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Alfred de FALLOUX
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Alfred de FALLOUX
(Angers, 7 mai 1811 -
Angers, 6 janvier 1886)
Français.
Homme
politique.
par Marc Nadaux
Quelques dates :
1845, un des fondateurs de L’Union de l'Ouest.
1846, élu député de Segrée.
1848,
réélu député, cette
fois-ci à l'Assemblée constituante.
membre du
Parti de l’Ordre.
ministre de l'Instruction
publique.
1850, loi Falloux qui affirme le principe de la liberté dans
l'enseignement.
1856, élu à l’Académie française.
1863, Dix ans d’agriculture.
1888, Mémoires d'un royaliste.
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Alfred de Falloux
naît à Angers, le 7 mai 1811, dans une famille fortement attachée au
souvenir de la monarchie. Son grand-père participa ainsi à l’expédition
de Quiberon, alors que sa mère accueillait dans le même temps La
Rochejacquelein. Pendant son enfance, il est bercé de ces récits
glorieux et nostalgiques des châtelains des environs, du temps de l’émigration,
des splendeurs de la cour de Versailles… Situé aux confins de l’Anjou,
le bocage de Ségrée, cette terre de catholicité, est le décor de ses
premières années. Cet univers marquera Alfred de Falloux à jamais.
S'ancre en lui le culte de la royauté, qui se double attachement profond
à sa province natale.
Ses parents se sont installés à Angers peu après leur mariage. Dans la
cité, ils résident dans une modeste habitation, située à coté de leur
ancien hôtel, devenu trop vaste pour leur bourse et louée de ce fait à
l’évêché voisin. En 1822 cependant, la modeste fortune des Falloux se
consolide d'un héritage, qu’accompagne bientôt un titre de comte
accordé par le roi Charles X quelques mois après son accession au
trône. Alfred, tout comme son frère aîné, est à cette époque externe
au lycée d'Angers, puis à Paris, au collège Bourbon. Le jeune homme se
passionne alors pour le théâtre. Vouant une grande admiration à l’acteur
Talma notamment, Falloux prend parti contre la jeune génération
romantique. Dans la capitale, il fréquente assidûment les salons du duc
de Castellane, celui de Talleyrand également, tous deux députés à la
Chambre et soutiens du gouvernement du marquis de Villèle.
Suivant ses goûts, Alfred de Falloux se destine à la diplomatie. Et la
constitution d’un nouveau cabinet ministériel, confié au prince de
Polignac, le 8 août 1829, le conforte bientôt dans cette ambition. Ce
dernier en effet est un ami de la famille. Les Trois Glorieuses,
puis l’exil de Charles X anéantissent l’année suivante ses espoirs
de carrière. Ces événements voient l’avènement de Louis-Philippe d’Orléans
et " le triomphe durable et désormais certain du gouvernement
représentatif ". Malgré ses désirs de servir la cause de la
branche aînée, le jeune homme est écarté de la tentative de
restauration de la duchesse de Berry en 1832. Cette chevauchée dans la
Vendée, dont elle espérait le soulèvement contre la Monarchie de
Juillet, échoue et, avec elle, s’envole les derniers espoirs du parti
légitimiste.
Dès lors, Falloux partage son temps entre la France, autrement dit Paris
et ses salons, et l’étranger. En 1833, il est tout en Bohème. L’aristocrate
rend ainsi visite au souverain déchu, à Prague, au Hradschin, le
château des rois de Bohème. De là, il gagne l’Italie et est reçu en
audience par le pape Grégoire XVI. En Angleterre et en Russie en 1835 et
1836, Alfred de Falloux fait la connaissance de la comtesse Swetchine.
Sous l'influence de sa nouvelle protectrice et de plusieurs de ses amis
– l’abbé Lacordaire, Armand de Melun, Charles de Montalembert - , il
découvre l'engagement charitable au sein des cercles catholiques. Dans l’œuvre
des Amis de l’Enfance, sous l’autorité de l’abbé Bervanger, il
enseigne à de jeunes enfants d’ouvrier, en pensionnat, et assiste
également aux Conférences de Saint-Vincent-de-Paul. Falloux s'essaye
aussi à l'écriture. Au printemps 1840, il publie une Histoire de
Louis XVI, que suit une Histoire de saint Pie V en 1844.
En 1841, Alfred de Falloux se marie à Melle de Caradeux de la Charotais.
