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BOLIVAR
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Simón BOLIVAR
(Caracas, 24 juillet 1783 – San Pedro Alejandrino,
île de Santa Marta, 17 décembre 1830)
Vénézuélien.
Militaire et homme
politique.
par Agnès Granjon
Quelques dates :
1804,
assiste au sacre de Napoléon. L’Empereur des Français.
1805, sur le Mont Sacré à Rome, fait le serment de libérer
sa terre natale des chaînes espagnoles.
1812, Manifeste de Carthagène.
1813, acclamé comme El Libertador.
entre en triomphateur à
Caracas.
1819, élu Président du Venezuela.
proclame la naissance de la
Grande Colombie.
1825, fondation de la république de Bolivie, nom
donné en l’honneur du Libertador.
échec du Congrès à Panama.
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Simón José Antonio
de la Santísima Trinidad Bolívar y Palacios naît le 24 juillet 1783 à
Caracas, alors capitale de la Capitainerie Générale du Venezuela, au
sein d’une famille espagnole de grande lignée. Les Bolívar,
aristocrates d’origine basque, sont installés en Amérique depuis 1588.
Dès sa naissance, Simón est assuré d’une grande fortune, grâce au
testament rédigé en sa faveur par le Père Juan Félix Jérez-Aristiguieta
Bolívar. Sa mère, doña María de la Conceptión Palacios y Banco, de
santé fragile, ne peut le nourrir, et le bébé est confié à une
nourrice noire, Hipolita, une des esclaves de la famille. Simón connaîtra
très peu son père : le colonel Juan Vicente Bolívar décède le 19
janvier 1786. Il est à peine âgé de neuf ans lorsque sa mère disparaît
à son tour le 6 juillet 1792.
Simón est placé sous la tutelle de son grand-père maternel, puis, après
le décès de celui-ci, sous celle d’un de ses oncles, Carlos Palacios.
L’enfant ne s’entend pas avec ce célibataire qui, totalement indifférent
à son éducation, le laisse livré à lui-même. Le 23 juillet 1795, il
fugue, allant trouver refuge chez sa sœur aînée Maria Antonia.
Reconduit chez son oncle, Simón est finalement confié à son précepteur,
Simón Rodriguez. Celui-ci, homme progressiste fervent admirateur des
philosophes des Lumières, et tout particulièrement de Rousseau, gagne la
confiance de son élève. Simón lui voue rapidement une profonde et
durable affection. Éduqué suivant les enseignements de L’Émile,
il découvre son pays au cours de longues randonnées à cheval. A 14 ans,
l’adolescent est incorporé comme cadet à la milice. Il poursuit son
instruction, suit les leçons de géographie et de grammaire d’Andres
Bello, et étudie la physique et les mathématiques chez lui puis à
l’académie créée par le père Francisco de Anduljár.
Titulaire à présent du grade de lieutenant de l’armée royale
espagnole, le jeune Bolívar embarque pour l’Espagne, le 19 janvier
1799. Accueilli à Madrid par son oncle et parrain Esteban y Pedro
Palacios, il complète sa formation auprès du marquis de Ustáriz,
approfondissant ses connaissances littéraires et scientifiques. Il tombe
bientôt amoureux d’une voisine, María Teresa Rodríguez de Toro y
Alayza. Après un séjour de plusieurs mois à Bilbao, suivi d’un voyage
en France où il visite Paris et Amiens, le jeune créole est de retour à
Madrid. Dans la capitale, il épouse María Teresa, le 26 mai 1802.
De retour en Amérique le 12 juillet, Bolívar se consacre à
l’administration de ses terres. Pour peu de temps. María Teresa est
emportée par les fièvres le 22 janvier 1803. Inconsolable, le jeune veuf
repart pour l’Europe. Installé à Paris au printemps 1804, il s’intéresse
aux affaires publiques. Bolivar mène une vie sociale très intense, fréquentant
les salons où se croisent hommes politiques, scientifiques, militaires,
diplomates, marchands et jolies femmes. Le jeune créole rencontre ainsi
le chimiste Gay-Lussac et le géographe Alexandre de Humboldt, pour qui
les terres espagnoles d’Amérique attendent encore " l’homme
destiné à prendre la tête de leur émancipation ". Bolívar
entretiendra une correspondance régulière avec ceux-ci.
