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Emmanuel ARAGO 

(Paris, 6 août 1812 - Paris, 26 novembre 1896)


Français
.

Homme politique.



par Marc Nadaux


 

     Quelques dates :

1836, prête serment d’avocat.
1839, défend Armand Barbès
.
1848, obtient le poste de Commissaire de la République à Lyon.
         
élu député de la future Assemblée constituante.
1851, met sur pied un Comité de résistance au coup d'Etat.
1869, élu député à Paris
.
1871,
nommé ministre de la Justice du Gouvernement de Défense nationale.
1875, vote en faveur des lois constitutionnelles.
1877, préside le groupe de la Gauche républicaine au Sénat
. 



 






Emmanuel Arago naît le 6 août 1812 à Paris. Il est le fils aîné de François Arago, l’homme de sciences à la carrière si prometteuse et de Lucie Carrière, avec laquelle il s’est marié l’année précédente. L’enfant aura deux frères : Alfred, né le 10 juin 1815 et Gabriel, le 25 novembre 1816. Ensemble ils grandiront, s’amusant dans les jardins de l’Observatoire. De nombreux et prestigieux scientifiques sont invités à la table des Arago, François est membre de l’Institut depuis 1809. Pourtant, après de brillantes études secondaires, c’est vers le droit qu’Emmanuel Arago se dirige, ne fréquentant cependant les bancs de la faculté qu’en dilettante. Dans le sillage de son oncle Etienne, il entre bientôt en littérature. Arago publie des vers et surtout des vaudevilles écrits en collaboration avec d’autres tacherons de la plume. La Demande en mariage est ainsi donnée le 12 septembre 1830 au Théâtre des Variétés, La Nuit de Noël au Vaudeville à partir du 24 décembre 1831, puis L’Antécédent, Le Pont-Neuf ou Mademoiselle Aissé dans les années qui suivent. Logeant à présent rue Cassini, il fait ensuite la rencontre de Georges Sand et de son mentor Jules Sandeau. Celle-ci devient son amant, lui présentant également sa bonne amie, la comtesse d’Agoult. Emmanuel Arago fait ainsi son entrée dans les salons parisiens.

Au mois d’août 1836, il achève enfin ses études de droit et prête serment d’avocat au mois de novembre suivant. Inscrit au barreau, Arago est lauréat en 1838 du concours de la conférence du stage, distinguant chaque année un jeune avocat. Il plaide, assurant sa réputation lors des procès politiques et ses revenus dans les affaires pénales liées aux brevets d’invention. Le magistrat s’inscrit ainsi dans la tradition familiale, scientifique et républicaine. Après avoir défendu le comte de Ruolz, découvreur du procédé d’argenture, il est aux cotés d’Aloys Huber au mois de mai 1838, qui est soupçonné d’avoir fomenté un attentat contre la personne du roi Louis-Philippe. Son audace étonne alors. L’année suivante, Arago défend ensuite Armand Barbès, qui a conduit le 12 mai 1839 l’insurrection de la Société des Saisons avec Auguste Blanqui. C’est une cause perdue et son client est condamné à mort le 12 juillet. Le militant républicain ne doit en effet son salut qu’à l’intervention énergique de Victor Hugo et d’Alphonse de Lamartine, qui obtiennent sa grâce de Louis-Philippe au terme d’une longue campagne d’opinion. En 1841, Emmanuel Arago est avec Ledru-Rollin face à la cour d’Angers. Ce dernier se voit reprocher une profession de foi électorale jugée subversive par les autorités de la Monarchie de Juillet, car trop teintée de républicanisme. Cet engagement politique n’empêche pas Arago d’être élu par ses pairs au Conseil de l’Ordre en 1846, ceux-ci reconnaissant son grand talent.



Les événements de février et l’instauration de la Seconde République lui offre de nouvelles opportunités. Son père François Arago est nommé au Gouvernement provisoire et son oncle Etienne directeur des Postes. Comme ses parents, il se met au service de la jeune République et obtient du ministre de l’Intérieur, qui n'est autre que son ancien client Ledru-Rollin, le poste peu convoité de Commissaire de la République à Lyon, le 27 février 1848. Dans la ville flotte le drapeau rouge et les ouvriers de la soie, qui se sont soulevés à plusieurs reprises sous la Monarchie de Juillet, manifestent toujours dans les rues. Afin de se rallier les couches populaires, Emmanuel Arago décide d’une augmentation des impôts et fait saisir 500.000 Francs appartenant au comptoir d’escompte. Il espère ainsi assurer les distributions de subsistance et le paiement des employés des Ateliers nationaux. Le représentant du Gouvernement provisoire décide seul à Lyon, prenant l’allure d’un dictateur populaire. Il ne tient pas sa ville cependant, s’aliénant toute les catégories de la population : les classes laborieuses touchées par la crise, les notables pressurés, l’Église après l’expulsion des congrégations, l’armée avec le renvoi du général commandant la place. Tirant les conséquences de son échec, Emmanuel Arago demande bientôt son rappel. Un autre opportunité s'offre à lui.