Le couple aura une fille. Le parti légitimiste est alors divisé à
propos des moyens à employer en vue d’une restauration de la branche
aînée sur le trône, en la personne du comte de Chambord. Les tenants de
l’insurrection dans l’Ouest et le Midi se rangent derrière le
général Auguste de La Rochejacquelein. Ces derniers vont bientôt se
résigner à " l'exil intérieur ", tandis que Falloux choisit
délibérément la voie de l'expression parlementaire, aux cotés de
Pierre-Antoine Berryer. Battu le 10 juillet 1842, il est élu député de
Segrée, le 3 août 1846. L’année précédente, Falloux est à Angers
l'un des fondateurs de L’Union de l'Ouest, un quotidien inspiré
du catholicisme libéral qui paraîtra jusqu'en 1891. A la Chambre, le
député se prend au jeu parlementaire, avant d’être définitivement
déçu par la personnalité de François Guizot, le chef du gouvernement.
Aux yeux de Falloux, l’amplitude de son éloquence n’a d’égale que
son peu de goût pour le changement, et donc les réformes qu’appelle à
grands cris l’opposition.
La révolution de Février, qui chasse Louis-Philippe d’Orléans de son
royaume, le contraint à un séjour en Anjou. Le député souhaite en
effet mettre en garde les activistes du légitimisme contre tout coup de
force, qui risquerait d’attirer sur la province les foudres du
Gouvernement provisoire. Ses instructions données à un ami par courrier
sont cependant publiées in extenso dans Le Courrier de l’Ouest.
Et cette lettre a dans ce contexte valeur de profession de foi. Rappelant
un mot de Chateaubriand – " Je suis monarchique par principe,
je suis républicain par nature " - , Alfred de Falloux se
rallie au nouveau régime, craignant un retour à la guerre civile. Le
notable avoue également son admiration devant l’action du peuple et
appelle de ses vœux un gouvernement garant de la liberté et de l’ordre.
Le 24 avril 1848 – date fixée selon lui " au jour de Pâques,
dans l’évidente intention d’écarter autant que possible les
catholiques du scrutin ", il est réélu député, cette fois-ci
à l'Assemblée constituante.
Le 10 mai suivant, celle-ci élit une Commission du pouvoir exécutif, qui
doit prendre le relais du Gouvernement provisoire à la tête de l’État.
Elle a autorité sur quinze comités spécialisés. Falloux devient le
rapporteur du Comité du travail, où se déchaînent les factions
rivales. Car se pose alors le problème du devenir des Ateliers nationaux.
En ce printemps 1848, l'aggravation de la crise économique accroît le
chômage à Paris. Le 18 mai, 115.000 ouvriers sont inscrits aux Ateliers
nationaux et il est de plus en plus difficiles de leur trouver du travail.
Cette population désœuvrée, dont l'entretien coûte au trésor -
150.000 francs par jour - devient également de plus difficile à
contrôler. Le 29 mai, à la tribune de l’Assemblée, Alfred de Falloux
se prononce pour leur fermeture, celle-ci devenant effective quelques
semaines plus tard, le 21 juin. Cette décision provoque l’émeute dans
Paris. Échouant dans sa tentative d’apaisement, François Arago quitte
ses fonctions le 24 juin avec les autres membres de la Commission
exécutive, afin de respecter le vote sanction de l’Assemblée. Le
général Cavaignac reçoit alors les pleins pouvoirs.
Chargé du rétablissement de l’ordre, il est soutenu dans les mois qui
suivent par un cercle influent de royalistes qui se réunit rue de
Poitiers, dans la salle des séances de l'Académie de médecine.
Celui-ci, qu’on appellera plus tard le Parti de l’Ordre, compte
dans ses rangs le comte de Falloux et est animé par Adolphe Thiers. La
constitution, promulguée le 4 novembre 1848, impose à présent
l'élection au suffrage universel d'un Président, chef de l'exécutif de
la jeune Seconde République. Ces conservateurs se rangent bientôt sous
la bannière de Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de l'Empereur, pensant
ainsi manœuvrer sans grande difficulté celui que l’on assimile à
" un crétin qu’on mènera ", suivant le mot de Thiers. Élu le
10 décembre suivant, Louis-Napoléon Bonaparte confie à Falloux le
portefeuille de l'Instruction publique d’un cabinet dirigé par Odilon
Barrot. Dans les mois qui suivent, le nouveau ministre élabore et soumet
à l'Assemblée - désormais " législative " - la loi
scolaire qui porte son nom, mais qui sera votée sous son successeur,
Félix Esquirou de Parieu. Au moment où est promulguée la loi Falloux,
le 15 mars 1850, ce dernier, qui a dû se retirer pour raisons de santé,
est en convalescence à Nice.
