La lettre d'infos


A voir et à lire
sur
19e.org,
et ailleurs.

S'abonner à la lettre d'infos
 

 L'actualité
sur 19e.org

 
 

 A voir sur le Web

     Vous êtes ici :   Accueil   Biographies   A    >   François ARAGO                                       Contact

 

François ARAGO 

(Estagel, 26 février 1786 - Paris, 2 octobre 1853)


Français
.

Homme politique et physicien.



par Marc Nadaux


 

     Quelques dates :

1806, Mémoire sur la vitesse de la lumière.
1807, effectue la mesure de la méridienne terrestre.
1809, élu à l’Institut.
1813..., donne des cours d’astronomie populaire à l’Observatoire.
1830, élu secrétaire perpétuel à l’Académie des sciences.
         décoré de la croix de Juillet
.
1831, est élu député des Pyrénées-Orientales.
1840, demande à la Chambre un élargissement du corps électoral.
1848, ministre de la Marine et des Colonies du Gouvernement provisoire.
         signe le décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies .
         élu président de la Commission du pouvoir exécutif. 



 






François Arago naît le 26 février 1786 à Estagel dans le pays catalan. Le village sera rattaché quelques années plus tard au département des Pyrénées orientales. Les Arago sont des paysans aisés, des " pagès ", éleveurs de brebis, cultivant à l’occasion quelques oliviers. Cette opulence locale permet à son père, François Bonaventure, d’effectuer de solides études à l’université voisine de Perpignan. Bachelier en droit, il est chargé de responsabilité municipale à la fin du règne de Louis XVI, avant de devenir le premier maire de la commune, le 7 février 1790. Quelques années plus tôt, en 1778, il s’était marié à Marie Roig, elle aussi fille de paysan aisé.

Tandis que la Révolution poursuit sa marche en avant, François Bonaventure Arago devient magistrat, adhérant à la Société populaire, affiliée au Club des Jacobins. Après la déclaration de guerre à l’Espagne voisine, au mois de mars 1793, il est ensuite chargé de la levée en masse dans la région. De sensibilité girondine, ses qualités lui valent de ne pas être inquiété par la venue des représentants en mission de la Convention nationale. Plus tard, après Thermidor, Arago prend la présidence du Directoire, une charge qu’il occupe jusqu’en 1798. Il est alors nommé directeur de l’Hôtel de la Monnaie à Perpignan, ce qui apparaît comme un aboutissement à cette honorable carrière publique. François Bonaventure Arago sera fidèle au Consulat et à l’Empire. Il se consacre alors à l’éducation de ses enfants, qui doivent poursuivre cette ascension sociale du clan Arago.



François Arago est envoyé très tôt à l’école primaire du village. Alors qu’il est âgé de dix ans, ses parents s’installent à Perpignan. L’enfant est inscrit au collège de la ville, que tient d’une main de fer l’abbé Jaubert. Au contact d’un autre religieux, l’abbé Germain Verdier, il découvre la géométrie et la trigonométrie. Les hasards d’une rencontre font qu’il se pique d’une ambition : entrer à l’Ecole polytechnique. Ceci nécessite cependant des connaissances plus pointues que celles qu’Arago acquiert à l’institution. Fort heureusement, il est aidé dans son apprentissage par Hippolyte Raynal, un ami proche de son père, à la solide culture scientifique. En 1803, François Arago est admis selon ses vœux dans " une des places affectées à l’artillerie de terre ".

Arago est externe. Il loge cependant chez l’un des professeurs de l’école, Jean Nicolas Hachette, un ami de la famille qui donne également le gîte à un de ses collègues, Siméon Poisson. Comme la majorité des élèves et des cadres de l’École polytechnique à l’époque, les deux enseignants  font profession de républicanisme. Et, à leur contact, le jeune Arago se forme également à la politique. Grâce à la recommandation de Poisson, il est bientôt nommé bibliothécaire, le 22 février 1805, auprès de Pierre Simon de Laplace, astronome et géomètre, à l’Observatoire. Dans les années qui suivent, l’étudiant fréquente ainsi Gaspard Monge, Joseph Lagrange et Adrien Legendre, quelques-uns des grands esprits du temps. Dans l’intimité d’Alexis Bouvard et de Jean-Baptiste Biot, ses aînés, François Arago s’initie à l’astronomie. Le 1er septembre 1806, il soutient ainsi devant l’Académie un Mémoire sur la vitesse de la lumière, celle-ci se mouvant selon lui à une vitesse constante quelque soit son origine.

