa
huitième parution, le gouvernement songe à la saisie du journal, puis
joue le jeu des communiqués et autres démentis, avant que de multiplier
les procès à l'égard de Rochefort. La Lanterne devient une
affaire d'État. Le 6 d'août 1868, l’impression du onzième numéro est
compromise par la police, venue inspecter les locaux du journal. Son
rédacteur en chef, sentant son arrestation prochaine, décide alors de
s'exiler en Belgique. Jusqu'au mois de novembre 1869, La Lanterne
connaîtra ainsi 74 livraisons ; une édition en format de poche
permettant d’en livrer aux abonnés un exemplaire dans une lettre
postale.
En Belgique,
condamné à une année d’emprisonnement et à 10.000 Francs d’amende,
Henri de Rochefort lutte à l’épée contre le fils du ministre Baroche
venu à sa rencontre au delà de la frontière. Il fréquente à Bruxelles
les autres proscrits du Second Empire : Louis Blanc, Victor Hugo…
Le polémiste devient d’ailleurs le parrain d’un des petits-enfants de
l’écrivain, participant également à la rédaction du journal Le
Rappel avec les deux fils de celui-ci. Au mois de mai 1869, Rochefort
est élu député de Paris, à Belleville, lors des élections
législatives. Il revient alors en France et est amnistié par le Second
Empire, devenu " libéral ". L’année suivante
cependant, le régime est pris dans la tourmente de l’affaire Victor
Noir. Le 10 janvier 1870 en effet, le journaliste est assassiné par le
prince Pierre Bonaparte, cousin de Napoléon III. Fidèle à ses
principes, Henri de Rochefort rédige une série d’articles incendiaires
contre les Bonaparte dans les colonnes de son nouveau quotidien, La
Marseillaise. Un mois plus tard, le 7 février, son immunité
parlementaire est levée. Il est ensuite arrêté et placé en détention
pour une durée indéterminée à la prison de Sainte-Pélagie, suivant
les ordres du chef du gouvernement Émile Ollivier, un républicain rallié
à l’Empire. Les événements qui se déroulent à l’extérieur vont
cependant jouer en faveur du prisonnier.
Le 19 juillet
1870 et après le vote par le Corps législatif des crédits nécessaires
à la mobilisation, la France déclare la guerre à la Prusse. Quelques
semaines plus tard, le 1er septembre 1870, Napoléon III et les troupes
françaises sont encerclées à Sedan. Ayant appris la nouvelle de la
capitulation française, le 4 septembre, la foule des Parisiens envahit le
Palais-Bourbon ; Léon Gambetta y annonce la fin du Second Empire.
Plus tard, à l'Hôtel-de-Ville, la République est proclamée. Extrait de
Sainte-Pélagie, Henri de Rochefort est du Gouvernement provisoire, qui
est alors formé et placé sous la présidence du général Trochu. Le
nouveau pouvoir ordonne la résistance à outrance face à l'ennemi.
Cependant, le 19 septembre suivant, les troupes allemandes encerclent
Paris. Tandis que Gambetta quitte la capitale en ballon, le 7 octobre afin
d’organiser depuis Tours de nouvelles armées, Rochefort est nommé
président de la Commission des " barricades ",
chargée de lever des défenses nouvelles afin de ralentir la progression
des armées prussiennes. Cependant, après avoir réclamé en vain des
élections municipales, il apprend que des négociations secrètes sont en
cours entre Jules Favre et le chancelier Bismarck et donne sa démission
du Gouvernement de Défense nationale, le 31 octobre 1870. Dans Paris, les
jours se suivent et le siège se fait toujours plus terrible pour les
populations. A la faim et au froid, s’ajoute la canonnade, le 5 janvier
1871. Enfin, le 28 janvier, l’armistice est conclue entre les deux
puissances en guerre.
En prévision de
futures luttes électorales, Henri de Rochefort fonde un nouveau journal,
baptisé Le Mot d’ordre, dont le premier numéro paraît le 3
février suivant. Quelques jours plus tard, le journaliste est réélu à
son siège de député de Paris. Il renonce rapidement à son mandat,
après que l’Assemblée Nationale - à dominante conservatrice – ait
ratifiée les préliminaires de paix de Versailles, le 1er mars 1871.
