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LÉON XIII
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Gioacchino Vinzenzo
PECCI,
LÉON XIII
(Carpineto, 2 mars
1810 - Rome, 20 juillet 1903)
Italien
Religieux.
par Marc Nadaux
Quelques dates :
1837, ordonné prêtre.
1846, nommé archevêque de Pérouse.
1853, élevé à la dignité de cardinal.
1878, élu Pape et prend le nom Léon XIII.
1891, Encyclique Rerum novarum qui dénonce la misère
ouvrière, conséquence des progrès de l’industrialisation et
des excès du libéralisme.
1892, encyclique Inter innumeras sollicitudines (Au
milieu des sollicitudes) qui invite les catholiques français
au ralliement à la République.
1893, encyclique Providentisimus favorable aux études
des textes sacrés et à l'exégèse.
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Gioacchino Vinzenzo Pecci est né le 2 mars 1810 à Carpineto. A l’âge
de huit ans, l’enfant est envoyé à l’école des Jésuites de Viterbo.
Il y demeure six années, de 1818 à 1824, avant d’entrer au Collège
romain afin de parfaire ses connaissances en rhétorique. Après avoir
obtenu son doctorat en théologie, l’étudiant est admis en 1832 à l’Académie
des nobles ecclésiastiques. Il éprouve tout de même quelques difficultés
à prouver son ascendance aristocratique. Gioacchino Vinzenzo Pecci suit
également à la même époque les cours de droit civil et de droit canon
de l’université Sapienza. Il reçoit bientôt les ordres mineurs avant
d’être remarqué par le cardinal Sala. Celui-ci lui permet d’entrer
dans l’administration du ministère de l’intérieur. Le jeune homme reçoit
alors la charge de coordonner l’action des hôpitaux de la ville pendant
l’épidémie de choléra. Pressé par son protecteur, il est ordonné prêtre
le 31 décembre 1837.
Le pape Grégoire XVI le nomme l’année suivante délégué du Saint Siège
dans la ville de Bénévent. C’est une mission délicate car la cité
possède un statut particulier. Soumise à l’autorité du pape, elle est
située dans le royaume de Naples. Avec habileté, le nouveau gouverneur
s’entend alors avec les autorités napolitaines pour réduire le
brigandage et la contrebande, endémiques dans la région. Le 17 juillet
1841, Gioacchino Vinzenzo Pecci est ensuite envoyé à Pérouse où les
habitants sont hostiles au pouvoir exercé par la papauté. Le délégué
du souverain pontife s’emploie à améliorer le sort des populations de
la région. Il crée une caisse d’épargne accordant des prêts
avantageux aux petits commerçants et aux paysans. Le gouverneur réforme
également les institutions éducatives. Par cette action énergique, il
parvient à affirmer son autorité sur la cité et à se concilier ses
habitants.
Remarqué pour les succès qu’il rencontre dans les missions difficiles
qui lui sont confiées, Gioacchino Vinzenzo Pecci se voit confier en
janvier 1843 la charge de nonce à Bruxelles. Le 19 février suivant, il
est nommé archevêque nominal de Damiata, un titre qui correspond à la
dignité de sa nouvelle fonction. Le représentant du pape agit alors en
faveur de l’enseignement catholique dans le royaume. De retour à Rome
le 26 mai 1846, Grégoire XVI quelques jours avant sa mort le nomme enfin
archevêque de Pérouse. Son successeur Pie IX l’élève ensuite à la
dignité de cardinal, le 19 décembre 1853.
Pendant les trente deux années que dure son apostolat, Monseigneur Pecci
marque de son empreinte le diocèse de Pérouse. Le nouveau prélat
fournit à son clergé une nouvelle édition du catéchisme diocésain en
1856 avant de rédiger l’année suivante un guide pratique pour
l’exercice du ministère de prêtre. Désireux de revigorer la foi de
ses fidèles, il encourage l’organisation de retraites et de missions.
En 1875, monseigneur Pecci crée à cet effet une association de
missionnaires. Enfin, avec l’agrandissement du séminaire diocésain
entre 1846 et 1850, trente six nouvelles églises sont construites sous
son épiscopat dans le diocèse de Pérouse.
Le prélat, préoccupé également par les questions sociales, poursuit
son œuvre en faveur des populations. En 1875, il fonde ainsi les " Jardins
de saint Philippe de Néri " sur le modèle des cercles
catholiques ouvriers initiés quelques années plus tôt en France par
Albert de Mun. Ces associations proposent des manifestations culturelles
aux populations ouvrières. Des conférences, des séminaires et
l’organisation de groupes de discussion sont ainsi initiés par des
membres de la bourgeoisie catholique.