En compagnie de son ami Biot, le jeune savant se voit confier une mission d’importance : la mesure de la méridienne terrestre. Celle-ci a pour but de fixer définitivement le système métrique. Mais il faut pour cela reprendre les travaux de Delambre et Méchain, qui se sont arrêtés dans l’entreprise à Barcelone, et poursuivre les observations et les calculs jusqu’au Baléares. Le gouvernement espagnol assure la sécurité des savants, dont le campement suit la progression des mesures de triangulation. Les incidents se multiplient cependant, avec les populations locales et les autorités. Plus tard, Arago relatera l’aventure dans son Histoire de ma jeunesse. Le 29 août 1807, il est nommé adjoint du Bureau des longitudes. L’année suivante, alors que Jean-Baptiste Biot est rentré à Paris, la guerre est déclarée entre la France et l’Espagne, au mois de mai 1808. François Arago, l’ " espion français ", est alors incarcéré pendant quelques semaines à Belver, l’été suivant, puis à Palamos. Il parvient à rejoindre Alger et gagne enfin Marseille le 2 juillet 1809, en compagnie du consul français auprès du Dey et surtout de ses précieux documents.

Vient le temps des honneurs. Malgré les réticences de Laplace, dues à la jeunesse du candidat, François Arago est élu à l’Institut, le 18 septembre 1809, à l'age de 23 ans. Dès l’année suivante, il effectue aux cotés de Gaspard Monge, un cours " d’analyse appliquée à la géométrie, de système du monde et de géodésie " à l’Ecole polytechnique, avant d’obtenir le 10 mai 1812 le grade de professeur adjoint. A cette époque, Arago noue une amitié très profonde avec Alexandre de Humboldt et Joseph Gay-Lussac. S’il s’active toujours dans ses recherches, ses travaux portent à présent sur la double réfraction de la lumière. Le savant noue également des relations mondaines. Les honneurs reçus lui ont en effet ouvert les salons parisiens. Il fréquente ainsi les soirées de Mme Vergès et s’éprend de Lucie Carrière, dont la mère, née Besombes de Rivesaltes, est d’origine catalane. Les deux jeunes gens se marient le 11 septembre 1811. Trois enfants naîtront de leur union : Emmanuel, né le 6 août 1812, Alfred, le 10 juin 1815 et Gabriel, le 25 novembre 1816. Ce dernier décédera en 1832, à l’age de quinze ans.



Dans les années qui suivent, François Arago partage son temps entre ses cours à Polytechnique, qui s’enrichissent à partir de 1816 de l’enseignement des probabilités – l’ " arithmétique sociale " - et ses recherches à l’Observatoire. Influencé par Etienne Louis Malus, il travaille à présent sur la polarisation de la lumière, son caractère ondulatoire. Le savant correspond également avec Augustin Fresnel à ce propos. Ensemble, ils réalisent en 1823 le phare de Cordouan, à l’embouchure de la Gironde.

Dans un premier temps cependant, le retour des Bourbons sur le trône de France ne lui est que peu favorable. La Légion d’Honneur lui est ainsi retirée, puis rendue en 1818. Arago est écarté de l’Institut, réformé par l’ordonnance du 21 mars 1816. Plus tard, il se penche sur les relations entre l’électricité et le magnétisme, un problème que lui a révélé Oersted à Genève. Le 11 septembre 1820, François Arago refait l’expérience du savant danois devant l’Académie des Sciences. André-Marie Ampère se penche alors sur ce phénomène et, en une semaine, découvre l'explication. Il met ainsi en évidence la source des actions magnétiques dans un courant électrique et étudie les actions réciproques des aimants. Ampère démontre ainsi que deux courants fermés agissent l'un sur l'autre, s’attirant ou se repoussant mutuellement suivant des lois qu’il nomme " électromagnétisme ".

Ses préoccupations universelles amènent cependant François Arago à se disperser. Il s’intéresse ainsi à la climatologie, noircissant des milliers de pages en observations sur la foudre, la grêle, réfutant au passage l’idée d’un éventuel réchauffement de la Terre. Et si aucune découverte majeure ne vient l’honorer, Arago n’en demeure pas moins un initiateur. A partir de 1813, sa réputation de grand savant grandit également auprès des non-initiés. Pendant plus de trente années en effet, il donne des cours d’" astronomie populaire " à l’Observatoire où un vaste amphithéâtre est spécialement construit pour accueillir ses interventions en public.

