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Pierre RIVIÈRE
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Pierre RIVIÈRE
(Courvaudon, 1815 -
Beaulieu, 20 octobre 1840)
Français.
Criminel.
par Marc Nadaux
Quelques dates :
1835, meurtre de sa mère, – enceinte de sept
mois -, de sa sœur âgée et de son frère.
Détail et explication de l’événement arrivé le 3 juin à
Aunay, village de la Fauctrie écrite par l’auteur de cette
action.
le matricide est condamné à
mort.
expertise médicale concluant à son "
de son
aliénation mentale "
1836, peine commuée en réclusion à perpétuité par le roi
Louis-Philippe.
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« Moi,
Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… ».
Cette phrase est connue de ceux qui ont parcouru l’ouvrage que Michel
Foucault et consorts ont consacré en 1973 à cette affaire de parricide
sous la Monarchie de Juillet. Ainsi commence la confession de ce
meurtrier, un volumineux mémoire dans lequel il explique son acte ?
Mais qui est donc ce Pierre Rivière ?
Pierre Rivière naît en 1815 à Courvaudon, dans le département du
Calvados. Il est l’aîné d’une famille de paysans qui comptera quatre
enfants. Marié deux années auparavant, Victoire Brion et Pierre-Margrin
Rivière ne s’entendent guère. Alors que l’Empire est menacé par un
soulèvement général en Europe, ce dernier s’est marié deux années
plus tôt à cette jeune fille des environs afin d’échapper à la
conscription. Ainsi le ménage Rivière ne possède pas de domicile
commun, l’épouse du paysan refusant de vivre sous le même toît que son
mari. Sa mère étant malade peu après l’accouchement, Pierre est confié
aux bons soins de son père deux années durant. Il est ensuite dans le
giron maternel jusqu’en 1821, année où il retourne définitivement
chez son père, à Aunay-sur-Odon, dans le village de La Faucterie. Ses frères
le suivront en 1828.
Pierre Rivière est un enfant solitaire et taciturne. Les voisins, qui
travaillent aux champs, s’effraient parfois de son comportement
singulier : ses cris lorsqu’il marche seul dans la campagne, son
habitude d’effrayer les enfants. On l’accuse de tuer de petits
oiseaux, dans ses mains, pour le plaisir. A tel point qu’on le
surnomme « l’imbécile à Rivière ». L’enfant fuit également
le foyer familial et la présence de ses parents. Plus tard, le procureur
du roi décrira les « mouvements de répulsion » qu’éprouvait
parfois Pierre Rivière en s’approchant de sa mère. Celle-ci, selon
lui, multiplie les vexations à l’égard de son père, les dettes sur
les biens de la communauté. Il se réfugie chez ses grands-parents,
parfois également dans la lecture, parcourant la nuit quelques ouvrages
empruntés. Le jeune homme s’intéresse d’ailleurs aux choses de la
religion, lisant notamment le « catéchisme de Montpellier »
que le curé du village lui a prêté.
Le
3 juin 1835, un samedi pourtant, Pierre Rivière s’habille de ses vêtement
du Dimanche. Vers midi, il arrive à la ferme familiale, entre dans la pièce
principale. Le jeune homme tue alors de sang froid, à coups de serpe, sa
mère – enceinte de sept mois -, sa sœur âgée de dix-huit ans et son
frère de sept ans. Alerté par le voisinage et accompagné du médecin ,
M. Théodore Morin, ainsi que de l’officier de santé Thomas-Adrien
Cordière, le Maire de la commune arrive peu après sur les lieux et ne
peut que contempler les cadavres qui gisent sur le lieu du crime – la mère
près de la cheminée où elle préparait une bouillie, Jules et Aimée près
de cette dernière - , et donc constater les décès.
Le
meurtrier prend ensuite la fuite, s’éloignant calmement dans les
campagnes des environs, après avoir raconté son geste à quelques
voisins. Ce n’est qu’un mois plus tard que le parricide est arrêté
– sans faire de difficulté -, sur la route de Falaise à Caen, par un
brigadier de gendarmerie de Langannerie. Le 10 du même mois en effet, le
procureur du Roi avait lancé un mandat d’arrêt contre lui. Pendant
tout ce temps, Pierre Rivière s’est nourri de pain, acheté grâce à
quelques monnaies, avant de manger les baies et autres fruits sauvages,
cueillis dans les bois de Cingalis. Circulant la nuit, se reposant le
jour, le meurtrier aura erré pendant tout ce temps dans la campagne
normande.
