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Alfred DREYFUS 

(Mulhouse, 9 octobre 1859 - Paris, 12 juillet 1935)


Français.

Militaire.



par Marc Nadaux


 

     Quelques dates :

1880, sort de l'École Polytechnique avec le grade de sous-lieutenant.
1892, entre, en tant que stagiaire, à l’État-Major de l’Armée française.
1894, écroué à la prison du Cherche-Midi.
1895, dégradé au cours d'une cérémonie publique à l'École militaire.
1899, de retour en France à bord du Sfax.
         condamné de nouveau lors du procès de Rennes.
         gracié par le président Émile Loubet.
1906, réhabilité.
         réintègre l'armée.


 






Alfred Dreyfus naît à Mulhouse le 9 octobre 1859, au sein d’une vieille famille juive alsaciennes. Son grand-père était un modeste marchand du village de Rixheim. Son père, grâce à la prospérité que connaît son usine de filage et de tissage de coton, devient un riche industriel. A présent Installée à Mulhouse, la famille Dreyfus quitte en 1869 l’appartement de la rue Sauvage pour une villa située rue de la Sinne. Alfred est le dernier né des sept enfants que comptent le couple Dreyfus. Réservé et timide, il est très affecté par le départ en 1870 de sa sœur aîné, Henriette, qui joue pour lui le rôle d’une seconde mère.

L’année suivante marque une seconde rupture dans la vie de l’enfant. A la suite de la guerre franco-prussienne, la défaite des armées impériales décident de l’annexion de l’Alsace-Moselle au second Reich. Comme le précise le traité de Frankfort, les habitants de ces provinces peuvent néanmoins opter pour la nationalité française. C’est le choix que fait Raphaël Dreyfus pour lui-même et ses enfants mineurs. Au mois d’octobre 1872 cependant, la famille Dreyfus s’éloigne de Mulhouse et rejoint Bâle. Le destin de l’entreprise textile est alors confié à l’aîné, Jacques, qui recouvrera à sa demande en 1897 sa nationalité d’origine.

A Bâle, Alfred Dreyfus suit les cours de la Real Schule. Mais l’enseignement en langue allemande qui y est dispensé lui occasionne beaucoup de difficultés. Aussi ses parents décident de son départ pour Paris en 1873. L’adolescent supporte mal la séparation de l’atmosphère familial et la vie en compagnie de ses camarades à l’internat. Aussi sa scolarité se déroule dans de multiples établissements. Ces périodes d’études sont entrecoupées de visite à Bâle ou à Carpentras où réside sa sœur, devenue Mme Vallabrèque. A Mulhouse, il tente également de s’initier sans succès aux affaires familiales. En 1876, Alfred Dreyfus est lauréat du baccalauréat, un examen qu’il a préparé en solitaire.

II intègre ensuite le collège Sainte Barbe afin de postuler au concours d’entrée à l'École Polytechnique. Alfred Dreyfus souhaite ainsi réaliser un vœu d’enfant fait en apercevant les troupes prussiennes qui occupent Mulhouse et manifester son attachement à la France. Le regard tournée vers la "  ligne bleue des Vosges ", celle-ci entretient à l’époque le souvenir des provinces perdues. Alors que le régime républicain s’installe, l’armée devient l’instrument de la revanche sur l’Allemagne vainqueur. Ceci rend le statut de l'officier plus attirant car plus prestigieux auprès des jeunes générations. Après une année de travail préparatoire, Dreyfus est reçu 182éme sur 236 candidats. En 1880, il en sort avec le grade de sous-lieutenant. Commence alors une carrière honorable dans l’armée française, un cadre protecteur qu’il affectionne.



Ayant fait le choix de l'artillerie, Alfred Dreyfus entre à l’âge de vingt et un ans à l'École d'application de Fontainebleau qu’il quitte en 1882, en étant classé 128ème sur 235. Le 1er octobre de la même année, Dreyfus est affecté avec le grade de lieutenant au 31ème régiment d’artillerie, alors en garnison au Mans, avant de rejoindre l’année suivante les batteries à cheval de la première division de cavalerie. Officier bien noté par ses supérieurs – " commande bien ", "  intelligent ", " zélé ", " consciencieux "… - , il est promu capitaine au 21ème régiment d’artillerie au mois de septembre 1889 et détaché en tant qu’adjoint à l’École centrale de pyrotechnie militaire à Bourges. A cette époque, Dreyfus prépare le concours d’entrée à l’École Supérieure de guerre où il est admis le 20 avril 1890. A l’occasion, l’officier se distrait de sa vie de garnison en fréquentant des filles faciles…