Son épouse Lucie est malade cependant. Elle décède le 10 août 1829. L’année suivante, à la mort de Joseph Fourier, François Arago est enfin élu secrétaire perpétuel pour les mathématiques à l’Académie des sciences. Le 26 juillet 1830 cependant, le discours qu’il doit prononcer lors de l’inauguration de ses fonctions est troublé par les événements politiques. Le roi Charles X, qui s’oppose à la Chambre, vient en effet de signer quatre ordonnances contraires à l’esprit de la Charte de 1814, un véritable coup d’État qu’Arago qualifie de " malheur national ". Pressé cependant par le baron Georges Cuvier, le savant s’exécute. Mais dans ce contexte si particulier, l’éloge funèbre d’Augustin Fresnel sonne comme une véritable critique du régime. Le public présent est enthousiaste. Le lendemain, Paris se couvre de barricades.



Etienne Arago, le jeune frère du savant, est aux cotés des insurgés parisiens. Ce dernier demeure lui en retrait, acceptant la Monarchie de Juillet et le nouveau souverain, qui promet de gouverner en libéral. Le 13 novembre 1830, François Arago est nommé gouverneur de l’École polytechnique, au républicanisme affiché et qui est toujours en ébullition. Il démissionne peu après, le 9 décembre, afin de se consacrer aux séances de l’Académie. Quelques jours plus tard, le savant est appelé à témoigner lors du procès des anciens ministres de Charles X. Arago dépose ainsi contre le prince de Polignac, qu’il décrit comme un " jusqu’auboutiste " au milieu de l’insurrection, et le maréchal de Marmont, plus modéré selon lui. L’année suivante, le 14 février, il doit intervenir, cette fois-ci en tant qu’officier de la Garde nationale, face à l’émeute anticléricale qui s’est déclenchée à Saint-Germain-l'Auxerrois, à l’occasion de l’anniversaire de l’assassinat du duc de Berry. Le sous-secrétaire d’État Adolphe Thiers nuit cependant à son action, demandant à la troupe de ne pas marcher sur les agitateurs. Cette décision a pour effet de grossir dans la nuit les rangs des victimes.

Au printemps, François Arago décide d’entrer en politique. Le 6 juillet 1831, il est élu député des Pyrénées-Orientales, dans l’arrondissement républicain de Perpignan. A la Chambre, le savant interpelle Thiers et Casimir Perier, leur demandant de s’expliquer à propos de leur attitude pendant l’émeute parisienne. Il se signale ensuite par son soucis de l’utilisation des fonds publics. En ces mois où l’agitation est toujours présente, où le pouvoir réprime sans ménagement, Arago prend bientôt place dans l’opposition. Le 6 juin 1832, après les événements du cloître Saint-Merri à Paris, lors des funérailles du général Lamarque, il est d’ailleurs envoyé en délégation auprès du roi Louis-Philippe, aux cotés du banquier Laffitte et d’Odilon Barrot. A cette occasion, François Arago fait grief au roi des exécutions sommaires, demandant une " marche plus libérale " au gouvernement ! Le député est ensuite dans son département, où il est réélu triomphalement le 23 juin 1834, le 5 novembre 1837, le 3 mars 1839 et enfin le 16 juillet 1842, après dix années de mandat.

La même année, Arago est nommé directeur des Observations. A l’Académie des sciences où les séances s’ouvrent au public, le secrétaire fait rédiger des Compte-rendus détaillés des débats à partir de 1835, tandis que ses Notices biographique, lues devant ses collègues, sont également publiées dans la presse. Le savant est à l’apogée de son aura dans le monde scientifique. A la Chambre, il intervient fréquemment lors des débats liés à l’enseignement, à l’état des prisons, au budget des différentes institutions scientifiques, à propos des fortifications de Paris. Le député des Pyrénées-Orientales, candidat également dans le quartier de l’Observatoire, défend ainsi le projet " d’une enceinte continue " contre celui de " forts détachés ". Ces différents discours donnent lieu à la publication en 1843 d’un mémoire sur le sujet. L’année suivante, Arago contribue également à l’élaboration de la loi du 5 juillet 1844 sur les brevets d’invention. Il est ainsi de tout les grands débats du temps et s’exprime lors du vote des lois contre la presse, de la dotation du fils du souverain - le duc de Nemours - , de l’indemnité Prittchard, de la loi sur le travail des enfants en 1841… Parfois avec quelques lenteurs, puisqu’on lui lance fréquemment : " Nous ne sommes pas à l’Institut ". Lors du débat national autour des chemins de fer, François Arago se ridiculise d’ailleurs, avec notamment le discours prononcé par le 14 juin 1836 à l’occasion de la création d’une ligne Paris-Versailles. Comme nombre de médecins à l’époque, le savant évoque à cette occasion le danger des tunnels, s’inquiétant des écarts subits de température pour l’organisme et de la réfraction du bruit. Comme le dit le chanteur : " La suite lui prouva que non ".