Grandement intéressé par les événements européens, il assiste, le 2 décembre
1804, au sacre de Napoléon. L’Empereur des Français lui fait une forte
impression. Accompagné de son ami Simón Rodriguez, il se rend ensuite,
à pied, en Italie. Le 15 août 1805, sur le Mont Sacré à Rome, il fait
le serment de libérer sa terre natale des chaînes espagnoles. De retour
à Paris, il est initié, le 27 décembre 1805, à la franc-maçonnerie de
rite écossais, et accède, dès janvier 1806, au grade de maître.
En juin 1807, après un détour par les États-Unis, où il visite
Charleston, Washington, Philadelphie, New-York et Boston, Simón Bolívar
arrive à Caracas. Il se consacre à la gestion de son domaine, tout en
soutenant les conspirations contre le pouvoir espagnol sans y participer
directement. Le 19 avril 1810 la révolution commence au Venezuela. Les
rebelles sont rapidement mis en difficultés par les troupes loyalistes.
Avec Luis Lopez Mendez et Andrés Bello, Bolívar est alors chargé par la
Société patriotique révolutionnaire à laquelle il appartient
d’une mission diplomatique en Angleterre. Il s’agit d’exposer au
gouvernement britannique les vœux du Venezuela de rester autonome du
nouveau gouvernement espagnol installé après la conquête napoléonienne.
Parti le 9 juin, Bolívar est de retour à Caracas le 5 décembre, sans
avoir obtenu d’appui réel des Anglais. Son voyage lui permet cependant
d’étudier le fonctionnement des institutions anglaises et de rencontrer
le général révolutionnaire Francisco de Miranda, qu’il accueille chez
lui à Caracas à la fin du mois de décembre 1810.
Le 5 juillet 1811, l’indépendance du Venezuela est proclamée. Sous les
ordres de Miranda, Bolívar reçoit son baptême du feu le 23 juillet
1811, aux combats de Valencia. Le jeune colonel montre alors qu’il
n’est pas dénué de talents militaires. Les révolutionnaires se
heurtent cependant au loyalisme du petit peuple des campagnes qui, pensant
n’avoir rien à gagner de l’indépendance proclamée par la classe
dominante des créoles, reste majoritairement fidèle à l’Espagne.
L’insurrection tourne rapidement court. Le 26 mars 1812, coup du sort,
les fiefs républicains de Caracas et de La Guaira sont ravagés par un
tremblement de terre. Le 6 juillet, à la suite de la trahison d’un
officier et abandonné par ses soldats, Bolívar doit fuir la forteresse
de Puerto Cabello. Quelques jours plus tard, Miranda capitule à San Mateo
et cherche alors à quitter le Venezuela. Cette défection est ressentie
comme une trahison par Bolívar. Le 30 juillet, il ordonne l’arrestation
du général et contribue, par l’intermédiaire de Manuel María Casas,
à le livrer aux Espagnols. Ceux-ci lui fournissent, semble-t-il à son
corps défendant, un passeport pour l’exil. Il se réfugie à Carthagène,
ville encore aux mains des révolutionnaires de la Nouvelle-Grenade.
Bolívar ne s’avoue cependant pas vaincu. La capitulation de Miranda
fait de lui le principal organisateur de la lutte pour l’indépendance.
Le 15 décembre 1812 le Manifeste de Carthagène, publié en
Nouvelle-Grenade, présente ses principales idées. Bolivar demande
notamment à tous les pays hispano-américains de s’unir sous un même
commandement pour accéder à l’indépendance. Il agit dès lors dans ce
but. Commencée en décembre 1812, la campagne du rio Magdalena lui permet
de chasser tous les Espagnols de la région de Tenerife et de
s’adjoindre de nouveaux combattants. Devenu brigadier de la
Nouvelle-Grenade le 12 mars 1813, le général Bolívar lance en mai la
"Campagne admirable" qui doit conduire à la libération de
l’ouest du Venezuela par une série d’attaques dispersées mais
coordonnées. Le 23 mai, à Mérida, Simon Bolivar est acclamé comme El
Libertador. A Trujillo, le 15 juin, il lance sa proclamation de la
guerre à mort : " Tout Espagnol qui ne conspire pas
d’une manière active et efficace contre la tyrannie et pour la cause
juste sera tenu pour ennemi, puni comme traître à la patrie et fusillé.
