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Louis HACHETTE
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Louis HACHETTE
(Paris,
5
mai 1800 - Paris,
11 mai 1907)
Français.
Entrepreneur.
par Marc Nadaux
Quelques dates :
1822, licence es lettres.
1826,
fait l’acquisition du fonds d’un libraire éditeur.
1827,
choisit de se spécialiser dans le livre scolaire et édite sa
propre revue d’information, Le Lycée.
1842, autre innovation, celle de traductions juxtalinéaires
des œuvres antiques.
1852, contrat avec la Compagnie des chemins de fer du Nord.
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Si
la famille de Louis Hachette est une lignée de laboureurs, sise à
Bertoncourt, un village situé près du bourg de Rethel, dans les
Ardennes, son grand-père est lui monté à Paris à la veille de la Révolution.
Grâce à son puissant protecteur, Monseigneur de Beaumont, l’archevêque
de Paris, il entre dans l’administration de la Loterie royale. Son fils,
père de Louis Hachette, sera pharmacien des armées. Ce dernier, qui naît
dans la capitale le 5 mai 1800, fréquente l’école paroissiale de
Saint-Séverin, de 1807 à 1809, avant d’entrer au prestigieux Lycée
Louis-le-Grand, où sa mère est lingère. Il demeurera au sein de
l’institution jusqu’en 1819. A l’Ecole normale ensuite, Louis
Hachette est reçu bachelier es lettres en 1820, puis obtient sa licence
le 14 mai 1822. Se destinant à l’enseignement, il lui est bientôt
impossible de se présenter à l’agrégation, en raison de la fermeture
de l’Ecole par les autorités. Cette décision inique précipite ces
fils de famille, dont le futur éditeur, dans l’opposition libérale.
Ecarté de cet avenir prometteur, Louis Hachette obtient divers postes de
répétiteur dans des pensions privées, l’institution Sainte-Barbe
notamment, avant d’entamer de nouvelles études, de droit cette fois-ci,
au mois de novembre 1823. Bachelier deux années plus tard, il quitte
bientôt ces nouvelles études, avant le passage de la licence, ayant fait
l’acquisition 1826 du fonds d’un libraire éditeur, le 17 août.
Louis Hachette, qui s’installe peu après au 12 de la rue
Pierre-Sarrazin, venait alors de se fixer définitivement à propos de son
avenir professionnel. Dans ce milieu commerçant de l’édition, celui-ci
est loin d’être assuré. Le nouveau venu choisit de se spécialiser
dans le livre scolaire, proposant notamment à sa clientèle des Annales
des concours royaux réunissant les sujets proposés au cours des
vingt derrières années. Louis Hachette apparaît déjà comme un
entrepreneur innovant. Il choisit de s’appuyer ensuite sur le réseau de
ses anciennes connaissances, devenues professeurs ou directeurs d’école,
à qui il commande notamment des traductions d’œuvres d’auteurs
antiques. Charles Alexandre réalise également un Dictionnaire
Grec-Français, suivi d’un abrégé du même ouvrage. Le succès est
au rendez-vous et, en 1829, c’est vingt-neuf publications que la
librairie propose à son catalogue. Il édite également sa propre revue
d’information, Le Lycée, qui commence à paraître au cours de
l’été 1827. Devenu hebdomadaire, celle-ci donne la parole aux
universitaires et prend ainsi parti dans les débats du temps, ceux
concernant la gratuité ou la liberté de l’enseignement notamment.
Anticipant la réforme future, Louis Hachette oriente son entreprise vers
un autre marché, celui du livre à destination de l’école élémentaire.
Un choix qui s’avérera payant.
Marié depuis 1827 et père de deux enfants, le libraire a également la
charge de sa mère et de sa sœur au moment où éclate l’insurrection
parisienne de 1830. Louis Hachette, que ses convictions politiques portent
au milieu des insurgés, prend part directement aux combats qui
contribuent à libérer la prison de l’Abbaye, le 27 juillet. Le
lendemain, il est devant la caserne Vaneau et le 29 enfin, devant la
caserne Babylone. Dans les colonnes de son journal, Louis Hachette salue
bientôt l’avènement d’une " ère nouvelle ",
celle qui porte au pouvoir un universitaire de renom, François Guizot.