Dans son diocèse, monseigneur Pecci se trouve bientôt au cœur des événements
politiques qui président à l’unité italienne. Le 14 septembre 1860,
la ville de Pérouse et les régions voisines de l’Ombrie sont annexées
par le Royaume de Piémont-Sardaigne. Par la diffusion de lettres
pastorales, l’évêque s’emploie alors au cours des années qui
suivent à critiquer la politique pratiquée par les nouvelles autorités.
Il dénonce ainsi l’autorisation du mariage civil, l’instauration
d’un service militaire obligatoire pour les ecclésiastiques, la
confiscation des biens d’Église et la suppression de certains ordres
religieux dans le diocèse de Pérouse.
En août 1877 enfin, peu après le décès du cardinal d’Angelis,
monseigneur Pecci est nommé camerlingue. Ceci contraint le prélat à la
résidence dans la cité pontificale. A la mort du pape Pie IX, le
conclave réuni à Rome quelques temps plus tard le désigne comme son
successeur, le 20 février 1878. Il prend alors le nom de Léon XIII.
Dans le monde catholique, le nouveau pape bénéficie de l’action de son
prédécesseur. Le pontificat de Pie IX est en effet marqué par le
renforcement du rôle que joue le souverain pontife dans la vie de l’Église.
Cependant Léon XIII mesure également rapidement l’isolement
diplomatique dans lequel se trouve à cette époque la papauté. Il
s’attache alors, avec l’aide de son secrétaire d’État, le cardinal
Rampolla, à améliorer les relations qu’entretient le Saint Siège avec
les puissances européennes.
Dans l’Empire allemand s’éteint en 1878 le Kulturkampf initié
quelques années plus tôt par le chancelier Bismarck. Cette politique
d’hostilité à l’égard des intérêts catholiques s’apaise et lui
succède un accord tacite entre le gouvernement et l’Église. Tandis
qu’en 1883 de nouveaux évêques sont nommés au sein du Reich, Léon
XIII rend visite à plusieurs reprises en 1888, en 1893 et enfin en 1903
à l’empereur Guillaume II. Les relations entre le Saint Siège et la
Russie d’Alexandre II restent tendues et l’intervention du pape en
1884 en faveur des catholiques ruthènes opprimés sans effet.
Sous son pontificat, Léon XIII rétablit la hiérarchie ecclésiastique
en Écosse en 1878. Il montre également sa sollicitude à l’égard des
catholiques irlandais. Tandis que l’archevêque de Dublin, monseigneur
Mac Cabe, est élevé au cardinalat en 1882, le souverain pontife appelle
à Rome en 1885 l’ensemble de l’épiscopat de l’île. Cependant son
attitude à l’égard des mouvements indépendantistes restent plus
ambigus. Léon XIII souhaite en effet se concilier les autorités
anglaises. Il favorise ainsi le mouvement de rapprochement entre
catholiques et anglicans initié par Lord Halifax, se refusant cependant
en 1896 à reconnaître la validité des ordinations anglicanes. Son
action aboutit d’ailleurs à la visite cordiale du roi Édouard VII au
Vatican en 1903. Dans l’Empire anglais alors à son apogée, le début
de son pontificat avait vu en 1886 le rétablissement de l’encadrement
épiscopal en Inde.
En 1888, le pape accorde sa bénédiction au Brésil qui vient de décider
l’abolition de l’esclavage sur son territoire. L’année précédente,
un concordat est signé entre le Saint Siège et la Colombie voisine. Tout
comme son prédécesseur Pie IX, les États Unis d’Amérique attirent également
l’attention de Léon XIII. Un de ses représentant est présent à
Washington lors de la fondation en 1889 de l’université catholique. Une
délégation apostolique représentant le Saint Siège auprès du
gouvernement fédéral est d’ailleurs créée en 1892 dans la capitale
américaine. Léon XIII effectue l’année suivante le déplacement
outre-atlantique lors de l’exposition de Chicago, celle-ci étant destinée
à commémorer le quatrième centenaire de la découverte du Nouveau
Monde. Quelques années plus tard, le 22 janvier 1899, le souverain
pontife met tout de même en garde dans sa lettre pastorale Testem
benevolentiae les populations catholiques contre l’américanisme.
Cette tendance à préférer l’action pratique à l’étude ou à la
contemplation s’est en effet développée dans certaines communautés
groupées autour du professeur Hecker en cette fin de siècle.
Le résultat de l’action diplomatique de Léon XIII à l’égard des
puissances catholiques du vieux continent est plus contrasté. Le Saint Siège
et le Monténégro s’entendent autour de la signature d’un concordat
en 1886. En Belgique cependant, l’année 1880 voit de nouveaux problèmes
surgir autour de la question scolaire. Dans l’Empire austro-hongrois, Léon
XIII s’attache à lutter contre le joséphisme. En effet le règne de
François Joseph est marqué par la volonté de l’empereur
d’intervenir dans la vie des Églises de cette partie de l’Europe, le
but poursuivi par celui-ci étant d’affaiblir l’autorité pontificale.
