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Pierre Antoine BERRYER
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Pierre Antoine BERRYER
(Paris,
4 janvier 1790
-
Augerville,
29 novembre 1868)
Français.
Homme
politique.
par Marc Nadaux
Quelques dates :
1811,
admis au barreau de Paris.
1815,
participe à la défense du
maréchal Ney devant la Chambre des Pairs.
1830, élu député de la Seine.
devient un des chefs de file du parti légitimiste.
1832,
part à la rencontre de la
duchesse de Berry.
1834, effectue un voyage à Prague et rencontre Charles X.
1843, reçu par le comte de Chambord à Londres.
1848,
élu représentant du peuple
à l’Assemblée constituante.
1851, au
Corps législatif, pose la question de la monarchie.
s'oppose au coup d'Etat de L.N.
Bonaparte.
1855,
élu à l’Académie
française.
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Pierre Antoine Berryer
naît à Paris le 4 janvier 1790. Son père, Pierre Nicolas Berryer, est un
avocat réputé, conseiller au Parlement. Après avoir fait ses études au
Collège de Juilly, rouvert et placé sous l’autorité de l’ordre des
Oratoriens en 1796, lui aussi est admis au barreau à l’âge de vingt et
un ans. La même année, le 10 décembre 1811, le jeune magistrat épouse
Caroline Gauthier, fille d’un directeur de la Marine et de la Guerre.
Berryer ne tarde pas à affirmer ses opinions royalistes, offrant pendant
les Cent Jours ses services au comte de Provence, futur Louis XVIII.
Pendant les premiers mois de la seconde Restauration, alors que la
violence des partisans du roi se déchaîne dans les départements du Sud,
l’avocat se met au service d’anciens dignitaires de l’Empire. Avec son
père et Dupin l’aîné, il se charge de la défense du maréchal Ney devant
la Chambre des Pairs. Celui-ci est néanmoins exécuté le 7 décembre 1815.
L’année suivante, Pierre Antoine Berryer plaide également en faveur des
généraux Debelle et Cambronne. Il obtient cette fois-ci leur
acquittement, seules peines de prison étant prononcées à leur égard.
Dans les années qui suivent, l’avocat se met au service des journalistes
dans les affaires qui les opposent aux autorités. La législation sur la
presse se fait en effet très contraignante à l’égard des journaux
d’opinion, avec l’installation de « l’autorisation préalable ». Il
défend également les généraux Canuel et Donnadieu, qui avaient pris la
tête de la répression des insurrections de Grenoble en 1818 et de Lyon
en 1820. On accuse ces derniers de violences excessives. La question
religieuse le préoccupe également. Pierre Antoine Berryer est favorable
à l’action du Drapeau blanc, un journal d’opinion de tendance
ultra-légitimiste, qui fait paraître une série d’articles contre
l’esprit de l’Université royale. En 1827, il publie d’ailleurs une
brochure contre l’ordonnance qui soumet les petits séminaires à
l’inspection de cette dernière. L’année précédente, Félicité de
Lamennais bénéficie des ses services. Le prêtre avait fait paraître un
essai, De la religion considérée dans ses rapports avec l’ordre
politique et social, dans lequel il se prononçait pour une
subordination du pouvoir temporel au pouvoir spirituel, celui du Pape.
Ces opinions ultramontaines lui valent des poursuites et l’hostilité des
catholiques gallicans.
L’avocat se décide bientôt à entrer en politique afin de défendre ses
idées. Depuis 1822, Berryer occupe les fonctions de vice-président du
collège électoral du deuxième arrondissement de la Seine. A ce titre, il
prend part à la rédaction de l’ordonnance du 20 novembre 1822 portant
révision des règlements du barreau. A la mort de Chabron de Solihac,
député de la Haute-Loire, le parti ultra songe à lui. Élu le 26 janvier
1830 avec une forte majorité, Pierre Antoine Berryer refuse néanmoins de
faire partie du cabinet dirigé par le prince de Polignac. Le 9 mars
suivant, le jeune député entre à la Chambre et fait son premier discours
devant l’ensemble des parlementaires. Répondant à l’« Adresse des 221 »,
rédigés par une partie d’entre-eux et qui dénonce la pratique
autoritaire du pouvoir par Charles X, il s’agit pour lui de prendre la
défense de la couronne. Écoutant Berryer, Pierre-Paul Royer-Collard, le
chef de file des « Doctrinaires », s’écrit alors : « Voilà une
puissance ».
