|
A voir et à lire
sur
19e.org,
et ailleurs.
|
|
| |
sur 19e.org |
|
|
|
Vous êtes ici :
>
Nicolas LEBEL
|
|
Nicolas LEBEL
(Saint-Mihiel, 18 août 1838 - Vitré
, 6 mai 1891)
Français.
Militaire.
par Eric Labayle
Quelques dates :
1883, le ministre de la Guerre lui confie la direction d'une
commission de réflexion sur le fusil du fantassin.
1887, nommé colonel.
|
|
Quel destin étonnant que celui
de cet homme qui, sans y avoir participé, a laissé son nom dans
l'histoire de la Grande Guerre, et sans avoir été l'un d'eux, fut l'un
des compagnons les plus proches des Poilus français...!
Nicolas Lebel est né le 18
août 1838, à Saint-Mihiel, dans la Meuse. Son origine sociale aisée
lui a permis de suivre des études et d'obtenir son baccalauréat. Intéressé
par la carrière militaire, il intègre l'École Spéciale Militaire de
Saint-Cyr en 1855 (promotion " Du Prince Impérial ", 1855-57).
En 1857, il rejoint le 58e régiment d'infanterie de ligne avec le grade
de sous-lieutenant. Il reste dans ce corps de troupe pendant plus de dix
années consécutive et la guerre de 1870 le trouve toujours au 58e de
Ligne, comme capitaine et commandant de compagnie. Il combat avec courage
mais, le 1er septembre, il subit le sort de toute l'armée de Sedan et
part en captivité en Allemagne.
Libéré après le traité de
Francfort, le capitaine Lebel retrouve un commandement au 66e de Ligne
(Tours). Il y vit les années de réorganisation de l'armée française et
d'intense réflexion, après le choc qu'a été la défaite de 1870-71.
C'est avec sa nomination au grade de chef de bataillon (en 1876) que sa
carrière jusqu'alors très classique, prend un tournant important. Devenu
chef d'un cours de tir peu après sa promotion, il se passionne en effet
pour l'armement d'infanterie. Ses compétences en la matière sont vite
reconnues et Lebel se taille une grande notoriété dans une armée avide
d'innovations et soucieuse de mettre en valeur ses talents. En 1883, le
ministre de la Guerre (le général Thibaudin) lui confie la direction
d'une commission de réflexion sur le fusil du fantassin.
A cette époque, le soldat français est armé du fusil Gras, du modèle
1874 modifié 1880. C'est une bonne arme, robuste et fiable, mais dont la
conception est déjà ancienne puisqu'elle n'est qu'une extrapolation du mécanisme
de 1866 du célèbre Chassepot de la guerre franco-prussienne. Dépourvu
de chargeur, le Gras ne permet qu'un tir lent, avec rechargement après
chaque coup. Or, les guerres les plus récentes (notamment la guerre
russo-turque de 1877) avaient démontré la nette supériorité d'un tir
rapide. En outre, il convenait de rattraper le retard français sur les
armées étrangères. L'Allemagne notamment, et surtout l'Autriche-Hongrie
et son système Kropatschek, développaient de nouveaux fusils à chargeur
et tir rapide, dont l'utilisation pouvait peser lourd sur un futur
conflit...
La mission dont le commandant Lebel se trouvait investi était donc à la
fois lourde et vitale pour la modernisation de l'infanterie française. Il
lui fallait concevoir un remplaçant au fusil Gras, qui soit tout aussi
efficace que fiable et aussi peu coûteux que possible... Entre 1883 et
1884, Lebel et sa commission étudient de nombreux modèles de fusils,
proposés tant par des armuriers français qu'étrangers. Sur la
cinquantaine d'armes testées, aucune ne répond vraiment aux contraintes
définies par l'état-major de l'armée. Il faut donc reprendre le problème
à zéro et créer un fusil de conception toute nouvelle.
Une nouvelle Commission des Armes à Répétition est donc mise sur pied,
toujours sous le commandement du chef de bataillon (puis
lieutenant-colonel) Lebel. Elle étudie, teste, compare et, finalement,
adopte le projet de fusil proposé par les colonels Gras et Bonnet. Cette
arme possède un magasin tubulaire sous le canon, fortement inspiré du
système Kropatschek. Son calibre de 8 mm est réduit, par rapport à
celui du fusil Gras (11 mm), et ses cartouches, plus légères (15 grammes
au lieu de 25) utilisent une poudre sans fumée (inventée entre 1884 et
1885). Un tireur expérimenté peut tirer jusqu'à une douzaine de coups
par minute, ce qui représente un progrès considérable par rapport aux
trois ou quatre coups du Gras. D'un poids raisonnable (4,180 kg.), l'arme
s'avère de qualité. Une fois rendu le rapport avec avis favorable de la
commission, la fabrication en série peut commencer et, en 1886, les
premiers régiments d'infanterie en sont dotés.
Ce nouveau fusil, officiellement baptisé fusil modèle 1886 (puis 1886/93
après quelques modifications adoptées en 1893), reçoit vite le nom de
"fusil Lebel". Il représente un progrès considérable, par
rapport au fusil Gras, mais il ne manque pas de défauts. Un mécanisme
fragile, un magasin peu fiable, un fonctionnement parfois capricieux... en
sont les principaux. En outre, après l'adoption par l'Allemagne du Mauser
1898, il se retrouve carrément dépassé. Mais après avoir favorisé
l'innovation, l'armée française se montre frileuse pour les progrès et
se contente de ce qu'elle a... En 1914, le fusil Lebel est toujours l'arme
de dotation de toute l'infanterie. Il le restera encore longtemps, et même
après la guerre, malgré l'adoption du fusil 1907/15.
Après le succès que représente l'adoption de "son" fusil,
Nicolas Lebel est nommé colonel le 13 janvier 1887. Il devient ainsi chef
de corps du 120ème régiment de Ligne, alors en garnison à
Sedan. Mais cette vie ne devait pas durer. En 1890, Lebel obtient sa mise
à la retraite pour raisons de santé. Atteint d'une grave maladie
cardiaque, il ne pouvait plus assumer ses responsabilités.
Redevenu civil, il est nommé inspecteur du Trésor et obtient un poste
dans la ville de Vitré. Mais la maladie ne lui permet pas de faire ses
preuves dans ses nouvelles fonctions, puisqu'il décède à Vitré le 6
mai 1891. Il était commandeur dans l'Ordre National de la Légion
d'Honneur.
Quel curieux destin, en effet, que celui de cet homme qui, sans l'avoir
vraiment cherché, a laissé son nom à la postérité ! Quel soldat de la
Grande Guerre, fût-il Allemand, n'a pas prononcé son nom ? Les Poilus
avaient-ils de plus intime compagnon que leur "Lebel" ? Combien
d'entre eux savaient vraiment à qui appartenait ce patronyme ? Aucun
probablement. Triste gloire, en vérité...
|