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Jean-Baptiste CHARCOT 

(Neuilly-sur-Seine, 15 juillet 1867 -
Alftanes, Islande, 16 septembre 1936)


Français.

Explorateur.



par Marc Nadaux


 

     Quelques dates :

1895,
soutient sa thèse de médecine suivant les vœux de son père.
1901,
se rend ainsi aux îles Féroé.
1904, premier voyage en Antarctique.
1908, construction d'un nouveau navire, baptisé le Pourquoi pas ?, lancé à Saint-Malo.
second
voyage en Antarctique.
1926, élu à l'Académie des Sciences.
1933, au Groenland.



 






Jean-Baptiste Charcot naît à Neuilly-sur-Seine, le 15 juillet 1867. Son père n’est autre que Jean-Martin Charcot, illustre médecin, professeur à l’hôpital parisien de la Salpêtrière et initiateur de la neuro-pathologie. L’enfant rêve de grands horizons, joue à l’explorateur dans les jardins de la demeure familiale, emplie ses cahiers d’écoliers de dessins de bateaux. A Ouistreham, sur la côte normande, il s'initie aux choses de la mer en fréquentant les pêcheurs du port. Cependant, suivant les vœux paternels et conformément aux meurs du temps, sa carrière est déjà toute tracée : il sera médecin. Brillant externe, Jean-Baptiste Charcot effectue son service militaire dans un régiment de chasseurs alpins. A son retour, il est reçu interne des hôpitaux en 1891 et travaille ensuite auprès de son père. Jean-Baptiste Charcot soutient sa thèse en 1895. Après la mort du professeur Charcot cependant, il s’oriente vers la biologie et entre à l'Institut Pasteur, récemment créé, entreprenant par la suite des recherches sur le cancer.

Grâce aux relations de son épouse, Jeanne Victor-Hugo, belle-fille d’Edouard Lockroy, ministre de la Marine à l’époque, Jean-Baptiste Charcot est nommé médecin auxiliaire de la flotte. Toujours attiré par l’océan, il navigue fréquemment, lorsque l’été arrive, à bord de son yacht, le Courlis, puis à partir de 1893 sur le Pourquoi pas ?, un cotre d'une longueur de 19,50 m. Construit selon ses plans, ce dernier le mène fréquemment en croisière le long des côtes britanniques. En 1901, Charcot se rend ainsi aux îles Feroë. Cette expérience de la mer lui permet de rédiger un Guide, publié par le Yacht-club de France, à destination des plaisanciers. Celui-ci vient compléter un précédent opuscule, La Navigation mise à la portée de tous. L’année suivante, Jean-Baptiste Charcot est envoyé en mission officielle par le ministère de la Marine, qui le charge d'étudier les pêcheries de l'île Jan-Mayen, possession norvégienne dans l'Arctique, alors fréquentée par les baleiniers.

A cette époque, Jean-baptiste Charcot, qui se préoccupe des contrées septentrionales, déplore le fait que, depuis la monarchie de Juillet et Jules Dumont d’Urville, la France se soit détournée de l'étude des régions polaires. D'autres pays y multiplient les expéditions scientifiques. En 1897-1899, à bord du Belgia, Adrien de Gerlache réalise ainsi l’exploit d’hiverner pour la première fois dans l'Antarctique. A son retour, un Congrès international de géographie, réuni à Berlin, appel à l'exploration systématique du continent austral, qui demeure si mystérieux. L'initiative crée es vocations puisqu’en 1902, quatre équipes sont présentes dans ces régions : une anglaise, celle de Robert Falcon Scott sur la Discovery, une autre allemande dirigée par Erich von Drygalski à bord du Gauss, Otto Nordenskjôld et ses hommes sur l'Antartica, et une écossaise, celle de William Speirs Bruce sur la Scotia. La France est donc absente, ce qui décide Charcot, d'abord tenté par un voyage en Arctique, à se lancer dans l'aventure.



A Saint-Malo, il se fait construire à ses frais un navire d'exploration polaire. Le Français possède une coque en chêne, renforcée pour la navigation dans les glaces, gréé en trois-mâts goélette et muni d'une machine à vapeur auxiliaire d’une puissance de 125 chevaux. Celle-ci se révélera insuffisante. Au début de l’année 1903, l’opinion s'inquiète du sort de l’explorateur Nordenskjôld, dont on est sans nouvelles. Aussi Charcot décide de partir pour l'Antarctique et les mers du Sud. Mais il lui faut pour cela obtenir une aide financière, des concours officiels. Émile Loubet, le président de la République, lui accorde son patronage, suivit bientôt de celui de l'Académie des sciences, du Muséum d'histoire naturelle. La Société de géographie, le Bureau des longitudes se joignent à l’entreprise, tandis que la Marine nationale concède à l’expédition cent tonnes de charbon. Seule la Commission des Missions du ministère de l'Instruction publique se refuse à toute subvention. De son côté, Jean-Baptiste Charcot, usant de la notoriété de son nom, lance une souscription qui ne recueille cependant que vingt mille francs. Le directeur du journal Le Matin, Bunau-Varilla, lui offre allures cent cinquante mille francs-or. Ceux-ci permettent d'achever les préparatifs. Quant au programme scientifique, il est défini avec le concours de l'ingénieur hydrographe Antoine Bouquet de la Grye, directeur du Service hydrographique de la Marine, l'astronome Jean Mascart, les géologues Albert de Lapparent et Edmond Perrier, le paléontologue Albert Gaudry. Il s’agit ainsi pour l'expédition d’effectuer des différents travaux dans la partie du continent antarctique située au sud de la Patagonie, dans le secteur des terres de Graham et d'Alexandre Ier.