Le 18 avril 1890, Alfred Dreyfus épouse Lucie Hadamard, petite fille de polytechnicien et fille d’un négociant en diamants, également de confession juive. Le couple aura deux enfants : Pierre, qui naît le 5 avril 1891, et Jeanne, le 22 février 1893. Au cours de ces années, le capitaine Dreyfus est tout entier à sa formation. Au mois de novembre 1892, il en sort classé 9ème sur 81 avec la mention Très Bien et le brevet d’État-Major. L’officier entre d’ailleurs, en tant que stagiaire, à l’État-Major de l’Armée française. Celle-ci connaît alors quelques remous. En effet, au mois de mai 1892, Édouard Drumont mène campagne dans les colonnes de son journal La Libre Parole contre la présence des juifs dans l’armée. Le journaliste dénonce la pénétration sémite dans le corps des officiers. Il raconte ainsi que le moment venu, " Rothschild se fera communiquer les plans de la mobilisation. On sait bien dans quel but. " Dans les semaines qui suivent, deux duels l'opposent au capitaine de dragons Crémieu-Foa, qui souhaite réparer l'insulte faite au " trois cent officiers français de l'armée d'active qui appartiennent au culte israélite ". Parmi ceux-ci figurent le capitaine Dreyfus, " juif assimilé ".

En cette fin de siècle, la France et l’Allemagne, engagées dans une course aux armements, se livrent une guerre des espions. Depuis 1872, une " Section de statistiques ", placée sous l’autorité du colonel Sandherr et rattachée au 2ème Bureau de l’État-Major général, s’occupe ainsi plus spécialement du renseignement. Le 6 octobre 1894, celui-ci attribue au capitaine Dreyfus la paternité du " bordereau ", un document annonçant la livraison de documents concernant la défense nationale dérobé à l'ambassade d'Allemagne en France et adressé son attaché militaire, le lieutenant-colonel von Schwartzkoppen. Le 13 octobre suivant, à 9 heures du matin, Dreyfus se rend " en tenue bourgeoise " au ministère de la Guerre, rue Saint Dominique, pour une " inspection générale ". En fait, il y rédige une note sous la dictée du commandant du Paty de Clam, destinée à la confondre. Arrêté dès le lendemain sur ordre du général Mercier, ministre de la Guerre, il est ensuite écroué à la prison du Cherche-Midi et mis au secret.

Après que La Libre Parole est annoncée l’arrestation d’un " traître ", Le Petit Journal publie le 3 novembre un grand article à propos des événements. Le titre, " Ce n'est pas un Français.", secoue l'armée. Pendant ce temps, le commandant Forzinetti s’inquiète de l’état de santé morale de son prisonnier, qui est au désespoir de comprendre ce qui lui arrive. Le 5 décembre, il peut enfin écrire à sa femme Lucie. Son procès s'ouvre le 19 décembre 1894, devant le Conseil de guerre de Paris, à huis clos. Le capitaine Dreyfus, qui n’a pas avoué son crime, est condamné, le 22 décembre suivant, à la déportation perpétuelle dans une enceinte fortifiée, sur la présentation du bordereau, seul preuve de l'accusation. Son pourvoi en révision étant rejeté le 31 décembre, l’officier est dégradé au cours d'une cérémonie publique qui a lieu dans la grande cour de l'École militaire, le 5 janvier 1895. Interné à la prison de la Santé, Alfred Dreyfus part le 17 janvier à destination de l'île de Ré. Le lendemain, en transit à La Rochelle, il subit les injures et les violences de la foule. Le 21 février enfin, le capitaine Dreyfus embarque pour la Guyane et le bagne de Cayenne à bord du vaisseau Ville-de-Saint-Nazaire. Arrivée à destination, le 21 mars 1895, après quelques semaines d’un voyage long et pénible, il devient le 14 avril " le prisonnier de l'île du Diable ", un îlot désolé battu par les vents et écrasé par le soleil.



Le " traître " loge dans une case de 4 mètres de côté, aux fenêtres grillagées. Revêtu en permanence de la tenue de déporté, il reçoit la ration de la troupe. Alfred Dreyfus se promène le matin, toujours suivi par un surveillant. L’après-midi, la chaleur est insupportable. Le 5 octobre 1895, il se décide à écrire au président de la République Félix Faure, protestant de nouveau de son innocence, afin de lui demander d’intercéder en sa faveur. Le 12 janvier suivant, Alfred Dreyfus reçoit une réponse laconique : " Repoussée sans commentaires ". Ses geôliers apportent régulièrement à l’ancien officier du papier, ce qui lui permet de tenir un journal. " Brisé corps et âme ", il adresse ce texte à Félix Faure après l’avoir clos, le 10 septembre 1896. A cette date en effet, ses conditions de vie ont changé. Le 2 septembre précédant, le South Wales Argus, un journal anglais, annonce l'évasion de Dreyfus. Relayé par la presse française, la nouvelle se répand, causant un émoi profond dans la population française. Quelques jours plus tard, à l'île du Diable, Alfred Dreyfus est mis au fer. Allongé, les pieds entravés, tout mouvement lui est désormais interdit jusqu’au 20 octobre 1897. Le mois suivant, ces mesures sont rendues inutiles car une palissade de deux mètres de hauteur est installée, entourant sa case et lui cachant la mer et l'horizon. Pendant ce temps, à Paris, sa femme Lucie Dreyfus saisie l’opportunité de chaque changement de gouvernement afin d’adresser une nouvelle requête en annulation de la condamnation de son mari au président du Conseil. Enfin, le 16 novembre 1898, Alfred Dreyfus apprend à l'île du Diable que la révision de son procès est imminente. Le 30 juin 1899, après cinq années d’exil, il est de retour en France à bord du Sfax.