Mais un pardon général et total est désormais accordé à tous ceux qui
se joignent à nous ". Le 6 août 1813, Bolívar entre en
triomphateur à Caracas. Il y établit un gouvernement quasi dictatorial
pour faire face à la menace royaliste. Le 14 octobre, le conseil de la
ville, lors d’une assemblée publique, le proclame capitaine général
et
Libertador.
Mais la guerre civile
ravage le pays. Les royalistes, qui s’appuient sur les " Ilanerso ",
les gardiens de troupeaux de l’intérieur conduits par José Tomás
Boves, ont obtenu des renforts de troupes. Les premiers combats sont indécis.
Victorieuses à Carabobo le 28 mars 1814, les troupes de Bolívar sont
ensuite mises en déroute par les réguliers espagnols. Le général résiste
dans le camp retranché de San Mateo d’où il requiert l’appui des
notables pour restaurer les institutions, publie des décrets, écrit des
articles pour la Gazette de Caracas. En juin 1814, ses troupes sont
écrasées par les cavaliers de Boves à La Puerta. Les républicains
doivent abandonner Caracas et le 7 juillet, 20.000 personnes, population
et armée réunies, conduites par Bolívar, se dirigent vers l’Est, vers
Barcelona et Cumana. Les dissensions entre les chefs indépendantistes
ajoutent à la confusion. Le 4 septembre, à Carúpano, les deux révolutionnaires
Ribas et Piar donnent l’ordre d’arrêter Bolívar. Celui-ci réplique
le 7 septembre suivant par le Manifeste de Carúpano, mais se voit
contraint dès le lendemain de s’exiler à nouveau.
Le Libertador se rend d’abord à Carthagène. Là, le 27 novembre
1814, le gouvernement de la Nouvelle-Grenade le nomme général en chef et
le charge de reconquérir l’État de Cundinamarca. Bolívar obtient la
reddition de Bogotá où, le 12 décembre 1814, il forme son gouvernement.
Il n’oublie cependant pas le Venezuela voisin, et entreprend, le 10 mai
1815, de tenter la reconquête depuis Carthagène, entrant ainsi en
conflit avec le gouverneur de la ville. Pour éviter une guerre civile, le
général Bolívar s’exile alors volontairement à la Jamaïque. Après
avoir échappé à une tentative d’assassinat à Kingston, il débarque,
le 24 décembre 1815 à Haïti, où il va trouver un soutien important de
la part du président Alexandre Pétion. Celui-ci lui procure le matériel
et l’argent nécessaires à une expédition au Venezuela qui vise
Ocumare, à l’ouest de Caracas. Parties d’Haïti le 31 mars 1816, les
troupes de Bolívar atteignent Margarita, puis Capurano, où il décrète
le 2 juin l’abolition de l’esclavage. Mais en juillet, à Ocumare de
la Costa, le général est séparé du gros de ses forces. Pour ne pas être
fait prisonnier, Bolívar tente alors de se suicider. Il est sauvé par un
mulâtre et retourne à Haïti. Une nouvelle expédition, lancée au début
de 1817, échoue elle aussi.
Ces échecs répétés conduisent Bolívar à changer totalement de
tactique. C’est alors qu’il expose clairement son objectif : la
formation d’une grande république colombienne unissant la
Nouvelle-Grenade et le Venezuela. Pour se faire, il renonce à attaquer
Caracas, choisissant au contraire d’entamer son entreprise de reconquête
à partir de régions éloignées. Avec l’appui du général Manuel Piar,
Bolívar conquiert la Guyane et les rives de l’Orénoque, ce qui lui
permet de garder un point de contact avec l’extérieur. En juin 1817, il
établit sa capitale à Angostura et instaure une dictature
constitutionnelle. Au mois d’octobre suivant, le général Piar, qui
s’est opposé à lui, est condamné à mort par un conseil de guerre et
exécuté. Les troupes de Bolívar s’unissent alors aux forces rebelles
de José Antonio Páez. L’arrivée de volontaires européens lui
permettent également de consolider son pouvoir. Le 12 février 1818, il
bat les royalistes à Calabozo. Un an plus tard, le 15 février 1819,
alors que les combats se poursuivent, Bolívar convoque un congrès
fondateur à Angostura. Dans son discours d’inauguration, il proclame,
pour la seconde fois, l’indépendance du Venezuela, et présente son
projet de constitution : pour maintenir la structure de la société,
formée de populations très diverses, il est nécessaire d’établir un
pouvoir fort et très centralisé. Le général Bolívar est élu Président
du Venezuela.