Sous la Monarchie de Juillet, Arago est également Conseiller général de la Seine, en 1830 et 1831, de 1834 à 1837, avant d’être réélu au mois de novembre 1847. Il s’inquiète alors de l’approvisionnement en eau de la capitale et est à l’origine du creusement d’un puit artésien à Grenelle. Les travaux dureront plus de quinze années. Le 26 février 1846 enfin, on trouve de l’eau, à 500 mètres de profondeur ! Cultivant aussi les lettres, le savant est le vice-président du comité de souscription du monument à Molière, inauguré le 15 janvier 1844 près du Théatre-Français. A Paris, François Arago fait également partie des fondateurs de la Société des Gens de lettres, aux cotés de Lamennais, de Balzac, de Dumas ou d’Hugo. L’Académie française songe d’ailleurs à lui au mois d’avril 1836, lorsqu’il s’agit d’empêcher l’élection du plus illustre des romantiques ou celle du trop libéral François Guizot. Mais Arago décline l’offre des Immortels, jugeant qu’on ne peut être " Académiciens doubles, triples, quadruples ". Il est promu commandeur de la Légion d’Honneur, le 30 mai 1837.

A la Chambre, le 16 mai 1840, alors qu’Adolphe Thiers est devenu depuis le mois de mars précédent le chef du gouvernement, François Arago prononce un discours retentissant. Le député des Pyrénées-Orientales demande ainsi un élargissement du corps électoral, car selon lui la souveraineté nationale, élevée au rang de " principe de gouvernement " avec les Trois Glorieuses, " n’est qu’un vain mot dans tout le pays où, sur quarante hommes, on ne compte qu’un électeur ". Le savant fait ensuite l’éloge du peuple, fustigeant la " souveraineté de la raison ", en la personne des gouvernants qui eux aussi peuvent tomber dans l’erreur. Contre le libéralisme, l’idéologie dominante, il réclame également une organisation du travail, garante tout comme la participation de chacun à la vie politique, de la paix sociale. Car, proclame Arago avec sévérité au milieu de ses collègues qui l’interrompent, " celui qui vit de son travail journalier est plus intéressé que les propriétaires, que les capitalistes, à la tranquillité du pays ". Dix jours plus tard, 10.000 ouvriers viennent saluer à l’Observatoire l’homme de sciences, celui qui est désormais aux cotés de la gauche républicaine.



Le 27 avril 1847, François Arago est désigné en compagnie d’Alexis de Tocqueville, de Jules Michelet et du romancier Alexandre Dumas pour réunir les Monuments écrits de l’histoire de France, sur le modèle des Monumenta Germanicae historica. Ce travail d’historien est le prolongement de son activité à l’Académie, où il poursuit la rédaction de ces notices biographiques. Dans ces éloges de Monge, de Carnot ou de Condorcet, il fait parfois œuvre de politique, en exposant un jugement sur les événements passés. Le scientifique engagé sur le terrain social – n’est-il pas le vice-président de l’Association pour l’instruction gratuite du peuple aux cotés de Dupont de l’Eure - est d’ailleurs publiquement contesté. Au mois de mars 1840, la Revue des Deux Mondes publie ainsi une " Lettre à un Américain sur l’état des sciences en France " qui dénonce son magistère. La même année, il réplique également à l’astronome Pontécoulant dans une Lettre à Humboldt publiée dans Le National. A l’étranger, Arago est membre de toutes les grandes sociétés savantes. Il reçoit ainsi la médaille Copley de la Société royale de Londres. L'homme de sciences cultive également ses amitiés parisiennes, dînant avec Chateaubriand aux Café de Paris, correspondant avec Stendhal, faisant visiter à Hugo l’Observatoire. Il est reçu dans les salons, celui des veuves de Laplace et de Lavoisier, de la fille de Condorcet… François Arago, qui a observé avec attention sur les hauteurs de la citadelle de Perpignan l’éclipse totale de soleil, se démène pour faire réaliser à partir de 1845 une coupole surmontant la tour Est du bâtiment de l’Observatoire, afin d’y installer une grande lunette équatoriale. Au cours de ces années, il défend également les inventeurs : Daguerre et Niepce, dont il dévoile les procédés à l’Institut le 19 août 1839, Samuel Morse ou Léon Foucault.