Peu après, pour faire face à une Chambre hostile à sa politique, le roi
use de son droit de dissolution, avant de tenter un coup d'État. Quatre
ordonnances contraires à l'esprit de la Charte et publiées le 25 juillet
1830 dans un contexte de crise économique déclenche une émeute
dans Paris, le 27 juillet suivant. Tandis qu'une Commission municipale
instituée dès le 28 juillet suivant organise l'insurrection, les
agissements des libéraux amènent alors le duc d'Orléans, cousin de
Charles X, au pouvoir. Nommé le 30 juillet « Lieutenant général du
royaume » par les députés, Louis-Philippe est bientôt proclamé roi des
Français. Il forme le 1er août un nouveau gouvernement placé sous son
autorité, tandis que le roi déchu et sa famille prennent le chemin de
l'exil. Aux cotés de François-René de Chateaubriand, Berryer proteste à
la Chambre, déclarant le 7 août suivant que celle-ci n’avait pas qualité
pour délibérer de la vacance du trône ou élire un monarque. En vain,
après la Restauration, un nouveau régime s’installe, la Monarchie de
juillet, dans lequel l’avocat, qui demeure partisan de la branche aînée
des Bourbons, fait désormais figure d’opposant.
Il combat tout d’abord la mise en accusation des anciens ministres de
Charles X - Polignac, Peyronnet, Chantelauze et Guernon de Ranville - ,
qui sont condamnés par la Chambre des Pairs à l'internement à vie dans
la prison de Ham, le 21 décembre 1830. L’année suivante, le 5 juillet
1831, Pierre Antoine Berryer est réélu député dans son fief de
Haute-Loire. Au sein du parti légitimiste, il s’oppose notamment à
l’abolition de l’hérédité de la pairie, votée le 29 décembre 1831. Loin
donc de se résigner à « l'exil intérieur », l’avocat choisit de nouveau
la voie de l'expression parlementaire, refusant l’insurrection que
prônera le général Auguste de La Rochejacquelein. A ce titre, il part à
la rencontre de la duchesse de Berry et tente de la dissuader
d’organiser un soulèvement dans le bocage vendéen. Arrêté et placé en
détention à Nantes, Berryer est renvoyé devant le jury du Loir-et-Cher,
la cour d’Assises de Blois qui l’acquitte. L’avocat s’attache ensuite à
défendre Chateaubriand, emprisonné pour avoir milité en faveur de la
libération de la parente du souverain déchu.
Le 21 juin 1834, aux élections législatives, il est désigné dans quatre
collèges différents pour un nouveau mandat. Ayant opté pour le
département des Bouches du Rhône, Pierre Antoine Berryer se rend à
Marseille, recevant dans la cité phocéenne un accueil enthousiaste. Il
est vrai que l’opposition au gouvernement de Louis-Philippe demeure
encore très présente, notamment dans le Midi méditerranéen. L’année
suivante, toujours fidèle à son roi, il effectue un voyage à Prague,
jusqu’au Hradschin, le château des rois de Bohème, où réside à présent
Charles X. Berryer sera ensuite reçu par l’Empereur d’Autriche. De
retour en France, il apprend en 1836 la mort du souverain déchu.
Partageant son existence entre ses activités politiques et son métier
d’avocat, celui qui est désormais le chef de file du parti légitimiste
fait partie « du conseil de défense » de Louis-Napoléon Bonaparte. Le
prétendant bonapartiste comparait devant la Chambre des Pairs du 26
septembre au 6 octobre pour sa tentative de coup d’État à Boulogne. Le
27 novembre 1843, il fait partie des quelques notables reçus par le
comte de Chambord à Londres, dans son hôtel de Belgrave Square. Ayant
prêté serment de fidélité au prétendant, Berryer doit affronter à son
retour en France l’hostilité conjuguée de la Chambre et du gouvernement,
qui lui donne un blâme. Commence néanmoins pour Berryer un nouveau
combat.
Avec l’avènement de la Seconde République, au mois d’avril 1848, il est
élu représentant du peuple à l’Assemblée constituante, toujours dans les
Bouches du Rhône, un mandat qui sera renouvelé l’année suivante. A
l’Assemblée législative, Pierre Antoine Berryer siège à droite et
manœuvre afin de réaliser l’union des royalistes, face aux républicains
et au parti de l’Élysée. Celui-ci regroupe les parlementaires partisans
du président Louis-Napoléon Bonaparte. Certains de ses amis, le comte de
Falloux notamment, se rendent à cette fin aux réunions du « Comité de la
rue de Poitiers », regroupant quelques hommes en vue et que domine les
orléanistes avec Adolphe Thiers et Alexis de Tocqueville. Depuis le mois
de décembre 1850, celui-ci fait d’ailleurs parti, aux cotés de Pierre
Antoine Berryer, du cercle qui se réunit chaque semaine chez le marquis
de Pastoral, place de la Concorde, afin de défendre les intérêts de la
monarchie. Ces derniers croient toujours possible une restauration sur
le trône de la branche aînée des Bourbons. L’été précédent, à la
Chambre, au retour d’un voyage à Wiesbaden pour saluer le comte de
Chambord, Berryer parle ainsi à ses collègues de celui « qui ne peut
rentrer en France sans être le premier des Français ». Le 30 août 1850
cependant, le ce dernier s'adresse dans la « Circulaire de Wiesbaden »
aux représentants du parti légitimiste et déclare se réserver la gestion
de ses intérêts. Ce n’est que la première des nombreuses déclarations
d’intention du prétendant, celle-ci prenant néanmoins de cours ceux qui
lui sont dévoués, au premier rang desquels se trouve Berryer.
