Josef
Wenceslas Radetzky naît le 2 novembre 1766, au château de Trebnitz, dans
la région de Sedlcany, en Bohème. Mais s'il est issu d'une vieille lignée
noble tchèque, dont les origines remontent à 1328, il se sentira, tout au
long de sa vie, un autrichien.
Il ne semble pas particulièrement être prédestiné à une carrière
militaire. Qu'on en juge : sa demande d'entrée à l'Académie
Militaire (Theresianum) de Vienne est tout d'abord rejetée, car le médecin
de l'école juge que le jeune postulant n'aura jamais la constitution pour
supporter les rigueurs d'une vie militaire ! Radetzky ne se décourage pas,
et, en 1783, il fait une demande pour intégrer le régiment Brechainville.
Sa demande est une nouvelle fois rejetée : il est trop jeune et trop
faible... Entre-temps, il est entré au "Colligium nobilum" de
Brno, associé au Theresianum de Vienne depuis 1782, et qui forme les
fonctionnaires et les diplomates. Cette établissement est cependant dissous
par Joseph II, en 1784. Radetzy fait alors une troisième tentative pour
entrer dans la carrière militaire. Cette fois ci, c'est la bonne ! Il est
accepté comme cadet dans le régiment de cuirassier Carameli. Le jeune
homme va trouver là une nouvelle famille : il a en effet, rapidement et
successivement perdu sa mère - peu après sa naissance - son père, en 1776
- il a dix-ans, finalement son grand-père, qui l'avait élevé, en 1781.
Wenceslas fait ses premières armes durant la guerre contre l'Empire Ottoman
(1788-1790). Il sert alors sous les généraux Hadik et Laudon. Puis, ce
sont les guerres contre la France révolutionnaire. En 1799, il reçoit
la croix de Marie-Thérèse, pour sa bravoure à la bataille de Novi. Il est
à Hohenlinden, en 1800. Rapidement, il va gravir les marches de la célébrité.
En 1801, il est déjà colonel. Durant une période d'activité en
Italie, il épouse la comtesse Francisca Strassoldo-Grafenberg, qui lui
donnera huit enfants.
Durant la campagne de 1805, il combat sur le front Italien, dans l'armée de
l'archiduc Charles, et est promu au grade de brigadier (général de
brigade). C'est au cours de cette campagne qu'il effectue son fameux
" raid du Tagliamento ". Quatre ans plus tard, il est sur le front
en Autriche - à Wagram, il commande une division du IVe corps Rosenberg -,
et y gagne les galons de Feld-Marschal-Leutnant. La défaite autrichienne va
avoir des conséquences dramatiques pour le pays, et une influence certaine
sur la suite de la carrière de Radetzky.
Elle entraîne de profondes modifications dans les postes élevés de l'armée
impériale. Charles, le réformateur de cette armée, donne sa démission,
après l'ultime défaite de Znaim et le chef d'état-major Max Wimpfen le
suit. Le Feld-Marschall comte Bellegarde, nouvellement nommé Président du
Conseil de Guerre, devient le chef suprême de l'armée, dont Radetzky,
promu vice-Marschall, devient le nouveau chef d'état-major de l'armée
autrichienne.
La situation n'est pas vraiment brillante au moment où il prend ses
nouvelles fonctions. La paix de Schönbrunn a signifié des pertes
territoriales significatives, une contribution de 75 millions de guldens et
une armée réduite à 150.000 hommes. Le président de la Chambre, le comte
Michal Wallis, estime même que l'Autriche ne sera pas en mesure de faire
face à une nouvelle guerre avant dix, voire trente ans. Radetzky pense différemment.
Certes, il s'incline devant la paix de Schönbrunn, mais comme une mesure
transitoire. Refusant de se laisser aller au pessimisme, il s'attelle à la
tâche de de consolidation des forces armées du pays. Ces 150.000 hommes
que prévoit le traité, il les considère comme le noyau de la future armée.
Ses efforts vont porter sur la mise en place d'une structure administrative
et une organisation suffisamment souple pour, le moment venu, permettre la
levée d'une forte armée. Metternich, qui a été nommé Chancelier en
octobre 1809, le soutient.
Le moment propice au retour de l'Autriche sur la scène de politique
internationale et de la guerre se présente en 1813. Après les efforts
inutiles de Metternich pour instaurer la paix,
l'Autriche en vertu de l'accord secret de Reichenbach du 27 juin) , rejoint
la Prusse et la Russie et déclare la guerre à la France le 12 août. C'est
le maréchal autrichien Schwarzenberg qui est nommé commandant suprême des
forces alliées. Il choisi Radetzky comme Chef d'État-major. Le choix est
heureux. Radetzky va mettre au point le plan d'opérations et les
instructions qui vont contribuer, non seulement à la défaite des français
à Leipzig, mais aussi à sa totale défaite en 1814. Il sera aux batailles
de Kulm, Leipzig, La Rothière.
Les Cent-Jours rappellent Radetzki de Hongrie, où il exerçait les
fonctions d'Inspecteur des Armées. Une nouvelle fois, il met au point le
plan d'opérations pour les troupes alliées.
Lorsque les guerres touchent à leur fin, Radetzky reprend ses fonctions de
Chef d'État-major des armées autrichiennes. L'expérience accumulé
durant les dix dernières années lui a permit de mettre en lumière leurs
lacunes et leurs déficiences. Il est bien décidé à y mettre un terme, ce
qui revient en fait à continuer l'œuvre commencée par l'archiduc Charles,
tout en prenant ce qu'il y a de bon dans les armées françaises.
