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Émile LOUBET 

(Marsanne, 31 décembre 1838 -
Montélimar, 20 décembre 1929)


Français.

Homme politique.



par Marc Nadaux


 

     Quelques dates :

1870, élu maire de Montélimar.
1876, élu député de la Drôme.
1885, élu sénateur.
1877, fait partie des " 363 ", qui vote un ordre du jour de défiance au maréchal de Mac-Mahon.
1892, appelé à la présidence du Conseil.
1896, élu président du Sénat.
1899, élu président de la République.
         gracie Alfred Dreyfus.
1900, préside le banquet des maires des communes de France.

 






Émile Loubet naît à Marsanne, dans le département de la Drôme, le 31 décembre 1838. Issu d’une famille de simples paysans, il fait son droit à Paris et obtient son doctorat. Voulant à présent plaider, Émile Loubet est de retour dans sa Provence natale et s’inscrit au barreau de Montélimar, au mois d’avril 1865. L’avocat s’illustre alors en défendant des opposants au Second Empire. Ces convictions républicaines le poussent à entrer en politique. Le 29 septembre 1870, Émile Loubet est élu maire de Montélimar, une fonction qu’il conservera trente années durant, jusqu’à son élection à la présidence de la République. Quelques semaines auparavant, le 18 juin, le canton de Marsanne l’avait désigné pour siéger au Conseil général. Dans les premières années de la Troisième République, Émile Loubet se taille d’ailleurs un véritable fief électoral. Ainsi, le 20 février 1876, il est élu député de la Drôme, un mandat reconduit en 1881. L’année précédente, c’est à la présidence du Conseil général qu’il accède. Bientôt cependant, la Chambre haute lui ouvre ses portes. Le 25 janvier 1885, Émile Loubet est élu sénateur.

La personnalité de ce républicain modéré correspond ainsi aux aspirations de ses contemporains et compatriotes. Siégeant à gauche de l’Assemblée, il fait partie de ces 363 élus qui, le 20 mai 1877, affirment dans un manifeste leur opposition au président Mac-Mahon. Plus tard, alors que les ministères opportunistes, sous la direction notamment de Jules Ferry, mettent en pratique leur programme de réforme, le sénateur Émile Loubet est inscrit dans le groupe parlementaire que constitue la gauche républicaine. Il en est d’ailleurs le secrétaire à partir du mois de janvier 1887. Ce n’est que le premier signe de l’ascendant pris par l’élu de la Drome dans la vie politique. Au Sénat, Émile Loubet est nommé rapporteur général du budget, à la commission des finances. Vient ensuite pour lui le temps des responsabilités. Après l’élection du président de la République Sadi Carnot, dans le premier ministère constitué par Pierre Tirard au mois de décembre 1877, il est chargé du portefeuille des Travaux publics jusqu’au mois d’avril suivant.

De retour au Palais du Luxembourg, Émile Loubet est appelé quelques années plus tard à la présidence du Conseil, une responsabilité qu’il exercera de février à novembre 1892. L’actualité est alors dominée par les attentats anarchistes qui sèment l’inquiétude à Paris. Il reviendra à son successeur, Charles Dupuy, d'y mettre un terme, en faisant voter par le Parlement les " lois scélérates " du mois de juillet 1894. Tout aussi éphémère est son passage au ministère de l’Intérieur dans le cabinet Ribot. Le Scandale de Panama conduit à son remplacement, dès le 1er janvier 1893. Émile Loubet doit donc de nouveau retourner sur les bancs du Sénat. Le 1er janvier 1896 cependant, après la démission de Paul-Armand Challemel-Lacour, il est élu président de la Chambre haute, un poste dans lequel il est confirmé jusqu’en 1899. Cette année là, le 17 février 1899, Émile Loubet monte à la tribune et annonce à ses pairs le décès du président de la République, Félix Faure, au cours d’une aventure galante. Le jour même, les groupes républicains s’entendent pour proposer sa candidature et le surlendemain, les deux chambres, réunies en Assemblée nationale à Versailles, élisent Émile Loubet président de la République, par 483 voix contre 279 à Jules Méline. Son septennat s’achèvera le 18 février 1906.



Il passe en effet pour favorable à la révision du procès du capitaine Dreyfus, une affaire qui divise la France en deux camps depuis la condamnation de l’officier pour trahison en 1894. Le Conseil de guerre, réuni à Rennes à cet effet durant l’été 1899, n’ose pas conclure à l’innocence du " traître ", mais lui reconnaît tout de même des circonstances atténuantes. Après ce curieux arrêt, afin de mettre un terme à toutes ces procédures discordantes et dans un soucis d’apaisement, Émile Loubet gracie Alfred Dreyfus, le 19 septembre suivant. Ces prises de position lui valent d'être agressé d'un coup de canne au champ de courses d'Auteuil par le baron Cristiani, le 4 juin précédent. Devant la recrudescence de l’agitation nationaliste, le ministère de " défense républicaine ", que dirige Pierre Waldeck-Rousseau, agit avec fermeté avec les agitateurs nationalistes qui ont occupés la rue pendant les années précédentes et contre lesquels sont engagées des poursuites judiciaires. Paul Déroulède, le président de la vieille Ligue des Patriotes, est ainsi condamné le 4 janvier 1900 par le Sénat constitué en Haute Cour de justice à dix années de bannissement. A quelques semaines de la fin de son mandat, Émile Loubet obtient que la Cour de cassation révise de nouveau le procès et réhabilite Dreyfus. Celui-ci est promu chef d’escadron et décoré de la Légion d’honneur.