Le 15 janvier 1851, l’orateur monte une nouvelle fois à la tribune du
Corps législatif et pose la question de la monarchie. L’heure cependant
est à l’opposition entre les deux pouvoirs, législatif et exécutif.
Désireux de se maintenir en ses fonctions de président, Louis Napoléon
Bonaparte tente en vain d'influer pour l'abrogation de l'article 45 de
la Constitution du 4 novembre 1848. Celui-ci stipule que le Président de
la République, élu pour quatre années, n'est pas immédiatement
rééligible. Il lui faut donc recourir à la force. Un coup d'État est
organisé les 1er et 2 décembre 1851, date de la victoire d'Austerlitz et
du sacre de l'Empereur, Louis-Napoléon Bonaparte souhaitant placer les
événements sous les auspices de Napoléon Ier. Malgré quelques
résistances à Paris, dans les régions du Centre et du Sud-Est les jours
suivant, Louis Napoléon Bonaparte et ses partisans s'imposent en
organisant la répression. Berryer figure parmi les députés
protestataires qui se réunissent à la mairie du dixième arrondissement
et votent la déchéance du chef de l’exécutif. Arrêté, il est alors
conduit à la caserne du Quai d’Orsay et, de là, à Vincennes. Remis enfin
en liberté, le député royaliste, à la différence notamment de Charles de
Montalembert, délaisse le Corps législatif, où toute opposition est
désormais rendue impossible, et retourne au barreau.
Le 12 février 1855, Pierre Antoine Berryer est élu à l’Académie
française, seul lieu public désormais d’opposition au pouvoir de
Napoléon III. Il demande cependant d’être exempté de la visite
officielle à l’Empereur, en prétextant qu'il serait peut-être
désagréable à Louis-Napoléon Bonaparte de se retrouver en face de son
ancien avocat… C’est en 1863 qu’il effectue son retour à la vie
politique, celle-ci se libéralisant peu à peu, au Corps législatif
notamment. Elu député à Marseille, Berryer figurera de nouveau pendant
ses années de mandat dans l’opposition. Il s’attache ainsi à protester
contre le désordre des finances, demandant la baisse des crédits
consacrés aux armées, proteste également contre l’attitude du
gouvernement dans l’affaire des emprunts mexicains. En 1868, l’avocat
soutient un de ses jeunes collègues du barreau, Jules Ferry, qui venait
de rédiger une série d'articles pour le journal Le Temps
dénonçant avec virulence l'éventrement et la curée du vieux Paris par
l’omnipotent préfet de la Seine, Georges Eugène Haussmann. En 1865,
Berryer est invité outre-Manche par ses collègues anglais, Lord Brougham
notamment. A Londres, pendant le banquet donné en son honneur, Berryer
répond alors aux manifestations de sympathie en célébrant les bienfaits
de la liberté que permet la monarchie et l’équilibre des institutions.
Souffrant au début de l’année 1868, il se décide à quitter la capitale
et gagne sa propriété d’Augerville, dans le Loiret. De là, le 18
novembre, celui qui pendant plus de quarante années s’était dévoué à la
cause des Bourbons, fait parvenir au comte de Chambord cette dernière
missive :
O Monseigneur,
O mon Roi, on me dit que je touche à ma dernière heure.
Je meurs avec la douleur de n’avoir pas vu le triomphe de vos
droits héréditaires, consacrant le développement des libertés dont la
France a besoin. Je porte ces vœux au Ciel pour Votre Majesté, pour Sa
Majesté la Reine, pour notre chère France.
Pour qu’il soit moins indigne d’être exaucé par Dieu, je
quitte la vie armé de tous les secours de notre Sainte Religion.
Adieu Sire, que Dieu vous protège et sauve la France.
Votre fidèle et dévoué sujet,
Berryer.
Pierre Antoine Berryer décède quelques jours plus tard, le 29 novembre
1868.
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