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NAPOLÉON III
(20 avril 1808 - 9 janvier 1873)
Français.
Homme politique.
par Marc Nadaux
Quelques dates :
1831, s’engage aux côtés des révolutionnaires carbonari en
Romagne.
1839, Des Idées napoléoniennes.
1840, débarquement à Boulogne.
Arrêté, jugé à la Chambre des
Pairs et interné au fort de Ham.
1844, L’Extinction du paupérisme.
1848, élu Président de la Seconde République.
1851, coup d'Etat du 2 décembre.
1852, proclamation du le Second Empire.
1853, se marie à Eugénie Maria de Montijo Guzman, fille d’un
Grand d’Espagne.
1856, naissance d'un fils, le Prince impérial.
1858, attentat d'Orsini.
1859, campagne d'Italie.
1870, défaite de Sedan face aux armées prussiennes et
proclamation de la République.
1871, Exil en
Angleterre.
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Charles-Louis-Napoléon Bonaparte naît à
Paris le 20 avril 1808. Il est le troisième fils de Louis Bonaparte, roi de
Hollande et frère cadet de Napoléon Ier, et d’Hortense de Beauharnais, fille
d’un premier mariage de l’Impératrice Joséphine. Louis-Napoléon est ainsi
le premier membre de la famille Bonaparte à naître après la proclamation de
l’Empire, le 18 mai 1804. Jusqu’en 1811 et la naissance du Roi de Rome,
l’enfant et ses deux frères sont élevés dans la perspective de succéder un
jour à leur oncle sur le trône impérial. En effet, l’Empereur et son frère
aîné Joseph n’ont pas encore à cette époque d’héritier tandis que
Lucien et Jérôme sont bientôt écartés de la succession.
L’enfant ne connut jamais son frère aîné Napoléon-Charles, qui décède à
l’âge de cinq ans en 1807. Sa mère Hortense se sépare rapidement de son père.
De 1810 à 1817, elle entretient une liaison avec Charles de Flahaut, un
officier de l’État-Major impérial. L’enfance de Louis-Napoléon se partage
donc entre Paris et Saint Leu. Avec la chute de l’Empire et l’abdication définitive
de Napoléon Ier, Hortense et sa famille
sont contraints à l’exil hors du royaume de France. Après quelques mois
d’errance, ils s’installent enfin à Arenenberg en Suisse, au sud du lac de
Constance. L’éducation de Louis-Napoléon est alors confié de 1820 à 1827
à un précepteur, Philippe le Bas. Ce fils de conventionnel a une grande
ascendance sur son élève. Celui-ci entre ensuite au Gymnase d’Augsbourg, puis
à l’École d’artillerie de Thun en 1829 qu’il quitte avec le grade
d’officier.
A cette époque, sa mère Hortense multiplie les voyages en Italie. Elle se rend
notamment à Rome en compagnie de son fils afin de renouer avec le clan
Bonaparte. Louis-Napoléon se familiarise rapidement avec sa nouvelle existence.
Avec son frère Napoléon-Louis, il se lie bientôt avec des patriotes italiens
en lutte contre les autorités autrichiennes. En 1830, des nouvelles venues de
France lui apprennent alors les événements de juillet
et la chute du roi Charles X. Le nouveau monarque, Louis-Philippe d’Orléans,
maintient cependant en vigueur la loi du 12 janvier 1816 qui interdit à sa
famille le séjour sur le territoire français. Louis-Napoléon et son frère décident
donc de s’engager plus avant aux côtés des révolutionnaires carbonari. Ils
participent ainsi à leur côté aux insurrections qui agitent la péninsule
italienne et la Romagne en 1831. Napoléon-Louis décède alors de la rougeole
tandis que la violente répression qui met un terme au soulèvement patriotique
italien contraint Hortense et son fils à quitter la péninsule. Ils se réfugient
en Angleterre avant de rejoindre Arenenberg et la Suisse.