Cette loi abroge le privilège attribué à l'Université par le décret
napoléonien du 17 mars 1808 et affirme définitivement – autrement dit
jusqu’à nos jours - le principe de la liberté dans l'enseignement. En
créant quatre-vingt six recteurs, elle favorise les influences locales
des Académies de province et confère à l'Église catholique un pouvoir
considérable sur l'ensemble du système scolaire. Ainsi, le Conseil
académique, où siège de droit l'évêque, peut, sur simple rapport d'un
curé, déplacer à son aise l'instituteur du lieu. Dans l’enseignement
primaire d’ailleurs, elle affirme le primat de l'éducation religieuse
sur les autres matières et la prépondérance morale du curé sur
l'enseignement dispensé par l'instituteur. Pour l'enseignement
secondaire, l'indépendance la plus totale est laissée sur le plan
pédagogique et administratif aux établissements privés, dits
"libres". Ceux-ci se multiplieront grâce aux congrégations,
autorisées ou non, - les Jésuites par exemple - , qui scolarisent 48.000
élèves en 1876 contre 40.000 seulement pour les collèges publics.
Après la large victoire du parti de l’Ordre aux élections
législatives du 13 mai 1849, cette loi est révélatrice du tour
conservateur pris par la Seconde République. Afin de consolider son
pouvoir, le président Louis Napoléon Bonaparte, qui avait été élu
grâce au vote du peuple des campagnes, s’appuie à présent sur cette
notabilité traditionnelle. Au moment où apparaît à l’Assemblée un
parti de l’Élysée, celle-ci entend cependant se démarquer du
bonapartisme. Le 1er février 1851, dans La Revue des Deux-Mondes,
le comte de Falloux fait ainsi paraître un article intitulé Les
Républicains et les Monarchistes depuis la Révolution de Février.
Depuis le mois de décembre 1850, il fait parti, aux cotés de
Pierre-Antoine Berryer, du comité qui se réunit chaque semaine chez le
marquis de Pastoral, place de la Concorde, afin de défendre les
intérêts de la monarchie. Falloux se rend d’ailleurs l’année
suivante auprès du comte de Chambord, en villégiature à Venise. Tandis
qu’en France l’actualité est au le débat qui commence, sur une
éventuelle révision de la constitution, permettant à Louis-Napoléon
Bonaparte de briguer un second mandat.
Le coup d'État du 2 décembre surprend le comte de Falloux comme l’ensemble
du monde politique. Le député est placé en détention trois jours
durant au fort du Mont Valérien, avant de retourner à son domicile
parisien de la rue du Bac. Dès lors, il " prend congé de la
vie politique ", quittant de fait le Comité du comte de
Chambord, et se retire dans son Anjou natal. Soucieux à présent de ses
intérêts matériels, Falloux confie la reconstruction de son château du
Bourg d’Iré à l'architecte René Hodé. Celui-ci devient un élégant
château de pierre blanche flanqué de sa chapelle néo-gothique, situé
au centre d'un vaste ensemble agricole d’une superficie de 700 ha. Cette
propriété, qui comprend notamment une ferme et un moulin à eau, est
également l’objet de ses sollicitudes. Sur les conseils de l'agronome
Baptiste Lemanceau, ancien élève de la ferme-école de la Mayenne,
Alfred de Falloux en fait en quelques années une exploitation idéale.
Ses bâtiments sont reconstruits selon de nouveaux principes, ceux qui
dérivent de la rationalité et de l’hygiène. Il introduit également
dans la région les plus modernes techniques agricoles, ainsi que la race
anglaise de bovins Durham. Aussi les rendements progressent au grand
contentement du comte de Falloux. En 1863, le propriétaire, avec Dix
ans d’agriculture, fait le bilan de ces améliorations dans son
exploitation, grâce au " perfectionnement raisonné des
méthodes culturales ".