Le nouveau président entreprend à présent de libérer la
Nouvelle-Grenade. A la tête de son armée en guenilles, il traverse les
Andes, repousse les Espagnols au Pantano de Vargas, avant de remporter une
victoire décisive à Boyacá, le 7 août 1819. Le général Bolívar
entre à Bogotá trois jours plus tard. Le retour au Venezuela est
triomphal. Le 17 décembre, il proclame à Angostura la naissance de la
Grande Colombie, qui s’étend du Pérou à l’embouchure de l’Orénoque.
Le congrès vote à l’unanimité la création de la République de
Colombie et désigne Bolívar comme président. A la demande du général
espagnol Pablo Morillo, une armistice est signée au mois de novembre
1820. La Grande Colombie est officiellement reconnue par le gouvernement
du roi Ferdinand VII. Mais la trêve ne dure guère. Le 17 avril 1821, Bolívar
annonce la rupture de l’armistice, et le début de la " guerre
sainte " : l’adversaire espagnol doit être désarmé
mais non détruit. Les combats reprennent dès 28 avril suivant. La deuxième
victoire de Carobobo, le 24 juin 1821 permet à Bolívar d’assurer définitivement
l’indépendance du Venezuela. Il entre dans Caracas sous les ovations de
ses habitants. Un nouveau congrès, réuni à Cúcuta le 30 août, le réélit
à la tête de la Grande Colombie ; la capitale est fixée à Bogotá.
Le Libertador est maintenant investi d’une aura continentale.
Fort de ses succès, et bien que son penchant au despotisme suscite des
oppositions, il envisage d’unir la totalité de l’Amérique latine. Le
général Bolívar se lance ainsi dans une nouvelle campagne, traversant
de nouveau les Andes avec son armée, et attaque les Espagnols à Popayan.
Le 7 avril 1822, il remporte une victoire à Bomboná. Mais c’est à
l’armée de son lieutenant Antonio José Sucre que revient de remporter
la bataille décisive, le 24 mai 1822 à Pichincha. La route de Quito est
ouverte ; Bolívar y fait une entrée triomphale aux côtés de
Sucre, le 16 juin suivant. C’est là qu’il fait la connaissance de
Manuela Sáenz, une jeune femme dont il tombera amoureux. Le 11 juillet,
Bolívar prend possession de Guayaquil, une ville portuaire d’importance
capitale pour l’Équateur, tant au niveau commercial que politique. Les
26 et 27 juillet 1822, il y fait la rencontre du Protecteur du Pérou,
le général argentin José de San Martín. Autre Libertador.
Celui-ci a, en une dizaine d’années, libéré le Chili et le Pérou
voisins. A Guayaquil, San Martín s’efface devant Bolívar, renonçant
au Pérou en sa faveur. Après avoir sillonné l’Equateur, de Guayaquil
à Cuenca, de Loja à Quito, le général se rend dans le sud de la
Nouvelle-Grenade, à Pasto, pour réprimer un soulèvement de paysans restés
fidèles au roi espagnol.
Mais très vite, la situation péruvienne l’occupe tout entier. Le pays
est en proie à l’anarchie. Le 1er mars 1823, le président du Pérou,
Riva Agüero, lui demande d’envoyer quatre mille soldats afin de lutter
contre la puissante armée royaliste qui se maintient toujours au Pérou.