Ceux-ci prévoit en effet " le démembrement de la France et la
ruine de la patrie ", autrement dit la cession de l’Alsace-Moselle
et une énorme indemnité de guerre d’un montant de 5 milliards de
Francs-or. Souffrant, le polémiste est à Arcachon quant, le 18 mars
suivant, une journée d'insurrection marque le début de la Commune de
Paris. De retour dans la capitale, Rochefort s’oppose au gouvernement d’Adolphe
Thiers dans les colonnes de son quotidien. Nommé " chef du Pouvoir
Exécutif de la République Française " et installé à Versailles,
ce dernier personnalise en effet à ses yeux le renoncement et la
réaction, et ambitionne une restauration monarchique. Face aux troupes
versaillaises qui entourent la capitale, le gouvernement insurrectionnel
tente une première sortie le 4 avril, une initiative inutile et
meurtrière selon Rochefort. Celui-ci se refuse d’ailleurs à participer
au pouvoir communal, qu’il accuse d’être dictatorial dans les
colonnes de son quotidien. Le journaliste s’en prend notamment à Raoul
Rigault et à Félix Pyat. Le 20 mai, menacé d’arrestation, Henri de
Rochefort choisit de quitter Paris. A Meaux, il est fait prisonnier par
les troupes prussiennes, livré peu de temps après aux autorités
françaises et incarcéré à la prison de Versailles. Le lendemain, les
forces versaillaises entrent dans Paris. Commence la Semaine sanglante.
Dès le mois de
septembre suivant, Rochefort est jugé par le 3ème Conseil de guerre de
la 1ère division militaire. Considéré comme le " chef
occulte " de la Commune de Paris, il est condamné à la
déportation, puis transféré au Fort Boyard, près de La Rochelle, de
là à la citadelle de l’île d’Oléron au printemps 1872. Le
polémiste s’occupe alors à la rédaction d’un roman, Les
Dépravés. Après deux années de détention, il s’embarque en
compagnie d’autres Communards à bord de la frégate de guerre La
Virginie, le 10 août 1873. Celle-ci n’arrive à Nouméa en
Nouvelle-Calédonie que le 10 décembre suivant, à la suite d’une
traversée pénible pendant laquelle les détenus – hommes, femmes et
enfants - demeurent enfermés à l’intérieur de cages de fer dans les
cales du navire. Arrivé à destination, Henri de Rochefort rejoint huit
cent autres détenus parqués dans la presqu’île Ducos, un
" emprisonnement à ciel ouvert ". Les conditions de
vie sont dures dans ces lieux désolés. Les déportés cherchent à
améliorer leur ordinaire grâce à la pèche, la culture de la terre s’avérant
infructueuse. Beaucoup songe aussi à l’évasion, un exploit que
Rochefort et cinq autres détenus réalisent dans la nuit du 19 au 20 mars
1874. A bord d’un canot, ils rejoignent le P.C.E., un navire australien
croisant au large, qui les débarque peu après - moyennant finances –
à Newcastle, un port de la Nouvelle-Galles du Sud. En France, la nouvelle
de l’évasion du polémiste fait grand bruit. Quelques années plus
tard, en 1880, le peintre Édouard Manet, qui avait conservé la mémoire l’événement,
lui consacrera d’ailleurs une de ses œuvres.
En 1877, Henri de
Rochefort racontera la suite de son retour vers l’Europe dans un volume
intitulé, Retour de la Nouvelle-Calédonie vers l’Europe. Après
avoir gagné la capitale Sydney et rétribué son complice le capitaine
Law, il s’embarque à bord d’un steamer, le Mikado, à
destination des États-Unis. De San Francisco, le proscrit traverse ensuite
le continent, arrive à New-York et est enfin à Londres après une
nouvelle traversée, cette fois-ci celle de l’Océan Atlantique qui le
ramène sur le Vieux Continent. Menacé d’extradition, sous la pression
du gouvernement de Mac-Mahon, Rochefort s’installe peu après en Suisse,
à Genève. Dans les années qui suivent, le polémiste s’attache à
entretenir une correspondance avec les hommes politiques en vue. Le 11
février 1876, dans le premier numéro d’un nouveau journal, baptisé Les
Droits de l’Homme, il rédige d’ailleurs un article,
" Les Opportunistes ", qui décrit un nouveau courant
politique. L’expression employée par Rochefort, devenue par la suite
une des catégories du paysage politique, désigne en effet ces
républicains, qui renoncent à certains de leurs principes afin
d'enraciner le régime en place. Ceux-ci d’ailleurs, parvenus plus tard
au pouvoir, feront votés la loi d’amnistie des Communards qui, après
sa promulgation le 11 juillet 1880, permettra à Rochefort de revenir en
France. Le 3 novembre suivant, il est à Rome, invité par des patriotes
italiens à l’occasion de l’inauguration d’un monument commémoratif
de la défaite de Mentana, où les chassepots français ont
" fait merveille ". L’ancien opposant au Second
Empire rencontre alors pour la première fois Giuseppe Garibaldi.
A Paris, il fonde
un nouveau quotidien, baptisé L’Intransigeant. La lutte
politique reprend pour le polémiste. Dans les années qui suivent, Henri
de Rochefort a beau jeu de dénoncer l’affairisme qui règne dans les
allées du pouvoir. Celui-ci est éclaboussé par le Krach de l’Union
générale. Le 19 janvier 1882, la banque d'affaires est contrainte de
suspendre ses paiements, à cause de placements à risque faits en Europe
centrale. Dix ans plus tard, éclate également le scandale de Panama. L’Intransigeant
fustige alors les " chéquards ", ces parlementaires
qui ont couvert les opérations financières hasardeuses de la Compagnie.