Mais la situation en Autriche est difficile. Au contraire de la Prusse, où
les évènement récents ont amenés sur le devant de la scène militaire
des hommes de valeur, ce sont des hommes de peu de valeur qui ont été mis
à la tête de l'administration des armées, c'est à dire des
conservateurs, que toute idée nouvelle effraye, comme toute idée libérale
(ce sera le cas durant presque tout le XIXe siècle). La prudence est
presque élevée à hauteur d'une politique.
Les partisans des réformes n'ont donc qu'un seul choix : se soumettre ou se
démettre (ou plutôt être démis). Pour Radetzky, ce sera la seconde
solution : le 24 juin 1816 il est nommé à tête d'une division de
cavalerie, à Sopron. C'est ni plus ni moins qu'un exile. Sur cette période
qui vient de s'écouler, il s'exprimera ainsi en 1834 :
"
L'année 1809 avait ouvert les yeux de la Prusse, mais nous, nous n'avons
pas su tirer les leçons de nos défaites de 1805 et 1809. 25 ans ont passés,
et maintenant que, plus que jamais, nous avons besoin, de renforcer
notre système militaire, alors que les circonstances sont encore plus défavorables.
"
En 1818,
l'archiduc Ferdinand, commandant en chef en Hongrie, souhaite l'appeler auprès
de lui, en tant qu'aide de camp. L'empereur donne son accord le 12 décembre
1818. Radetzky se rend donc à Budapest, où il va servir Ferdinand jusqu'en
1829. Le 18 février de cette même année, après 20 ans de services, il
est promu général de cavalerie, puis, le 24 novembre 1829, il reçoit le
commandement de la forteresse d'Olmütz, poste qu'il occupera jusqu'en 1831.
Radetzky met à profit ces dix années de quasi exile, pour rassembler
faits, documents, informations sur les sujets qui l'intéressent,
militaires, politiques et économiques. De 1827 à 1834, il sera l'auteur de
plusieurs publications où il montrera qu'il savait manier la plume aussi
bien que l'épée.
1830. La Révolution éclate à Paris. La Cour de Vienne s'inquiète d'une
éventuelle contagion sur ses provinces d'Italie - le royaume Lombardo-Vénétien,
et décide de l'envoi d'une forte armée, sous les ordres du général
Johann Frimont. Celui-ci demande l'aide de Radetzky, ce qui lui est accordé
le 26 février 1831. Mais les évènements se précipitent. Le Président du
Conseil de Guerre, Giulay, décède, et Frimont est nommé, le 23 novembre,
pour le remplacer. Radetzky se retrouve commandant en chef d'une armée de
cent milles hommes ! Une tâche difficile lui et confiée : empêcher, avec
son armée, la séparation de la Lombardie-Venétie de l'empire autrichien,
et son annexion dans une Italie, alors dans un processus d'unification. Il a
donc devant lui le puissant mouvement nationaliste qui combat dans ce but.
1831-1847. Radetzky se consacre à la formation et à l'entraînement de
l'armée autrichienne en Laombardo-Vénétie, introduisant des méthodes
nouvelles, auxquelles il réfléchi et préconise depuis 1816, sans jamais
avoir pu les mettre en oeuvre. Le résultat est à la hauteur de ses
ambitions, et bientôt les experts européens expriment leur admiration. Le
17 septembre 1836 - il a 70 ans ! - il est enfin nommé Feld-Marschall.
Le 17 mars 1848, la révolution éclate cette fois à Milan. C'est un maréchal
de 82 ans qui commande, personnellement, les 80.000 autrichiens, qui
combattent contre l'armée sarde du roi Charles-Albert, forte de 100.000
hommes, dans un pays où la résistance à l'Autriche se développe. Après
une première victoire à Mortaria, le 21 mars, ce seront les batailles de
Santa-Lucia (6 mai 1848), Custozza (25 juillet 1848) et, surtout, de Novare,
le 23 mars 1849 (en l'honneur de laquelle Johann Strauss Père écrira la célèbre
Marche de Radetzky) : commencée à onze heures du matin, elle se
prolongera jusqu'à la nuit, coûtera 410 morts et 1850 blessés à
l'Autriche, contre 1085 tués, 1854 blessés et 5326 prisonniers à son
adversaire. Le résultat le plus tangible est l'abdication de Charles-Albert
au profit de son fils Victor-Emmanuel II. Le 22 août, Venise capitule, la résistance
italienne est brisée et le calme est revenu en Italie.
Cette brillante campagne vaut à Radetzky le poste de gouverneur civil et
militaire du royaume lombardo-vénétien (poste qu'il occupera de 1850 à
1856), et celui de commandant des deux armées déployées sur un territoire
englobant la Kraina, l'Istrie, Venise, la Lombardie, la Toscane, Modène et
Parme.
Mais le Feld-Marschall se fait vieux. Au début de 1857 - il a 91 ans - il
sollicite de l'Empereur François-Joseph Ier, sa mise á la retraite.
Celui-ci accepte. Il dit adieu à son armée au début du mois de mars. Il
meurt quelques mois après, le 5 janvier 1858, à Milan, dans la Villa Reale.
Il avait servi cinq empereurs, participé à 17 campagnes, avait été blessé
sept fois et reçu pas moins de 46 décorations. Après des obsèques
quasiment nationale, à Vienne, il est enterré, le 19 janvier, en présence
de l'empereur François-Joseph et d'une multitude de généraux, sur le
Heldenberg.