L’année suivante, après avoir confié les destinées du Lycée
à un de ses amis normaliens, Jacques Saigey, il fonde le Journal de
l’instruction élémentaire, qui se destine lui à toucher un public
plus larges. Avec le soutien des autorités, Hachette lance également une
Bibliothèque des écoles primaires, une collection de manuels à
bas prix, dont l’Alphabet et Premier livre de lecture à l’usage
des écoles primaires, qui connaîtra un immense succès. Fruit de la
collaboration du libraire éditeur et du personnel de l’Instruction
publique. Celui-ci, commandé à plus de 500.000 exemplaires par le ministère,
est le premier véritable manuel scolaire. Un Robinson dans son île,
œuvre d’Ambroise Rendu et à la genèse comparable, devient le manuel
de lecture courante des enfants du primaire. Dénoncé par le Journal
des Ecoles, cette collusion entre l’édition et le pouvoir n’en
assure pas moins un grand succès commercial à Louis Hachette et à son
entreprise.
Celle-ci va prospérer dans les années à venir, la loi du 28 juin 1833
aidant. De retour au pouvoir, à l’Instruction publique et ce jusqu’en
1837, François Guizot impose dans ce nouveau texte législatif à chaque
commune de plus de 500 habitants l’entretien d’une école primaire,
une étape décisive dans l’alphabétisation des Français. Ayant
anticipé celle-ci par de multiples contrats liant les auteurs en vue à
sa maison d’édition, Louis Hachette apparaît immédiatement comme un
interlocuteur incontournable pour le gouvernement. La maison Hachette
multiplie en effet à cette époque les titres à son catalogue, dans le
domaine des sciences comme dans celui des humanités. Pourtant l’édition,
comme l’ensemble de l’économie française connaît une phase de dépression.
Chez Hachette, le passif dépasse l’actif, tandis que les commandes de
l’Etat attendent leur règlement. L’entreprise doit alors son salut au
notaire Henri Breton, dont les neveux ont eu pour précepteur Louis
Hachette par le passé, qui accepte de signer à ce dernier un prêt de
100.000 Francs, une somme considérable, véritable bouée de sauvetage
lancée au libraire dans ces circonstances. En difficulté dans sa vie
professionnel, l’éditeur assiste impuissant au décès de sa jeune épouse,
emportée au cours de l’automne 1832 par l’épidémie de choléra qui
touche la capitale. Il songe alors au suicide.
Dans les années qui suivent, la librairie est en lutte avec celle qui
demeure son unique concurrente, les éditions Delalain. Sous le ministère
Guizot, Hachette poursuit sa croissance, à raison d’une moyenne de
cinquante nouvelles publications à l’année. A partir de 1842, une
autre innovation, celle de traductions juxtalinéaires – et non plus
interlinéaires – des œuvres antiques lui assurera la primauté des
commandes issues de l’enseignement secondaire. Aux manuels scolaires,
s’adjoignent également dans les colonnes des catalogues Hachette des
cartes murales, images et autres « livres du maître », cette
fois-ci à destination des écoles primaires. Hachette s’intéresse
aussi à la petite enfance, publiant un Manuel des salles d’asile
en 1833, lançant L’Ami de l’Enfance deux années plus tard.
Avec son jeune commis, Louis Masson, qui s’attache à entretenir les
bonnes relations liant l’éditeur aux Académies de province, mais également
en tirant partie de ses deux publications périodiques, celui-ci se
constitue un solide réseau de clientèles. Preuve de la bonne santé de
l’entreprise au cours de la décennie 1830, les ventes au comptant
progressent de 250 % entre 1833 et 1839. En 1834, les Frères des Ecoles
chrétiennes, puissante congrégation enseignante en font leur dépositaire.
Deux années plus tard enfin, Louis Hachette devient le libraire de
l’Université royale de France, par décision de son Conseil en date du
16 mars 1836. C’est la consécration pour le libraire éditeur. Il fait
d’ailleurs partie des membres d’une commission d’étude de la propriété
littéraire réunie peu de temps après.
Inscrit désormais dans le paysage social parisien, Louis Hachette est électeur
et membre de la Garde nationale. Il se remarie le 30 janvier 1836 à
Catherine Pauline Royer, avec laquelle il aura deux enfants. Rue
Pierre-Sarrazin, l’entreprise Hachette, qui comptera 24 salariés en
1847, agrandit ses locaux entre 1840 et 1844. Au cours de ces années, les
publications nouvelles dépassent chaque année la centaine de titres. Si
la concurrence se fait plus acharnée entre les éditeurs du quartier des
Ecoles, Hachette tire toujours son épingle du jeu. II entreprend ainsi de
réviser l’ensemble de ses publications scolaires, ne négligeant pas
pour autant de compléter son fond avec quelques ouvrages à destination
de l’éducation des jeunes filles. Les dictionnaires se multiplient également.
