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Paul MAGNAUD

(Bergerac, 20 mai 1848 -
Saint-Yreix-la-Perche, 27 juillet 1926)


Français.

Magistrat
.



par Marc Nadaux


 

     Quelques dates :

1887, président du tribunal civil de Château-Thierry.
1898, affaire Louise Ménard.
1900, nommé président d'honneur du Congrès de l'Humanité réuni à Paris lors de l'Exposition universelle.
1906, élu député de l'Aisne sous l'étiquette radical-socialiste.

 






Paul Magnaud naît le 20 mai 1848 à Bergerac, dans le département de la Dordogne. Il est le fils unique d'un fonctionnaire de l'Enregistrement et des Domaines. Après avoir effectué des études dans les Lycées d'Agen et de Périgueux, l'adolescent obtient la première partie de son Baccalauréat. Le patriotisme dans lequel il baigne depuis l'enfance le pousse bientôt à se porter volontaire dans la Garde mobile du Lot-et-Garonne, peu après la déclaration de guerre à la Prusse. Après la chute du Second Empire et la proclamation de la République, Paul Magnaud est mobilisé dans la seconde Armée de la Loire, commandée par le général Chanzy. Le 26 janvier 1871, il est d'ailleurs nommé au grade de lieutenant.

Quelques jours plus tard, la signature de l'armistice signifie son retour à la vie civile. En 1872, Paul Magnaud, désireux de mener une carrière de jusriste, décide de faire son droit. Il monte alors à Paris, s'inscrit à la faculté et s'installe à proximité, rue de la Huchette puis rue Saint-André-des-Arts, dans le quartier Latin. L'étudiant franchit sans obstacle les étapes du cursus universitaire. Licencié en 1875, il soutient sa thèse et est ensuite admis auprès du barreau de Paris, en tant qu'avocat stagiaire. Quelques années plus tard, en 1880, Paul Magnaud fait son entrée dans la magistrature, étant nommé le 22 décembre substitut à Doullens, dans la Somme. L'année suivante, il devient juge d'instruction à Montdidier, avant d'être muté à Senlis en 1883 et enfin à Amiens en 1885.

Magnaud ambitionne alors de devenir président du tribunal civil de Château-Thierry, dans l'Aisne, où il sait le siège vacant. La cité castelthéodoricienne est en effet plus proche de Paris que la capitale picarde. Le magistrat est nommé officiellement le 5 juillet 1887 à son nouveau poste. Celui-ci lui procure à l'époque un revenu de 5.000 Francs, de quoi s'installer confortablement dans la petite ville de province. L'année suivante cependant, Magnaud proteste auprès de ses supérieurs de la modestie de son traitement. Il est vrai que ses anciennes fonctions auprès de la Cour d'appel lui aurait à présent rapporter 6.500 Francs. Cette affaire fait naître à son encontre une certaine hostilité au sein de sa hiérarchie. D'autant plus que le juge se fait bientôt remarquer par certains de ses arrêts. N'a t-il point fait acquitter le dénommé Bardoux, vagabond de son état, un voleur à la tire pris pourtant en flagrant délit, le 27 décembre 1889...

D'autres incidents suscitent également la polémique à Château-Thierry. Peu après l'assassinat du président de la République, Sadi Carnot, le 24 juin 1894, le juge Magnaud refuse de s'associer en tant que magistrat à la cérémonie religieuse en la mémoire de l'homme d'État défunt, comme le lui demande le préfet de l'Aisne. Il est présent certes dans l'assistance, mais en uniforme de capitaine d'état-major territorial et dans le public, non au siège qui lui a été réservé ! Quelques mois plus tard d'ailleurs, Paul Magnaud s'abstient de se venir à la sous-préfecture afin de présenter ses vœux au représentant du gouvernement. L'année suivante, le magistrat se marie avec Marie-Thérèse Beneix-Vernet. Le couple s'installe ensuite à Chierry, une localité située à quelques kilomètres de Château-Thierry, toujours dans la vallée de la Marne.