Répondant à son appel, Bolívar envoie deux contingents de trois mille
hommes chacun, le 17 mars et le 12 avril, et débarque à Callao avant
d’entrer à Lima le 1er septembre suivant. Le Congrès
l’autorise bientôt à démettre le président Agüero, qui s’est
rallié aux Espagnols. Cependant, les républicains sont divisés, et Bolívar
apparaît comme un gêneur pour certaines factions, qui envisagent de
collaborer avec les Espagnols dans le but de l’évincer. Découragé,
malade et affaibli – il est atteint de tuberculose -, Bolívar doit se réfugier
au début de l’année 1824 dans le nord du Pérou, à Pativilco. Ayant
surmonté les trahisons, et, provisoirement, sa maladie, il réorganise
son armée et se lance à nouveau dans la bataille. Le 10 février, le
Congrès du Pérou le dote de pouvoirs exceptionnels, avec le titre de
dictateur, à charge pour lui de sauver la République moribonde. Le général
répond à leurs attentes. Le 6 août suivant, il remporte une victoire
importante à Junín avant de libérer Lima, le 5 décembre suivant. Et
c’est une nouvelle fois le fidèle Sucre qui remporte la bataille décisive,
à Ayacucho, le 9 décembre 1824. L’armée royaliste toute entière se
rend aux républicains, avec le vice-roi, quinze généraux, près de 600
officiers et 2.000 soldats.
Ayacucho clôt la phase militaire de l’indépendance : l’émancipation
de l’Amérique espagnole est définitivement acquise. Bolívar est alors
au sommet de sa gloire. Le 12 février 1825, le Congrès du Pérou le décore
et lui offre un million de pesos pour lui et un autre million pour ses
troupes. Le Libertador refuse l’argent qui lui est destiné,
n’acceptant que celui de ses soldats. Le danger étant écarté, il présente
sa démission au Congrès. Mais celui-ci la refuse. Pour Bolívar,
l’heure est venue, avec la paix, de réorganiser politiquement et
socialement les nouveaux états. Le 6 août 1825, une assemblée réunie
à Chuquisaca, dans le Haut-Pérou, fonde une république, à laquelle
elle donne le nom de Bolivie en l’honneur du Libertador. Ce
dernier rédige pour elle un projet de constitution en reprenant les idées
qu’il avait exposé à Angostura, et en nomme Sucre président à vie.
Bolívar songe alors à présent à mettre en pratique ses projets de réforme
socio-politiques. Il rédige ainsi de nombreux décrets pour protéger les
indigènes, construire des routes afin de développer l’agriculture et
le commerce, favoriser l’éducation par la création d’écoles et
d’universités. Surtout, il entreprend d’appliquer son idée de créer
un grand mouvement panaméricain, notamment par la fondation d’une République
des États-Unis du Sud confédérant la Grande Colombie, le Pérou et
la Bolivie. C’est dans ce but qu’il avait convoqué depuis Lima, le 7
décembre 1825, un Congrès à Panama. Bolívar espère rallier les
participants à ses propositions : une neutralité perpétuelle des
États membres, et le rejet définitif de tout recours à la guerre ;
la non-intervention de l’Europe dans les affaires américaines ;
l’institution d’un code civil commun ; l’abolition de
l’esclavage ; la garantie de la souveraineté nationale et de la
volonté populaire ; l’arbitrage par la ligue en cas de conflit
entre les États membres ; la réunion périodique du congrès, et la
création d’une flotte et d’une armée fédérales. Mais, réuni le 22
juin 1826, le congrès est un fiasco. N’y assistent que les délégués
de la Colombie, du Pérou, du Mexique et du Guatemala. Et Bolívar ne
parvient pas à imposer aux représentants présents sa conception du
passage vers l’indépendance par un régime constitutionnel,
conservateur et dictatorial, qui seul, selon lui, pourrait empêcher les
" médiocres tyranneaux de toutes les couleurs et de toutes les
races " de s’emparer du pouvoir.
Le Libertador avait pressenti cet échec : dès 1825, il écrit
au général Juan José Flores, premier président de l’Equateur :
" l’Amérique est ingouvernable ". Dans ses dernières
années, il assiste à l’effondrement de son rêve d’une Amérique
latine unifiée. En avril 1826, une révolte éclate au Venezuela,
conduite par le général Paez. Bolívar revient sur son sol natal, décrète
à Puerto Cabello une amnistie pour les responsables de la Cosiata,
nom donné au mouvement séparatiste, et confirme Páez dans sa fonction
de président du Venezuela, à qui il écrit : " Je ne peux
diviser la République ; mais je le désire pour le bien du Venezuela
et il en sera décidé en assemblée générale, si le Venezuela le veut ".