L’année 1901 est un autre moment important du septennat du président Loubet. En effet, la loi relative au contrat d’association, à l’initiative de laquelle on retrouve Waldeck-Rousseau, est adoptée par le Sénat le 22 juin, votée par la Chambre des députés le 28 juin, promulguée sous sa signature le 1er juillet et enfin publiée le 2 juillet au Journal Officiel. Destinée à donner un cadre légal et rationnel aux coalitions ouvrières ainsi qu’aux partis politiques, celle-ci est également appliquée par le ministère Combes aux congrégations religieuses. Devenu président du Conseil au mois de juin 1902, ce dernier est l’initiateur d’une nouvelle poussée d’anticléricalisme. Dans le cadre de la nouvelle loi en effet, les congrégations sont appelées à solliciter une autorisation spéciale, une procédure au terme de laquelle elle se voit désormais opposer un refus catégorique. Ceci est à l’origine de la fermeture de plusieurs centaines d’établissement, avant qu’Émile Combes, en 1904, n’interdisent également d’enseigner aux congrégations autorisées. Le Saint-Siège proteste, d’autant plus que le président Loubet est en visite à Rome au même moment, et les relations diplomatiques sont bientôt rompues entre le Vatican et la France de la Troisième République. Celle-ci établit également la séparation de l’Église et de l’État, avec la loi du 9 décembre 1905. Pendant toutes ces années, Émile Loubet, s'abritant derrière la constitution, conserve une prudente neutralité et se garde d’intervenir dans ces questions de politique intérieure.

A la fin de l’année 1904, l’ " Affaire des Fiches " secoue également l’opinion. Le 4 novembre en effet, à la Chambre, le député nationaliste Jean Guyot de Villeneuve dénonce les procédés de surveillance des opinions politiques des officiers de l’armée française. Au cours des débats agités qui suivent, l'élu nationaliste Gabriel Syveton gifle le général André, ministre de la Guerre. Au mois de mai précédent, ce dernier avait en effet demandé aux loges du Grand Orient de répertorier les militaires hauts gradés allant régulièrement à la messe. 25.000 fiches de renseignements sont ainsi établies, avant qu’un franc-maçon ne dévoile le procédé au journal Le Figaro, qui rend public les faits, le 27 octobre 1904. Le général André doit démissionner, tandis que trente-cinq députés francs-maçons se désolidarisent du ministère Combes. Quelques jours plus tard, Gabriel Syveton, son agresseur, est retrouvé mort asphyxié. Ses partisans y voient là un crime qu’ils attribuent aux sociétés secrètes. Après l’Affaire Dreyfus, cette nouvelle crise ébranle le monde militaire et empoissonne de nouveau la vie politique. Pourtant, quelques années auparavant, le 22 septembre 1900, dans le parc du palais de l'Élysée, Émile Loubet avait présidé le banquet des maires des communes de France, affirmant ainsi la solidité des institutions à l’occasion du centenaire de la première République.



Sur le plan diplomatique, le septennat d’Émile Loubet est caractérisé par une intense activité diplomatique. De nombreuses visites officielles ponctuent ainsi le passage du siècle. Au mois d’avril 1899, Oscar II, roi de Suède et de Norvège, rend visite à la France, suivi au mois d’octobre, par roi de Grèce. A deux reprises, au cours des étés 1900 et 1902, le Shah de Perse est accueilli en France, Léopold II de Belgique également au mois d’octobre 1900, ainsi que Victor-Emmanuel II d’Italie en octobre 1903. L’année suivante, le Bey de Tunis est reçu, en juillet ; le roi et la reine du Portugal le sont au mois de décembre. Au printemps 1905, le roi d’Espagne, Alphonse XIII, échappe à un attentat pendant son séjour à Paris. Le Président Loubet se déplace également beaucoup à l’étranger. En 1903, il se rend en Tunisie et à Londres. En 1904, il effectue un voyage officiel à Rome et Naples, en avril, et à Madrid et Lisbonne, en octobre.

Pendant toutes ces années, le chef de diplomatie française n’est autre que Théophile Delcassé. Après la crise de Fachoda en 1899, l’habile négociateur parvient à réconcilier les deux puissances coloniales, la France et l’Angleterre, jusqu’à la conclusion d’une " Entente cordiale " entre les deux nations. Celle-ci se concrétise le 8 avril 1904, après que des zones d’influence sur le continent africain aient été déterminées. Cet accord historique a été préparé par la visite à Paris d’Édouard VII du 1er au 4 mai 1903. Accueilli par Émile Loubet, avec lequel il descend les Champs-Élysées sous les sifflets de la foule, le roi d’Angleterre parvient néanmoins à se concilier les Français grâce à son talent de communicateur. Ceci est la première étape du projet diplomatique de Delcassé. Le ministre des Affaires étrangères a en effet pour objectif de rompre l’isolement de la France et de bouleverser l’équilibre européen au détriment de l’Allemagne. Il lui faut pour cela casser le système d’alliances élaborées par le chancelier Bismarck dans les décennies précédentes. C’est choses faite le 9 août 1899, quand la Troisième République conclut un traité d'alliance avec la Russie de Nicolas II. Trois années plus tard, le président Émile Loubet rendra visite au tzar lors d’un voyage à Saint-Pétersbourg.



Celui-ci est le premier président de la République à être parvenu au terme de son mandat. Ne souhaitant pas se présenter de nouveau, il se retire alors de la vie politique. Émile Loubet décède le 20 décembre 1929 à Montélimar.