Plus
tard, interné à la maison d’arrêt de Falaise, avant son procès, le
jeune meurtrier s’occupe à la rédaction d’un mémoire d’une
cinquantaine de pages, Détail et
explication de l’événement arrivé le 3 juin à Aunay, village de la
Fauctrie écrite par l’auteur de cette action. Il s’agit pour lui
d’expliquer la genèse du meurtre, dès avant les premiers
interrogatoires. Décidé un mois avant son accomplissement, le meurtre
est perpétré grâce à une serpe aiguisée à cette fin. Ainsi la première
partie de l’écrit s’intitule : « Résumé des peines et
des afflictions que mon père a souffertes de la part de ma mère depuis
1813 jusqu’à 1835 ». Au juge d’instruction, Rivière explique
que la Providence avait ligué les trois victimes contre son père afin de
le persécuter. C’est aussi suivant le commandement de Dieu qu’il a
agi. Dans un second temps cependant, Rivière dément cette inspiration
divine.
Bientôt les médecins s’emparent de l’affaire. Le docteur Bouchard,
qui a régulièrement rendu visite au meurtrier dans sa cellule, affirme
que Rivière n’est nullement aliéné, « qu’aucune maladie n’a
pu déranger les fonctions du cerveau ». Aussi « on ne peut
attribuer le triple assassinat… qu’à un état d’exaltation momentanée,
préparée par les malheurs de son père ». Une opinion que ne
partage nullement son confrère, le docteur Vastel, médecin des
Bons-Sauveurs, la maison des Aliénés de la ville de Caen, ainsi que
d’autres praticiens. Au procès qui s’ouvre à l’automne devant les
Assises du Calvados, devant le refus de ses confrères, un jeune avocat
est commis à l’accusé, Me Berthauld. Ces débats savants, relayés par
les journaux locaux, passionnent l’opinion. Ce crime est peu courant à
l’époque, à peine une dizaine d’affaires par an dans le royaume.
D’autant plus que Pierre a prémédité son geste. Des chansons
fleurissent sur le sujet. Le 15 novembre 1835 cependant, le matricide est
condamné à mort, la « peine des parricides » selon le Pilote
du Calvados.
Alors que doit se dérouler à Paris le procès de Fieshi, auteur avec ses
complices d’un attentat sur la personne du roi, accorder les
circonstances atténuantes – comme l’autorise une loi de 1832 –
aurait été en effet interprété comme une décision politique. A l’époque,
il est naturel de faire un parallèle entre parricide et régicide,
le roi étant toujours perçu comme une figure paternelle pour son peuple.
Pierre Rivière se pourvoit néanmoins en cassation. Celui-ci étant rejeté
le 15 janvier 1836, le roi Louis-Philippe d’Orléans use de son droit de
grâce – comme à son habitude - et commue la peine infligée au
parricide en réclusion à perpétuité, le 10 février 1836. Quelques
semaines auparavant, six prestigieux médecins - dont Esquirol, médecin
en chef de l’hôpital Charenton, Orfila, doyen de la Faculté de médecine
de Paris – avaient affirmé dans un rapport commun que « depuis l’âge
de quatre ans, Pierre Rivière n’a pas cessé de donner des signes de
son aliénation mentale, que ces homicides sont uniquement dus au délire ».
Alors que son mémoire est mis en vente par le libraire Mancel de Caen,
Pierre Rivière est transféré à la prison de Beaulieu, le 9 mars 1836.
Il
décède le 20 octobre 1840, après s’être pendu. Le meurtrier, qui
depuis longtemps avait assumé son acte, clamait sans sa cellule, à qui
voulait l’entendre, qu’il était déjà mort.
A lire sur le sujet :
-
M. Foucault (S.D.), Moi, Pierre Rivière, ayant
égorgé ma mère, ma soeur et mon frère... Un cas de paricide au
XIXème siècle, Julliard, collection " Archives ",
Paris, 1973.
-
S. Lapalus, " La Mort du Vieux ". Le
Parricide au XIXème siècle, Paris, Tallandier, 2004.
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