L'équipage du Français comprend dix-neuf hommes, dont deux officiers de marine - le lieutenant de vaisseau Matha et l'enseigne Rey, que la Marine a consenti à détacher, avec « solde à terre ». Quant au navire, il est encombré de matériel en tout genre - dont une maison démontable - et de vivres en prévision d’une longue campagne d'hiver. Le charbon s'entasse un peu partout... Enfin l’expédition quitte le port du Havre, le 15 août 1903, gagne Buenos Aires où l’on embarque également une tonne de galetas, des biscuits argentins. De nouveau en mer à partir du 23 décembre suivant et en direction de la Terre de Feu, Le Français se dirige ensuite vers le Sud à destination de la terre de Graham, au mois de janvier 1904. Bientôt, il se heurte aux mêmes difficultés que ses prédécesseurs. La navigation est approximative, car le point ne peut être fait qu’à l'aide d'instruments encore très sommaires et dans des mers inconnues. L’équipage ne doit sous aucun prétexte relâchée son attention, car la présence des icebergs menace, tout comme celles d’éventuels récifs non repérés. Enfin, le 2 février 1904, Le Français arrive en vue d'un chapelets d'îles qui bordent le continent austral, au sud-ouest de l'archipel des Shetlands du Sud. A cette époque, seuls des navires baleiniers, d’éventuels pêcheurs de phoques ont fréquenté es eaux. Le travail de relevé commence. Les courants, le contour des terres… doivent figurer sur les nouvelles cartes. Le Français progresse lentement à travers les chenaux taillés dans les points faibles de la glace. A proximité de la côte, Charcot et ses hommes sont également à l’affût du moindre abri pour y passer la nuit.

Les paysages éblouissent ces hardis navigateurs, peu habitués à ces horizons. Le 8 février, a lieu la première descente à terre sur la banquise. Il leur est alors impossible d'établir un campement. C’est à l’abri d’une tente que l'enseigne Rey effectue ses observations magnétiques. Tandis que des hommes d’équipage réparent une nouvelle fois la chaudière, le lieutenant de vaisseau Matha s’occupe du marégraphe enregistreur, le naturaliste Turquet empaille des oiseaux et le géologue Gourdon recueille des échantillons de roche. D’autres chassent le phoque et le pingouin pour nourrir les chiens de l'expédition. Leur graisse est également utilisée comme combustible pour faire fondre la glace qui fournit l'eau douce. Au début du mois de mars 1904, l'expédition se prépare à hiverner et se fixe dans une baie de l'île Wandel, par 65°5 de latitude sud, dépassant d'un degré le point le plus au Sud atteint par Otto Nordenskjold. Dans les semaines qui suivent et malgré les températures très basses, les travaux scientifiques se poursuivent, des études bactériologiques notamment. Plongé dans cet environnement austère, l'atmosphère à bord demeure excellente. Jean-Baptiste Charcot organise ainsi des réjouissances pour la fête nationale argentine, le 14 juillet ou Noël. Suivant une tradition ancienne dans la marine française, des séances d'enseignement sont également proposées à l’équipage. Ceux-ci s’enrichissent de la fréquentation de l’abondante bibliothèque dont dispose Le Français.

En décembre, il faut à présent songer à regagner l’océan. Avant cela, l’équipage doit débloquer le navire pris dans les glaces. La mélinite, un explosif puissant, utilisé également par les prédécesseurs de Charcot pour briser les blocs de glace, se révèle inefficace. Il faut donc s’employer à évacuer la couche de neige en surface, avant de scier la banquise ! Enfin, le jour de l'appareillage arrive. Celui-ci s’effectue avec le seul recours de la voile, sans l’aide de la machine à vapeur, de nouveau en panne. Malgré le temps défavorable, Le Français pousse en direction de la terre de Graham. Le 15 janvier 1905 cependant, c’est l’accident. Le navire heurte un rocher à fleur d'eau. Puisqu’on ne peut réparer, au prix d'un service épuisant pour l’équipage, les pompes lutent contre la voie d'eau. Enfin, Le Français quitte l'Antarctique et arrive à Buenos Aires, le 29 mars. C’est au gouvernement argentin qu’il reviendra de remettre en état le navire, après son achat à la France. Salués par le croiseur Dupleix, Jean-Baptiste Charcot et ses hommes s'embarquent sur le paquebot Algérie. L'expédition rapporte des résultats importants, si bien que le ministre de la Marine, Gaston Thomson, et les milieux scientifiques réservent aux explorateurs un accueil enthousiaste au mois de juin 1905. Charcot se consacre dans les mois qui suivent à la publication du bilan scientifique de l’expédition, tout en songeant à repartir vers les régions polaires qu’il vient de quitter.