Toujours soucieux du choix de ses auteurs, il s’attache les services de
Marie Pape-Carpentier, auteur à succès des Conseils aux directeurs et
directrices des salles d’asile puis, à partir de 1844, ceux de
Victor Duruy, qui quatre années plus tard deviendra chez Hachette
« directeur de collection », une première dans le milieu de
l’édition. En bon gestionnaire, Louis Hachette modifie également les
contrats qui le lient à ces derniers, surévaluant leurs parts
respectives des gains pour la première édition d’un ouvrage, réduisant
fortement celles-ci par la suite.
Le couple Hachette, qui avait fait l’acquisition d’une maison de
campagne à proximité de Paris, dans la commune de Chatillon, rue
Bagneux, s’installe dans un bel hôtel particulier de l’Ouest
parisien, rue de Monceau. En 1854, Louis Hachette investit également dans
un immeuble rue Saint-Honoré qu’il destine à la location, puis d’un
domaine dans le Loiret, revendu avec bénéfices. Ayant fait la
connaissance du duc de Morny en 1846, il investit à ses cotés et entre
dans le capital des Papeteries d’Essonne, des mines de houille et de fer
du Vigan dans le Gard. S’il diversifie ses actifs, en bon libraire,
Louis Hachette acquiert également un immeuble rue de la Marine à Alger,
où il crée une succursale, avant de se faire lui-même colon. Au moment
où s’achève la conquête, l’éditeur est le propriétaire de
l’immense domaine de « Haouch el Hadji », 300 ha de terres
fertiles à proximité de Coléah.
Louis Hachette, que la Monarchie de Juillet aurait peut être distingué
du mandat de député, est surpris par les événements de février 1848.
En bourgeois libéral et sympathisant du parti de l’Ordre cependant, il
défend ses convictions censitaires dans ses journaux. L’année
suivante, il fera d’ailleurs paraître un Projet de statuts pour les
sociétés de secours mutuels, prônant l’épargne, y compris et
surtout chez les plus pauvres, accusés d’imprévoyance… La patron
exigeant – et qui ne peut ainsi endiguer l’important turn-over du
personnel de son entreprise – essaie cependant d’influer sur les évènements
en passant d’importantes commandes chez ses fournisseurs. Hachette espérait
ainsi que son exemple serait suivi – il en assure d’ailleurs lui-même
la publicité - , relançant ainsi l’activité, ce qui ferait
immanquablement regagner leurs ateliers aux ouvriers prompts à
l’insurrection. Au sein du Comptoir national d’escompte, dont il est
administrateur depuis le 9 mars 1848, Louis Hachette œuvre dans la même
direction. Afin de rendre toujours plus efficiente son entreprise, il en
redéfinie les statuts le 1er mars 1849, associant ainsi son
gendre, Emile Templier, et donc sa belle-famille à son propre capital.
A 52 ans en effet, Louis Hachette, qui est devenu un des premiers représentants
de la profession, songe à donner un nouveau développement à son
entreprise. Deux voies sont en effet à explorer : la littérature générale
et le problème de la distribution des ouvrages mis en vente. En visite à
Londres, lors de l’exposition universelle, en 1851, l’éditeur trouve
une réponse à ses deux interrogations en la personne de William Henry
Smith. Ce dernier vient en effet dans les deux dernières années écoulées
d’inaugurer soixante-dix bibliothèques de gare outre-Manche, qui écoulent
des ouvrages bon marché. Un contrat, signé le 25 mai 1852, lie désormais
l’éditeur à la Compagnie des chemins de fer du Nord. D’une durée de
cinq années, celui-ci impose à Hachette une ristourne de 30 % de son
chiffre d’affaires à valoir au bénéfice de son nouveau partenaire.
Pendant l’été, d’autres accords semblables seront signés.
Sous les effets conjugués de la loi Guizot généralisant la
scolarisation masculine et des dernières innovations en matière d’édition
- l’apparition du roman-feuilleton, du livre à 2 Francs - , la France
du Second Empire s’achemine vers ce qui sera la lecture de masse.