Le 23 avril 1848, il est élu député de la future Assemblée constituante, dans les Pyrénées-Orientales, tout comme son père et son oncle. Figurent ainsi trois Arago parmi les cinq parlementaires qui représentent le département à Paris ! Un mois plus tard cependant, Emmanuel Arago est nommé " envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire " auprès du roi de Prusse. A Berlin, il retrouve le grand ami de son père, Alexandre de Humboldt. Loin des événements qui agitent la Seconde République, l’ambassadeur essaie de donner du nouveau régime une image de modération. Le 10 décembre 1848 cependant, au soir de l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République, Arago donne sa démission. A son retour à Paris, il reprend sa place  sur les bancs de l’Assemblée législative, aux cotés des républicains. L’ancien Commissaire de la République est d’ailleurs blanchi par ses pairs, le 15 février 1849, des évènements survenus à Lyon au printemps précédent. Quelques mois plus tard, les élections législatives, organisées le 13 mai 1849, donnent une large majorité au parti de l'Ordre. Tout comme son père François, Arago retrouve néanmoins son siège de Représentant du peuple. Dans les années qui suivent, il est aux cotés de la Montagne pour s’opposer à l’expédition de Rome, aux lois restreignant les libertés et le corps électoral.

Le 4 août 1850, Emmanuel Arago se marie avec Catherine Lovely Renol Forger, fille d’un propriétaire du Lot-et-Garonne. Le couple aura trois enfants. Lors du coup d’État du 2 décembre 1851, il est un des députés républicains qui mettent sur pied un Comité de résistance et appellent aux armes contre le coup de main de Louis-Napoélon Bonaparte. Après le rétablissement de l’Empire, c’est en reprenant ses plaidoiries au barreau de Paris qu’il s’oppose au nouveau régime. En 1864, il plaide ainsi lors du procès des Treize. Trois années plus tard, Arago défend le polonais Berezowski, qui a tiré sur le Tzar Alexandre II au champs de courses de Lonchamp. En compagnie d’un de ses jeunes confrères, Léon Gambetta qui se rend célèbre en 1868 lors du " procès Baudin ", Emmanuel Arago fréquente les salons parisiens, celui de Marie d’Agoult ou de celui de Juliette Adam. Son cabinet vit également des procès liés aux affaires de propriétés industrielles et, en 1865, l’avocat d’opposition est de nouveau élu membre du Conseil de l’Ordre. Le 22 mai 1869, grâce notamment au soutien de son oncle Etienne et de son journal Le Corsaire, il est élu député à Paris. Pour siéger au Corps Législatif cependant, Arago accepte de prêter serment à l’Empire. Celui-ci se libéralise et c’est le moment pour lui de faire de nouveau entendre sa voix.



Le 19 juillet 1870 et après le vote par le Corps législatif des crédits nécessaires à la mobilisation, la France déclare la guerre à la Prusse. Après les premières défaites à l'Est, Napoléon III et les troupes françaises sont encerclées à Sedan, le 1er septembre suivant. L'Empereur choisit de se rendre. Il refuse cependant de traiter avec les autorités allemandes, la responsabilité en incombe donc à l'Impératrice, régente de l'Empire, et au Gouvernement. Cependant, le surlendemain, les députés républicains, Emmanuel Arago en tête, se prononcent pour la déchéance du régime en place. Le Corps législatif s'y oppose. Le 4 septembre 1870 enfin, la foule des parisiens envahit le Palais-Bourbon où Léon Gambetta annonce la fin du Second Empire. Plus tard, à l'Hôtel-de-Ville, la République est proclamée. Un Gouvernement provisoire est alors formé tandis que le Prince Impérial et l'Impératrice gagnent Deauville et s'exilent bientôt en Angleterre. Il est placé sous la présidence du populaire général Trochu. Dans ses rangs figurent les principaux hommes politiques républicains dont Emmanuel Arago, ministre sans portefeuille. Son oncle Etienne est proclamé maire de Paris. C’est donc le retour des Arago au pouvoir. Ce "Gouvernement de défense nationale" ordonne la résistance à outrance face à l'ennemi. Il lui faut pour cela fédérer les énergies en rappelant à la population l'élan patriotique de 1789, en faisant appel à l'armée et à la garde nationale. Cependant, le 19 septembre suivant, les troupes allemandes encerclent Paris.

