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CHARLES X 

(Versailles, 9 octobre 1757 - Goritz, 6 novembre 1836)


Français.

Homme politique.



par Marc Nadaux


 

     Quelques dates :

1774,
à la suite d’un pari, se fait construire Bagatelle, un château du bois de Boulogne.
1787,
s’oppose aux projets financiers d’Alexandre de Calonne, lors de la réunion de l’Assemblée des Notables.
1789, quitte Paris, peu après la prise de la Bastille.
1793, nommée Lieutenant général du royaume.
1814, colonel général des Gardes nationales.
1820, assassinat de son fils, le duc de Berry.
1824, devient roi.
1825, sacre.
         vote de la Loi sur les sacrilèges.
         vote du " milliard des immigrés ".
1830, conquête de la ville d’Alger.
         les Trois Glorieuses.
        
abdique, en faveur de son petit-fils, le duc de Bordeaux.



 






Charles, quatrième fils de Louis, Dauphin de France et de Marie Josèphe de Saxe, est né le 9 octobre 1757 à Versailles. Le 16 novembre 1773, il épouse Marie-Thérèse de Savoie, fille de Victor-Amédée III, roi de Sardaigne. De leur union naissent deux fils dans les années qui suivent : Louis-Antoine d'Artois, duc d'Angoulême, né le 6 août 1775 et Charles Ferdinand d'Artois, duc de Berry, né le 24 janvier 1778.

Le train de vie dépensier qu’il mène à la cour rend le comte d’Artois peu populaire aux yeux de l’opinion. Le jeune prince s’adonne en effet sans retenue aux plaisirs du jeu, le roi Louis XVI, qui a succédé en 1774 à son grand-père, devant régulièrement éponger les dettes contractés par son frère. Celui-ci est aussi connu dans sa jeunesse pour son libertinage aussi délaisse t-il bien vite son épouse. Vivant dans l’entourage de sa belle-sœur, Marie-Antoinette, c’est à la suite d’un pari avec celle-ci que le comte d’Artois se fait construire Bagatelle. Ce château du bois de Boulogne, situé en bord de Seine, est élevé en 1774 en soixante-quatre jours par l’architecte François Joseph Bélanger. L’édifice devient par la suite le symbole emblématique de sa frivolité.

Au cours de ces années de jeunesse, le comte d’Artois s’illustre également par ses conceptions absolutistes du pouvoir royal. Dans le sillage du comte de Provence, son aîné, il s’oppose aux projets financiers d’Alexandre de Calonne que celui-ci expose à Versailles en 1787, lors de la réunion de l’Assemblée des Notables. Deux années plus tard, le frère cadet du roi affiche d’ailleurs sa réticence à l’idée de convoquer les États Généraux pour résoudre les problèmes financiers du royaume. Pendant l’été 1789, il engage Louis XVI à la fermeté vis à vis des mouvements populaires qui secouent la capitale. Inquiet cependant de la tournure que prennent les évènements, le comte d’Artois quitte Paris, le 17 juillet, peu après la prise de la Bastille et gagne alors l’étranger. Ce départ donne le signal d’une première immigration de la noblesse.



Réfugié à Bruxelles, le comte d’Artois se rend à Turin auprès de son beau-père, dès le mois de septembre 1789. Il séjourne ainsi jusqu’au mois de mars 1791 au Piémont en compagnie de l’ancien ministre Calonne avec lequel il est en relation avec les cours européennes. Après qu’il eut rejoint le comte de Provence, à Bruxelles en Belgique, les princes du sang se rendent ensemble à Coblence et sont accueillis le 7 juillet suivant par leur oncle, le prince-électeur Clément-Wenceslas. Dans la ville s’organise bientôt une vie de cour autour des deux frères du roi constitutionnel, qui résident au château de Schonbornlust. Coblence devient le point de chute de l’émigration de l’aristocratie, et par là même, le lieu de ralliement de la contre-révolution. En 1792, alors que la guerre est déclarée entre la France où la République est proclamée et le reste de l’Europe, les comtes de Provence et d’Artois sont tenus éloignés des préparatifs de campagne de la Prusse et de l’Autriche, placés sous la direction du duc de Brunswick.

Devenu Régent à la mort de Louis XVI au mois de janvier 1793, le comte de Provence nomme alors son frère Lieutenant général du royaume. Ce dernier prend également le surnom de Monsieur, suivant l’usage de la cour de France. Sous la menace des troupes révolutionnaires qui prennent pied au-delà du Rhin, le comte d’Artois se rend en Russie dès le mois de février 1793 puis il gagne l’Écosse. Au mois de septembre 1795, Monsieur est à l’Ile d’Yeu, au large de la Vendée, où il est appelé par les chefs insurgés afin prendre la direction du soulèvement. Le comte d’Artois cependant n’effectue qu’un court séjour de deux mois dans l’île. Prenant en effet rapidement conscience de la faiblesse des effectifs des troupes levées par François de Charrette et donc peu sûr de l’avenir de la Vendée, il reprend le chemin de l’exil. Monsieur abandonne alors la direction de l’émigration à son frère, devenu roi sous le nom de Louis XVIII. Celui-ci rejoint d’ailleurs le comte d’Artois à Londres, ville où il séjourne depuis le mois d’août 1799, aux côtés de sa maîtresse, Louise de Polastron.