Favorable à une nouvelle expédition, Paul Doumer, récemment élu président de la Chambre des députés, obtient du gouvernement une subvention de six cent mille francs. D’autres subventions, venues de la principauté de Monaco comme de nombreux particuliers, permettent à Charcot d’envisage la construction d'un nouveau navire. Celui-ci, baptisé le Pourquoi pas ?, est lancé à Saint-Malo, le 18 mai 1908. Ce trois mâts barque de 445 tonneaux, qui dispose comme son prédécesseur d’une propulsion auxiliaire à vapeur, a été conçu tout particulièrement pour la navigation dans les mers polaires. A l’intérieur de sa coque renforcée, il dispose d'aménagements spacieux et confortables, de trois laboratoires, de deux bibliothèques prévues pour recevoir plus de deux mille volumes. Le 15 août 1908, le Pourquoi pas ? et ses vingt-deux hommes d'équipage quittent Le Havre en direction de l'Antarctique. Après avoir exploré la terre de Graham, reconnue l'île Adélaïde, aperçue en 1831, dont elle précise les dimensions et la configuration, l’expédition se dirige vers la terre Alexandre Ier, alors quasi inconnue. Vers la fin du mois de novembre 1909, le Pourquoi pas ? mouille aux îles Shetland du Sud et se ravitaille. Il repart ensuite vers le Sud-ouest et atteint, par 70° Sud et 75° Ouest, une terre nouvelle. Les glaces cependant l'empêchent d'approcher. Plus tard d’ailleurs, Jean-Baptiste Charcot et son équipage sont en vue de l’île Pierre Ier, baptisée ainsi par le navigateur russe Fabian Gottlieb von Bellingshausen en 1820, le seul à l’avoir jusqu’ici approchée. Par la suite, l’explorateur français franchit le 70° sud et cartographie deux mille kilomètres de côtes inexplorées du continent antarctique. Le 5 juin 1910, le Pourquoi pas ? est de retour à Rouen. Plus tard, dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, le monde savant salue l'exploit de Charcot. D’autant plus que la moisson scientifique collectée par l’expédition est considérable.

Le Pourquoi pas ? est ensuite placé sous le patronage de l'École pratique des hautes études. En 1911, l’institution organise une croisière océanographique en Manche. Jean-Baptiste Charcot ne parvenant pas à subvenir à son entretien, la Marine marchande en fait un navire-école destiné à la formation des futurs capitaines au long cours. A son capitaine revient de les conduire dans les eaux islandaises, avant d’être mobilisé en 1914. L’année suivante, il commande, avec le grade de lieutenant de vaisseau auxiliaire, un navire baleinier armé par un équipage franco-anglais dont la mission est de patrouiller au large des îles Feroé. Peut-être les autorités allemandes y ont-ils établi une base pour leurs sous-marins ? Afin de lutter contre ces terribles submersibles, Charcot conçoit un bateau-piège, que la Marine adopte. Il prend dès lors le commandement de l’un d’entre-eux, la Meg, jusqu'à la fin du conflit. Promu capitaine de corvette en 1920, Charcot retrouve son Pourquoi pas ?, à présent armé par la Marine nationale. A partir de 1925, il multiplie à son bord les missions au Groenland. Devenu Conseiller scientifique du Service hydrographique de la Marine, le capitaine au long cours accède également aux honneurs. Élu à l'Académie des Sciences en 1926, Charcot reçoit le prix Albert de Monaco, avant d’être reçu en 1929 au Bureau des Longitudes. Après avoir présidé à l’organisation de l'Année polaire internationale, il se préoccupe de l'établissement d'une station scientifique au Scoresby Sound. En 1933, le Pourquoi pas ? tente l'exploration de la côte dite « de Blosseville », puis installe au Groenland la mission ethnographique, dirigée par Paul-Émile Victor, qui séjournera pendant un an à Angmagsalik, dans le Sermilikfjord.



Le 14 juillet 1936, Charcot et son Pourquoi pas ? quitte le Groenland oriental et Saint-Servan. L’exploration de la région est rendu possible cette été là par la faible épaisseur de la banquise. Cependant les tempêtes se multiplient et rendent la navigation périlleuse. Dans l'une d'elles, après avoir lutté toute la nuit contre les éléments déchaînés, Jean-Baptiste Charcot disparaît avec son bâtiment, fracassé sur les rochers au large d'Alftanes en Islande, le 16 septembre 1936, à une cinq heure quinze du matin. Des quarante hommes de l'équipage, un seul survit a drame : le maître timonier Le Gonidec, jeté à la côte par une lame. Au mois de juillet 1984, l'épave du Pourquoi pas ? a été retrouvée par une mission scientifique française dirigée par l’archéologue Jean-Yves Blot
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