Sous l’influence de son ami Victor de Persigny, Louis-Napoléon se décide
bientôt à l’action contre la Monarchie de Juillet. Il fait alors le choix de
la ville de Strasbourg. Ses habitants s’étaient en effet illustrés quelques
années auparavant par la virulence de leur opposition à Charles X lors des Trois
glorieuses. Le 30 octobre 1836, Louis-Napoléon tente ainsi de gagner à sa
cause les garnisons de la ville-frontière. Cependant, privés de réels
soutiens politiques, peu d’officiers se rallient à sa cause. Le coup de force
contre le pouvoir en place est un échec complet. Arrêté et gracié sans
jugement par Louis-Philippe, l’agitateur est exilé au delà de l’Océan,
aux États-Unis. En affirmant de la sorte ses prétentions, Louis-Napoléon
s’est cependant fait un nom au sein des milieux bonapartistes.
Le prétendant est de retour quelques mois plus tard en Europe. Pendant l’été
1837, Louis-Napoléon Bonaparte assiste ainsi sa mère, souffrante d’un
cancer, dans ses derniers instants. Hortense Bonaparte décède le 5 octobre
suivant. Mais sous la pression du Gouvernement français, il doit bientôt
quitter la propriété familiale d’Arenenberg. Commence un nouveau séjour en
Angleterre pour celui qui se considère désormais comme le garant de la
tradition impériale, depuis le décès du Roi de Rome en 1832. Dans la capitale
londonienne, Louis-Napoléon mène une existence mondaine au cours des années
qui suivent. Le 10 août 1839, il fait publier un opuscule intitulé Des Idées napoléoniennes
dans lequel il s’essaie à une analyse de l’œuvre politique de son oncle.
Cet ouvrage qui est également un exposé de la doctrine bonapartiste connaît
un grand succès en France et dans l’Europe entière.
L’année suivante, Louis-Napoléon organise un nouveau pronunciamiento contre
le gouvernement de Louis-Philippe d’Orléans. Avec l’aide de quelques-uns de
ses proches, une cinquantaine de fidèles bonapartistes, il débarque le 6 août
dans le port de Boulogne. C’est un nouvel échec. De nouveau arrêté et fait
prisonnier, le prétendant bonapartiste comparait cette fois-ci à partir du 26
septembre au 6 octobre devant la Chambre des Pairs. Jugé, il est condamné à
la prison perpétuelle et interné au fort de Ham, dans le département de la
Somme. Quelques temps plus tard, la Monarchie de Juillet décide du retour des
cendres de son illustre parent. Celles-ci arrivent bientôt en provenance de
Sainte-Hélène…
Lorsqu’il revenait sur son passé, Louis-Napoléon appelait cette époque de
son existence " l’université de Ham ". Ces années furent
en effet décisives pour l’élaboration de ses idées politiques et pour sa
formation intellectuelle. En captivité, il s’occupe ainsi à l’étude et à
la lecture. Le prisonnier, non déchu de ses droits civils, a en effet tout le
loisir d’entretenir une correspondance. Il rédige également quelques
ouvrages au contenu varié. Ses Études sur le passé et l’avenir de
l’artillerie sont le moyen de rappeler les liens qui unissent l’armée
aux Bonaparte. Il fait montre également de ses intérêt pour l’évolution
des activités économiques avec L’Analyse de la question des sucres,
question d’actualité en ce moment de bouleversement des campagnes françaises.
Dans le même temps, Louis-Napoléon collabore avec des journaux républicains.
De 1842 à 1845, il donne ainsi quelques articles dans Le Progrès du
Pas-de-Calais. Ceux-ci sont à l’origine au mois d'août 1844 d’une
nouvelle publication intitulée L’Extinction du paupérisme. Dans cet
ouvrage, qui complète ses Rêveries politiques rédigées en 1832, le prétendant
bonapartiste expose ses préoccupations sociales. Celles-ci s’inspirent des idées
du philosophe socialiste Saint-Simon. Quelques mois plus tard enfin, le 25 mai
1846, il parvient à s’évader de sa geôle en revêtant les habits de travail
d’un ouvrier du nom de Badinguet. Un patronyme qui dans un avenir proche sera
bientôt élevé au rang de sobriquet… Louis-Napoléon gagne une nouvelle fois
l’Angleterre, désireux plus que jamais de jouer un rôle dans la vie
politique française.