En protecteur bienveillant de l'arrondissement, Alfred de Falloux fonde l’année
suivante l'hospice de Segrée. Il consacre à l’entreprise le produit
des droits d'auteur des œuvres de Madame Swetchine, décédée en 1856,
éditées suivant ses soins. Pendant le Second Empire, les circonstances
politiques n'offriront plus au comte de Falloux l'occasion de jouer un
rôle de premier plan. Le 10 avril 1856, il est néanmoins élu à l’Académie
française, seul lieu public désormais d’opposition au pouvoir de
Napoléon III. En militant catholique, critique à ce titre de la
politique italienne de l’Empereur, Falloux publie dans Le
Constitutionnel nombre d’articles sur les affaires de Rome réunis
par la suite en volumes sous un titre hommage à Chateaubriand, Itinéraire
de Turin à Rome. Suivant l’exemple d’Adolphe Thiers, l’ancien
député se décide enfin à revenir à la politique. Cependant son fief
électoral, la circonscription d’Iré, a soigneusement été découpée
et partagée entre ses voisines par les autorités. Le notable est battu
aux différentes élections législatives qui se succèdent, en 1866, en
1869, en 1870. Il voit aussi ses plus anciens amis disparaître tour à
tour : Lacordaire en 1861, Berryer en 1868, Montalembert en 1870.
Vient alors 1871, " l’année terrible " suivant le
mot de Victor Hugo, qui offre au comte de Falloux et à son parti de
nouvelles opportunités.
La guerre et la défaite face aux armées prussiennes conduisent en effet
à la déchéance du Second Empire et à la proclamation de la République
à Paris. Un Gouvernement provisoire se forme, qui signe l'armistice le 28
janvier 1871. Selon les vœux du chancelier prussien Bismarck, des
élections législatives organisée le 8 février suivant donnent
naissance à une nouvelle Assemblée nationale, où dominent conservateurs
et royalistes. Celle-ci nomme Adolphe Thiers président du gouvernement.
Une Commune insurrectionnelle proclamée le 26 mars à Paris s'oppose
bientôt au nouveau pouvoir installé à Versailles. Celle-ci est réduite
par la force le 28 mai suivant. La République montre à cette occasion sa
capacité au maintien de l'ordre. Subsiste tout de même chez Falloux,
comme chez l’ensemble des royalistes, l'espoir d'une restauration
monarchique. Les princes d’Orléans reconnaissent d'ailleurs la
primauté du comte de Chambord et de la branche aînée, celui-ci étant
sans héritier, le trône devait bientôt leur revenir. Cependant l'exilé
de Frohsdorf fait connaître ses conditions. Rentré à Chambord, il
rédige le 5 juillet un manifeste hostile à l'héritage de la révolution
française en défendant le souvenir du drapeau blanc de ses aïeux. Le
prétendant affirme ainsi ses principes et son refus de tout compromis en
faisant référence à ce symbole du droit divin. Cette provocation à
l'égard des orléanistes est également ressentie avec tristesse par les
légitimistes les plus modérés, le manifeste devant compliquer la tache
de ceux qui œuvrent pour le retour des Bourbons sur le trône de France.
Le 13 novembre 1872 d’ailleurs, le chef de l’exécutif annonce
officiellement son opinion dans un message adressé aux Chambres. Ce
ralliement tardif à la République le met alors en difficulté face à un
Parlement à majorité monarchique. Le 24 mai 1873, Paul-Louis Target et
son groupe de députés provoquent la mise en minorité du gouvernement de
Jules Dufaure et la démission d'Adolphe Thiers. Avec l’arrivée au
pouvoir du maréchal de Mac-Mahon et le début de l’Ordre moral, les
conditions sont une nouvelle fois réunies pour un retour des rois sur le
trône de France. Monté à Paris pour l’occasion, le comte de Falloux
assiste encore et toujours à l’échec de l’entreprise pour laquelle
il a voué son existence d’homme public. L’intransigeance du comte de
Chambord sonne le glas de la monarchie. Désormais, pour le vieux
royaliste, " la France est rejetée sans pilote au milieu des
tempêtes ". Et au moment, où les députés s’apprêtent à
rédiger une nouvelle constitution, républicaine, celle de la Troisième
République, celui-ci s’interroge : verra t-il " son retour vers la grandeur passée " ou
s’installer " la décadence définitive " ?
Alfred de Falloux décède le 6 janvier 1886 à Angers. Les Mémoires
d'un royaliste, rédigées dans les dernières années de sa vie, sont
publiées en 1888.
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