|
A voir et à lire
sur
19e.org,
et ailleurs.
|
|
| |
sur 19e.org |
|
|
|
Vous êtes ici :
>
Edouard DRUMONT
|
|
Édouard DRUMONT
(Paris, 3 mai 1844
- Paris, 5 février 1917)
Français.
Homme
politique.
par Marc Nadaux
Quelques dates :
1886, La France juive, essai d'histoire contemporaine.
1888, La Fin d'un monde.
1892, fonde son propre quotidien, La Libre Parole.
1898, élu député " anti-juif " d'Alger.
|
|
Edouard Drumont naît à Paris le 3 mai 1844. Issu d'une
famille de paysans et d'artisans, son père est employé sous le Second
Empire, à l'Hôtel de Ville, dans les bureaux de la préfecture de la
Seine. Elève au Lycée impérial Bonaparte (aujourd'hui Lycée Condorcet),
puis au Lycée Charlemagne, son fils Édouard renonce bientôt aux études,
en 1861, avant le passage de son Baccalauréat. Un drame familial
bouleverse en effet la vie des Drumont. Le père d'Edouard est interné
cette année-là à la Maison impériale de Charenton pour une " dépression mélancolique ", laissant
les siens sans revenus. Édouard Drumont est désormais un déclassé, qui
connaît la misère sociale. A cette époque et pour subvenir à ses
besoins, il collabore à de nombreux
journaux parisiens, dont Le Petit Journal, La République, La
Liberté d'Émile de Girardin. Dans leurs colonnes, il livre
régulièrement des articles de critique. Ces premières années de
la Troisième République sont pour lui celles d'une insertion réussie
dans les cercles littéraires et intellectuels de la capitale. Il dîne
chez Victor Hugo, connaît Flaubert et les Goncourt, Zola qui ne
l'apprécie guère ... Curieux de l'histoire de la
ville, il publie en 1878 un premier ouvrage qui lui est consacrée, Mon
vieux Paris, puis un roman Le Dernier des Trémolin l'année
suivante.
Édouard Drumont rompt bientôt avec les traditions familiales
républicaines et anticléricale. A partir de 1880, il se fait le partisan du comte de
Chambord, qui représente la branche aîné des Bourbons. Par son
intransigeance, développée notamment dans le manifeste du 5 juillet 1871
adressé aux Français, celui-ci complique la tache de ceux qui œuvrent
pour la restauration de la Monarchie. Drumont s'en détache d’ailleurs
rapidement, estimant que le prétendant légitimiste à la couronne de
France manque d'audace politique. Influencé par les écrits de Louis de Bonald et de Joseph de Maistre,
il demeure cependant attaché à ses nouvelles convictions politiques.
Sous l'influence du père Du Lac, un jésuite contre-révolutionnaire, qui
dirige alors le collège de la rue Des Postes, celles-ci acquièrent pour fondement la tradition chrétienne et monarchiste de la
France. Au cours de ces années et alors que l’idée de Revanche
contre l’ennemi allemand hante les esprits, celle-ci s’enrichit avec
le nationalisme. Comme nombre de ses contemporains, Édouard Drumont s’attache
alors à trouver une explication à la décadence de la France.
Au mois de janvier 1886, il publie ainsi chez Flammarion un pamphlet
intitulé La France juive, essai d'histoire contemporaine. Drumont
dénonce " les puissances d'argent ", et plus spécialement la
mainmise des grandes familles juives sur la finance internationale. Cet
antisémitisme puise son inspiration dans un racisme radical. Au
" Sémite mercantile, cupide, intrigant, subtil et
rusé ", il oppose " l’Aryen enthousiaste,
héroïque, chevaleresque, désintéressé, franc, confiant jusqu’à la
naïveté ". L’ouvrage, qui a un grand retentissement, est
également un succès commercial. La France juive connaît ainsi
plus de deux cent éditions successives, auxquelles son auteur adjoint
plusieurs suites issues de l’actualité. Celui-ci est en effet dans
l'air du temps. Si La France juive n'est qu'un épais
développement de théories et autres doctrines parfois contradictoires,
il puise sa source à l'aune de l'antique judéophobie catholique, qu'il
accompagne du très " dixneuvièmiste " antisémistisme de
gauche et anticapitaliste.