C’est alors que la Révolution de février 1848 entraîne la chute de
Louis-Philippe et voit l’avènement de la Seconde République. De son exil
outre-Manche, Louis-Napoléon Bonaparte est élu le 4 juin lors des élections législatives
complémentaires et dans quatre départements (à Paris, en Corse, dans l’Yonne
et en Charente Inférieure). Attentif à cette initiative venue de partisans
bonapartistes, il choisit cependant de demeurer à Londres. Louis-Napoléon démissionne
dès le 16 juin et se refuse ainsi dans un premier temps à siéger à l’Assemblée
constituante. De nouveau élu le 17 septembre et cette fois-ci dans cinq départements,
il gagne alors la France, sûr de sa popularité auprès des Français. Arrivé
à Paris, le 24 septembre, Louis-Napoléon Bonaparte s’installe à l’hôtel
du Rhin, place Vendôme.
Cependant, les premières apparitions à l’Assemblée constituante du nouveau
député, ses prestations oratoires donnent bientôt de lui l’image d’un piètre
politique. Avec la promulgation de la Constitution, le 4 novembre 1848, de
nouvelles élections sont organisées afin de donner un Président à la Seconde
République. A côté du général Cavaignac, chef du Gouvernement et vainqueur
des insurgés de juin, et d'Alphonse de Lamartine, à l'origine au mois de février
précédant de la proclamation de la République, Louis-Napoléon Bonaparte,
neveu de l'Empereur, se déclare candidat dès le 28 octobre précédent. S'il
espère tirer profit du nom et de la légende qui entoure son oncle, Louis-Napoléon
Bonaparte bénéficie également du soutien des conservateurs du Parti de
l’Ordre. Ce cercle influent de royalistes se réunit à l’époque rue de
Poitiers et compte dans ses rangs Adolphe Thiers, Alexis de Tocqueville ou le
comte de Falloux. Ces conservateurs pensent ainsi manœuvrer sans grande
difficulté celui que l’on assimile à " un crétin qu’on mènera ",
suivant le mot de Thiers. Le programme du candidat se veut rassembleur. Il
s'adresse à tous les Français, aux ouvriers comme aux propriétaires. Avec 5.534.000
voix soit 74.2 % des suffrages, Louis-Napoléon Bonaparte obtient très
largement la majorité devant ses adversaires le 10 décembre suivant et est
ainsi élu triomphalement. La crainte du " péril rouge "
dans les campagnes a joué en sa faveur.
Louis-Napoléon Bonaparte prend ainsi possession de l’Élysée, adopté comme
palais présidentiel par le nouveau régime. Le 20 décembre 1848, il jure de
" rester fidèle à la République démocratique, une et indivisible ".
Le nouveau Gouvernement est bientôt placé sous la présidence de l’orléaniste
Odilon Barrot. De nouvelles élections législatives, organisées le 13 mai
1849, désignent une large majorité conservatrice à l’Assemblée. Le pouvoir
échappe ainsi définitivement aux Républicains. La Seconde République est désormais
aux mains des conservateurs.
Cependant, ses ambitions personnelles amènent Louis Napoléon Bonaparte à
remettre en cause son alliance de circonstance avec le Parti de l’Ordre.
Et un groupe de députés, surnommé le Parti de L’Élysée, soutient
bientôt le Président face à la majorité des membres de l’Assemblée. Cette
crise politique est d’ailleurs entretenue par l’ambiguïté des dispositions
établies par la Constitution de 1848. Tandis que la responsabilité des
ministres devant la Chambre des députés n'est pas clairement exprimée, les
deux pouvoirs, celui de l’Assemblée nationale et celui du Président de la République,
sont d'égale force. Aucun organisme n'est là, disposé à régler leurs
conflits éventuels.
Désireux de se maintenir au pouvoir, Louis-Napoléon Bonaparte tente d'influer
pour l'abrogation de l'article 45 de la Constitution du 4 novembre 1848.
Celui-ci stipule que le Président de la République, élu pour quatre années,
n'est pas immédiatement rééligible. Le Président parcoure le pays, se
montrant à la population et entretenant ainsi sa popularité. Il multiplie également
les gestes à l’égard de l’armée tandis qu’une campagne de pétition est
organisée pour la modification de la Constitution. Le 13 novembre 1851, cette
idée est repoussée par un vote à l’Assemblée législative. Il lui faut
donc recourir à la force.