Hachette ne ferait ainsi que répondre à cette nouvelle demande, grâce
à un moyen de diffusion nouveau. C’est sans compter cependant sur la méfiance
du législateur vis à vis du colportage, sur une tradition ancrée dans
la profession. A l’époque en effet, un dizaine d’éditeurs parisiens
se partagent le marché, chacun possédant un domaine réservé, le livre
scolaire et universitaire dans le cas d’Hachette et Cie. Cette nouvelle
situation monopolistique inquiète cependant, y compris les autorités qui
imposent une censure drastique aux ouvrages mis en vente dans les gares,
un stock minima entreposé dans chaque bibliothèque. Au nombre de 150 en
1859, celles-ci, si elles demeurent la propriété de Louis Hachette, sont
contraintes d’accueillir dans leurs rayonnages les publications de ses
concurrents, la même année et par décision collégiale du Cercle de la
Librairie...
Aucun d’entre eux cependant, y compris Michel Lévy, ne sera en mesure
de relever le défi imposé par la maison sise rue Pierre-Sarrazin.
Celle-ci multiplie les collections de littérature générale, telles la Bibliothèque
des chemins de fer, la Bibliothèque rose (à destination des
enfants), des romans donc de format réduit. Plus de 2.500 titres sont
publiés au cours de la décennie 1850, dont 876 nouveautés. Parmi
celles-ci, citons notamment les œuvres de Charles Dickens ou
d’Elizabeth Gaskell, de Nicolas Gogol traduites en français, auxquelles
s’ajoutent une partie du fond Victor Lecou, les œuvres complètes de
Lamartine donc… Louis Hachette s’attaque également au marché en
expansion du guide de voyage, en engageant en 1855 un directeur de
collection talentueux en la personne d’Adolphe Joanne. A quoi s’ajoute
bientôt la possibilité pour ces nouvelles officines de vendre des
journaux, un Journal pour tous notamment, un magazine édité par
Hachette lui-même.
Hachette associe son fils aîné, Alfred, à l’entreprise en 1857.
Celle-ci s’est transformée au cours de la dernière décennie. A une
croissance importante du chiffre d’affaire, s’ajoute en effet
davantage de besoin en personnel. Celui-ci dépasse les soixante-dix
employés dans le courant de l’année 1855, 105 deux années plus tard,
pour atteindre 157 à la mort de Louis Hachette. S’ajoutent à ce
chiffre, les vendeurs domiciliés dans les librairies de gare, plus de 200
en 1864, rémunérés en fonction de leurs ventes respectives et le plus
souvent choisis parmi les compagnies de chemin de fer. En 1863,
l’accueil des clients parisiens se fait dans un magnifique hall, au 77
du boulevard Saint Germain, un lieu enfin construit à la dimension de
l’entreprise. Hachette et Cie est alors une société qui se situe au
sommet de la pyramide dans le domaine de l’édition, avec un capital
estimé à plus de trois millions de Francs.
Propriétaire de cinq revues et éditant à présent dans différents
domaines, elle propose depuis 1857 deux catalogues différents :
« Education et Enseignement » et « Littérature générale
et connaissance pour tous ». L’organisation interne de la
librairie Hachette s’est d’ailleurs adapté à cette évolution,
accordant toujours plus d’importance aux directeurs de collection et
autres chefs de service. Peu d’auteurs en effet sont reçus
personnellement par Louis Hachette, peu de contrats désormais conclus en
sa présence. A noter que l’aventure étrangère ne tente guère
celui-ci. Ces nouveaux marchés sont d’ailleurs fermés à ses
publications. S’étant spécialisée dans le livre bon marché développé
dans un cadre commercial privilégiant la quantité – des titres et des
tirages - , Hachette ne compte en effet dans ses rangs que peu d’auteurs
de renommée internationale.
L’éditeur se voit décerné la Légion d’honneur
au mois d’août 1863, avant de présider au début de l’année
suivante le Cercle de la Librairie. Atteint « de paralysie due à
un épanchement du cerveau » à son bureau du boulevard
Saint-Germain, Louis Hachette décède le 31 juillet 1864, à son château
du Plessis-Piquet (l’actuel Plessis Robinson). Après des funérailles
qui rassemblent plus de 2.000 personnes dans et devant l’église Saint-Séverin,
il est inhumé dans le cimetière parisien du Montparnasse. Ses employés
feront quelques temps plus tard réaliser un buste de l’entrepreneur,
placé dans la salle des ventes de la librairie parisienne. Celui-ci
laisse à sa mort une des premières fortunes du siècle et une entreprise
prospère aux mains de ses associés, parmi lesquels ses deux fils.
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