Après s’être violemment opposé à Léon Gambetta, reprochant au
tribun de la Troisième République son aura sur la Chambre des Députés,
Rochefort, toujours plus à gauche, toujours plus radical, s’attaque
ensuite à Jules Ferry et à sa politique d’expansion coloniale vers l’Extrême-Orient
et le Tonkin. Celle-ci demande d’énormes crédits. Aussi l’inquiétude
saisie l’opinion et la polémique enfle sous les effets d’une violente
campagne de presse. Le 30 mars 1885, le cabinet de " Ferry Tonkin
" chute à l’annonce prématurée de la nouvelle du "
désastre de Lang Son. Quelques mois plus tard, le 18 octobre, Henri de
Rochefort fait son retour à la Chambre, après avoir été élu député
de la Seine. Il ambitionne ainsi de faire voter une loi d’amnistie à
destination des ouvriers condamnés pour fait de grève, des prisonniers
politiques issus des régimes précédents… Son mandat sera une fois de
plus de courte durée. Rochefort comprend en effet rapidement qu’une
trop grande division règne au sein de la gauche républicaine pour que
son projet voit le jour. Sentant l’inutilité de sa présence au sein de
l’hémicycle, il démissionne en 1886.
Quelques jours
auparavant, le 7 janvier, le général Boulanger est nommé ministre de la
Guerre dans le nouveau gouvernement formé par Charles de Freycinet. Il
accède bientôt à une popularité inégalée. Trop encombrant cependant,
l’officier n’est pas reconduit dans ses fonctions à la suite de la
chute du cabinet Goblet, le 17 mai 1887. Cette décision amène la
formation d'un Comité républicain de protestation nationale, sur l’initiative
de Henri de Rochefort. Peu de temps après, Georges Boulanger est mis à
la retraite d’office. A présent rendu à la vie civile, il peut se
consacrer désormais à sa nouvelle carrière politique. S’est d’ailleurs
formé autour de sa personne un véritable syndicat des mécontents de la
Troisième République, qui dépasse les clivages traditionnels de la vie
politique. Le boulangisme recrute ainsi parmi les monarchistes, les
nationalistes, les bonapartistes... afin de former le Parti républicain
national. Faisant raisonner la fibre patriotique, une véritable campagne
de presse, relayé notamment par L’Intransigeant, martèle
bientôt le slogan " dissolution, constituante, révision " aux
accents populistes.
Rochefort est aux
cotés du général Boulanger dans les nombreux meetings électoraux
auquel le " général-Revanche " participe. Au mois
d'avril et au mois d'août 1889, ses victoires électorales prennent alors
un caractère plébiscitaire. Celui-ci se refuse cependant à marcher vers
l'Élysée au soir d'un nouveau succès à Paris, le 27 janvier 1889. Les
républicains du gouvernement réagissent en modifiant la loi électorale,
interdisant désormais les candidatures multiples. Devant la rumeur de son
arrestation imminente, le général Boulanger prend peur et s'enfuit au
mois d'avril 1889 en Belgique, se discréditant auprès des Français.
Henri de Rochefort fait de même. Le 14 août suivant, le Sénat, réuni
en Haute-Cour, condamne les deux exilés à " la déportation
dans une enceinte fortifiée ". Deux années plus tard, le 30
septembre 1891, le " brave général " se suicide d’un coup de
revolver sur la tombe de sa maîtresse Marguerite de Bonnemains, à
Ixelles. Henri de Rochefort lui passera les six années qui suivent à
Londres. Amnistié en 1895, il rentre en France et continue de livrer à L’Intransigeant
ses billets d’humeur et autres chroniques de la vie politique. Le
journaliste publie de 1896 à 1898 les cinq volumes de ses mémoires,
intitulées Les Aventures de ma vie.
Pour Rochefort
comme pour son journal cependant, l’épisode boulangiste, puis ce second
exil, sont à l’origine d’une mutation profonde. Le " roi
des polémistes " appartient désormais au parti national. Avec
l’Affaire Dreyfus, le discours de L’Intransigeant se radicalise
et celui-ci devient antiparlementaire et antisémite, car anti-dreyfusard.
Son fondateur collabore également avec d’autres journaux conservateurs,
La Patrie notamment. Au tournant du siècle cependant, son discours
a perdu de son audience. Il est vrai que la République s’est depuis
longtemps installée et que désormais la lutte s’est déplacée du
monde politique vers le champ social et syndical. Aussi, celui qui a
toujours dit non – l’opposant au Second Empire, le Communard évadé
de Nouvelle-Calédonie, le Boulangiste… - apparaît maintenant comme un
homme du passé.
Henri de Rochefort décède le 30
juin 1913, à Aix-les-Bains.
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