Vis à vis du royaume d’Italie, le pontificat de Léon XIII s’inscrit
dans la continuité de celui de son prédécesseur. Il proteste ainsi
contre la perte des États pontificaux et de sa souveraineté temporelle
sur les régions entourant Rome. Léon XIII soutient également le " non
expedit " prôné par Pie IX peu après l’annexion de Rome en
1871. Celle-ci signifie la non participation des catholiques à la vie
politique du régime en place. Ce refus catégorique implique d’ailleurs
de la part de la papauté le désaveu de ceux des Italiens qui ne suivent
pas ses prescriptions. A l’égard de la France cependant l’attitude du
souverain pontife est tout autre. Léon XIII n’est pas hostile à la III°
République qui protège et favorise les missions de l’Église dans ses
possessions outre-mer. Le 12 novembre 1890, l’archevêque d’Alger,
monseigneur Lavigerie, préconise suivant les directives du souverain
pontife le ralliement des catholiques au régime en place. Ce " toast
d’Alger " est bientôt suivi de l’encyclique Inter
innumeras sollicitudines (Au milieu des sollicitudes), publiée le 20
février 1892, par laquelle Léon XIII affirme la position de l’Église.
L’effet de cette invitation restera cependant limité.
Sur le plan doctrinal et à la différence de son prédécesseur Pie IX
dont le pontificat est marqué par la publication retentissante de
l’encyclique Quanta Cura en 1864, Léon XIII s’efforce de faire
face à l’évolution du monde moderne.
Il réaffirme les prérogatives de l’autorité politique dans son
encyclique Diuturnum, publiée en 1881 peu après l’assassinat du
tsar Alexandre II. Quelques années plus tard et suivant une tradition établie,
le pape condamne également la franc-maçonnerie en 1884. Léon XIII
insiste cependant sur l’importance des libertés dans le monde moderne
dans les encycliques Immortale Dei en 1885 et Libertas en
1888. Face à la sécularisation des sociétés et à l’évolution de la
famille, il met également en garde en 1880 contre la multiplication des
divorces dans l’encyclique Arcanum.
L’avènement de la civilisation industrielle trouve en lui un
observateur attentif et critique. En 1878, Léon XIII dénonce ainsi le
socialisme par l’encyclique Quod apostolici. Cependant dix années
plus tard, il se refuse à condamner le mouvement des Chevaliers du
travail américains (Knights of Labor). A son instigation, la fin du XIX ème
siècle voit l’avènement d’une nouvelle volonté pastorale de
rapprochement avec les masses laborieuses. La doctrine de l’Église
s’enrichit bientôt afin de reconquérir les classes ouvrières déchristianisées.
Léon XIII devient en effet avec l’encyclique Rerum novarum,
publiée le 15 mai 1891, " le pape des ouvriers ".
Dans cette lettre, le souverain pontife se montre attaché à davantage de
justice sociale. S’il défend le droit de chacun à la propriété, le
pape énonce l’idée que chacun doit avoir accès à une vie
professionnelle conforme à la dignité de l’Homme. Il dénonce ainsi la
misère ouvrière, conséquence selon lui des progrès de
l’industrialisation et des excès du libéralisme. Les conditions de
travail sont difficiles et les salaires insuffisants chez les classes
laborieuses. Léon XIII réclame également une législation du travail
appropriée Il se montre favorable aux associations chrétiennes de métier.
En précisant quelles doivent être les relations entre le capital et le
travail dans le monde chrétien, le souverain pontife cautionne donc l’œuvre
du catholicisme social. Il donne une nouvelle impulsion au mouvement. Les
journaux, les associations, les congrès se multiplient afin d’influer
sur le devenir de la société.
Comme l’a affirmé le concile Vatican, le pape a désormais autorité en
matière de foi et de dogme. Sur la lancée de l’inspiration de Pie IX,
Léon XIII consacre le genre humain au Sacré Cœur en 1889. En 1880, il
recommande l’étude de la philosophie scolastique par l’encyclique Aeterni
Patris. Il s’agit alors pour lui d’imposer l’enseignement de
saint Thomas d’Aquin au sein de l’Église. D’autre part, celle-ci
n’a selon lui rien à craindre du développement des études historiques
qu’il convient au contraire de favoriser. En 1893, dans son encyclique Providentisimus,
le souverain pontife se montre favorable aux études des textes sacrés et
à l'exégèse. Mettant en pratique ces principes, le pape ouvre bientôt
aux chercheurs la bibliothèque et les archives du Vatican. Face aux progrès
du rationalisme, la science ecclésiastique trouve donc en Léon XIII un
ardent partisan.
Après un pontificat long de vingt cinq années, Léon XIII, le pape de la
modernité, décède à Rome le 20 juillet 1903.
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