Sur le plan politique, les promoteurs de la " réforme " gagne du terrain. Arago est à la Chambre aux cotés de Louis Blanc et de Ledru-Rollin. Soutenu par le journal L’Indépendant fondé par son frère Etienne, il doit mener une véritable campagne électorale dans les Pyrénées-orientales au printemps 1846. Battu dans les arrondissements de Prades et de Céret par des candidats orléanistes, le savant est néanmoins réélu à Perpignan, le 3 août suivant. N’ayant pu légalement l’écarter des débat à la Chambre, le pouvoir lui est à présent hostile. La rentrée parlementaire est d’ailleurs houleuse et, bientôt, commence la Campagne des banquets. Tandis que le mécontentement populaire est aiguisé par les crises économiques, celle-ci brave l'interdiction du droit de réunion, car chaque convive en théorie paie son déjeuner. Initié à Paris le 18 juillet 1847, soixante-dix banquets sont organisés à travers la France, réunissant plus de 22.000 souscripteurs. A l’intérieur de cette notabilité issue notamment de la bourgeoisie libérale, des tensions apparaissent parfois tandis que le discours se radicalise. Odilon Barrot et Prosper Duvergier de Hauranne, des réformistes modérés, sont bientôt dépassés par les représentants de la gauche républicaine, François Arago ou Ledru-Rollin. Celui-ci réclame l'instauration du suffrage universel à Lille le 7 novembre 1847. C'est d'ailleurs l'interdiction par le gouvernement du banquet organisé dans le XIIème arrondissement de la capitale qui est le point de départ des Journées de Février, le 19 février 1848. Au troisième jour de l'insurrection qui ensanglante Paris, Louis-Philippe Ier choisit d'abdiquer en faveur de son petit-fils, le comte de Paris. Alors que le palais des Tuileries est pris d'assaut, la duchesse d'Orléans vient solliciter la reconnaissance de la régence. En vain. Le trône brûle Place de la Bastille tandis qu'un Gouvernement provisoire est formé.



Celui-ci se compose finalement de douze membres. Ledru-Rollin et Flocon font la transition entre les Républicains modérés - Lamartine, Dupont de l'Eure, Crémieux, Garnier-Pagès et Arago - et les Socialistes, représentés par Louis Blanc et l'ouvrier Albert. Quant à l'éditeur Pagnerre, il est nommé Secrétaire Général quelques jours plus tard, le 29 février, avec pour fonction de tenir le procès-verbal des séances. A François Arago échoit le ministère de la Marine, et donc des Colonies. Lors du grand rassemblement organisé le 27 février au pied de la colonne de Juillet, il harangue la foule et s’écrie " Citoyens ! Répétez avec moi ce cri populaire : Vive la République ! ". Le nouveau ministre encourage ensuite son fils Emmanuel, nommé le même jour Commissaire de la République à Lyon. Il s’inquiète cependant de l’attitude des fils du roi déchu, les princes de Joinville et d’Aumale, qui ont autorité sur les troupes stationnées en Algérie. Arago demande ainsi à ses anciens élèves de ne pas " détourner les soldats de l’obéissance " au nouveau pouvoir, de s’abstenir d’un retour qu’il juge prématuré en métropole. Il accueille favorablement les premières mesures prises par la Seconde République, l’instauration du suffrage universel notamment, par le décret du 5 mars, que le député des Pyrénées-Orientales avait appelé de ses vœux à la Chambre dès 1840.

Bientôt, le nom d’Arago est associé à la cause abolitionniste. A partir de 1833, celle-ci avait pris appui sur l'exemple anglais avec la création d’une Société française pour l'abolition de l'esclavage. A sa tête, Victor Schœlcher multiplie pendant la Monarchie de Juillet les écrits dénonçant l'horreur de l'asservissement. Le 3 mars 1848, François Arago l'invite à le rencontrer. Ensemble, ils se persuadent de l'urgence de l’émancipation des esclaves et rédigent le texte abolitionniste que le ministre fait signer le jour même à ses collègues. Le lendemain, Schœlcher est nommé sous-secrétaire d’État aux Colonies. Alors que l'opinion est désormais massivement gagnée à la cause de l'antiesclavagisme, la première décision du nouveau ministre est de former une commission, qu'il préside personnellement, chargée d'élaborer la législation abolitionniste. Le décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises est alors promulgué par le Gouvernement provisoire, le 27 avril 1848. Celle-ci est immédiate. De plus et à la différence des mesures prises en 1794 par les Conventionnels, une indemnisation est promise aux détenteurs d'esclaves pour la perte de ce qui est tout de même considéré comme une propriété. Le nouveau décret doit cependant être appliqué dans les colonies. La tache s’annonce difficile, car il s’agit d’éviter l’embrasement général. Sur la proposition de son frère Etienne, Arago fait appel à un militant républicain pour remplacer à la Réunion le Gouverneur Graëb et désigne Sarda-Garriga Commissaire général de la République.