Un coup d'État est organisé les 1er et 2 décembre 1851, par le
comte de Morny, demi-frère de Louis-Napoléon Bonaparte. Désireux de placer
ces événements sous les auspices de Napoléon Ier, celui-ci choisit
ainsi la date anniversaire de la victoire d'Austerlitz et du sacre de
l'Empereur. Il fait ainsi occuper dans la nuit l'Assemblée nationale et arrêter
de manière arbitraire d'éventuels opposants républicains. Tandis que ses
troupes occupent la capitale, désormais en état de siège, le matin même, un
"appel au peuple" est placardé sur les murs de Paris. Il annonce la
dissolution de l'Assemblée et proclame le rétablissement du suffrage
universel, revenant ainsi sur la loi du le 31 mai de l'année précédente qui
avait restreint le droit de vote. La préparation d'une nouvelle Constitution,
dont l'adoption sera soumise à un plébiscite, est également envisagée. Malgré
quelques résistances à Paris, dans les régions du Centre et du Sud-Est les
jours suivant, Louis Napoléon Bonaparte et ses partisans s'imposent en
organisant la répression. Lors d’un référendum, qui se déroule les 21 et
22 décembre, il se voit ensuite confier par une large majorité des Français
les pouvoirs nécessaires pour établir une nouvelle constitution. Ce nouveau
succès pour Louis-Napoléon sonne le glas de la Seconde République.
Les principes du régime qui devait se mettre en place après ces événements
sont soumis le 21 décembre suivant à un nouveau plébiscite. C’est un
nouveau triomphe pour le Prince-Président qui conforte ainsi sa position. La
nouvelle constitution est alors promulguée le 14 janvier 1852. Rédigée à la
hâte, ce texte qui vante dans son préambule l'œuvre de l'Empereur des Français
n'est qu'une imitation de la Constitution de l'an VIII. Désormais le pouvoir législatif
sera soumis à un pouvoir exécutif fort aux mains du Président. Celui-ci est
élu pour dix ans. Il nomme et révoque les ministres qui ne sont pas
responsables devant la Chambre des députés. Celle-ci n’est d’ailleurs
qu’une chambre d’enregistrement des décrets, à côté de laquelle se place
le Sénat. Enfin le Conseil d’État est formé de personnages illustres,
"chargés de préparer les lois et soutenant la discussion devant le corps
législatif". Les pratiques politiques engendrées par ces dispositions
entraînent donc un rupture avec la tradition parlementaire qui s’était imposée
depuis quelques décennies.
Après un voyage en province effectué par Louis-Napoléon Bonaparte, ce régime
autoritaire s'affirme. Par le décret du 2 décembre 1852 est proclamé le
Second Empire. Cette décision avait été soumise à un nouveau plébiscite
quelques jours plus tôt, les 21 et 22 novembre. Ceci n’entraîne que peu de
changement dans la Constitution du 14 janvier 1852. Cependant l’Empereur prend
bientôt le nom de Napoléon III, reconnaissant ainsi la désignation de Napoléon
II en 1815. Le 30 janvier 1853, il se marie à Eugénie Maria de Montijo Guzman,
fille d’un Grand d’Espagne. Celle-ci lui donne un fils, le Prince impérial,
qui naît le 16 mars 1856. La descendance de la dynastie est désormais assurée
et le nom de Bonaparte s’associe de nouveau au destin de la France.
La légitimité du pouvoir en place repose maintenant sur la popularité et
l’adhésion des Français à la personne du chef de l’État. Ce dernier ne
peut d’ailleurs méconnaître la pratique instaurée depuis la Seconde République
du suffrage universel masculin. Si les plébiscites se font rares désormais
avec le rétablissement de l’Empire, les élections législatives qui se déroulent
régulièrement tous les six ans conformément à la Constitution revêtent un véritable
enjeu. Le souverain doit en effet veiller à ce que son image ne soit pas écornée
par la désignation de représentants hostiles au régime. Aussi les autorités
s’engagent activement dans chacune des campagnes électorales (en 1852, en
1857, en 1863 et en 1869). Le comte de Morny, nouveau Ministre de l’Intérieur
avant de devenir Président du Corps législatif, instaure ainsi la pratique des
" candidatures officielles ". Il recommande aux Préfets
d’apporter leur concours aux candidats officiellement désignés par le
Gouvernement. Ceux-ci sont appelés à les faire connaître auprès des
populations, à financer leurs frais de campagne électorale. Dans ce contexte
l’opposition est réduite au silence et à l’impuissance.