En effet, au cours de ces années, le " frère admirable ", Mathieu Dreyfus convainc le journaliste Bernard Lazare de l’innocence de son frère. Le 6 novembre 1896, ce dernier publie sa brochure Une Erreur judiciaire. La Vérité sur l'affaire Dreyfus. Celle-ci est distribuée à tous les parlementaires dont c'est la rentrée. La même année, la cause révisionniste s’enrichit de l’appui de lieutenant-colonel Picquart, qui nommé à la tête du Service des Renseignements, a en mains les preuves de la culpabilité du commandant Esterhazy, un autre officier français. En 1897 enfin, Auguste Scheurer-Kestner, vice-président du Sénat, lui aussi persuadé de l’innocence de Dreyfus, obtient le soutien d’Émile Zola. Le grand écrivain, tout comme Jean Jaurès ou Georges Clemenceau, se lancent à corps perdu dans la bataille, à la tribune du Parlement ou dans les journaux d’opinion. Deux France s’opposent à présent à propos de l’Affaire, qui ne recoupent qu’imparfaitement les clivages politiques et religieux. Cependant le mouvement de protestation en faveur de la révision du procès d’Alfred Dreyfus prend de l’ampleur et accule les conjurés de la Section de Statistiques et de l’État-Major. Le 3 juin 1899, la Cour de Cassation annule la sentence du 22 décembre 1894 : le capitaine Dreyfus est renvoyé devant le Conseil de guerre. Un deuxième procès s'ouvre pour lui à Rennes, une ville choisit en raison de sa tranquillité, le 7 août 1899. C’est un homme très diminué physiquement et moralement qui apparaît alors à la barre. Condamné de nouveau le 9 septembre suivant, mais avec des " circonstances atténuantes ", Alfred Dreyfus se pourvoit en révision. Quelques jours plus tard cependant, le 19 septembre, il est gracié par le président Émile Loubet, qui donne ainsi une issue à l’Affaire. Le général de Galliffet, ministre de la Guerre du cabinet Waldeck-Rousseau, adresse peu après un ordre du jour à l'Armée : " L'incident est clos ! ".



Après ces événements, Alfred Dreyfus s’installe à Carpentras, chez une de ses sœurs, puis à Cologny, près de Genève, où il reçoit des soins. Le 5 mars 1904, à la suite de nouvelles découvertes, la Cour de cassation déclare recevable sa requête en révision du jugement de Rennes. Le 12 juillet 1906, celle-ci casse sans renvoi le verdict de Rennes. Alfred Dreyfus est réhabilité. Le lendemain, la Chambre vote une loi le réintégrant dans l'armée, avec le grade de commandant. Le 20 juillet 1906, il est nommé Chevaler de la Légion d'honneur puis placé à la direction d'artillerie de Vincennes. Le 5 août 1907, à sa demande, Alfred Dreyfus est mis à la retraite.

Désormais, l’ancien officier se consacre à sa famille et au repos. Depuis quelques mois, il reçoit des centaines de lettres, ce qui lui donne l’idée de collectionner les timbres. Le 4 juin 1908, Alfred Dreyfus se rend au Panthéon où a lieu le transfert des cendres d'Émile Zola. Mais la haine des nationalistes à son encontre n’est pas éteinte et le journaliste Gregori, tire sur lui et le blesse au bras. Mobilisé en 1914 alors que la guerre est déclarée face aux puissances centrales, le commandant Dreyfus est affecté à l'État-Major de l'artillerie du camp retranché de Paris, puis, en 1917, à un parc d'artillerie de la 168ème division. Il est au Chemin des Dames puis à Verdun. En septembre 1918, Dreyfus accède au grade de lieutenant-colonel de réserve.

Alfred Dreyfus décède le 12 juillet 1935. Pour rejoindre le cimetière Montparnasse où l’officier doit être enterré, le cortège funèbre traverse la place de la Concorde au milieu des troupes célébrant la fête nationale, au garde à vous.