Une rencontre a lieu entre les deux hommes le 4 janvier 1827 à Naguanagua.
La guerre civile est évitée.
Bolívar est de plus en plus contesté, notamment par Francisco de Paula
Santander, le vice-président de la Grande Colombie. Le pays est alors
confronté à une terrible crise économique à la suite de la banqueroute
d’une banque anglaise, dépositaire d’une partie des fonds du pays. Le
5 février 1827, de Caracas, Bolívar envoie au congrès de Grande
Colombie sa démission de la présidence. Démission qui lui est une
nouvelle fois refusée, le congrès lui enjoignant de rejoindre Bogotá
pour prêter serment. Ce qu’il fait, le 10 septembre, devant une forte
opposition politique. Bolivar tente alors de remettre de l’ordre dans
les finances et de lutter contre la corruption. Son objectif n’est pas
de transplanter telles quelles les institutions européennes ou américaines,
mais de les adapter : " Je crois, dit-il, que le nouveau
gouvernement doit s’appuyer sur nos coutumes, notre religion et nos
comportements, c’est-à-dire sur notre origine et notre histoire ".
Au mois d’avril 1828, la convention nationale réunie à Ocaña, tente,
sous l’influence des partisans de Santander, d’enlever au président
ses pouvoirs extraordinaires. La tentative échoue : la convention
est dissoute le 11 juin suivant. Le 27 août, Bolívar se fait proclamer
dictateur et évince Santander du pouvoir en supprimant la vice-présidence.
Le 25 septembre, il échappe ensuite à un attentat grâce à la présence
d’esprit de sa maîtresse, Manuela Sáenz et en sautant par la fenêtre
de sa résidence de Bogotá. Santander, qui se trouve parmi les suspects,
est condamné à mort au cours du procès. Bolívar commue sa sentence en
bannissement.
La désunion des nouveaux États est de plus en plus manifeste. En 1829,
Sucre doit repousser une invasion des Péruviens dans le sud de la Grande
Colombie. Bolívar parcoure la république, de Guayaquil à Quito, de
Bogotá à Popayán. En son absence, le conseil des ministres projette
d’instaurer une monarchie : le 18 décembre 1829, Bolívar repousse
catégoriquement cette idée. Au mois de janvier 1830, il présente sa démission
au Congrès Constituant de Colombie, et remet en mars le pouvoir à
Domingo Caycedo, le président du conseil, avant de se retirer à Fucha.
La confédération de Grande-Colombie éclate alors avec la proclamation
de l’indépendance du Venezuela puis avec celle de l’Équateur. Le 8
mai 1830, malade et épuisé, Bolívar entreprend de quitter la Colombie.
Très amer, il écrit à un ami : " Vous savez que j'ai eu
le pouvoir pendant vingt ans et je n'en ai tiré que quelques conclusions
sûres. Premièrement, l'Amérique est ingouvernable pour nous. Deuxièmement,
celui qui sert une révolution laboure la mer. Troisièmement, la seule
chose que l'on puisse faire en Amérique est d'émigrer. Quatrièmement,
ce pays tombera infailliblement entre les mains de petits tyrans... ".
Le 1er juillet 1830 , le général Bolívar apprend l’assassinat de son
fidèle Sucre, mort à Buerruecos le 4 juin précédent. Le Libertador
s’apprête alors à s’exiler en Angleterre. Mais, retenu par des
intrigues, dont la prise du pouvoir par Urdaneta à Bogotá, et dépourvu
de ressources, il accepte l’hospitalité d’un Espagnol, don Joaquín
de Mier, à San Pedro Alejandrin, dans la région de Santa Marta. C’est
là qu’il décède le 17 décembre 1830, après avoir prononcé ces
derniers mots : " Partons, partons… Ces gens-là ne
veulent plus de nous dans le pays… Allons, mes enfants, portez mes
bagages à bord de la frégate ! ".
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