Cette adhésion des Français au Second Empire justifie également le contrôle
exercé par Napoléon III sur la vie politique. Le 9 janvier 1852, un décret décide
de l’expulsion de soixante-six députés républicains, hostiles au coup d’État
du 2 décembre précédent. Et ces proscrits qui ont formé un Comité de résistance
au coup d'État ne parviendront pas à faire entendre leur voix au moment de
la proclamation de l’Empire malgré la publication d’une Lettre de
protestation rédigée par Victor Hugo. D’ailleurs le contrôle des autorités
sur la presse se renforce avec le décret du 17 février 1852. Les prérogatives
des Préfets, représentants du Gouvernement, s’élargissent et les réunions
de plus de vingt personnes sont interdites depuis le 25 mars suivant. Tandis que
l’Empereur et l’Impératrice multiplient au cours de ces années les voyages
en province, l’organisation de l’Exposition universelle à Paris en 1855 est
également un grand moment de célébration du régime. Enfin, le 15 août 1852
est célébré pour la première fois la Saint-Napoléon, devenue fête
nationale en l’honneur de la naissance de l’Empereur.
Le pouvoir impérial s’appuie également sur la brillante prospérité qui
caractérise le début du règne de Napoléon III. Et celle-ci contraste avec la
crise qui a assombri les dernières années de la Monarchie de Juillet. La
personnalité de l’Empereur, relayée par l'action de son ministre Eugène
Rouher, n’est d’ailleurs pas étrangère à cette rapide expansion que connaît
la France du Second Empire. S’inspirant des théories saint-simoniennes, l’Empereur
entend stimuler l’investissement. Il faut cependant pour cela que l’État
prenne en charge la modernisation du pays. Celle-ci passe par le développement
des réseaux de chemin de fer et de télégraphe, par l’aménagement des ports
ou par la transformation des grandes villes sur le modèle du Paris
d’Haussmann, Préfet de la Seine depuis 1853. En province, cette période voit
également l’assèchement de la Dombe et de la Provence, le drainage des
landes de Gascogne et d’Aquitaine, de la Sologne. Et la signature d’un traité
de libre-échange avec l’Angleterre triomphante de la reine Victoria, le 23
janvier 1860, s’impose afin de stimuler l’économie. Ceci est également le
but recherché avec le creusement du canal de Suez, qui commence le 25 avril
1859 sous l’inspiration de Ferdinand de Lesseps.
Car pour l’auteur de L’Extinction du paupérisme, la croissance économique
est un facteur de progrès social. Celle-ci en augmentant l’offre d’emploi
doit conduire à une amélioration de la condition des ouvriers. Napoléon III
s’attache également à faire évoluer les institutions. Ainsi, le décret du
28 février 1852 autorise la création de sociétés de crédit foncier, destinées
à assurer le développement de prêts hypothécaires. Le 26 mars suivant un
autre texte de loi approuve la création de sociétés de secours mutuel.
Celles-ci permettent désormais aux classes laborieuse de se prémunir contre
l’accident et la maladie. Les préoccupations sociales de l’Empereur
apparaissent aussi dans des mesures plus concrètes. Les voyages de la famille
impériale sont ainsi l’occasion pour Napoléon III ou l’Impératrice Eugénie
d’effectuer des dons, de patronner des œuvres.
Cependant, l’autoritarisme du régime apparaît également au grand jour dans
le cadre de la législation du travail. Ainsi le 22 juin 1854, une loi est votée
par le Corps législatif qui renouvèle pour les ouvriers le port du livret. Et
depuis le 25 mars précédant la liberté d’association est prohibée.
Napoléon III est également soucieux du prestige de la France du Second Empire
à l’étranger. Il entend ainsi restaurer en Europe son statut de puissance et
son rôle d’interlocutrice. L’Empereur vise ainsi à revenir sur les
pratiques diplomatiques issues du Congrès de Vienne. Il s’attache également
à maintenir un équilibre international. S’il proclame le 9 octobre1852 lors
d’un discours dans la ville de Bordeaux que " l’Empire c’est la
paix ", la menace que fait peser le voisin russe sur l’Empire
Ottoman dans les Balkans justifie d’une intervention militaire. Le 27 mars
1854, la France entre en guerre aux côtés de l’Angleterre contre la Russie
des Tzars en Crimée. La prise de Sébastopol, le 10 septembre 1855, annonce
d’ailleurs bientôt la fin du conflit. Un règlement entre les différents
belligérants intervient l’année suivante lors du Congrès de Paris.