Quelques jours plus tôt, le 12 septembre, Emmanuel Arago est nommé ministre de la Justice, en remplacement d’Isaac Crémieux. Son pouvoir est en déliquescence cependant. Le 31 octobre, il est aux mains des insurgés parisiens qui prennent d’assaut l'Hôtel-de-Ville, en réponse à la capitulation de Metz. Le ministre ne doit son salut qu’à l’intervention de la Garde nationale décidée par Jules Ferry, alors ministre délégué " près l'administration du département de la Seine ". Le 28 janvier 1871, l'armistice est signé par Jules Favre, ministre des Affaires étrangères. Selon les vœux du chancelier prussien, des élections législatives doivent être organisées. Ce dernier souhaite en effet définir les conditions du règlement du conflit en ayant un pouvoir représentatif pour interlocuteur. La responsabilité en incombe à Emmanuel Arago. Le scrutin qui se déroule le 8 février donne naissance à une nouvelle Assemblée nationale. Avant cela, le ministre de l’Intérieur est envoyé à Bordeaux où il rejoint Léon Gambetta, qui avait quitté la capitale en ballon le 7 octobre 1870 pour organiser depuis Tours de nouvelles armées. Emmanuel Arago démet le tribun, son ami, de ses fonctions. La nouvelle Chambre nomme Adolphe Thiers président du gouvernement, dans lequel il ne figure plus. Élu député dans les Pyrénées-Orientales, il retourne à la vie de parlementaire et participe ainsi à la naissance de la Troisième République.



Dans une Chambre à la très large majorité conservatrice, Arago siège parmi les républicains modérés. Il vote ainsi contre l’abrogation des lois d’exil frappant les Bourbons et contre le pouvoir constituant de l’Assemblée. Lors de la crise du mois de mai 1873, Emmanuel Arago se range aux coté de Thiers, que séparait pourtant d’avec son père de nombreux différents. C’est que la survie de la République est en jeu et le chef de l’exécutif s’est déclaré en sa faveur, le 13 novembre 1872, dans un message adressé aux Chambres. Celles-ci le mettent bientôt en minorité. Avec l’arrivée au pouvoir du maréchal de Mac-Mahon et le début de l’Ordre moral, Adolphe Thiers, tout comme Jules Grévy ou Emmanuel Arago, se consacrent à présent à animer le parti républicain. Le 25 février 1875, ce dernier vote en faveur des lois constitutionnelles qui donnent corps au nouveau régime.

Au mois de décembre suivant, celui qui fait partie des doyens parmi les députés est élu par ceux-ci sénateur inamovible. Emmanuel Arago refuse cependant cet honneur et est élu l’année suivante dans son département des Pyrénées-Orientales. Le choix des électeurs seul décide donc de son entrée à la Chambre haute, qui siège à l’époque et jusqu’en 1879 à Versailles. Au mois de mai 1877, alors que les Opportunistes sont arrivée au pouvoir avec l’élection à la présidence de la République de Jules Grévy, un vieil ami de son oncle, Arago préside le groupe de la Gauche républicaine au Sénat. Celui-ci soutiendra le gouvernement de Jules Ferry.

Au mois d’août 1879, l’élu est à Perpignan pour l’inauguration de la statue représentant son père, l’illustre savant. Un autre monument est lui aussi installé à Paris en 1886 sur le boulevard qui porte son nom depuis le Second Empire et les travaux du préfet Haussmann. Depuis 1880, Emmanuel Arago représente la France auprès de la Confédération helvétique en tant que ministre plénipotentiaire. Observateur attentif de la société suisse, il adresse en 1890 un rapport au ministre des Affaires étrangères Alexandre Ribot, lui faisant l’éloge du système suisse d’assurances et de crédits populaires, de la création d’un Institut de protection du travail… De retour au Sénat quatre années plus tard, Arago est candidat à la succession de Sadi Carnot à la présidence de la République. Casimir Perier cependant est largement élu. Peu après la démission de ce dernier, il décline la proposition faite par ses pairs d’une nouvelle candidature. Au mois de février 1896, Arago présidera encore un banquet républicain à Saint-Mandé.



Emmanuel Arago décède le 26 novembre 1896 à Paris Il reçoit au Sénat l’hommage du président Émile Loubet. Tout comme son oncle Etienne, lui aussi franc-maçon, ses obsèques sont civiles. Et pendant la cérémonie, le président du Conseil Jules Méline salue en lui " l’un des derniers témoins du siècle qui va finir ".