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                                                                     Marianne, Germania et les autres...

 

Marianne, Germania et les autres...
La représentation féminine
de la nation en Europe.



par
Jean-Marc Goglin

 



1. La représentation.
2. L’impact politique
.


 






La seconde moitié du XIXème siècle est caractérisée par l’affirmation des sentiments nationaux en Europe. Chaque nation, reconnue ou qui aspire à l’être, se choisit une figure représentative féminine en laquelle la population se reconnaît.

Marianne, symbole de la jeune fille des faubourgs populaires ouvriers, devient peu à peu le symbole des Français et de la République.

La question de la représentation de la Nation par une figure féminine pose un problème : existe-t-il une adéquation entre l’image que l’on veut donner de la Nation et la réalité de cette Nation ? En effet, l’image de la nation ne dépend pas de la puissance de la Nation mais de la politique de l’image de la Nation.

Marianne symbolise-t-elle parfaitement la puissance française ? Une comparaison avec d’autres représentations telles Germania, Britannia et Slavia va permettre de répondre à cette question.


          La représentation.


Marianne est souvent représentée avec un bonnet phrygien, symbole de la Révolution française de 1789, et des attributs de paix, par exemple un faisceau, symbole de l’unité de la nation. Sa posture se veut calme et apaisante. En cela, elle se rapproche de Slavia, représentée coiffée de feuilles de tilleul, arbre fragile qui symbolise la bonté, portant un disque, symbole de l’équilibre, la science, la plénitude, une épée sur les genoux. Par contre, Marianne ne ressemble pas à Britannia et Germania dont les épées sont souvent en mouvement. Germania est souvent coiffée de feuilles de chêne tressés, symbole de la vigueur.

La représentation de Marianne affirme un style art-nouveau, beaucoup plus symboliste que les représentations de Germania ou de Britannia plus figuratives et réalistes.


          L’impact politique.


Marianne fait l’objet d’une représentation officielle à partir de 1882. En moins de vingt ans, tous les établissements officiels sont pourvus de son buste, pour enraciner la République. Les municipalités renforcent cette politique officielle par des statues qui inaugurent les places de la République, de la Nation, comme à Paris, en 1899. Marianne apparaît également sur les timbres. Marianne est la seule figure nationale à être reconnue officiellement. Elle symbolise la République et ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. La participation de la France aux conquêtes coloniales ne remet pas en cause le pacifisme de Marianne puisque ces conquêtes ont officiellement pour but d’apporter les " Lumières " aux peuples colonisés.

La représentation de Britannia apparaît dans la revue Judy à partir des années 1840-1850, sous la forme consolatrice, guerrière… Elle apparaît régulièrement dans la presse durant le XIXème siècle et le lecteur sait l’identifier. Elle symbolise l’Angleterre impérialiste et coloniale qui lutte pour assurer la domination de son empire, notamment en Afrique du Sud. Elle s’affirme lors de la crise " jingo " en 1878, au moment où les tensions nationalistes secouent l’Angleterre et durant la guerres des Boers, en 1902. Bien que populaire, cette figure n’a jamais été rendue officielle car sa représentation concurrence celle de la dynastie royale. Durant la guerre 1914-1918, Britannia s’identifiera avec la nation au combat. Les Irlandais, pourtant britanniques, ne se reconnaissent pas en Britannia.

Germania apparaît vers 1813, au moment où les pays de langue allemande luttent contre les armées napoléoniennes. Après une éclipse, elle réapparaît sur le Rhin dans les années 1840. Germania connaît son apogée en 1870, lors de la guerre contre la France de Napoléon III. Peu à peu, son image s’efface. Bismarck, chancelier du nouveau Reich, proclamé à Versailles en janvier 1871, ne s’en sert pas pour intégrer la nation allemande. La République de Weimar la rejettera et le régime nazi l’utilisera peu. Les Autrichiens ne se reconnaissent pas en Germania.




Germania, en armes sur les bords du Rhin.
(Gravure allemande, 1870)


Slavia apparaît dans l’empire autrichien vers 1867. Elle représente la nation tchèque qui réclame son indépendance au moment où le suffrage universel se généralise et les revendications nationales s’amplifient en Bohème qui s’estime victime du compromis de 1867 entre l’Autriche et la Hongrie, lequel donne son autonomie au nouveau royaume de Hongrie. Slavia est en concurrence avec Pannonia qui représente la nation hongroise. Lorsque la Tchécoslovaquie est créée en 1918, Slavia n’est plus utilisée.


Au de-là d’une représentation féminine, il existe une grande variété de représentation de la Nation. Marianne symbolise la France et cette représentation de la France est en parfaite adéquation avec la politique de la Nation. Au contraire, les représentations de Britannia et de Germania ne correspondent pas à la réalité politique britannique et allemande. Leur image est en de ça de la réalité de la puissance britannique et allemande. Slavia, elle, disparaît au moment où la Nation tchèque se dote enfin d’un système politique qui lui soit propre.