Celui-ci s’ouvre le 25 février et voit les représentants du Royaume de Piémont-Sardaigne,
allié des vainqueurs, dénoncer l’état de soumission au voisin autrichien
dans lequel se trouve la péninsule italienne. Se souvenant des engagement de sa
jeunesse, l’Empereur se montre attentif à cette cause. Sa conviction est
qu’il faut reconnaître le " principe des nationalités "
et donc revenir sur le tracé des frontières européennes. Après l’attentat
perpétré par le révolutionnaire italien Orsini, le 14 janvier 1858, Napoléon
III, impressionné, se décide à rencontrer Cavour, Premier Ministre piémontais.
Le 21 juillet suivant, l’entrevue qui a lieu à Plombières, dans les Vosges où
l’Empereur prend les eaux, décide d’une alliance. La France interviendra
face à l’Autriche afin de favoriser l’unité de l’Italie du Nord, en échange
de quoi lui seront concédés les territoires frontaliers du Comté de Nice et
de la Savoie. Le 3 mai 1859, la guerre est déclarée. Les victoires françaises
s’enchaînent, à Magenta le 4 juin puis à Solférino le 24 juin. Cependant
une insurrection éclate dans les États de l’Église qui menace le pouvoir
temporel du pape Pie IX. Ceci mécontente les catholiques français qui, sous
l’influence de Monseigneur Dupanloup, évêque d’Orléans, et de Louis
Veuillot, directeur du journal L’Univers, se montrent bientôt hostile
à la politique italienne du Gouvernement français. Redoutant également un
intervention du Royaume de Prusse aux côtés de l’Autriche, Napoléon III se
décide à mettre un terme à l’engagement français. Après les plébiscites
organisés au mois d’avril 1860, le Comté de Nice et la Savoie sont rattachés
à la France.
Au delà du continent européen, la France impose également son autorité sur
de nouveaux territoires. Dans l’Océan Pacifique, la Nouvelle-Calédonie est
annexée en 1853. Sur le continent africain, l’île de Madagascar ainsi que le
littoral du Gabon sont bientôt sous l’autorité française. Les conquêtes
coloniales se poursuivent aussi en Asie. La Cochinchine est annexée après un
traité signé le 5 juin 1862 tandis que le Cambodge devient un protectorat français,
le 11 août de l’année suivante. La France sous le règne de Napoléon III a
donc retrouvé sa place de grande nation au sein du concert européen.
C’est alors que plusieurs mesures viennent assouplir le caractère autoritaire
du régime. Celles-ci sont issues de la volonté et de l’initiative de l’Empereur
qui estime le moment venu d’une libéralisation. Aussi le 24 novembre 1860, un
décret accorde le droit d’adresse aux assemblées et institue la publicité
des débats du Parlement. Dans les années qui suivent, le Corps législatif se
voit également accorder le droit d’amendement avec la loi du 18 juillet 1866
et enfin le droit d’interpellation, c’est à dire la prérogative de
critiquer le Gouvernement, à partir du 31 janvier 1867.
Ces mesures ont pour effet de renforcer l’opposition au régime. D’autant
plus que la loi sur la presse, votée le 13 mai 1868 par le Corps législatif,
supprime l’autorisation préalable. Le 6 juin suivant une décret concernant
les réunions publiques accordent également le droit d’organiser des réunions
électorales. Au printemps de l’année suivante se déroule alors une véritable
campagne électorale en vue du renouvellement de l’Assemblée. Celui-ci se
voit investie de nouvelles prérogatives le 8 septembre de la même année. Les
députés partagent désormais avec l’Empereur l’initiative des lois.