Le 30 mars 1814, Paris qui a capitulé est occupée par les Alliés. Le 6 avril suivant, Louis XVIII est appelé sur le trône par le Sénat et le Corps législatif qui ont déchu Napoléon Ier de ses pouvoirs quelques jours plus tôt. Après avoir suivi la progression des armées coalisées depuis leur entrée en Lorraine, le comte d’Artois, est accueilli par les notables parisiens le 12 avril 1814. Ceux-ci lui décernent le titre de Lieutenant général du royaume. Son action permet alors aux puissances coalisées de se rendre maître des places fortes encore détenues par les troupes impériales. " Louis le désiré " débarque enfin à Calais puis, le 3 mai, il fait une entrée triomphale à Paris, son frère à ses côtés. Le 13 mai suivant, Louis XVIII nomme d’ailleurs Monsieur colonel général des Gardes nationales.

Celui-ci est devenu étroitement dévot en exil. Avec le décès de son épouse Marie-Thérèse, le 2 juin 1805, qui vient après la disparition de son amie, Mme de Polastron l’année précédente, Monsieur a quitté l’hédonisme qui le caractérisait aux yeux du monde pour se réfugier dans la piété. Après les Cent Jours, le comte d’Artois devient ainsi le soutien et l’espoir du mouvement ultra qui obtient bientôt la majorité des sièges à la Chambre dite introuvable. Celle-ci est cependant dissoute le 5 septembre 1815, Louis XVIII satisfaisant ainsi la majorité des députés monarchistes modérés et des libéraux avec l’appui desquels il souhaite gouverner. A partir de 1818, le comte d’Artois s’oppose à la politique libérale conduite par le duc Decazes. Depuis le pavillon de Marsan, une aile du palais du Louvre où il réside, le frère du roi soutient le ministère Villèle qui entre en fonctions le 15 décembre 1821. L'assassinat de son fils, le duc de Berry, dans la nuit du 13 au 14 février 1820 à sa sortie de l'Opéra, renforce la virulence de ses prises de position.



A la mort de son frère, le 16 septembre 1824, Monsieur devient roi et hérite du trône de France, le 24 septembre suivant. Avec la cérémonie qui se déroule le 29 mai 1825 en la cathédrale de Reims, Charles X est le dernier souverain sacré suivant la pratique de l’Ancien Régime. Le toucher des scrofuleux qui affirme le pouvoir thaumaturge du nouveau souverain fait d’ailleurs partie du cérémonial ! Si cette journée mémorable inspire à Pierre Jean de Béranger le Sacre de Charles Le Simple, l’événement est symptomatique de la volonté de Charles X d’imposer une politique de réaction. Le roi souhaite ainsi " fermer les dernières plaies de la Révolution ". Sous son règne, se multiplient les missions religieuses et autres processions, les autorités se montrant désireux de revitaliser la foi dans les campagnes. L’alliance du trône et de l’autel, si chère aux yeux du parti ultra dominé par Louis de Bonald, se manifeste alors par la nomination de Monseigneur Frayssinous à la tête de l’Université et du Conseil Royal de l’Instruction publique ainsi que par le vote de la Loi sur les sacrilèges, le 20 avril 1825, cette dernière punissant de mort les profanateurs.

Charles X maintient au pouvoir le ministère dirigé par le comte de Villèle. Celui-ci est également à l’origine du vote du " milliard des immigrés ", le 28 avril 1825. Cette loi accorde ainsi 33 millions de rente aux nobles émigrés dont les biens avaient été saisis sous la Révolution, la Charte constitutionnelle de 1814 avec le désir d’apaiser les passions s’opposant à la restitution de leurs biens. Cependant le 7 avril 1826, le ministère Villèle est mis en minorité après le rejet par la Chambre des députés du projet de loi sur le droit d'aînesse. S’inspirant du modèle de la Pairie à l’anglaise, il s’agissait pour le pouvoir, en revenant sur le principe de l'égalité des droits, de recréer une aristocratie, soutien de la Restauration, fondée sur la grande propriété terrienne. Après les élections législatives du mois de novembre 1827 et la nouvelle percée des libéraux, Charles X qui n’affiche que mépris pour le jeu parlementaire est cependant contraint d’installer le ministère Martignac, le 5 janvier 1828. Celui-ci est bientôt mis en minorité, le 8 avril 1829, avec le rejet par les députés d'un projet de réforme de l'administration.