Deux années plus tard, le juge Magnaud est à l'origine de l'affaire Louise Ménard. Cette dernière, une fille-mère âgée de vingt-trois ans, vient de voler un pain chez un boulanger de sa localité, Charly-sur-Marne, ce pourquoi elle est convoquée au tribunal de Château-Thierry, le 4 mars 1898. La jeune femme doit alors répondre du délit de vol, après la plainte déposée par le boulanger, son cousin. Allant à l'encontre du réquisitoire prononcé par le procureur, le président Magnaud acquitte la prévenue, faisant valoir son état d'absolue nécessité, comme le lui permet l'article 64 du code pénal, interprété pour la circonstance. Ce dernier fait en effet référence à une éventuelle " force à laquelle on ne peut résister ". Il est vrai que n'ayant rien mangé depuis deux jours, Louise Ménard avait déjà entamé au trois quart le pain volé lorsque les gendarmes l'ont interpellé à son domicile. Suivant son invitation, la jeune fille rejoint son juge après l'audience. Il lui donne alors une pièce de cinq francs, de quoi notamment rembourser le larcin. L'affaire fait grand bruit. La presse parisienne se place du coté du magistrat axonais et Georges Clemenceau lui attribue le surnom de " bon juge " dans un article de son journal L'Aurore, qui paraît le 14 mars suivant. Le président du Conseil Brisson est néanmoins interpellé à la Chambre des députés à propos du jugement rendu par Paul Magnaud, qui se déclare incompétent pour se prononcer sur une affaire en cours. Le procès est en effet jugé en appel à Amiens. C'est d'ailleurs le sénateur-maire et ancien ministre René Goblet qui prend la défense de Louise Ménard. Celle-ci est de nouveau et définitivement acquittée, le 22 avril 1898.

Dès lors la célébrité ne va plus quitter le " bon juge de Château-Thierry ", d'autant plus que celui-ci continue à officier avec une clémence inusitée. Il acquitte ainsi un jeune mendiant, puis se fait de nouveau remarquer pour ses prises de position féministes. Eulalie Michaud, séduite par un fils de bonne famille, est condamnée à un Franc d'amende pour avoir jeté une pierre dans la rue sur celui qui l'avait abandonnée. Le 24 août 1900, une autre jeune fille est elle aussi mise à l'amende pour le décès de son enfant, à la suite d'un accouchement clandestin. C'est d'ailleurs à Château-Thierry et devant le président Magnaud que plaide pour la première fois Jeanne Chauvin, la première avocate de France. Fort de cette notoriété, celui-ci est nommé président d'honneur du Congrès de l'Humanité réuni à Paris lors de l'Exposition universelle de 1900. Le " bon juge " préside également le sixième Congrès international d'anthropologie criminelle, qui se réunit à Turin en 1906. Au cours des années écoulées, nombre de reportages lui ont été consacrés, dans La Vie au grand air ou même dans L'Illustration. Dans L'Assiette au Beurre ou dans Le Rire, les caricaturistes ont brocardé le " bon juge ". Celui-ci voit néanmoins se multiplier les cartes postales à son effigie. Il est en effet devenu une des figures populaires de la Belle Époque.

Suivant les recommandations de Clemenceau, Paul Magnaud décide ensuite d'entrer en politique. Le 17 juillet 1906, il est élu député de l'Aisne sous l'étiquette radical-socialiste. Ceci l'oblige à quitter le tribunal de Château-Thierry, où il avait été nommé dix-neuf ans auparavant. Auprès de la Commission de la réforme judiciaire, son œuvre de parlementaire est bien mince. Il ne parvient pas à faire adopter par ses pairs le projet d'une " loi de pardon ", permettant aux magistrats d'acquitter avec davantage de faciliter les délinquants occasionnels. Déçu par cette expérience, Magnaud ne se représente pas aux nouvelles élections législatives organisées en 1910. Il choisit de revenir à la pratique du droit. Nommé au mois d'avril de l'année suivante auprès du tribunal de la Seine, il s'installe alors avec son épouse à Ablon-sur-Seine. Pendant la première Guerre mondiale, le président Magnaud, à présent âgé de soixante-six ans, est chargé en tant que chef de bataillon d'infanterie territoriale de la surveillance des quartiers de la ville de Reims touchés par les bombardements allemands. Après la fin du conflit, en 1923, il est d'ailleurs élevé à ce titre au grade de commandeur de la Légion d'honneur.



Mis à la retraite, Paul Magnaud décède le 27 juillet 1926 à Saint-Yreix-la-Perche, en Haute-Vienne. Demeure néanmoins la figure du " bon juge ", celui que louait Anatole France au mois de novembre 1900 dans Le Figaro pour son humanité. Le président Magnaud en effet était un de ces magistrats qui admettait que la société avait une part de responsabilité dans les méfaits de certains individus. Comme il l'avait affirmé lui-même, le 4 mars 1898 en relaxant Louise Ménard " le juge peut et doit interpréter humainement les inflexibles prescriptions de la loi ".