Tandis qu’Émile Ollivier, un républicain rallié au régime, devient le chef
du gouvernement le 2 janvier 1870, une ultime modification institutionnelle
parachève cette évolution libérale du Second Empire. En effet, le sénatus-consulte
du 21 mai suivant institue la responsabilité politique des ministres devant les
assemblées. Cette décision émanant de la volonté de Napoléon III, ainsi que
celles prises dans les mois précédents, constituent ainsi une véritable
refonte institutionnelle. Au printemps 1870, ce nouveau régime, l’Empire libéral,
reçoit l’approbation du peuple français grâce à un plébiscite organisé
le 8 mai.
Cependant, après plus de vingt années de règne, l’Empereur, souffrant de
calculs rénaux, est fatigué et affaibli. Avait–il encore les moyens de faire
face à la montée des oppositions ? Malgré le décret signé le 15 août
1859 et amnistiant les proscrits du coup d’État du 2 décembre, celle-ci se
faisait plus virulente grâce aux menées d’Adolphe Thiers qui demande devant
le Corps législatif le 11 janvier 1864 les cinq " libertés nécessaires "
et de Léon Gambetta qui mène une vigoureuse campagne à Belleville, lors des
élections législatives de 1869. Le monde ouvrier s’agite également, la loi
du 25 mai 1864 tolérant de nouveau les " coalitions " ouvrières
et les grèves pacifiques. L’Empereur s’est également aliéné le monde des
affaires par sa politique libre-échangiste avec le concurrent anglais. Et
l’autel, allié traditionnel du trône, s’est détourné du régime après
l’intervention française en Italie du Nord. Enfin, au mois de février 1867,
les troupes françaises doivent se retirer du Mexique où les avaient conduit
l’ambition née chez l’Empereur d’une alliance avec l’Autriche. Les
nations européennes assistent d’ailleurs pendant ces années à la montée en
puissance de la Prusse.
Ainsi, le chancelier prussien Bismarck entend provoquer un conflit avec le
voisin français afin de cimenter l’unité de l’Allemagne. La candidature
d'un Hohenzollern au trône vacant d'Espagne suscite bientôt l'hostilité de
Napoléon III. Celui-ci obtient la renonciation du prétendant, non celle des
autorités prussienne. Le 13 juillet 1870, Bismarck adresse à l'intention de la
presse un texte provocateur, la Dépêche d'Ems, où il affirme que
Guillaume Ier a refusé de rencontrer l'ambassadeur français. Le
19 juillet 1870 et après le vote par le Corps législatif des crédits nécessaires
à la mobilisation, la France déclare alors la guerre à la Prusse. Le
commencement du conflit est marqué par une série de défaites à l’Est. Plutôt
que d'utiliser ses troupes pour protéger Paris, Napoléon III se laisse alors
convaincre, après plusieurs jours d'hésitation, d'entreprendre de délivrer
Bazaine enfermé dans Metz. Le 1er septembre 1870, le souverain et les troupes françaises sont encerclées à Sedan. Après une journée de
combats, l'Empereur choisit de se rendre. Il refuse cependant de traiter avec
les autorités allemandes. La responsabilité en incombe donc à l'Impératrice,
régente de l'Empire, et au Gouvernement.
Cependant, le 4 septembre, la foule des parisiens envahit le Palais-Bourbon,
Gambetta y annonce la fin du Second Empire. Plus tard, à l'Hôtel-de-Ville, il
se joint à Jules Ferry et Jules Favre pour proclamer la République. Un
Gouvernement provisoire est alors formé tandis que l'Impératrice et le Prince
Impérial gagnent Deauville et s'exilent bientôt à Londres. L'Empereur déchu
est emmené en captivité en Allemagne le 5 septembre 1870. Il demeure ainsi au
château de Wilhelmshohe, près de Kassel, jusqu'au mois de mars 1871. Commence
alors un dernier exil en Angleterre où Louis-Napoléon Bonaparte a rejoint sa
famille. Souffrant depuis plusieurs années de la présence d'une pierre dans la
vessie, il est opéré le 2 janvier 1873. Quelques jours plus tard, le 9 janvier
1873, Louis-Napoléon Bonaparte décède, dans sa résidence
de Camden Place, à Chislehurst, dans le Kent. Les funérailles, qui ont lieu le
15 janvier suivant, rassemblent une foule imposante - dont 4.000 Français ayant
traversé la Manche pour rendre un dernier hommage à l'ex-Empereur. Depuis
1888, ce dernier repose au monastère de
Farnborough, dans le sud de l’Angleterre.
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