A partir du mois de mars, il doit également assumer l’intérim au ministère de la Guerre, jusqu’à ce que le général Cavaignac prenne son portefeuille, le 17 mai suivant. Le 23 avril 1848, François Arago est élu député de la future Assemblée constituante dans les Pyrénées-Orientales, tout comme son frère et son fils. Figurent ainsi trois Arago parmi les cinq parlementaires qui représentent le département à Paris ! Le 10 mai, l’Assemblée élit une Commission du pouvoir exécutif, qui doit prendre le relais du Gouvernement provisoire à la tête de l’État. Arago arrive en tête des suffrages, devançant Garnier-Pagès, Marie, Lamartine et Ledru-Rollin, ce qui lui confère le rôle de président. Aux yeux de ses pairs, le savant joint ainsi à son prestige personnel une indépendance d’esprit qui le place au-dessus des factions rivales. Celles-ci se déchaînent autour du problème récurrent des Ateliers nationaux. En effet, au cours du printemps, l'aggravation de la crise économique accroît le chômage à Paris. Le 18 mai, 115.000 ouvriers sont inscrits aux Ateliers nationaux et il est de plus en plus difficiles de leur trouver du travail. Cette population désœuvrée, dont l'entretien coûte au trésor - 150.000 francs par jour - devient également de plus difficile à contrôler. Le 16 juin, François Arago se décide à agir en offrant à ces bénéficiaires une alternative, le licenciement ou l’enrôlement dans l’armée. Les Ateliers nationaux sont fermés quelques jours plus tard, ce qui provoque l’émeute dans Paris. Échouant dans sa tentative d’apaisement, François Arago quitte ses fonctions le 24 juin avec les autres membres de la Commission exécutive, suivant le vote de l’Assemblée. Le général Cavaignac reçoit bientôt les pleins pouvoirs et est alors chargé du rétablissement de l’ordre.



Éloigné du pouvoir, François Arago délaisse les bancs de l’Assemblée et se retire à l’Observatoire. Non candidat à la présidence de la République qui voit l’avènement d’un nouveau Bonaparte, le grand homme est néanmoins honoré par ses contemporains dans son canton natal où il recueille la majorité des voix. Arago souffre de plus en plus du diabète, qui l’empêche de se déplacer comme il le souhaite. Au mois de mai 1849, il est réélu député, toujours dans le Sud de la France, où il ne s’est pourtant pas rendu depuis 1846. Délaissant à présent la vie politique, le savant s’occupe à la rédaction de ses œuvres, à préparer les séances de l’Académie. Il assiste en spectateur au coup d’État du 2 décembre 1851, puis l’année suivante au rétablissement de l’Empire au profit de Napoléon III. Dispensé du serment en tant que membre de l’Institut, François Arago doit cependant s’y soumettre au nom de ses fonctions à l’Observatoire. Il s'y refuse et est d’ailleurs bientôt remplacé par l’opportun Auguste Le Verrier, récent découvreur de la planète Neptune.

Très affaibli par la maladie, François Arago décède le 2 octobre 1853 à Paris, au retour d’un dernier voyage à Perpignan. Ses obsèques ont lieu le 5 octobre, en présence de toutes les délégations de l’Institut. L’Empereur quant à lui s’est fait représenté par le maréchal Vaillant. Le Second Empire se voit néanmoins contraint d’honorer publiquement l’homme de sciences, non l’homme politique. Ce dernier est escamoté dans les discours qui se succèdent. Le cortège qui s’étire de l’Observatoire à l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas jusqu’au cimetière du Père-Lachaise est suivi par plusieurs dizaines de milliers de parisiens. Ceux-ci rendent eux hommage au savant comme au républicain. Dans les années qui suivent, ses œuvres complètes sont publiées par les soins de Jean Augustin Barral. L’ensemble comprend 17 volumes, édités entre 1854 et 1862.