Charles X décide alors le 8 août 1829 de confier le pouvoir à son ami le prince de Polignac, sans tenir compte de l’équilibre des forces à la Chambre. Il ignore ainsi la pratique politique initiée par son frère Louis XVIII et poursuivie jusqu’alors. Songeant d’ailleurs à rétablir la monarchie absolue ou à modifier dans un sens plus conservateur la Charte de 1814, le roi tente de s’appuyer sur la politique extérieure afin de redonner son prestige au régime. Sous son règne, la France intervient avec les grandes puissances en faveur de l'indépendance de la Grèce. Après la victoire de Navarin où la Royale s’est illustrée aux côtés des Russes et des Anglais le 20 octobre 1827, le ministère Villèle décide de l’envoi d’un corps expéditionnaire en Morée au mois de septembre de l’année suivante. Celui-ci est placé sous le commandement du général Maison. L’entreprise doit ainsi permettre à la France de Charles X de reprendre place au sein du concert européen issu du Congrès de Vienne. Cette époque voit également se mettre en place une politique coloniale plus offensive avec l’expédition en Algérie. Décidée au mois de janvier 1830 et organisée au printemps suivant, celle-ci aboutit, le 25 juillet 1830, à la conquête de la ville d’Alger. Cependant, cette nouvelle victoire militaire qui, dans l’esprit de Charles X, devait flatter l’opinion, ne suffit pas à assurer sa popularité.



Le ministère Polignac, très impopulaire, est bientôt déstabilisé par l’Adresse des 221, publiée le 18 mars 1830. Rédigé à l’initiative de Pierre-Paul Royer-Collard, ce texte dénonce la pratique autoritaire du pouvoir par Charles X. Le roi prend la décision de dissoudre la Chambre afin de donner une nouvelle majorité au parti ultra favorable à sa politique. En vain. Les élections législatives renforcent l’opposition libérale. Charles X engage alors l’épreuve de force et utilise l’article 14 de la Charte lui permettant de gouverner par ordonnances. Le 25 juillet 1830 sont ainsi publiés quatre textes de loi qui restreignent les libertés. Le premier d’entre eux prévoit ainsi de supprimer la liberté de la presse ; le deuxième annonce la dissolution de la Chambre tandis que le troisième modifie la loi électorale. Désormais, seule la contribution foncière sera prise en compte lors de l’établissement du cens électoral, cette mesure devant mettre en avant l’ancienne noblesse terrienne aux dépends de la bourgeoisie libérale. Enfin une dernière ordonnance royale fixe la date des nouvelles élections législatives au mois de septembre suivant. C’est donc un véritable coup d’État qu’organise Charles X.

C’est dans un contexte de crise économique qui ajoute au mécontentement populaire que Paris se soulève. Les 27, 28 et 29 juillet, des barricades se dressent dans la capitale pendant les Trois Glorieuses, le pouvoir ne parvenant pas à mater l’insurrection et à rétablir l’ordre. Sous la pression des événements et après avoir supprimé les ordonnances, Charles X quitte le château de Saint Cloud, résidence d’été de la cour, et se réfugie à Rambouillet. Afin de sauver la monarchie, il abdique, en faveur de son petit-fils, le duc de Bordeaux, le 2 août 1830 suivant, laissant la lieutenance générale du royaume, le 31 juillet, puis la régence à son cousin, le duc d'Orléans. Le 7 août 1830, celui-ci est cependant proclamé roi des Français par les Chambres sous le nom de Louis-Philippe Ier. Charles V de Bourbon ne régnera pas.



Charles X prend de nouveau le chemin de l’exil. Parvenu sur la côte normande, il s’embarque le 15 août avec sa suite à Cherbourg. Deux vaisseaux affrétés au gouvernement des États-Unis, le Great Britain et le Charles Carrol, placés sous le commandement du capitaine Jules Dumont d’Urville, gagnent l’Angleterre en abordant à Porthmouth. Après un séjour en Écosse, dans la propriété de Holyrood, le souverain déchu se rend ensuite à Prague, demeurant dans le Hradschin, le château des rois de Bohème, à partir du mois d’octobre 1832.

L’année suivante, Charles X désapprouve la duchesse de Berry, sa parente, qui s’illustre dans une vaine tentative pour soulever la Vendée. A la même époque, il reçoit la visite de François-René de Chateaubriand. L’écrivain, qui est alors un des membres influents du parti légitimiste regroupant ceux qui refusent par fidélité aux Bourbons l’allégeance à la Monarchie de Juillet, a laissé dans ses Mémoires d’Outre-Tombe un portrait saisissant de la solitude du monarque déchu. Au mois de mai 1836, Charles X est accueilli à Goritz, près de la ville de Trieste en Vénétie, par l'empereur d'Autriche. Il décède quelques mois plus tard, le 6 novembre suivant, lors d’une épidémie de choléra qui touche la région. Après avoir passé trente année de son existence en exil, Charles X est inhumé dans la crypte de l’abbaye des Capucins de Goritz.