L’ouvrage vaut à Édouard Drumont deux duels, face à Arthur Meyer
notamment, le directeur du journal conservateur Le Gaulois, mais il
accède également à la notoriété. Celle-ci s’entretient de ses
talents de polémiste. En 1888, Drumont récidive et rédige La Fin
d'un monde, un anathème lancé contre la société bourgeoise
décadente. Le 5 septembre de l’année suivante, en compagnie du marquis
de Morès, il est à l’origine de la création d’une Ligue
antisémitique française qui soutient bientôt le général Boulanger. En
1892, le pamphlétaire fonde enfin son propre quotidien, La Libre
Parole, dont le premier numéro paraît le 20 janvier. Dans ses
colonnes, Édouard Drumont est un des premiers journalistes à dévoiler
le scandale politico-financier de l'affaire de Panama. Celui-ci ébranle
la République en mettant en cause nombre de parlementaires. Les articles,
écrits à cette occasion, sont ensuite réunis en un volume, De l'or,
de la boue, du sang, en 1896. Entre temps, sont également publiés
maint écrits polémiques : La Dernière Bataille en 1890, Le
Testament d’un antisémite l’année suivante, Le Secret de Fourmies
en 1892…
Collabore bientôt à La Libre Parole André du Quesnay de
Boisandré, François Bournand, Jean Drault, Gyp (pseudonyme de la
comtesse de Martel), Gaston Méry, Adrien Papillaud, Raphael Viau… Cette
équipe de rédacteurs adhèrent ainsi au sous-titre explicite du
quotidien, La France aux Français ! Celui-ci prend tout son
sens lorsqu’au mois de mai 1892 Édouard Drumont mène campagne contre
la présence des juifs dans l’armée, " l’arche
sainte ", dénonçant la pénétration sémite dans le corps des
officiers. Il raconte ainsi que le moment venu, " Rothschild se
fera communiquer les plans de la mobilisation. On sait bien dans quel
but. " Dans les semaines qui suivent, deux duels l'opposent au
capitaine de dragons Cremieu-foa, qui souhaite réparer l'insulte faite au
" trois cent officiers français de l'armée d'active qui
appartiennent au culte israélite ". Au cours de ces années, Drumont multiplie les articles,
laissant libre cours à son délire antisémite, une haine véritablement
obsessionnelle. Le journal augmente son audience, le tirage au quotidien
approchant les 100.000 exemplaires vendus. C’est que le terreau de l’intolérance
devient fertile avec la chronique de l’Affaire, le complot enfin
révélé au grand jour…
Le 29 octobre 1894, un entrefilet dans La Libre Parole demande
la confirmation de la récente arrestation d’un traître :
est-il vrai, interroge le journal, " que, récemment, une
arrestation fort importante a été opérée par ordre de l’autorité
militaire ? ". Durant l'affaire Dreyfus ainsi déclenchée,
Édouard Drumont milite ardemment dans le camp anti-dreyfusard. Ceci lui
permet d’être élu député " anti-juif " d'Alger
au mois de mai 1898, une ville où de violentes manifestations
antisémites ont eut lieu quelques mois plus tôt. A la Chambre ainsi que
dans les colonnes de son journal, il s'oppose alors vivement à la
révision du procès du capitaine Dreyfus, puis réclame des poursuites
contre Émile Zola, auteur du J’accuse, et milite même en 1899
en faveur de l'abrogation du décret Crémieux...
Non reconduit dans son mandat en 1902, son influence, tout comme celle de
son journal, déchiré par les dissensions internes, déclinent ensuite.
Les militants nationalistes préfèrent désormais se tourner vers L’Action
française de Charles Maurras. En 1910, La Libre Parole passe
ainsi dans les mains d'un groupe financier catholique et conservateur qui
écarte son fondateur de la direction éditorialiste du quotidien. Aussi,
le 22 février 1915, il prend la direction du journal Le Peuple
français. Alors que le premier conflit mondial met entre parenthèses
les conflits qui ont déchiré la France, Édouard Drumont, à présent
solitaire et quasi-oublié, décède à Paris, le 5 février 1917.
|